Vive le débat, pourvu qu'il soit de bonne foi

Olivier Duhamel


Entretien avec Olivier Duhamel, professeur de droit à l'Institut d'études politiques de Paris, paru dans le quotidien Le Monde daté du 30 octobre 2004
Propos recueillis par Henri de Bresson


 

La Constitution européenne va maintenant passer au crible du Conseil constitutionnel français, qui doit dire sur quels points il faudra apporter des modifications à la Constitution française. Vous êtes professeur de droit à Sciences-Po, ancien membre de la Convention qui a élaboré le projet initial de ce texte. Y a-t-il des questions qui vous paraissent poser de réels problèmes ?
A partir du moment où il n'y a pas de clause générale acceptant les transferts de compétence pour l'Union, il y a eu besoin à chaque étape importante de la construction européenne de réviser notre Constitution. Il en sera de même cette fois pour la Constitution européenne. Il faut attendre de voir sur quels points le Conseil constitutionnel jugera nécessaire d'adapter la loi fondamentale. De nouveaux transferts de compétence ont été consentis, par exemple en matière pénale.

En matière de politique étrangère, où l'unanimité reste la règle, l'article III-300 prévoit dans certains cas spécifiques que des décisions pourront être adoptées à la majorité qualifiée. Il sera intéressant également de voir l'appréciation du Conseil sur la formulation explicite, dans l'article I-6, de la primauté du droit adopté par les institutions de l'Union dans l'exercice de leurs compétences.

Un nouveau pas est-il franchi dans la primauté du droit européen ?
Ce qui est nouveau, c'est que cette primauté soit inscrite dans la Constitution. Elle est affirmée de très longue date par la Cour de justice de Luxembourg. Mais deux conceptions différentes coexistent. En France, en Allemagne, les Cours constitutionnelles estiment que cette primauté s'impose sauf pour ce qui touche aux règles constitutionnelles. Luxembourg affirme le contraire, explicitement depuis 1970.

Qu'est-ce que cela change concrètement ? Y a-t-il d'autres difficultés ?
Cela a surtout une valeur symbolique plus que pratique. Mais les Français vont pour la première fois le découvrir. Les faux procès ont déjà commencé. Sur la liberté de religion, les souverainistes de gauche comme Michel Charasse veulent faire croire que la Constitution va, sur ce point, à l'encontre de la laïcité et ruinent la République. C'est absurde. Elle ne fait que reprendre ce qui figure depuis 1950 dans la Convention européenne des droits de l'homme.

Sur l'affirmation du droit des minorités, que la France n'a jamais reconnu, la question est moins évidente. La Constitution parle du droit " des personnes appartenant à des minorités ", ce qui me paraît acceptable. Vive le débat - pourvu qu'il soit de bonne foi.

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