15 chantiers
pour une nouvelle étape

Contribution au Congrès de Grenoble de novembre 2000
présentée par Jean-Marie Bockel, Nicole Bricq, Gérard Gouzes.






Jean-Marie
BOCKEL



Nicole
BRICQ



Gérard
GOUZES




11 ans après la chute du mur de Berlin, alors qu'elle est au pouvoir dans nombre de pays, la Social Démocratie européenne, longtemps positionnée par rapport au mouvement communiste, s'est trouvée bousculée par un nouvel environnement économique globalisé. Les changements entraînés, le moindre n'étant pas la libération des forces du marché, ont obligé les partis sociaux-démocrates à évoluer alors qu'ils avaient en nombre la responsabilité du pouvoir dans leurs pays respectifs. Il nous faut aujourd’hui solder les comptes de ce passé proche pour préparer l’avenir.

Si nous ne pouvons nous satisfaire d'une stigmatisation, simple proclamation pétrie de bonne conscience, des effets pervers de la mondialisation néolibérale, nous ne devons pas pour autant oublier les valeurs qui sont le fondement même de notre action : oui nous refusons l'inégalité des chances et la fatalité des inégalités qu'elles soient économiques, sociales, culturelles ou territoriales. Oui nous pensons que l'homme doit être placé au cœur de tout projet politique et que le marché livré à lui-même ne peut constituer un projet de société.

Toutefois, nous refusons avec la même force le rôle de Tartufe, " cachez ce marché que je ne saurai voir ", qui nous conduirait à nous tromper de combat. Il est urgent que la gauche clarifie son rapport au marché pour éviter que l'écart entre ses principes originels et son action gouvernementale ne devienne un facteur de désenchantement. La Social Démocratie ne doit pas rester arc-boutée sur des visées dépassées. Au contraire, elle doit inventer perpétuellement pour toujours agir plus efficacement.

Les partis sociaux démocrates sont en train d'effectuer cette mutation. Au delà des appellations et des particularités propres à chaque histoire nationale, l'essentiel est bien qu'ils prennent en compte le monde tel qu'il est pour accomplir cette tâche propre à la gauche qui consiste à ce que les progrès politiques, économiques et sociaux profitent au plus grand nombre. Effectivement, c'est avant tout à la définition du contenu de cette Nouvelle Gauche Social Démocrate que les socialistes français doivent s'atteler aujourd'hui.

C'est la crédibilité même de la gauche qui se joue dans cette nécessaire clarification.

La Social Démocratie reste le parti du mouvement. Contrairement à la Droite conservatrice ou libérale, elle ne se limite pas à un rôle d'accompagnement des transformations économiques. Sans cesse elle doit adapter ses moyens d'actions aux changements afin de transformer la société. Les contraintes économiques induites par la concurrence entre pays ne doivent pas être les prétextes d'un immobilisme politique.

Pour ce faire, le Parti Socialiste doit développer une pédagogie de la réforme afin d'entrer dans une nouvelle étape de notre action. Il est important que nous entreprenions de grands chantiers, capables de prouver la faculté de la gauche à " mieux résoudre que la Droite les maux spécifiques de la société française et à le faire au nom de ses propres principes. "

Soyons donc audacieux et assumons clairement cette audace !

Pour l'Europe, la France moderne, la cohésion sociale, 15 chantiers nous paraissent prioritaires pour commencer dès aujourd'hui à préparer une nouvelle étape pour la gauche.

L'EUROPE, NOTRE CONTINENT

Par bien des égards, la mondialisation est la promesse d'un monde ouvert, d'un monde d'échanges et de dialogue, d'un monde d'information et de liberté. Grâce à elle, nous assistons à la formation d'une opinion publique internationale. C'est le sens des manifestations de Seattle, de la mobilisation mondiale pour obtenir un jugement pour Pinochet ou de l'émotion qui a suivi la découverte de cadavres de clandestins chinois à Douvres.

Toutefois, la mondialisation a aussi des effets négatifs et n'est pas toujours porteuse de progrès : les écarts se creusent entre pays riches et pays pauvres, dans nos sociétés développées les fractures spatiales, sociales et demain numériques se creusent.

Quelle est aujourd'hui l'échelle pertinente pour peser sur le cours ultralibéral, souvent sans règles, de cette mondialisation ? A nos yeux, la réponse est évidente: c'est l'Europe, notre continent.

La structure des échanges extérieurs de la France et des autres pays européens le montre : nous commerçons plus avec l'Europe qu'avec le reste du monde. Il faut donc continuer à organiser cet espace.

L'Europe est à la fois une protection et un atout pour faire face aux aspects négatifs de la mondialisation. Seule une Europe puissante permettra de négocier des règles du jeu raisonnables avec les autres grandes puissances, dont les États-Unis et la Chine.

