L'avenir est au centre


Entretien avec Jean-Marie Bockel, maire de Mulhouse, paru dans le quotidien Le Figaro daté du 24 juillet 2003.
Propos recueillis par Yolande Baldeweck
 

Comment va le PS ?
Aujourd'hui, le problème du PS et de la gauche, c'est d'éviter le naufrage. C'est d'éviter aussi l'émergence d'une extrême gauche plus forte et plus structurée, car c'est toujours celui qui est le plus à gauche qui se fait le plus entendre. Le PS est arrivé, au soir du 21 avril, à la fin ultime du processus d'Epinay. Mais il n'a pas fait son aggiornamento idéologique, alors qu'en Europe, partout, la gauche progressiste gagne du terrain.

Ne regrettez-vous pas d'avoir soutenu François Hollande au congrès de Dijon ?
Je n'avais pas le choix. Je n'allais pas soutenir la gauche archaïque incarnée par Emmanuelli, ni la démarche aventureuse de Montebourg.

Comment éviter le naufrage que vous annoncez ?
De manière provocatrice, je dirais que l'avenir de la gauche est plus que jamais le centre. Pas un petit centre français, mais ce que les socialistes réunis à Londres ont appelé la gouvernance progressiste. Il faut trouver un nouveau positionnement entre une droite arrogante et une gauche conservatrice qui vit sur un certain nombre d'acquis. Sur cette ligne, elle sera toujours débordée par l'extrême gauche. Il s'agit d'inventer cette gauche progressiste que Schröder nomme « le centre », Blair « la troisième voie » et que j'ai appelée « la troisième gauche ».

Ou « la gauche sociale-libérale... »
Pour nourrir cette démarche d'un nouveau centre, le socialisme doit retrouver une inspiration libérale. Il est étonnant de constater que le terme libéral est péjoratif en France car synonyme d'ultralibéralisme, alors que partout ailleurs il est synonyme de démocratie progressiste, voire de gauche. Je ne plaide pas pour un libéralisme débridé, mais pour le respect de la personne, la responsabilisation de chacun et l'abandon du marxisme qui reste la seule référence du PS, même quand il s'en détache. Les conservateurs de gauche s'accrochent à l'étatisme, d'où leur refus de la mondialisation, qu'il faut reconnaître si on veut la réguler. Une politique socialiste ne doit pas corriger les effets à la marge, mais prendre les problèmes en amont, sans refuser le dynamisme en termes d'échanges.

Pourquoi n'arrivez-vous pas à vous faire entendre ?
Le PS est coincé entre l'étatisme économique et la culture de révolution, « le grand soir » qui n'arrivera jamais. Il faut sortir de cette logique infernale et réinventer la gauche. La gauche est pessimiste, suiviste, elle ne sait pas inventer de nouvelles réponses aux problèmes de société. Cela passe par un libéralisme de gauche. Ce que je propose énerve, crispe, car cela va à l'encontre des idées reçues et à l'encontre des clientélismes corporatistes.

François Hollande est-il capable de sauver le PS ?
Non. Il a apporté la démonstration qu'il n'avait pas la volonté de mener cet aggiornamento.

Laurent Fabius ou Dominique Strauss-Kahn constituent-ils une alternative ?
Je mettrai un point d'interrogation en voyant leurs hésitations et leur prudence. Ils essaient de se bâtir un statut de présidentiable, mais sans rompre avec la logique actuelle du PS. Ils font le grand écart et sont encore à se marquer à la culotte alors qu'il faudrait une rupture avec les errements actuels.

Comment jugez-vous la manière dont le PS s'oppose au gouvernement sur les réformes ?
Nous avons, autour de Jean-Marc Ayrault, des gens de valeur qui font de leur mieux. Mais la ligne définie par le PS ne les sert pas toujours. On l'a vu sur la question des retraites et de l'immigration. Il est bon qu'on affirme une politique de l'immigration, ce que nous n'avions pas fait.

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