Le socialisme
pour les années 80

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    Dans la grave crise que traverse la société française, alors que ceux qui nous gouvernent manquent de grands desseins et que la conduite des affaires publiques est dictée par les exigences les plus cyniques du profit et du pouvoir, le Parti socialiste se tourne vers les Français pour leur dire :

    Vous n'êtes pas désarmés devant une crise dont vous devinez qu'elle n'a pas éclaté par hasard  ce sont les privilégiés dans notre pays qui tendent à accréditer cette idée, parce qu'ils ne veulent surtout pas mettre en cause leurs privilèges ni la stratégie des puissances qui garantissent à leurs yeux la pérennité de l'ordre établi, c'est-à-dire leurs propres intérêts de classe. La crise, en définitive, c'est eux : ce sont leurs habitudes, leurs idées, leur égoïsme, leur inconscience.

Il n'est pas vrai que les travailleurs soient condamnés à l'insécurité et à l'injustice, et les citoyens à toujours moins de liberté ! La France n'a pas le dos au mur face au monde de demain ! Ses atouts sont nombreux : ils résident d'abord dans la capacité humaine, politique et technique de son peuple. C'est cette capacité qu'il faut mobiliser sans tarder davantage vers de grands objectifs.

    N'écoutez pas les sirènes de la résignation, de ceux qui préfèrent l'euthanasie de la France à la mise en cause de leurs privilèges. La démocratie est idée toujours neuve !

    D'immenses possibilités existent pour un pays comme le nôtre pour peu qu'il accepte de transformer ses structures, pour porter haut et loin, en Europe et dans le monde, le message universel du socialisme.

Une société en crise

    Depuis un demi-siècle, la société française n'avait pas connu pareille situation. L'extension du chômage, la dégradation du pouvoir d'achat, l'envol des prix, le démantèlement des industries de base, les atteintes à la Sécurité sociale, la crise des services publics, les attaques multipliées contre les libertés, le malaise social généralisé forment un tableau qui contraste avec le luxe insolent des privilégiés, le train de vie insouciant de la France riche et la fatuité des gouvernants.

    Depuis l'élection de M. Giscard d'Estaing, l'avenir est en panne. Production, investissement, recherche, natalité, tout stagne ou régresse.

    L'éventration de l'économie française sur l'autel du capitalisme multinational présentée comme une fatalité de la division internationale du travail s'est accélérée.
Les petites et moyennes entreprises que ne protège aucune organisation sérieuse de la sous-traitance sont frappées par une vague de fermetures et de faillites qui croît chaque année, tandis que les premiers bastions de la vieille industrie s'effondrent au rythme même des exportations de capitaux et des créations d'industries nouvelles dans les pays en voie de développement ; le textile en est le meilleur exemple. La liquidation des charbonnages, en pleine période de difficultés énergétiques, se poursuit. L'explosion du mécontentement des agriculteurs en 1976 marque un pas supplémentaire dans le refus de prendre en compte les difficultés du monde agricole vidé de sa substance par une politique de rentabilisation forcenée : l'agriculture qui devait être " le pétrole de la France " voit ses capacités d'exportation atteintes depuis quelques années.
Dans d'autres domaines, la politique du pouvoir et la logique de ses choix provoquent des conflits très graves : qu'il s'agisse du maintien d'une centralisation abusive et du refus d'une véritable régionalisation ou du démantèlement des structures universitaires. " Société bloquée ? " L'expression ne traduit pas la réalité. Ce qui est vrai, c'est que la société française est soumise à une tentative cohérente de mutation forcée. Il ne s'agit pas pour ceux qui aujourd'hui sont au pouvoir de mettre la société française en état de répondre à la crise. Il s'agit bien davantage de l'y adapter. Dans une société où la moitié des salarié(e)s gagne moins de 3 000 francs par mois, l'inégalité triomphe : le système scolaire et universitaire l'entérine. La réforme de la Sécurité sociale et les tentatives sans cesse renouvelées pour la remettre en cause sous prétexte de résoudre ses problèmes, l'extension du chômage féminin et le développement du travail intérimaire, la négation du droit des femmes à l'emploi, la marginalisation d'une partie croissante de la jeunesse, l'enfermement du 3e âge dans les ghettos de l'assistance médicalisée, le durcissement des conditions de vie et de travail d'une main-d'œuvre immigrée que l'on juge indispensable sans en tirer les conséquences, autant de signes qui vont au-delà de l'impuissance et de l'incurie et sont vécus de plus en plus par les Français comme l'effet d'une volonté d'ensemble. Très tôt, la planification a été oubliée, puis délibérément abandonnée. Les travaux d'élaboration du 8e Plan en font désormais un simple catalogue d'intentions, un éventail de virtualités. Il n' a plus que la valeur que la grand patronat voudra bien lui accorder. La multiplication des plans régionaux ne doit pas faire illusion : elle institutionnalise le transfert des charges de l'État vers les collectivités locales et le saupoudrage des crédits électoraux. Les services publics sont soumis à la loi du marché et l'on verra successivement la S.N.C.F., la R.A.T.P., les Postes et Télécommunications, aujourd'hui le secteur hospitalier, abandonner des missions pourtant essentielles pour soutenir une concurrence que l'on fait tout, par ailleurs, pour maintenir ou rendre inégale.