L'Europe doit aussi être un moyen de peser sur le cours des relations internationales. Une meilleure intégration politique lui permettra d'influer avec plus de force sur les grands équilibres internationaux.

La logique du traité de Rome nous paraît aujourd'hui épuisée. Aller vers plus et mieux d'Europe nous oblige à accomplir un saut qualitatif. L'élargissement dans un délai très proche mais aussi le blocage actuel des institutions prévues pour 6 qui fonctionnent déjà poussivement à 15 l'y pressent. Le moment est venu d'aller vers une véritable souveraineté européenne parallèlement aux souverainetés nationales c'est-à-dire vers un destin politique commun.

Chantier n°1 : Moderniser les institutions européennes

Le désintérêt des électorats pour l'Europe s'amplifie. Les stratégies de communication ne sont pas seules en cause. Il est difficile de mobiliser les citoyens sans un accord clair des pays membres sur les finalités de l'Union. Que voulons-nous faire ensemble et quels moyens comptons-nous mettre au service de ces objectifs ?

A court terme, les propositions du gouvernement de Lionel Jospin à l'occasion de la Présidence française de l'Union Européenne vont dans le bon sens. Elles sont indispensables au succès de la Conférence Intergouvernementale sans lequel les réflexions sur l'avenir de l'Union n'auraient aucun sens. Continuons !

Dans un premier temps, il faut construire les bases qui nous permettront d'envisager et de construire un avenir plus ambitieux. Commençons donc dès aujourd'hui par :

 améliorer la participation des Parlements Nationaux aux orientations de la Commission et du Conseil Européen et établir des passerelles entre Parlements Nationaux et Européen

 élargir le mode de scrutin à la majorité qualifiée au Conseil Européen et faire de la règle de l'unanimité l'exception

 reconsidérer la pondération des voix au Conseil et s'accorder sur un nombre de Commissaires.

Chantier n°2 : Construire une fédération d'États-Nations

Osons aller plus loin et renouer avec l'audace des pères fondateurs.

Le niveau d'intégration politique, encore faible, de l'Europe fait pourtant sa force sur d'autres organisations régionales moins structurées : MERCOSUR, ALENA, ASEAN.

Il faut conforter cet avantage en allant plus avant vers une Europe intégrée capable d'intervenir efficacement sur le cours néolibéral de l'économie qui s'impose partout. A cette fin, c'est à moyen terme une fédération d'États-nations qu'il faut à l'Europe. Elle permettra de trouver un équilibre entre unité et diversité. Il ne s'agit pas de créer un super État centralisé mais de mieux associer les États au processus sur la base d'un partage clair des compétences, respectueux des traditions et des institutions nationales. Le cadre national doit rester la référence identitaire pour chacun des peuples européens.

La question institutionnelle ne peut faire l'économie d'un traité fondamental à caractère constitutionnel faisant la synthèse des traités précédents et intégrant dans son préambule la charte des droits fondamentaux et établissant un périmètre clair entre compétences des États-Nations et compétences de l'Union.

Créons des institutions intégrées dans le cadre des coopérations renforcées, assumant les compétences que les États ne peuvent plus assumer seuls comme la politique étrangère, la politique économique… C'est aussi en développant un véritable espace judiciaire européen permettant de lutter contre la criminalité organisée que nous répondrons à l'attente de sécurité des citoyens sans oublier la lutte contre les trafiquants de main d'œuvre clandestine.

Les coopérations renforcées, qui devront être élargies, permettront d'identifier rapidement les membres prêts à former une avant-garde pour aller plus avant vers une Fédération.

Et enfin, donnons un visage à l'Europe en instaurant un exécutif identifié par un gouvernement de l'Union avec un chef à sa tête et avec un pouvoir législatif à la fois issu des parlements nationaux et du suffrage universel.

Chantier n°3 : Bâtir une politique économique européenne

L'institution fédérale la plus importante de l'Union, la Banque Centrale Européenne, tend naturellement à appliquer l'idéologie dominante ultralibérale. C'est au profit du vide démocratique et politique de l'Union que s'impose ce modèle. L'Europe doit aujourd'hui se donner les instruments d'une véritable politique économique en renforçant l'Euro 11 et en poussant plus loin la coopération renforcée.

Une politique économique et une politique de l'emploi européenne resteront inefficaces sans une harmonisation fiscale : il devient économiquement et socialement urgent de stopper le nomadisme financier qui rend difficile le maintien des espaces publics. La coordination des politiques fiscales nationales est donc une réforme urgente à conduire afin d'éviter le dumping fiscal et social à l'intérieur même des frontières de l'Union Européenne.

L'Europe doit également rechercher des accords globaux de commerce et de développement avec d'autres zones régionales en y intégrant des règles respectant le droit du travail et la sauvegarde de l'environnement.

