Nous avons pesé pour un projet de gauche crédible

Martine Aubry



Entretien avec Martine Aubry, maire de Lille, paru dans le quotidien Libération daté du samedi 15 mars 2003
Propos recueillis par Renaud Dely
 

Pourquoi finissez-vous par vous rallier à François Hollande ?
Défendre ses idées, ce n'est pas se rallier. Nous ne voulions pas nous rassembler avant de savoir sur quel contenu. Nous avons donc souhaité d'abord débattre avec les militants des causes de notre échec et de la situation de la société, avant de présenter nos propositions dans une contribution. Notre ambition est de reconstruire une espérance collective pour un pays qui vit une large crise démocratique et dans lequel une partie des catégories populaires s'est sentie oubliée. Nous avons pesé largement pour que le texte présenté par François Hollande porte un projet de gauche crédible. Aujourd'hui, la clarification a été menée à bien, cette motion est aussi la nôtre. Nous prenons nos responsabilités.

C'est donc la motion Aubry soutenue par Hollande ?
Non. Certes, nous avons beaucoup contribué à ce texte. Nous le présentons aujourd'hui ensemble, et avec d'au tres, parce qu'il est désormais clairement de gauche et propose une profonde rénovation du parti. L'emploi en reste le cœur. C'est pourquoi nous réaffirmons que les 35 heures doivent s'appliquer à tous, qu'il faut revaloriser fortement les bas salaires, asseoir les cotisations patronales sur l'ensemble de la richesse de l'entreprise, taxer le travail précaire, etc. Nous avons aussi renforcé la place des services publics et réhabilité l'impôt autour d'un principe : des impôts justes pour des services publics forts. Défenseurs des services publics, nous souhaitons leur fixer, dans la loi, des obligations de qualité et d'égalité d'accès et de tarif sur tout le territoire. Nous voulons également faire du logement et de la reconstruction des cités une priorité de la gauche. Attachés à la laïcité et à la citoyenneté, nous avons insisté sur le droit de vote des étrangers aux élections locales et sur la suppression de la double peine. La gauche doit avoir le courage d'affirmer ses convictions, même si ce n'est pas toujours populaire. A force de ne pas défendre nos valeurs de peur de faire le jeu de l'extrême droite, on l'a eu, le Front national, le 21 avril. Et nous prônons une Europe fédérale et sociale, seule à même de défendre la paix et de lutter contre la globalisation libérale.

Comment Dominique Strauss-Kahn ou Laurent Fabius peuvent-ils souscrire aux 35 heures pour tous ou au renforcement des services publics ?
Certains n'ont pas souhaité s'exprimer en présentant leur propre texte. C'est leur responsabilité, je la respecte. Ce qui m'importe, c'est que notre projet soit défendu et appliqué.

Vous avez obtenu des garanties ?
Oui. Pour éviter que ce texte ne soit oublié ou critiqué dès le lendemain du congrès par ceux-là mêmes qui l'ont voté, nous souhaitons, comme François Hollande s'y est engagé, que ceux qui l'auront défendu soient contraints de quitter les instances nationales s'ils en rejettent les choix. C'est une question de crédibilité et de morale politique.

N'empêche que la coalition majoritaire est assez incohérente...
L'essentiel c'est que le texte que nous présentons ensemble soit clairement de gauche, cohérent et qu'il engage chacun de nous.

Vous êtes contestée dans le Nord par Marc Dolez ?
Sans Marc Dolez et les militants, les débats préparatoires au congrès n'auraient pas été aussi riches. Aujourd'hui, nous prenons des voies divergentes. Mais lui et moi poursuivons le même objectif : un vrai projet de gauche appuyé sur une profonde rénovation du parti. De ce point de vue, la motion de François Hollande est claire : elle s'engage à renouveler les instances, à renforcer le non-cumul des mandats, à consulter en permanence les militants, etc. Marc Dolez a fait un choix différent du nôtre. Je souhaite que nous soyons capables de nous rejoindre à Dijon.

Votre rassemblement a un faux air de syndicat d'anciens ministres qui fait le succès d'Arnaud Montebourg...
Il est nécessaire de renouveler le parti pour le rendre plus ouvert et plus représentatif des Français. Mais si le slogan « sortez les sortants » peut être séduisant aux yeux de certains, il n'apporte de réponse ni aux attentes des Français, ni aux enjeux de l'Europe et du monde. Notre choix, c'est celui de l'action parce que la France a besoin de la gauche.

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