    Il en va de même pour la recherche, sacrifiée au profit immédiat et aux applications à court terme, comme pour l'école et l'université malgré la résistance opiniâtre des enseignants et des parents d'élèves. Là aussi l'heure est au " redéploiement ".

    Toujours aussi mal vécue, toujours aussi mal supportée par une société française à qui elle reste profondément étrangère, la mobilité de la main-d'œuvre accélère la désertification d'une moitié du territoire, crée dans l'autre moitié des tensions qu'aucun aménagement raisonné ne tente de résoudre.
Les premières années de Giscard sont aussi celles des luttes urbaines et d'exigences nouvelles concernant le cadre de vie. Mais à l'urbanisme inhumain de la croissance capitaliste a succédé l'urbanisme de pénurie de la crise. D'immenses besoins de logements et d'équipements collectifs restent insatisfaits. les ambitions de la période de prospérité sont abandonnées, et les chantiers des villes nouvelles interrompus. Jusque dans les loisirs, on voit se manifester les mêmes reculs : le nombre de Français qui partent en vacances stagne, le nombre de ceux qui peuvent pratiquer un sport n'augmente que très lentement. La culture n'est jamais que le reflet de cette réalité. La crise de création qui frappe le cinéma français, la production télévisée et, plus généralement, la production artistique ne semble pas préoccuper les milieux dirigeants : les seuls travaux de construction ou d'aménagement de musées et de conservation du patrimoine monumentale absorbent l'essentiel de leurs efforts. On conserve, faute de créer. Et chaque jour le poids économique du chômage s'accroît (21 milliards de francs par an d'indemnisations sans compter le manque à gagner dans la production, les pertes de rentrées fiscales et de cotisations sociales, soit au total plus de 100 milliards de francs).

    Et face à tout cela, la résistance des travailleurs. Sans doute, celle-ci, depuis l'abandon de la stratégie du Programme commun par la direction du Parti communiste, ne peut-elle s'appuyer sur un rapport de forces politique aussi favorable. D'où un certain désintérêt et une passivité apparente. Dans la conscience de couches sociales de plus en plus nombreuses, il n'y a plus d'avenir concevable. Le pouvoir aurait tort de s'en satisfaire. La rupture d'une partie de la jeunesse avec le mouvement général de la société est lourde d'inquiétudes et de périls.

    Mais le niveau de combativité des travailleurs, s'il a été parfois émoussé, n'a été brisé ni par la crise, ni par le chômage, ni par la désunion, et s'affirme encore avec force. Dans tout le pays, des centaines d'entreprises occupées pendant de longs mois ont été sauvées grâce au combat de ceux qui y travaillent.

    Dans l'aéronautique, la sidérurgie, la construction navale, c'est grâce aux travailleurs et à leurs organisations syndicales que le pire est encore évité, que l'espoir demeure. En même temps s'affirme une exigence croissante de responsabilité. Jamais le mouvement associatif n'a été aussi vivant, jamais la volonté des départements, des communes, des régions d'échapper aux tutelles et aux contraintes n'a été aussi nette.

    Jamais les femmes ne se sont autant mobilisées pour dénoncer, en même temps que la surexploitation qu'elles subissent dans les entreprises, les rôles subalternes dans lesquels on les cantonne à tous les niveaux de la société. Jamais l'opposition entre l'intérêt général et le maintien des privilèges de tous ordres n'a été aussi fortement marquée.

    L'immense mouvement qui a porté la Gauche, unie sur une perspective de rupture avec le capitalisme, aux portes de la victoire reste vivant dans la conscience populaire. Les luttes des travailleurs et ce qu'elles ont révélé d'imagination, de courage, de capacité d'initiative ; la résistance obstinée de notre peuple ; la volonté affirmée de vivre, travailler, décider au pays ; le besoin de maîtriser son propre destin, tel que l'expriment tous ceux qu'aucune propagande ne pourra convaincre de renoncer, maintiennent une autre perspective en ce début 1980 : celle du socialisme et de l'autogestion.

    C'est cette vaste aspiration populaire, traduite sous des formes multiples par les ouvriers, les employés, les paysans, les cadres, les enseignants, la jeunesse, que nous devons assumer. La situation appelle des solutions énergiques et une vaste mobilisation. Elle appelle aussi une réponse politique.





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