Dans la compétition économique mondiale, l'Europe dispose de vrais atouts qu'elle doit conforter :
 des infrastructures de qualité
 un niveau élevé de formation
 une véritable cohésion sociale, même si cette dernière est parfois menacée
 une grande capacité de recherche et d'innovation.

Il faut lui permettre d'orienter les flux vers les productions à forte valeur ajoutée et vers la maîtrise des nouveaux secteurs de l'économie :
 en investissant dans les infrastructures (réseaux à haut débit par exemple)
 en facilitant les créations d'entreprise et en allant vers une entreprise de droit européen
 en optimisant et en rationalisant les financements européens
 en investissant dans la recherche appliquée et la formation des hommes

Chantier n°4: Parachever l'Europe de la Sécurité et de la Défense

Si la puissance économique de l'Europe peut lui permettre de peser sur le cours de la mondialisation, il lui faut également devenir une puissance diplomatique identifiée en tant que telle pour influer sur les grands équilibres internationaux.

Le leadership politique des États-Unis s'explique en partie par leur capacité à se projeter sur n'importe quel territoire dans le cadre des opérations de maintien de la Paix. L'Europe doit assurer la cohésion et la solidarité des États membres face aux problèmes de sécurité intérieure mais aussi aux frontières de l'Union. C'est la condition sine qua non du poids de l'Europe dans la définition des équilibres internationaux.

Pour que l'Europe soit capable d'agir aussi bien avec des moyens de l'OTAN, sans engagement américain, que de façon autonome, les principaux organismes de l'UEO devront être transférés vers l'Union. Dans ce sens, nous devons rapidement progresser dans la réalisation de la force de projection européenne décidée sur initiative franco-britannique à Saint-Malo.

Paradoxalement, sans qu'il y ait d'ennemis déclarés, les zones d'instabilité se multiplient sur notre continent et à ses abords. C'est pourquoi il nous faut privilégier un effort de rapprochement avec les pays qui nous bordent, et tout particulièrement avec la Russie.

Enfin, l'aide aux pays tiers doit refléter les priorités politiques et stratégiques de l'Union Européenne. Gérer de manière efficace les programmes d'aide au développement en les inscrivant dans un concept stratégique commun permettra de stabiliser des zones telles l'Asie centrale et le Caucase qui bénéficient d'aides encore trop faibles.

ACCÉLÉRER LA MODERNISATION DE LA FRANCE

Une mission historique pour la Gauche.

Historiquement, la gauche est mouvement. Aussi la réforme lui est consubstantielle. Sa mission est claire : accroître les atouts de la France en conciliant efficacité et justice sociale. Ainsi la réforme, négociée et expliquée, nous apparaît-elle comme le meilleur moyen de transformer la société, plus efficace que les radicalités de façade.

La Gauche doit redéfinir, dans son discours, la place du marché sous peine d'être condamnée à le subir comme nous y invitent les néo-libéraux qui en font un dogme. Toutefois, elle ne doit plus, comme c'est encore trop souvent le cas, accepter timidement le marché : elle doit expliciter et assumer son rapport au marché en redéfinissant la frontière qui le sépare de l'action publique.

Le marché doit être tenu à l'écart de certaines activités qui ont un intérêt stratégique, humain, éthique. C'est le cas par exemple de l'éducation, de la sécurité, des sciences du vivant. D'autres secteurs d'activité, notamment industriels mériteraient au contraire d'entrer dans son champ élargi.

Il nous faut clarifier notre discours sur ce thème et ne plus laisser l'impression de nous laisser submerger par le marché en lui cédant honteusement. En disant, à propos des licenciements Michelin, que l'État ne peut pas tout, Lionel Jospin avait raison. Cependant, ce discours est apparu comme contraint et défensif. Il y a donc une incompréhension entre la vision nouvelle du rôle de l'État et la perception que peut en avoir notre électorat. Il nous revient de développer une pédagogie où sera exprimé un nouvel équilibre entre l'État et le marché.

Le rôle de l'État n'est pas réduit à néant dans l'économie de marché. Au contraire, il est indispensable mais il se définit plus dans une régulation bien comprise que dans un pouvoir administratif tatillon. La Gauche doit donc définir un nouvel équilibre entre l'État et le marché, d'autant plus que ce dernier se régénère sans cesse et s'étend à de nouveaux domaines.

Chantier n°5 : Définir clairement le périmètre de l'État

Le choix que doit faire la gauche n'est pas celui de l'alternative caricaturale État-Providence/État libéral : il lui faut trouver une voie intermédiaire, moderne, efficace, capable de protéger les plus faibles tout en encourageant les énergies productrices de notre pays.

Le marché est l'espace de la création de richesses, il est un lieu d'échanges. Il récompense ceux qui entreprennent et qui créent. Toutefois, il n'est porteur ni d'un projet de société ni de vie en commun. Il ne s'occupe pas des questions de solidarité, de lien social. C'est à l'État que revient le rôle de garant de la cohésion sociale et de la promotion du pacte social.

