Le temps des états d'âme et des interrogations est terminé



Entretien avec Jean-Marc Ayrault, président du groupe PS à l'Assemblée,
paru dans le quotidien Libération daté du mercredi 18 septembre 2002.
Propos recueillis par Didier Hassoux


 

Du projet de loi sur la sécurité à l'assouplissement des 35 heures, les députés so cialistes cherchent le bon ton pour s'opposer. Avec la rentrée, vous allez retrouver de la voix ?
Nos tâtonnements s'expliquent : il fallait surmonter le choc de la défaite. On ne pouvait pas passer brutalement de l'exercice de la responsabilité gouvernementale à celui d'une opposition systématique, voire sectaire. Nous n'aurions pas été crédibles. Il fallait, également, au sein du groupe, réussir l'amalgame entre les anciens ministres, les parlementaires d'expérience et les nouveaux. Mais le temps des états d'âmes et des interrogations est terminé. Et pour cause : si, dans un premier temps, le gouvernement a masqué ses orientations derrière une communication pateline, il se révèle enfin. Rarement, une politique aussi à droite avait été menée. Rester passif reviendrait à cautionner un alignement de la France sur le modèle libéral.

Vous pouvez dire merci à la majorité : elle vous aide à vous ressaisir ?
Raffarin commet quatre erreurs cardinales : une politique fiscale, socialement injuste et économiquement inefficace. Un budget mensonger et appauvrissant pour l'Etat, une absence de politique européenne désastreuse. Mais l'erreur la plus grave, la plus coûteuse pour les Français c'est le démantèlement de la politique de l'emploi de Lionel Jospin. Elle avait permis de créer 2 millions d'emplois, de faire mieux que nos partenaires européens en matière de croissance. L'anéantissement des emplois-jeunes et des 35 heures se paiera très cher en accélérant la recrudescence du chômage. Raffarin peut se retrousser les manches, ce sera notre première bataille parlementaire d'envergure. C'est pourquoi j'ai de vrais doutes sur la capacité du Premier ministre à diriger le pays. Il nous montre son incapacité à tenir un cap. France Télécom en est le dernier exemple. Le gouvernement débarque un dirigeant sans nommer de remplaçant, sans proposer de stratégie industrielle, sans s'occuper des salariés, ni des petits actionnaires. Ce n'est pas une méthode.

Comment espérez-vous tenir le groupe à l'abri des batailles internes lors du prochain congrès du Parti socialiste en mai ?
Il ne s'agit pas de jouer au petit jeu du « plus à gauche que moi tu meurs ». Les socialistes vivent encore sous l'emprise du complexe réformiste. Ils doivent assumer leur appartenance à la social-démocratie. Les étiquettes qu'on se colle les uns sur les autres (gauche molle, gauche Viagra, sociaux-libéraux, etc.) sont dépassées. Il faut surmonter les vieux clivages, les vieux courants, sortir des synthèses artificielles et des faux équilibres. François Hollande doit s'extraire de ces jeux d'appareils pour porter un projet populaire et réformiste qui fasse rêver. Je suis prêt à l'y aider.

Pendant cinq ans, la gauche a été « plurielle », comment peut-elle se reconstruire ?
Le PS doit porter les espoirs de la gauche sans imaginer la représenter à lui tout seul. Pour cela, il doit d'abord se réformer, se ressourcer. Car c'est autour de lui que l'essentiel se fera. Le PS de demain ne doit être ni mollétiste, ni blairiste. Entre ces deux écueils, il y a de la marge. Une fois ce travail de fond accompli, il pourra proposer la tenue d'états généraux de toute la gauche qui devraient même se tenir au niveau européen.

© Copyright Libération.com

Page précédente Haut de page



PSinfo.net : retourner à l'accueil

[Les documents] [Les élections] [Les dossiers] [Les entretiens] [Rechercher] [Contacter] [Liens]