Rassembler en dépassant les contradictions internes

Henri Emmanuelli



Entretien avec Henri Emmanuelli, député des Landes, paru dans le quotidien Sud Ouest daté du 7 septembre 2005
Propos recueillis par Patrick Guilloton
 

Alors que le PS est traversé par ce qu'on appelle la bataille des chefs, vous êtes resté fort discret depuis des mois. Mais on vous retrouve aujourd'hui à la tête d'un nouveau courant répondant au nom d'Alternative socialiste. Avec qui, pour quoi faire ?
En fait, c'est Nouveau Monde qui continue sous une appellation changée parce que certains nous ont quittés et d'autres nous ont rejoints. Par courtoisie envers les uns et les autres, il convenait de choisir un nouveau nom. Nous avons retenu Alternative socialiste parce que cela fait des années que nous disons que face au libéralisme il tend, d'ailleurs, à se transformer en néoconservatisme nous pensons qu'une alternative est possible, qu'on peut toujours avoir l'ambition de construire une société fondée sur des valeurs humanistes et non pas sur le modèle égocentrique et inégalitaire anglo-saxon. Ce nouveau vocable a pour vocation d'être décliné dans une revue et peut-être avec d'autres, au niveau européen, avec qui nous sommes en contact.

Qui vous a quittés, qui vous a rejoints ?
En réalité, ceux qui nous ont quittés l'avaient fait depuis l'automne dernier. Ce qui ne m'a pas empêché de faire la campagne du non au référendum. Ce qui apparaît aujourd'hui comme une nouveauté n'est pour moi que le constat d'une situation que je connais depuis le début septembre 2004.

Vous pensez à Jean-Luc Mélenchon ?
Oui. Pour les autres, cela date de plusieurs mois.

Les nouveaux ?
Marc Dolez, Jean-Pierre Masseret, le président du Conseil régional de Lorraine... Je ne vais pas tous les détailler. Ce ne sont que des gens motivés par le souci de faire prévaloir la ligne politique sur tout autre considération.

Quels enseignements avez-vous tirés de l'université d'été de La Rochelle ?
Avec le spectacle de division que nous offrons, nous décevons le peuple de gauche en général, plus encore celui qui s'est prononcé pour le non le 29 mai. Et d'une certaine manière, la France entière.

Qu'attendez-vous du congrès du Mans en novembre prochain ?
J'entends dire que ce congrès doit être celui de la désignation du candidat socialiste à la présidentielle. Je dis que présenter les choses comme cela, c'est le meilleur moyen de perdre. Car si nous avons perdu le référendum interne au PS en décembre dernier, c'est en grande partie parce que ce référendum sur l'Europe avait été transformé en référendum sur les candidats possibles pour 2007 ! Ca nous a coûté cher.

Ne recommençons pas la même erreur. Avançons en dépassant la contradiction entre les socialistes ayant voté oui et ceux qui ont voté non. Les premiers étaient sincères, évidemment. Mais ils ne peuvent pas ne pas constater aujourd'hui, au vu de ce que fait la droite en matière sociale, que le oui de gauche et celui de droite étaient incompatibles. M. Sarkozy n'avait pas de l'Europe sociale la même vision que la leur !

Vous ne craignez pas de devoir vous compter, lors de ce congrès, puisque vous allez présenter votre propre motion ?
Nous n'en sommes pas à des questions de comptages, de règlements de comptes, que sais-je encore. Il s'agit de se mettre en ordre de bataille. Je n'ai pas de problème de personne. La gauche doit et peut renverser le pessimisme ambiant si elle a un projet qui n'est pas celui d'un veuf sur la défensive. Au Mans, nous devons parvenir à constituer une majorité et je n'ai pas d'exclusive. Ce que je souhaite de tout cœur, c'est que le PS cesse de marcher à côté de la plus grande partie de son électorat. Sinon, ces électeurs finiront par aller se chausser ailleurs !

Reste qu'il est criant qu'au PS cohabitent deux grandes tendances n'ayant pas la même vision !
Quelle est la véritable ligne de partage au PS ? Comme à l'approche de chaque congrès, on voit fleurir les inepties, les caricatures, « marxistes fripés », les fausses oppositions entre ceux qui seraient révolutionnaires et ceux qui seraient réformistes, ceux qui auraient la culture du gouvernement et les soi-disant populistes irresponsables.

En fait, il y a des socialistes qui considèrent que le libéralisme, sa logique, ses valeurs ont définitivement gagné la partie. Ils espèrent pouvoir en atténuer les dégâts, jouer les soigneurs sur la touche. Et il y en a d'autres qui pensent n'avoir aucune raison de renoncer à un projet de société plus humain, plus solidaire, plus proche de l'histoire de l'Europe et de ses traditions. Ce n'est pas l'affreux spectacle que je vois actuellement en Louisiane qui va me faire changer d'avis. Il faut cesser, comme le fait la droite, de saper le moral de ce pays; nos gouvernants se servent de leurs échecs pour justifier de leur incompétence.

Quel homme ou quelle femme voyez-vous pour porter vos couleurs en 2007 ?
La gauche peut l'emporter. Elle en a le devoir. A condition de rassembler dans un grand mouvement la déception et la colère des Françaises et des Français, tout en leur donnant un nouvel espoir. Pour l'heure, je préfère m'employer à créer ce mouvement plutôt que de spéculer sur le nom du futur capitaine.

Compte tenu du nombre de celles et de ceux qui se considèrent comme la personnalité idéale pour porter l'étendard socialiste en 2007, croyez-vous à un retour de Lionel Jospin pour mettre tout le monde d'accord ?
Au vu du 21 avril 2002 et du 29 mai 2005, je ne pense pas aujourd'hui que Lionel Jospin incarne cette possibilité. Mais tout être humain a droit à la métamorphose.

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