Il faut donc recentrer les missions de l'État dans ce qu'elles ont de plus fondamental pour notre société. Il convient d'éviter une trop grande dispersion de ses missions propice à l'immobilisme : pour être vraiment solidaire et servir au mieux, l'État se doit d'être efficace.

A l'État revient :
 la régulation de l'économie. Il ne doit plus se substituer aux acteurs économiques privés et limiter son action à la définition des règles du jeu dans le sens d'un développement plus harmonieux.
 la protection des plus fragiles.
 la cohésion sociale, la garantie de la solidarité nationale et la correction des disparités entre les individus et les groupes.
 la justice et la sécurité.
 l'éducation.

Chantier n°6 : Améliorer l'efficacité de l'État

Les grands services publics liés aux fonctions régaliennes de l'État doivent être modernisés dans le sens d'une plus grande efficacité. Pour mener à bien cet objectif, il faut organiser le dialogue social dans la fonction publique en associant les agents mais aussi les usagers aux transformations nécessaires. L'expérience de ces dernières années prouve qu'il est difficile de faire aboutir les grands plans de réforme élaborés au sommet. Pourquoi ne pas procéder par expérimentation ? Beaucoup de réformes du service public ont échoué au premier obstacle. Expérimenter à une échelle plus modeste (une direction ou une zone géographique) permet d'ajuster en permanence la réforme aux difficultés rencontrées, d'illustrer sa nature et les changements qu'elle entraîne dans les habitudes des usagers et fonctionnaires, de consulter ces derniers. C'est ainsi qu'une réforme testée sur le terrain pourra être étendue à l'ensemble de l'administration. Le projet de réforme de l'administration des finances avait pour objectif de rendre un meilleur service aux usagers mais il a échoué à la première difficulté. Peut-être aurait-il abouti s'il avait été expérimenté au préalable dans certains départements plutôt que de proposer un plan qui est apparu à bien des égards comme technocratique et imposé aux personnels.

Ce dialogue retrouvé doit permettre de faire du service public un vrai service au public en épargnant à l'usager les lenteurs, les lourdeurs, la complexité, bref la bureaucratie.

A cet égard, il faut envisager :
 de développer les NTIC et les téléprocédures administratives. Outre l'efficacité du service rendu, la généralisation des NTIC dans l'administration aura un effet d'entraînement sur l'ensemble de la société.
 d'assurer la continuité du service public en instaurant un service minimum dans les secteurs les plus sensibles comme les transports.
 de motiver les agents par des primes liées à des objectifs et par des promotions en partie au mérite et non plus à la seule ancienneté.

Améliorer le service rendu au public nécessite également un redéploiement des effectifs dans le sens d'une meilleure proximité avec les usagers. Redéploiement territorial et redéploiement par secteurs : des secteurs prioritaires ont besoin d'effectifs (Éducation, Justice, Police) alors que d'autres sont trop nombreux.

La qualité et l'efficacité du service public ainsi recherchées lui permettront d'asseoir sa légitimité vis à vis des citoyens et de faire face aux attaques répétées des ultras libéraux.

Chantier n°7 : Permettre à nos groupes publics de développer leur stratégie industrielle

L'État détient encore de nombreuses participations dans de grandes entreprises françaises qui sont performantes et qu'il faut défendre en les aidant à affronter la concurrence internationale. Nous devons aujourd'hui nous poser la question des défis industriels pour les grandes entreprises nationales.

Elles ne sont pas dépourvues d'atouts dans la compétition mondiale. Toutefois, elles ont encore, dans les mouvements de rachats ou d'alliances stratégiques, de véritables handicaps liés à leur statut. Il faut en finir avec l'hypocrisie qui pousse aujourd'hui à la filialisation à outrance des activités les plus rentables des grands groupes publics industriels. De même, certains d'entre eux ne peuvent avoir recours à des OPE dans les fusions : France Telecom a ainsi payé au prix fort le rachat d'Orange.

La défense des entreprises nationales passe donc par la redéfinition de leur statut tout en préservant les personnels. Elles auront ainsi les moyens d'affronter le choc mondial et de maintenir en France une industrie forte.

Chantier n°8 : Décentraliser en France

L'efficacité du service public est certainement au cœur des relations entre l'État et les citoyens. Cependant, l'État doit se rapprocher au plus près des préoccupations des citoyens pour mieux répondre à leurs aspirations. A cette fin, il convient de lancer un nouvelle étape de la décentralisation.

