Une exigence de clarté

Gaëtan Gorce
Intervention de Gaëtan Gorce, député de la Nièvre, lors du Conseil national du Parti socialiste du 4 juin 2005.


 
Chers camarades, chers amis,

je crois qu’il faut que nous placions la réponse que nous devons commencer à apporter aujourd’hui au scrutin de dimanche dernier à son véritable niveau. C’est notre responsabilité.

D’abord, naturellement, au niveau de l'Europe. S’il est trop tôt, comme l’a rappelé François, pour tirer le bilan du référendum et de voir toutes les conséquences du vote qui est intervenu, on voit bien que les premières conclusions qu’inspire la situation européenne, sont préoccupantes pour l’avenir, pour l'Europe évidemment, pour la France avec un Président de la République manifestement affaibli, et pour défendre les positions françaises, et pour contribuer à relancer la mécanique.

Le risque que nous courrons aujourd’hui est celui d’une Europe en panne, dans laquelle le réveil des égoïsmes nationaux, finalement assez naturel lorsqu’il n’y a plus de projet collectif, détricote, commence à déconstruire ce qui a été bâti de décennie en décennie.

Et notre première responsabilité, pour nous tous qui avons affirmé un vote européen, qu’il soit oui ou non, c’est ce que nous avons entendu dans ce débat, c’est de rechercher les solutions et les pistes de la relance de la construction européenne d’abord avec nos amis socialistes européens. Et de ce point de vue j’approuve entièrement la proposition qui est faite de s’adresser à eux pour qu’ensemble nous cherchions les issues de la situation dans laquelle se trouve l'Union européenne aujourd’hui.

Le second niveau est évidemment politique et, sur le plan national, il faut commencer à comprendre les raisons de ce scrutin, mais parfois les explications qui sont données paraissent un peu rapides, ou finalement commandées par la justification des votes qui avaient été choisis avant le 29 mai. Sursaut démocratique, peut-être, ou bien plutôt approfondissement de la crise civique qui frappe notre peuple et qui le conduit à sanctionner à chaque élection la droite ou la gauche auxquelles on reproche de n’offrir aucune solution crédible aux problèmes économiques et sociaux qui fragilisent nos concitoyens.

Demande de plus d’Europe ou bien plutôt malaise quant à ses frontières géographiques, politiques surtout, et le contenu de son projet. Une Europe dont le degré d’intégration politique, y compris dans nos propres réflexions, reste trop flou. Exigence sociale sans doute, mais ou bien plutôt crispation défensive faute de savoir comment concilier les changements économiques et le maintien et la demande de protection.

Au final, on en retient surtout le sentiment d’une France déçue, désabusée, doutant d’elle-même, mais d’abord de ceux qui la dirigent, des Françaises et des Français qui savent bien que notre pays doit s’adapter à un monde nouveau, qui voient l’inéluctable affirmation. Et nous l’avons vu dans ce débat, de grandes puissances économiques et démographiques qui changent la donne au plan international, mais qui s’interrogent sur la façon de préserver leur identité et leur modèle social. Ce sentiment d’incertitude, loin de nous réjouir, devrait au contraire nous inquiéter tant que nous n’aurons pas été capables de définir ensemble une perspective et un projet. C’est pourquoi la vraie réponse à ce qui arrive, dans les jours qui viennent de s’écouler, et pour les mois qui viennent, c’est bien effectivement un congrès sur le projet. Mettons au clair nos idées et nos propositions, c’est une exigence de clarté.

Trop souvent peut-être nous tournons le dos à la réalité, les Français savent que des changements sont inévitables. Tous les débats dans lesquels nous sommes associés montrent bien que la situation ne peut se résumer simplement dans un conservatisme de droite comme de gauche, mais appelle des évolutions. La responsabilité qui est la nôtre, c’est de montrer que ces évolutions sont compatibles avec les exigences de solidarité et de justice sociale. Vers quoi courrons-nous si finalement nous ne travaillons pas à ce projet novateur ? Nous avons un axe dans ce Parti qui a besoin d’être défini. Il y a naturellement un courant qui peut se caractériser d’une manière qu’on peut caricaturer comme sociale libérale, un autre que l’on peut caricature ou exprimer comme social radical. Bref, des propositions diverses, mais dont aucune ne peut satisfaire l’exigence socialiste d’une synthèse politique claire, d’un socialisme du changement et du mouvement qui reste à inventer.

C’est cet axe central qu’il nous faut construire en termes de propositions et d’identité lors de ce congrès.

Il y a naturellement, et au-delà naturellement du oui ou du non qui se sont exprimés, dans le pays et dans le Parti, c’est pour cela qu’il faut envisager, je crois, des États généraux de l’alternance réunissant celles et ceux qui veulent gouverner à gauche en 2007.

Mais ce rassemblement a naturellement des préalables. Le premier est de tirer calmement, sereinement, les conséquences politiques du désaccord qui s’est installé entre nous au su et au vu de tous, au sein même de la majorité du Parti sur la question européenne.

L’affrontement public de deux lignes n’a échappé à personne et il est normal et naturel qu’autour de son Premier secrétaire s’organise une direction homogène. Il ne doit y avoir, ni chasse aux sorcières, ni règlement de compte, ni mise en cause des personnes. Le débat dans lequel nous devons nous engager à partir d’aujourd’hui doit respecter et préserver chacun d’entre nous, quelque que soit la position qu’ils ont prise, et porter pour l’essentiel sur les conséquences politiques d’une décision qu’ils ont assumée à un moment donné, ou des propositions qu’ils auront à faire dans le débat.

Et c’est là aussi que se situe le second préalable sur lequel je conclurai : il nous faut établir une éthique de parti, rappeler la règle commune. Ce qui s’est produit au cours des dernières semaines pose sans doute un problème de discipline, pose aussi le problème de la rénovation de notre Parti, mais d’abord le respect que nous devons tous assumer, des règles collectives, lorsqu’elles ont été exprimées démocratiquement. Si chacun pouvait avoir un parti à sa carte, s’il y a autant de points de vue qu’il y a de consciences bonnes ou mauvaises, alors il n’y a plus de Parti socialiste et nous ne pouvons, ni rassembler autour de nous, ni préparer l’alternance. Il faut que nous ayons cette volonté, les uns et les autres, de faire en sorte que ce qui s’est passé au cours des dernières semaines soit une parenthèse regrettable dont nous tirons les conséquences, mais une parenthèse, et que chacun ici prenne l’engagement formel de respecter désormais les règles qui nous réunissent et sans lesquelles nous ne pourrons pas avancer.

Si je devais résumer en quelques mots le propos qui est le mien, nous devons faire preuve de maîtrise et de sang froid, de respect des personnes et surtout consacrer toute l’énergie que je vois aujourd’hui parfois mettre dans les expressions des uns et des autres à nous opposer, non pas seulement à nous rassembler, mais à inventer le socialisme de demain par lequel nous pourrons, en 2007, l’emporter.

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