Établir un nouveau fédéralisme

Pervenche Berès



Le 27 février 2001, à l'initiative de Pervenche Berès, une douzaine de députés européens du groupe du Parti des socialistes européens, ont lancé un manifeste pour un nouveau fédéralisme pour l'Union européenne.
Quelques jours avant le congrès du parti socialiste européen à Berlin les 7 et 8 mai prochains, nous avons voulu en savoir plus sur ce manifeste.


Entretien avec Pervenche Berès, députée européenne, présidente de la délégation socialiste française au Parlement européen, paru dans l'Hebdo des socialistes daté du vendredi 4 mai 2001.
Propos recueillis par Catherine Ray


 

Comment est venue l'idée d'un tel manifeste ?
Dès le printemps dernier, au moment des négociations qui ont abouti au traité de Nice, nous savions que l'Union européenne était à un tournant. Très tôt, il est apparu que la conférence intergouvernementale en cours n'allait pas permettre de trancher les grandes interrogations que tout Européen est amené à avoir à la veille du prochain élargissement qui va bouleverser encore la donne.
En outre, avec le passage à l'euro, on a franchi une étape dans les vertus de la construction mécanique de l'Union telle qu'elle existait jusqu'alors.

Dans ce contexte, au Parlement européen, un certain nombre d'entre nous ont ressenti le besoin d'apporter notre contributionpour un nouveau contrat entre l'Union européenne et ses citoyens.

Plusieurs personnalités se sont exprimées dans ce sens. Il m'a semblé alors important de porter le débat à l'intérieur de la famille socialiste. C'est ainsi que j'ai rassemblé une douzaine de membres du groupe du Parti des socialistes européens, appartenant tous à des États de la zone euro, pour élaborer, de façon informelle, une proposition de contribution au débat. La délégation socialiste française était représentée par Michel rocard et moi-même.

L'accord s'est fait entre nous autour de la volonté d'établir un " nouveau fédéralisme ".

Pourquoi ce terme de " nouveau fédéralisme " ? Comment le définir ?
Nous avons délibérement décidé d'appeler à un " nouveau fédéralisme " car l'on a constaté que le stade actuel d'intégration de l'Union ne lui permet pas de remplir ses deux fonctions essentielles : sa capacité à être pleinement présente dans le régulation mondiale, diplomatique, militaire, économique et normative ; ainsi que sa capacité à défendre son modèle social, ce qui d'un point de vue de gauche, est essentiel.

Il est clair que pour les tenants des seules règles du marché, le stade actuel de construction européenne permet d'envisager une simple zone de libre échange qui correspond à leurs vues.

Pour nous, pour la gauche, il faut aller plus loin, et renforcer les pouvoirs de l'Union.
Cela passe nécessairement par des progrès accrus quant à la nature fédérale de l'Union.

Pourquoi " nouveau " ?
D'abord parce que le terme de " fédéralisme " a parfois été utilisé, depuis l'origine de la construction européenne, d'une façon souvent perçue comme trop " intégriste ". L'Union ne peut être une fédération comme les autres. Elle a toujours été une construction sui generis reposant sur des États et des peuples.

Ensuite, le terme de " fédéralisme " n'est pas compris partout de la même façon et certains pourraient craindre une volonté de transposer le modèle institutionnel de tel ou tel État membre. Une telle démarche serait inadaptée, malhabile et poserait la question de l'évolution même de ces systèmes fédéraux.

Nous proposons donc une " nouveau fédéralisme " qui répond au modèle d'une Fédération des États et des peuples, et amène à une Union politique de l'Europe.

Le " nouveau"  fédéralisme doit se construire sur la base d'une vision commune des ambitions du projet européen et se traduire dans l'élaboration d'une Constitution européenne. A deux conditions, la rédaction d'une Constitution peut être essentielle : permettre à l'Union de faire un pas supplémentaire dans la voie de l'intégration et vérifier l'adhésion des peuples des différents États membre au projet poursuivi.
Dans l'ambition du projet européen, les conséquences politiques de l'appartenance à l'euro sont pour nous déterminantes mais nous constatons qu'elles ne sont pas mécaniques, il faut une volonté politique pour les installer.

Enfin, nous proposons une simplification du lexique européen afin que chacun s'y retrouve mieux.

Quelle est l'originalité de ce manifeste au regard des nombreux appels à une constitution européenne et à la fédération d'États-nation ?
La grande originalité de ce manifeste, ce qui en fait sa valeur et son poids, c'est qu'il a été élaboré et signé par des élus socialistes issus de 12 États membres de l'Union. Il a été co-rédigé par une douzaine de députés européens français, espagnols, italiens, allemands, belges, portugais, hollandais et luxembourgeois. Aujourd'hui, 94 membres du groupe du Parti des socialistes européens l'ont signé, y compris des Britanniques.
Contrairement aux appels lancés jusqu'ici, ce manifeste est un document collectif et " transnational ".

Je me réjouis de constater qu'en France, il a suscité un réel intérêt et a été plutôt bien accueilli par mi les socialistes.

Quel est son avenir ?
Les auteurs et les signataires de ce manifeste seront présents à Berlin, lors du congrès du Parti des socialistes européens. Notre objectif est d'en élargir la base le plus possible à l'intérieur de la famille socialiste sans remettre en cause la nature de nos propositions. Le débat doit être poursuivi entre les socialistes européens.

A cet effet, le groups du PSE a ouvert un site web sur lequel se trouve le manifeste et les différentes réactions qu'il a déjà suscité.
Il s'inscrit bien sûr aussi dans le débat sur l'avenir de l'Union lancé par le gouvernement la semaine dernière.

Page précédente Haut de page

PSinfo.net : retourner à l'accueil

[Les documents] [Les élections] [Les dossiers] [Les entretiens] [Rechercher] [Contacter] [Liens]

>