Retrouver la force de nos convictions politiques
Congrès de Dijon - 17 mai 2003

Discours de Marc Dolez, député du Nord
Tribune du Congrès de Dijon


 
Mes chers camarades,

j’interviens au nom de la motion D, la motion militante pour que vive la gauche qui est née de la volonté de nombreux militants de tirer toutes les leçons du 21 avril, un 21 avril terrible, qui a révélé cette crise sociale et politique extrêmement grave dont nous devons tirer toutes les leçons. Cette motion née de la volonté de nombreux militants de faire entendre leur parole jusqu’au bout, à jusqu’au bout du débat, jusqu’à ce congrès pour qu’un an après le 21 avril nous ayons le grand congrès dont la gauche a besoin. Et pour cela, pour tirer toutes les leçons de ce 21 avril, nous avons, dans le débat, avec notre motion, porté une double exigence. D’abord, rendre le parti à ses militants, ensuite retrouver la force de nos convictions politiques.

D’abord rendre le parti à ses militants, c’est la première exigence parce que, faut-il le rappeler, le parti, c’est d’abord chacune et chacun de ses militants. Nous devons leur rendre toute leur place dans un parti qui est par trop confisqué par le jeu des écuries présidentielles et les stratégies personnelles. Nous voulons faire de chaque militant de ce parti l’acteur à part entière de notre projet politique, que nous soyons dans l’opposition, comme c’est le cas aujourd’hui, ou que nous soyons en situation de responsabilité, c’est la raison pour laquelle nous avons proposé à l’occasion de ce congrès une rénovation en profondeur de notre parti avec une nouvelle organisation, un nouveau fonctionnement qui permette aux militants de trouver toute leur place. Ne croyez-vous pas que si, avant le 21 avril, on avait davantage écouté les militants sur les difficultés d’application des 35 heures, sur les services publics, sur la baisse des impôts, sur la nécessité de donner la retraite à ceux qui ont quarante années de cotisations sociales comme cela avait été un de nos engagements en juin1997, ne croyez-vous pas que, si on avait davantage écouté les militants, peut-être que le 21 avril se serait passé différemment ?

C’est la raison pour laquelle nous faisons de la rénovation de notre parti la pierre angulaire de notre motion parce que nous pensons que c’est le préalable indispensable à tout le reste, que c’est le préalable indispensable à l’élaboration du projet politique que nous serons amenés, le moment venu, à proposer aux Français. Et pour obtenir cette rénovation, nous avançons un certain nombre de mesures concrètes, audacieuses, applicables immédiatement et dont nous souhaiterions qu’elles puissent être appliquées dès demain grâce au congrès constituant que nous avons demandé.

Nous avons dans le débat proposé pour cela la recomposition de toutes les instances de notre parti, la limitation à trois mandats successifs des responsabilités à l’intérieur du parti, la limitation à trois mandats successifs pour tous les mandats électifs, le mandat unique pour les parlementaires, pour les présidents de régions, pour les présidents de conseils généraux, pour les maires de villes de plus de 100 000 habitants. Et parce que c’est une question de crédibilité, nous proposons que ces mesures soient appliquées dès les élections prochaines, dès les élections de l’année 2004.

Congrès de rénovation, notre congrès de Dijon devrait être aussi un congrès de clarification qui permette aux socialistes de retrouver la force de leurs convictions politiques et de mettre en cohérence leurs pratiques politiques avec leurs valeurs. Là aussi, nous devons tirer toutes les leçons du 21 avril 2002, tirer toutes les leçons de ce sentiment que beaucoup des nôtres ont eu le 21 avril de l’an dernier, et sur bien des sujets les différences entre la droite et la gauche n’étaient pas suffisamment perceptibles ; tirer toutes les leçons de ce constat terrible que nous avons fait, à savoir que le 21 avril le monde du travail n’a pas voté pour la gauche.

Nous avons besoin d’un congrès de clarification autour des valeurs qui sont les nôtres pour dire, sur les grandes questions qui sont au cœur des préoccupations des Français, le chômage, la précarité, les services publics, les retraites, l'Europe, la mondialisation, ce que c’est que d’être socialiste aujourd’hui, ce que c’est que d’être de gauche au XXIème siècle. Et nous avons à opérer cette clarification de nos positions et de notre ligne politique en ayant bien à l’esprit, je crois, et j’espère que cette conviction est partagée, que la gauche ne reviendra pas au pouvoir automatiquement par le seul jeu de l’alternance politique et en s’en tenant seulement à la critique, même virulente, de la politique de la droite.

Dénoncer la politique de la droite, c’est nécessaire, mais c’est évidemment insuffisant comme nous l’avons tous constaté mardi dernier dans les grandes manifestations pour défendre l’avenir de nos systèmes de retraite. La gauche ne retrouvera pas la crédibilité et la confiance qui lui font aujourd’hui défaut, et qu’elle a perdues sans regard critique, sans droit d’inventaire avons-nous dit, de la période 1997-2002 et sans dire très clairement les bases et les orientations sur lesquelles nous allons pouvoir reconstruire.

