Projet de Constitution européenne
Le manque d'harmonisation sociale et fiscale m'inquiète

Eric Besson
par Eric Besson, député PS de la Drôme.
Entretien accordé au quotidien Le Monde daté du 24 octobre 2003
Propos recueillis par Isabelle Mandraud


 

Vous avez récemment exprimé des réserves sur le projet de Constitution européenne. Pourquoi ?
Je me sens assez proche des préoccupations exprimées par Manuel Valls. Nous sommes à la fois la génération 1997 des élus et les héritiers du 21 avril 2002. Au-delà des aspects conjoncturels du 21 avril liés à la division de la gauche, certains domaines comme la construction européenne ont probablement contribué à la rupture entre l'électorat populaire et les élus, notamment de gauche. Il y a une espèce de hiatus entre nous, qui ressentons que seul l'approfondissement de cette construction peut nous permettre de maîtriser la mondialisation libérale, et beaucoup de nos concitoyens, qui voient en l'Europe le principal cheval de Troie de cette mondialisation.

Il faut donc prendre des précautions car cette question peut remettre en cause des fondamentaux. L'Etat-nation doit réaffirmer sa capacité à jouer un rôle protecteur, et les élus prouver qu'ils sont capables de maîtriser ce destin collectif, qu'ils sont responsables, au plein sens du terme, sans s'abriter derrière les contraintes européennes. Nous avons besoin d'une petite musique républicaine.

Vous avez cependant voté le texte de la direction du PS...
Tous les socialistes sont d'accord pour formuler des " exigences " sur la construction européenne. Mais il y a un débat, légitime et profondément sincère, sur l'analyse du projet de Constitution. Il y a ceux qui constatent que ce texte ne comporte aucun recul - c'est vrai. Et ceux, dans un deuxième camp où je me situe, qui s'inquiètent du manque d'harmonisation sociale et fiscale et qui veulent s'assurer que les règles de fonctionnement de l'Union européenne, avec le passage à la majorité qualifiée, permettront de véritables avancées. Pour moi, les mécanismes de coopération doivent être assouplis si l'on veut créer un " noyau dur " d'avant-garde. Car le risque de dilution, à 25, est réel.

Vous ne voteriez pas " oui " en l'état actuel du texte ?
Le PS prendra position lorsque nous connaîtrons le texte définitif. A titre personnel, j'aimerais le faire, mais je ne m'interdis pas de voter non. Si ces deux points majeurs que je viens de décrire, sur l'harmonisation sociale et fiscale et sur les règles de fonctionnement, n'évoluent pas, je ne vois pas comment dire oui.

Vous aviez approuvé Maastricht. Pourquoi êtes-vous plus critique aujourd'hui ?
J'étais effectivement sur la ligne Jospin du " non au non ". Mais, aujourd'hui, nos concitoyens ont du mal à comprendre cette méthode des petits pas sur la politique sociale et fiscale. Et cette question nous est posée plus durement à gauche qu'ailleurs. Provoquer une crise serait un vrai cas de conscience pour les socialistes, dont l'identité est clairement européenne. Elle ne peut donc être décidée à la légère. En même temps, la perspective d'une crise ne peut pas être non plus éludée si elle est un lieu de passage obligé pour maintenir nos idéaux.

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