Le succès de la loi Chevènement sur le renfort et la simplification de la coopération intercommunale, l'accord sur l'évolution des institutions de la Corse sont des avancées réelles et qui posent pour l'avenir le problème de l'organisation territoriale pour notre pays. Au-delà de la question corse qui reste particulière, une aspiration à plus de proximité et à une meilleure maîtrise de son destin se fait jour. Nous devons répondre à cette demande de démocratie locale, comme nous avions su le faire en 1982.

Notre propos n'est pas de remettre en cause l'exercice législatif national dans sa dimension égalitaire et républicaine. Nous devons admettre qu'il existe des différences d'aspirations entre villes, entre régions, entre départements dont résultent des politiques locales différentes. Toutefois, la prise en compte de ces aspirations est trop souvent freinée par le déficit d'emprise des collectivités territoriales ainsi que par le morcellement institutionnel au niveau local.

Nous devons donc aller plus loin dans la décentralisation en transférant par exemple une partie de la fiscalité aux régions leur permettant ainsi de développer un réel projet politique local en exprimant des choix. A bien des égards, la réforme des taxes locales, si elle est socialement juste, peut apparaître comme un moyen de recentraliser en limitant l'autonomie fiscale et donc les choix politiques des collectivités territoriales.

Nous devons également poser la question de la superposition de niveaux institutionnels qui se chevauchent et qui se font parfois concurrence : c'est le cas des relations entre les départements et les structures d'agglomération qui montent en puissance (cf. rapport Mauroy). Le développement rapide des communautés de communes, d'agglomérations et des pays de la LOADT va poser le problème d'une révision totale des redécoupages dans le sens de regroupements plus pertinents et plus identifiants. De même, une redéfinition des rapports entre les différents échelons territoriaux est aujourd'hui nécessaire.

Chantier n°9 : Rénover la démocratie sociale

Force est de constater que l'État français est l'incarnation de l'État fort : il pèse sur la société et attire à lui les protestations des groupes sociaux. L'enjeu des luttes en France se réduit bien souvent à une tentative d'influer sur le cours des décisions de l'État.

Le résultat est que hors de l'État, pas ou peu de négociations se conduisent : des relents de la loi Le Chapelier sont encore à l'œuvre et rendent suspect les corps intermédiaires. Pourtant, ils sont tout autant capables que les administrations d'apporter des idées neuves. N'ayons pas peur de laisser se développer la contractualisation collective en dehors de l'intervention directe de l'État dans la phase de négociation, l'État ayant fixé le cadre général et la loi sanctionnant positivement ou négativement le résultat du dialogue social. La fonction de l'État est d'encourager le dialogue social, même s'il n'en est pas forcément à l'initiative.

Certes, les corps intermédiaires doivent eux aussi revoir leur mode de fonctionnement pour gagner en représentativité. Toutefois, l'extension effective de leur pouvoir de négociation et d'impulsion d'idées nouvelles contribuera certainement à les réhabiliter aux yeux de nos concitoyens et de gagner en légitimité. Elle permettra ainsi de mieux adapter le pacte social aux attentes des Français.

Chantier n°10 : Encourager les forces productives.

Les mesures prises par le gouvernement pour simplifier la création d'entreprises vont dans le bon sens : ne nous arrêtons pas en si bon chemin ! Il faut redonner le goût du risque et de l'audace aux entrepreneurs :
 en les mettant à pied d'égalité avec les autres entrepreneurs européens sur le plan des contraintes fiscales et administratives en promouvant par exemple un statut européen de la société privée, en créant un brevet communautaire, en facilitant le financement des PME qui peinent à trouver des investisseurs aujourd'hui
 en encourageant l'innovation par des passerelles entre la recherche publique et l'entreprise, par des investissements sur la recherche appliquée, par la création d'un espace européen de la recherche, par un accès plus facile au capital-risque.

Les créateurs de richesse et les talents ne doivent pas être pénalisés : des inégalités durables sont en train de voir le jour du fait de l'accumulation primaire de capital plus que du fait d'inégalités de revenu. Ne nous trompons pas de cible !

Le salariat est partie prenante de la création de richesses. Son rôle dans l'entreprise est à reconsidérer dans le sens d'une plus grande collégialité. L'épargne salariale et l'actionnariat salarié sont des moyens pour y parvenir. Toutefois, ces dispositifs ne doivent pas se substituer en partie au salaire. Il s'agit du retour aux salariés d'une partie de la richesse qu'ils ont créée.

Cela ne fera pas disparaître pour autant l'antagonisme capital/travail mais rééquilibrera le second par rapport au premier.

Chantier n°11 : Réussir le pari de la démocratisation de l'éducation et assurer le droit à la formation toute la vie

Dans le cadre d'une reprise globale de l'économie, le niveau général de formation est un atout pour la France. Il faut prévoir aujourd'hui la main d'œuvre qualifiée de demain. Cette réalité, les Allemands la vivent aujourd'hui, eux à qui il manque plus de 20 000 informaticiens ! Pour que la France garde son avantage, pour que la croissance soit durablement forte, il faut investir massivement dans l'éducation, la formation et l'élévation générale des qualifications.

