Un pas vers un monde plus équitable

Elisabeth Guigou
Intervention de Elisabeth Guigou, députée de Seine-Saint-Denis, lors du conseil national du parti socialiste, le 9 octobre 2004.


 
Mes chers camarades,

Toutes les convictions sont respectables. La mienne, sur l’Europe, est ancienne. Elle s’est forgée, il y a plus de vingt ans maintenant auprès de François Mitterrand et j’ai pu constater, en travaillant auprès de lui à partir du début des années 80, que chaque fois il avait fait le choix de l’Europe.

Il l’a fait en 1983, il l’a fait en 1985, 1986. Il l’a fait en 1989 en lançant la charte sociale au Conseil européen de Strasbourg contre les Britanniques et les Danois. Il l’a fait en 1992 avec le Traité de Maastricht.

Je me souviens qu’il l’a encore fait à la fin de 1994. Je le revois au Congrès de Liévin, fatigué, affaibli, nous dire : “ Mes camarades, ne vous trompez pas. ”. Je me souviens aussi que c’est ce même mois, devant le Parlement européen, que devant les députés de 12 pays, il a conclu finalement son engagement politique avec cette phrase admirable : “ Mesdames et Messieurs, le nationalisme, c’est la guerre. ” Il a été ovationné par les centaines de députés européens de ces 12 pays différents.

Qu’a fait Lionel Jospin ensuite ? La même chose. Il a accepté le Traité d’Amsterdam que nous n’avions pas négocié et qui avait beaucoup de défauts ; il a ensuite obtenu le traité sur l’emploi et la charte sociale.

Il faut donc arriver à engranger ce que l’on nous propose et à prendre appui là-dessus pour aller plus loin.

Si je respecte ceux qui optent pour le non, je ne me résignerai pas pour autant à ce qu’il y ait de la désinformation sur le Traité et à ce qu’on mette dans ce Traité des choses qui n’ont rien à voir. Par exemple, le chômage : mieux vaut s’en prendre à Raffarin pour ça. Ce n’est pas le Traité de Bruxelles qui est responsable du chômage ou des délocalisations !

Je pense qu’il faut s’en tenir en effet au texte lui-même. Et là-dessus, je voudrais revenir sur deux ou trois affirmations de Laurent Fabius. Des avancées, le traité en contient et il le reconnaît. Mais dire qu’il y a aussi des reculs, notamment sur la laïcité est faux. J’ai entendu moi aussi Michel Charasse sur RTL dire : “ Mais il y a le texte de la charte, l’article 2-70, qui nous dit : “ Chacun a la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé par le culte, l’enseignement, les pratiques et l’accomplisse des rites. ” ” C’est vrai, il y a ça, et Michel en tirait l’argument de dire : “ Alors n’importe quel gamin pourra tirer le tapis de prière et faire sa prière dans les établissements scolaires. ”

Je vous demande d’entendre aussi ce que disait déjà la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l’Homme adoptés en 1950. Elle disait exactement la même chose au mot près : la liberté de manifester sa religion, sa conviction, dans l’espace privé et dans l’espace collectif, au mot près. Alors, on peut se poser la question de savoir si notre législation sur la laïcité va être compatible avec la Cour européenne des Droits de l’Homme. C’est justement la question qui a été posée au moment de l’élaboration de la loi sur la laïcité et le juge français à la Cour européenne, M. Costa, est venu nous dire non et depuis, d’ailleurs, il n’y a jamais eu de jugement européen qui se base sur la convention européenne des Droits de l’Homme dont le texte est intégralement repris pour contester les lois françaises sur la laïcité.

Laurent Fabius nous parle aussi des services publics. Il faut justement que ce traité soit adopté, et notamment sur l’article 3-56, pour avoir ce que nous avons réclamé depuis toujours, c’est-à-dire une loi transversale, une loi-cadre qui protège les missions de service public.

Vincent Peillon disait : “ La charte sociale ne sera pas obligatoire. Elle ne s’imposera pas aux États. ” Quand cette charte n’était pas dans le texte du préambule de la Constitution, la Cour de justice européenne a pris des décisions qui faisaient référence à la charte et qui donnaient des raisons. Bien sûr qu’elle aura encore plus valeur obligatoire quand la charte sera intégrée dans le Traité constitutionnel !

Certains font référence à a déclaration annexe pour dire qu’elle n’a pas de valeur juridique. La déclaration annexe dit explicitement que les déclarations n’ont pas de valeur juridique, voilà la vérité.

Ainsi regardé, on constate que le traité ne contient pas de recul et qu’il n’y a que des avancées.

Oui, il faudra aller plus loin. Et Laurent a raison de dire qu’à 25 on ne pourra probablement pas aller beaucoup plus. Mais, déjà avec ce traité à 25, nous constituons bien mieux qu’une zone de libre échange ou qu’un grand marché, nous avons un corps de valeurs, nous avons des politiques communes, et il faudra justement que nous soyons quelques-uns pour aller plus loin et faire les coopérations renforcées dans tous les domaines, y compris - et pour la première fois - dans le domaine de la défense. Mais aussi pour faire les coopérations renforcées sur l’harmonisation fiscale, sur le traité social et sur la politique étrangère. Permettez-moi de vous dire qu’il faudra être au moins huit ; il faudra donc avoir des alliés ; nous n’avons pas intérêt à nous couper de nos amis européens, et notamment de la gauche européenne pour y arriver.

Si nous disions non à ce Traité, si la France disait non à ce Traité, je sais qui applaudirait : ce sont ceux qui veulent un monde unipolaire, un monde gouverné par les États-Unis d’Amérique. Si nous disions oui, nous ferons un pas, un petit pas certainement, mais un pas vers un monde plus équitable, vers un monde multipolaire, vers un monde qui refuse le choc des civilisations et qui préconise, sous la houlette de l’Europe, le dialogue des cultures.

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