La gauche attend de nous des options claires

Martine Aubry
Intervention de Martine Aubry, maire de Lille, lors du Conseil national du Parti socialiste du 17 septembre 2005.


 
Je vais aller vite car, effectivement, l’essentiel est derrière nous. Je voudrais simplement dire qu’avec certains camarades, nous avions présenté une contribution : « Face au libéralisme, une seule alternative : le socialisme ». Nous continuons à en être sûrs, et nous nous retrouvons, comme nous l’avions dit d’ailleurs, dans la motion et derrière François Hollande, pour deux axes majeurs. D’abord, parce que nous partageons la même conception de la politique. Nous voulons porter haut notre idéal en partant du réel, convaincus que le libéralisme ne peut pas être combattu par quelques ajustements, ou même par quelques corrections de ces effets néfastes, mais que c’est bien aujourd’hui un projet alternatif qu’il nous faut proposer contre la loi du plus fort, celle des armes, de l’argent, les Etats-Unis en sont aujourd’hui le meilleur exemple, dont la réponse n’est évidemment que celle de la violence, un projet alternatif remplacé par la justice et la volonté de construire une société où les hommes et les femmes aient envie de combattre avec nous.

La gauche qui se bat aujourd’hui, celle des syndicats, du mouvement social, des associations, comme la gauche qui souffre aujourd’hui, attendent de nous et de notre congrès, j’en suis convaincue, des options claires.

Alors, mes camarades, je ne suis pas sûre que, ce matin, nous ayons déjà rempli cette règle que j’aimerais que nous nous fixions, essayons d’éviter les faux débats. Je ne crois pas qu’il y ait dans notre parti une gauche molle et une gauche dure, une gauche qui serait prête à tous les compromis avec le libéralisme et celle qui camperait fièrement sur ses convictions et ses valeurs, une gauche prête à toutes les alliances illégitimes et celle qui serait la seule à pouvoir rassembler les forces du progrès. Rappelons-nous l’histoire du Parti socialiste, nous l’avons faite ensemble, nous n’avons jamais été dans ces divisions-là.

Depuis longtemps d’ailleurs, nous savons tous, en tout cas, je le croyais jusqu’à ces derniers jours, que la combinaison avec le centre n’a aucun avenir, de même que courir pour des alliances avec des partis dont le seul objectif a toujours été de marginaliser le Parti socialiste. Non. Nous, socialistes, nous sommes convaincus que le rassemblement de la gauche doit se faire dans le respect des autres, mais autour du Parti socialiste, au cœur de la gauche.

Le deuxième axe qui nous amène à signer, je le dis avec enthousiasme, la motion de François, c’est que le leitmotiv de cette motion, c’est la justice. Je ne vais pas refaire les propositions, il faut bien sûr des propositions fortes, tout le monde l’a dit, sur un certain nombre d’éléments : justice dans la distribution des revenus et de la fiscalité, justice dans l’accès aux droits de l’éducation au logement, en passant par l’emploi, justice dans le traitement des territoires, justice par rapport aux générations futures en préparant l’avenir, justice dans la démocratie en cassant le clientélisme, le corporatisme, le communautarisme que la droite est en train de mettre en place.

Mais je voudrais dire un mot, mes camarades : nous aurons tous des propositions, il faudra en débattre, sur ces points majeurs, car ce sont les priorités à court terme des Français. Mais je crois que nous devons aller plus loin, Utopia nous y invite, et quelques autres que j’ai entendus, eh bien allons-y, car le sujet n’est pas seulement de régler les problèmes à court terme des Français, il est de construire une autre société. Ces Français qui hésitent entre l’individualisme et le repli sur soi, ces Français qui ont perdu confiance en eux-mêmes et dans la France, alors que nos atouts sont immenses et les leurs aussi. Ces Français qui se laissent envahir par le libéralisme, où la consommation, le matérialisme remplacent l’ensemble des valeurs collectives, où la communication remplace l’action, où l’urgence est toujours meilleure que le traitement du long terme, où la morale collective, il faut bien le dire, recule.

Alors, ce qui est attendu, c’est bien sûr des réponses, et nous allons en discuter ensemble. Mais c’est aussi un projet d’une autre société face au libéralisme, d’une société qui soit capable de porter l’universalisme au-delà de nos frontières.

Je dirais simplement : disons aux Français ce que nous pouvons leur apporter, mais demandons-leur de respecter les règles, de respecter les autres, et de faire preuve de solidarité dans leurs quartiers, dans leurs immeubles, mais aussi face au sud qui nous attend.

Un mot sur notre congrès : gardons nos déclarations acerbes pour la droite. Je ne crois pas que la droite soit différente aujourd’hui de celle d’hier. Elle a toujours été clientéliste, inique, sécuritaire. Rappelez-vous Pasqua, rappelez-vous les ordonnances de Juppé, rappelez-vous le CIP de Balladur. Elle est aujourd’hui simplement plus libérale, je l’ai combattue hier, je la combats aujourd’hui avec la même force.

Montrons aux Français le meilleur de nous-mêmes, c’est-à-dire un parti démocratique qui débat, mais qui leur parle, qui continue de leur parler. Pendant les travaux, le combat continue contre la droite, mais aussi pour proposer aux Français.

Sachons dépasser le oui et le non, mais vraiment ! J’ai entendu ce matin beaucoup de gens qui disaient la même chose pour aussitôt dire : seul un camp avait raison.

Oui, il nous faut construire une Europe sociale, elle est aujourd’hui en panne, retrouvons le chemin avec le PSE. Non, nous ne devons pas tourner le dos à ce qui s’est passé le 29 mai, et notre congrès doit proposer à ceux qui souffrent, à ceux qui rejettent l’Europe libérale la politique de la droite, mais aussi notre incapacité alors d’avoir une alternative, nous devons la proposer justement au Mans.

Enfin, si je souhaite que la motion de François Hollande permette de fixer clairement notre orientation politique pour l’avenir, je voudrais dire que le vote des motions est pour moi une phase majeure qui fixe la ligne, mais que nous ne pouvons pas nous arrêter là. Nous ne pouvons pas rester figés. Les Français attendent une unité, un rassemblement le plus large possible.

Alors, essayons tous de dire que l’important, c’est de sortir de ce congrès, certes, avec une orientation politique claire que je respecterai, même si ce n’est pas celle que je défends ; mais aussi avec une majorité rénovée, une direction rajeunie, véritablement paritaire, aux couleurs de notre pays, et cette fois-ci, faisons-le, un parti avec des règles démocratiques encore plus fortes, un parti qui respecte ces règles du cumul sur lesquelles il s’est engagé, ne pas seulement dire, mais faire, et se rappeler aussi que la force des convictions ne se mesure pas à la force de discours à la table d’un congrès ou au pupitre, mais à la capacité de faire dans l’exercice du pouvoir et dans la cohérence de l’histoire qui est celle de chacun d’entre nous, mais qui est aussi la nôtre tout entière. Voilà combien j’aimerais que le Parti socialiste redevienne l’espoir et l’espérance pour la France. Merci.

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