C'est pourquoi dès aujourd'hui nous devons faire de l'éducation et de la formation une priorité forte de notre action politique au travers d'une programmation quinquennale. Cette loi de programmation permettra, en répondant mieux aux besoins nouveaux de l'économie, de contribuer de façon déterminante à la croissance en France par l'apport d'une valeur ajoutée supérieure.

L'Education nationale délivre une formation initiale de qualité qui permet d'avoir une base commune solide. Toutefois, elle doit elle aussi s'adapter aux mutations de la société et aux demandes variées qu'elles engendrent.

Il faut faire entrer largement les NTIC à l'école et adapter ou créer de nouvelles filières correspondant aux métiers émergents. Le développement de la pratique des NTIC à l'école est un des moyens de combler la fracture numérique qui est en train de voir jour dans notre pays. La concurrence entre opérateurs et fournisseurs d'accès Internet ne suffira pas à elle seule à combler ce fossé. C'est donc à l'école de familiariser l'ensemble des nouvelles générations à ces techniques déjà indispensables aujourd'hui pour une intégration réussie dans le monde du travail. Des moyens doivent être mis en œuvre pour mettre en place un réel plan multimédia dans nos écoles :
 embauche d'animateurs multimédia
 formation continue des enseignants aux NTIC
 achat de matériel en nombre suffisant
 utilisation du multimédia à des fins pédagogiques et définition de contenus pédagogiques spécifiques

Après avoir réussi le pari de la massification, l'Education Nationale doit gagner celui de la démocratisation. Elle doit amplifier son effort pour assurer l'égalité des chances et de ce fait individualiser le suivi des élèves.

S'il est vrai que le nombre d'élèves par enseignant n'a cessé de diminuer, il est vrai aussi que les publics scolaires se sont diversifiés rendant la tâche de la communauté éducative plus complexe. C'est pour cela que toute réforme de grande ampleur est difficilement envisageable à moyens constants même si ceux-ci mériteraient d'être redéployés au sein de l'Education Nationale. Il faut considérer le coût d'une telle réforme comme un investissement.

L'école doit enfin multiplier les contacts avec l'entreprise :
 développement de l'apprentissage (incitation fiscale, rémunérations réelles pour les apprentis).
 passerelles avec l'entreprise à tous les niveaux de sortie du système scolaire (suivi des jeunes diplômés jusqu'à l'emploi par exemple).
 un module professionnalisant dans toutes les formations universitaires.
 liens entre la recherche et l'entreprise.

Si la formation initiale reproduit les inégalités sociales, la formation continue les consacre souvent. Utilisons-la pour les corriger. Nous devons remettre à plat le système inégalitaire et peu efficace de la formation continue pour offrir une nouvelle chance de se former au plus grand nombre.

Si la formation initiale est primordiale, nous devons aussi avoir droit à la " formation toute la vie ". La formation continue est une chance donnée à chacun de pouvoir accéder à des emplois plus qualifiés. Elle est à la fois un facteur de progrès social et d'épanouissement de la personne. Offrir une deuxième chance aux moins qualifiés doit aujourd'hui être une priorité pour la gauche. Trop peu de salariés ont accès à la formation professionnelle alors que le monde évolue de plus en plus vite laissant de côté ceux qui n'arrivent pas à suivre son rythme. Il faut rétablir l'égalité des salariés face à la formation continue : ce sont les plus diplômés qui y ont accès, renforçant ainsi un peu plus le fossé entre les plus et les moins qualifiés. De même, les grandes entreprises ont plus recours à la formation continue pour leurs employés que les moyennes et petites.

Enfin, les acquis professionnels doivent être validés : seul compte trop souvent encore en France le diplôme initial. La formation toute la vie et l'expérience doivent devenir des réalités prises en compte.

VIVRE ENSEMBLE

Assurer la cohésion sociale

La crise économique profonde de ces dernières années et le chômage massif qui l'a accompagnée, les mutations de la société et la perte de repères ont entraîné un sentiment d'instabilité chez de nombreux Français. Cette peur du lendemain a contribué à faire naître chez certains un sentiment d'insécurité ou d'exclusion, les deux se cumulant souvent chez les plus fragiles. Aujourd'hui, alors que nous sommes en mesure d'offrir un avenir meilleur à nombre de Français, le sentiment d'insécurité ne recule pas, renforcé par des statistiques galopantes de la délinquance dans certaines zones. Des comportements qui se sont généralisés dans la période de crise se sont installés de façon durable et gagnent du terrain : pour certains la violence devient un mode d'expression sociale.

