Une confédération des composantes de la gauche



 Entretien avec Alain Bergounioux, secrétaire national à la Communication,
paru dans Le Monde daté du 24 août 2002
Propos recueillis par Béatrice Gurrey


 

Que pensez-vous de l'idée d'un parti unique à gauche, pour répondre à l'UMP ?
Elle ne me paraît pas bonne. La gauche française, bien avant 1997, était plurielle et le restera, avec ses différentes sensibilités En revanche, il est nécessaire de réfléchir aux liens entre les différents mouvements et partis de la gauche qui veulent gouverner. Pour les autres, la question ne se pose pas. Le plus intelligent serait sans doute de créer une sorte de confédération qui unirait les différentes composantes de la gauche. Cela nous donnerait une cohérence dont nous avons peut-être manqué dans les dernières années de la législature. Et puis il faut, en effet, répondre au défi conservateur que pose l'UMP.

A quelles conditions ?
Créer un lien fédératif entre les différentes forces de gauche suppose que chacun des partis fasse son propre inventaire, redéfinisse ses positions. Nous pourrons discuter ensemble, à partir du moment où nous aurons un but commun. Les débats approfondis sur le nucléaire, la politique sociale ou l'Europe, par exemple, auraient dû relever des partis. Mais ils n'ont pas eu lieu, depuis 1997, pour ne pas handicaper le gouvernement. Aujourd'hui, nous avons le temps de mener le débat...

Peut-il y avoir, à terme, un débat serein au PS sur les questions économiques et institutionnelles ?
Un débat politique n'est jamais serein, parce que les idées s'accompagnent aussi de compétitions pour la direction des partis. Mais le débat peut être profond et responsable. Nous devons examiner les conditions d'une nouvelle synthèse politique et réfléchir à ce qu'est l'action publique. Le débat est d'autant plus difficile que le bilan n'est pas mauvais. Ce n'est pas comme en 1993 ; nous allions alors au-devant de la défaite. En 2002, elle était évitable. C'est plus traumatisant. Il est donc normal que les débats soient vifs. Il y a quelques mois d'agitation à prévoir, au minimum jusqu'au congrès. La responsabilité du premier secrétaire, c'est que l'on ait des discussions approfondies, au-delà des humeurs, dans les sections, les fédérations. Le PS est la première force d'opposition, c'est avec lui que se reconstruiront les principales formes de l'alternance, qui pourront avancer des propositions convaincantes et réalisables.

" Nous sommes tous des socio-libéraux ", avez-vous déclaré à l'hebdomadaire Le Point. Est-ce le meilleur moyen d'engager le dialogue à gauche ?
Il faut se livrer à un vrai travail d'analyse et éviter les clichés qui empêchent de s'interroger sur les responsabilités de chacun. Social-libéral est un terme polémique qui ne veut pas dire grand-chose. A moins de considérer que les libertés politiques et l'Etat de droit sont des questions secondaires. Evitons de nous jeter des termes sans contenu à la tête. C'est ce que j'ai voulu dire par là.

Vous savez bien qu'à travers ce terme une partie de la gauche évoque les épisodes Michelin, LU, la politique des télécoms, etc.
Le problème est de savoir comment intervient l'Etat. Pour reprendre l'exemple de France-Télécom, ses difficultés sont celles de toute cette industrie dans le monde. Ce n'est pas l'ouverture du capital qui les a provoquées. Même si France-Télécom était resté nationalisé à 100 %, les entreprises sont obligées de réagir à l'évolution des marchés. EDF le fait, même si elle appartient à 100 % à l'Etat. LU décide de se réorganiser. Peut-on le lui interdire ? Il faut poser la question concrètement. L'Etat peut offrir des possibilités de reconversion, contrôler les plans sociaux, mais, en économie de marché, ce n'est pas l'Etat qui dicte sa loi aux entreprises.

Le PS n'a-t-il pas perdu sa base sociale et syndicale ?
Un des problèmes du PS, c'est son lien avec le mouvement social, et en particulier le mouvement syndical. Sans remonter à la Charte d'Amiens, il manque au socialisme français des relations régulières et approfondies avec le mouvement syndical et associatif. C'est ce qui fait qu'il n'est pas un parti de masse, mais un parti électoral, implanté dans la société française autour de ses élus et des élites. Il nous faut établir un travail régulier sur les thèmes, les revendications et les propositions du mouvement social à tous les niveaux - national, régional, départemental.

Que pensez-vous du livre de Marie-Noëlle Lienemann ?
Il est licite de défendre une thèse politique, à mon avis erronée, sur la " dérive libérale " de Lionel Jospin. C'est autre chose d'asséner des jugements acerbes sur une personnalité que l'on a voulu séduire et servir.

Reproduit avec l'aimable autorisation du quotidien
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