Sur les retraites, nous devons avec force et virulence exiger le retrait du projet Fillon, nous devons exiger la retraite à taux plein à 60 ans. Mais avouez qu’aujourd’hui nous serions plus crédibles si entre 1997 et 2002 nous avions abrogé les décrets Balladur et si nous avions donné la retraite à ceux qui ayant moins de 60 ans avaient quarante années de cotisations sociales.

Oui, nous devons dénoncer, mais nous devrons aussi proposer et, pour proposer sur un sujet aussi important que celui des retraites, mais aussi la lutte contre le chômage et la précarité, nous devrons absolument faire cet exercice dont je parlais à l’instant et, à l’évidence sur une question aussi importante, il ne pourra pas y avoir de position du Parti socialiste qui soit claire et audible sauf de toute manière tous les militants du Parti socialiste soient associés à la définition de cette position.

Sans cette clarification indispensable et sans cette confiance retrouvée, et j’ai dit de quelle manière il fallait essayer de le faire, la gauche ne sera pas en mesure d’offrir une perspective politique au mouvement social qui se développe. Et le risque est grand, et c’est pour ça que notre responsabilité est essentielle et qu’elle est historique, le risque est grand que, si le Parti socialiste et la gauche ne se donnent pas les moyens de construire cette alternative, une alternative se dessine ailleurs qu’à gauche, à l’extrême droite, dans une dérive populiste dont le 21 avril a montré qu’elle était possible et qu’elle pourrait jusqu’à emporter les institutions de la République.

C’est dire que notre responsabilité est importante, c’est dire que le congrès des socialistes, leur premier grand rendez-vous après le 21 avril, est essentiel. C’est la raison pour laquelle nous avons déposé cette motion, c’est la raison pour laquelle nous avons défendu dans le débat nos idées, nos propositions, nos engagements, avec détermination et conviction même, s’il faut le dire, nous avons rencontré pour cela difficultés, obstacles et embûches.

Mais nous entendons bien continuer à défendre, avec la même détermination et la même conviction, ces idées, ces propositions et ces engagements et, dans le débat, dans le débat des mois à venir, à travers les conventions qui sont programmées, nous prendrons toute notre part dans le débat pour essayer de faire traduire cette double exigence que nous avons portée, l’exigence de rendre le parti à ses militants, l’exigence de retrouver la force de nos convictions politiques autour des valeurs qui sont les nôtres.

Et nous le ferons avec d’autant plus de convictions que nous avons le sentiment qu’hélas ce congrès ne pourra pas répondre totalement à cette double exigence.

Ceci étant, les militants ont tranché et, mon cher François, la ligne que tous nous devrons adopter et appliquer à partir de lundi, quel que soit le positionnement qui aura été le nôtre dans le débat interne, sera la ligne définie par la majorité du parti.

C’est dans cet esprit fort, et fiers des idées que nous avons défendues, c’est dans cet esprit que nous sommes venus à Dijon, c’est dans cet esprit que nous participerons ce soir à la commission des résolutions et pour notre part, si c’est possible, nous ne sommes pas opposés à une synthèse générale qui montrerait le rassemblement des socialistes pour combattre encore plus efficacement la politique de la droite et du gouvernement Raffarin. Mais si synthèse générale il doit y avoir, François, c’est d’abord au premier secrétaire de dire s’il la souhaite.

S’il ne devait pas y avoir cette synthèse générale, de toute façon, comme vous venez de l’indiquer, nous saurons nous rassembler dans l’action. Oui, les socialistes sauront se rassembler dans l’action pour combattre la droite, combattre la politique de régression sociale de ce gouvernement et pour donner de la forte à l’espoir peut-être, à la gauche sûrement.

Un orateur ce matin, Dominique Strauss-Kahn pour ne pas le citer, disait que, si on pouvait, au rassemblement dans l’action, ajouter de la solidarité et de la fraternité, ce serait encore mieux. Je partage ce point de vue, le nécessaire débat à l’interne où chacun met en avant la force de ses convictions, le nécessaire rassemblement dans l’action lorsque le débat est terminé, la solidarité et la fraternité, oui, voilà la ligne de conduite des camarades qui se sont retrouvés sur la motion D à l’occasion de ce congrès, des camarades qui se sont retrouvés sur la notion D dans le Nord comme part ailleurs dans le pays.

Oui, mes chers camarades, nous devons tous ensemble, autour de la double exigence que je viens de rappeler, faire en sorte que dans ce pays vive la gauche.



Page précédente Haut de page

PSinfo.net : retourner à l'accueil

[Les documents] [Les élections] [Les dossiers] [Les entretiens] [Rechercher] [Contacter] [Liens]