Au quotidien, les villes, les transports en commun, l'école, les cages d'escalier, sont le théâtre d'actes violents et d'incivilités graves. Il s'agit là de l'expression d'un problème plus profond auquel de multiples réponses ont tenté d'être apportées. En effet, la délinquance n'est que l'expression exacerbée d'une dégradation générale des comportements. La violence, l'agressivité, le non respect de la règle s'installent dans toutes les catégories de la population : les jeunes mais aussi les adultes, les familles, les automobilistes…

La multiplication des comportements allant à l'encontre du contrat social sur lequel repose la vie en commun rend la cohabitation entre habitants de plus en plus problématique. Nous devons aujourd'hui recréer les conditions du " vivre ensemble ".

Chantier n°12 : Réaffirmer la responsabilité, fondement même du pacte social

Si nous voulons créer les conditions d'une meilleure cohésion sociale dans notre pays, nous devons au préalable réaffirmer la force de la règle dans notre société. Le droit doit être respecté par tous et appliqué.

A la délinquance, la société ne sait plus opposer la force de la règle tant les manquements sont quotidiens. Certains sont certes moins graves que d'autres mais tous accréditent l'idée d'un relâchement du lien au droit et aux règles de la vie en commun. Rien ne sert d'expliquer ces règles aux jeunes si les plus élémentaires d'entre elles ne sont pas respectées.

Réaffirmons avec force les règles de la vie en commun et faisons les respecter. Parce qu'ils participent largement du sentiment d'insécurité, il nous faut accorder tout autant d'importance aux actes d'incivilités qu'aux agressions graves. Parce que les violences urbaines touchent les plus fragiles et les plus démunis, parce que les dégradations à l'encontre des services publics sont des atteintes aux droits de ceux qui n'ont que ces services pour accéder à la vie sociale, la gauche ne peut tolérer ces actes. Ne pas poursuivre, c'est minimiser ces actes et déresponsabiliser leurs auteurs.

Le respect de la personne implique donc de la considérer dans toutes ses dimensions y compris celle de la responsabilité. Si le maintien de l'ordre est une responsabilité collective, le respect de l'ordre est une responsabilité individuelle. Toutes deux doivent se répondre l'une à l'autre. L'autorité parentale doit redevenir un des socles de notre organisation sociale : les parents doivent être partie prenante de l'éducation de leurs enfants. Encore faut-il qu'ils soient aidés à assumer ces responsabilités. A cet égard, la multiplication des " écoles des parents " doit être encouragée.

Chantier n°13 : Assurer le droit fondamental à la sécurité, une mission première de L'État

L'État doit prendre ses responsabilités en apportant une réponse nationale. Il le fera en redéployant les effectifs de police là où sont concentrés les problèmes, en mettant les policiers sur la voie publique et en les libérant du travail administratif sous lequel ils croulent, en permettant à la justice de traiter rapidement et efficacement les dossiers de délinquance qui se multiplient.

Chaque manquement à l'ordre doit être sanctionné. La sanction doit cependant être adaptée au mieux à la faute commise. Trop souvent, l'idée de peine est associée à la prison. Or celle-ci n'est pas toujours la meilleure réponse, notamment pour les mineurs. La gamme des réponses possibles est d'ailleurs largement sous-exploitée et méconnue en France.

Il nous faut nous dégager des grands discours sur l'insécurité qui, trop souvent, sont détachés de la réalité du vécu des Français et des situations auxquelles bon nombre d'élus locaux ont à faire face.

C'est à cette condition que le travail de prévention gagnera en lisibilité et en efficacité.

Chantier n°14 : Fournir une réponse globale à l'exclusion

A quoi servirait que le chômage baisse si parallèlement le sentiment d'insécurité ne reculait pas ? Cette question s'est imposée à la gauche tant les inégalités sont grandes face à la sécurité. Nous devons apporter une réponse efficace à cette forte et légitime revendication. Des politiques existent déjà mais elles sont trop sectorisées et trop peu ambitieuses. Il nous faut avoir une vision globale de ces questions pour agir de façon articulée et cohérente.

Ainsi, s'il faut leur apporter des solutions quotidiennes, les problèmes de sécurité ne doivent pas être pensés indépendamment des conditions sociales de leur production. Parallèlement aux actions de prévention et de répression qui agissent sur les effets et qui sont primordiales, il faut également agir sur ces causes. Des politiques, souvent regroupées sous le vocable " politique de la ville ", vont dans le bon sens. Toutefois elles ne sont pas exemptes d'effets pervers qui vont à l'encontre des objectifs initiaux: la discrimination positive conduit bien souvent à la stigmatisation de ces quartiers qu'on appelle pudiquement " difficiles ". Ainsi " la politique de la ville " est réactive et évolue au fil des événements qui la précèdent toujours. A chaque nouvelle tension, nous répondons par un nouveau dispositif qui vient s'ajouter aux précédents sans grande cohérence. Cet amoncellement illustre notre manque de vision globale de ces problèmes que vivent nombre de nos concitoyens. Détruire des tours ne suffit pas à changer la vie des victimes de l'exclusion.

