Je crains un congrès de surenchères

Jean-Marc Ayrault


Entretien avec Jean-Marc Ayrault, député-maire de Nantes, président du groupe socialiste à l'Assemblée nationale, paru dans Libération daté du vendredi 25 avril 2003
Propos recueillis par Didier Hassoux
 

Comment avez-vous perçu les critiques des opposants à François Hollande ?
Ces critiques sont particulièrement regrettables. Empêtré dans ses difficultés économiques et sociales, Jean-Pierre Raffarin se réjouit chaque jour de nos contradictions pour accomplir son projet hyperlibéral. Allons-nous lui prêter la main en tombant dans les surenchères ridicules qui, au final, nous rendent inaudibles ? Rater le congrès de Dijon reviendrait à précipiter le Parti socialiste sur le toboggan du déclin alors que le pays a besoin, non pas seulement d'une alternance, mais d'une alternative crédible.

Pour éviter cette dégringolade, vous souhaitez finalement que « tout le monde se retrouve derrière le chef », comme le fait remarquer Emmanuelli ?
Il est naturel qu'existent des divergences entre les différentes motions. C'est le cas sur l'Europe, c'est le cas sur la stratégie à mener pour reconquérir notre électorat. Nous devons bien évidemment parler de ces différences pour les régler. Mais je n'accepte pas, comme certains le disent depuis l'été dernier, que l'on « fasse feu sur le quartier général ». Nous sommes collectivement responsables de la défaite. Partisan de François Hollande, moi aussi, je revendique le droit et même le devoir d'inventaire. Nous devons tirer le bilan des années Jospin avec ses forces et ses faiblesses. Mais j'en ai un peu assez du réformisme honteux, complexé qui rase les murs. Assumons notre identité d'authentiques sociaux-démocrates sans verser toujours dans le " plus à gauche que moi tu meurs ''. Le PS doit devenir le parti de toute la société. Malheureusement, si cela continue, je crains le scénario catastrophe d'un congrès de surenchères sans axe clair. J'ai participé à plusieurs réunions de motion. J'ai le sentiment que beaucoup ne souhaitent pas qu'une majorité se dégage avant le congrès de Dijon. Elle m'apparaît pourtant nécessaire si nous voulons donner aux citoyens de gauche un signal fort de clarté, de lucidité et d'unité.

De ce point de vue c'est très mal parti...
Le Parti socialiste a une énorme responsabilité parce qu'il est la force motrice de la gauche et que les congrès respectifs des Verts et du PCF n'ont pas vraiment été réussis. Je ne veux pas que nous sortions de Dijon en étant obligés de négocier la ligne du parti à chaque bureau national. Je ne veux pas non plus revivre un nouveau congrès de Liévin [en 1994, Henri Emmanuelli était alors premier secrétaire] où le parti faisait un grand virage à gauche et demandait à l'arrivée à Jacques Delors, partisan de l'alliance au centre, d'être candidat à la présidentielle. Je retrouve ce grand écart dans certaines motions qui vendent du neuf pour faire du vieux.

Mais ce flou existe au sein de l'axe majoritaire...
Cet axe est le seul à assumer clairement notre identité réformiste, sociale-démocrate et européenne. La force de François Hollande est de rassembler au-delà des courants traditionnels et d'être le plus audacieux en matière de rénovation. C'est pourquoi il a besoin d'une majorité. Plus elle sera forte, plus il aura les coudées franches pour mener la rénovation sans être tributaire de dosages incompréhensibles. Avec lui toutes les cartes sont sur la table. Ce n'est pas le cas des autres motions qui ne disent jamais avec quelle majorité, avec quels hommes, avec quel premier secrétaire, elles veulent conduire le parti. L'oublier c'est ne pas respecter le vote des militants.

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