L'État doit assumer une réorientation forte de son action et remettre à plat tous ces dispositifs. Il faut aujourd'hui un plan général coordonnant les actions en matière de lutte contre l'exclusion, de politique de la famille, d'éducation, d'offre de loisirs, de sécurité. Nous n'arriverons pas à trouver de solution sans permettre aux familles de jouer à plein leur rôle de régulation et de socialisation. Ce plan doit permettre d'offrir un cadre de vie meilleur pour tous en insistant sur la responsabilité de chacun, en recréant du lien social, en renforçant les instances de socialisation, en offrant des perspectives à tous. Il faut décloisonner les administrations pour qu'elles coordonnent leurs actions dans ces domaines.

La gauche doit envisager dans sa globalité la question de la cohésion sociale en France. C'est à nous d'offrir un cadre de vie plus protecteur qui fixe à la fois des limites tout en ouvrant des horizons.

Chantier n°15 : Offrir un avenir à tous

Offrir un avenir aux jeunes et à leurs parents c'est leur fournir une raison de croire en la société. C'est inclure de nouveau dans la communauté nationale ceux qui en sont aujourd'hui encore exclus, c'est réhabiliter le rôle de l'école en lui offrant des débouchés, c'est promouvoir un modèle de société où chacun trouve sa place.

La forte baisse du chômage depuis l'arrivée de la gauche aux responsabilités du pays ne doit pas masquer une autre réalité : trop nombreux sont ceux qui restent encore en marge de la reprise économique. Cette dernière pouvant même accroître le fossé de l'exclusion. Il y a là une menace pour la cohésion sociale et un risque de voir le cycle des violences se perpétuer. De même, nous ne pouvons nous satisfaire du paradoxe de la coexistence de pénurie de main d'œuvre et d'un taux de chômage supérieur à 9 %. Cette question est chaque jour plus d'actualité.

La solution de facilité, l'amélioration des finances de l'État et des organismes sociaux aidant, serait de maintenir ces exclus dans une situation d'assistance et de dépendance. Ce n'est pas faire grand cas de la personne humaine. La gauche doit offrir un véritable avenir à tous et toutes.

La Gauche ne doit pas avoir peur de se fixer l'objectif " Tous employables " pour les années à venir. Pour assurer le retour à l'emploi il faut :
 rendre attractif ce retour à l'emploi en luttant contre les " trappes de pauvreté " qui n'encouragent pas les chômeurs à revenir vers le travail du fait de la perte de tout ou partie de leurs prestations sociales. La possibilité d'une période transitoire de cumul d'une partie du RMI et d'un salaire lors du retour à l'emploi ou encore la possibilité d'aide soit fiscale, soit en terme d'allègement de cotisations salariales afin de faciliter le retour à l'emploi sont des pistes à explorer, sans qu'elles soient exclusives de minima sociaux étendus ou revalorisés.

 assurer l'insertion par l'économique et permettre l'employabilité : l'éloignement trop long du monde du travail et de ses contraintes rend difficile la réinsertion. Il faut donc prévoir des " sas " d'insertion. L'efficacité des démarches locales de partenariat entre acteurs publics et entreprises pour l'insertion par l'emploi appelle à leur généralisation (PLIE). C'est un chantier long et parfois coûteux mais qui est garant de la cohésion sociale

Depuis les années de crise, le principal indicateur de la santé sociale du pays est le taux de chômage. Alors que celui-ci baisse, certaines améliorations escomptées tardent à venir. Trop nombreuses sont les personnes qui restent en marge de ces statistiques, écartées de façon définitive du marché du travail. Il convient donc désormais de raisonner en terme de taux d'emploi et d'ouvrir plus largement le marché du travail en développant l'offre d'emplois et en permettant à tous, entreprises comme salariés et chômeurs, de proposer ou de recevoir des formations d'adaptation aux nouveaux emplois proposés.

Aujourd'hui le Parti Socialiste doit engager une nouvelle étape s'il veut garder sa crédibilité. La Gauche a la responsabilité de faire entrer la France dans le 21ème siècle : ne gâchons pas cette chance. Ce Congrès devra être pour nous le moment de clarifier nos positions pour expliquer quel est notre projet pour la France et ce qu'est être socialiste en 2000. Il nous apparaît clairement que nous devons faire le point sur ce que nous sommes, sur ce que nous pensons, sur ce que nous voulons pour continuer à aller vers le progrès et pour enclencher une nouvelle dynamique dans notre pays.
Paris, le 31.08.2000
– Signataires –
Jean-Marie BOCKEL, député du Haut-Rhin
Nicole BRICQ, députée de Seine-et-Marne
Gérard GOUZES, député du Lot-et-Garonne
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