Banlieues : la réalité vient de rattraper le pouvoir

François Hollande

Entretien avec François Hollande, premier secrétaire du Parti socialiste, paru dans le quotidien Le Progrès de Lyon daté du 7 novembre 2005
propos recueillis par Francis Brochet
 

L'aggravation des violences urbaines ne doit-elle pas conduire à l'établissement d'un « front républicain » plutôt qu'aux polémiques politiciennes ?
Oui, je pense que la polémique ne doit pas s'ajouter aux difficultés que vivent de nombreux habitants des quartiers, victimes de la violence depuis dix jours et je veux exprimer cette responsabilité et cette solidarité. Mais le gouvernement doit lui aussi faire la preuve de cette double attitude : d'abord en évitant les paroles blessantes, provocatrices dont le ministre de l'Intérieur a hélas fait preuve, ensuite en prenant des décisions fortes pour rétablir l'ordre républicain et le dialogue. Enfin, en changeant de politique car depuis 2002, tout ce qui marchait - sans régler tous les problèmes - a été systématiquement démoli : police de proximité, emplois jeunes, ZEP, soutien aux associations. C'est pourquoi je demande un débat parlementaire. La réalité vient de rattraper le pouvoir, il est temps désormais qu'il la prenne en compte.

Concernant le Parti socialiste, êtes-vous satisfait du débat ayant précédé le vote de mercredi ?
Les socialistes ont mené un débat utile, car il a porté pour l'essentiel sur leur projet. J'ai relevé beaucoup de convergences entre les cinq motions présentées, et je ne m'en plains pas. Les socialistes ont fait l'effort que je leur demandais pour regarder non pas vers le mois de mai 2005 mais vers mai 2007, moment du rendez-vous avec les Français.

Pourquoi avez-vous concentré les critiques, aussi bien des motions concurrentes que de votre propre camp ?
Parce que je défends l'intérêt général du PS. Mon souci constant a été d'éviter la confusion des échéances : d'abord le projet, ensuite le contrat de gouvernement avec nos partenaires de gauche, milieu 2006. Enfin la désignation du candidat socialiste à la fin de l'année prochaine. Ne précipitons pas les choses ! Regardons à droite, où un candidat obsédé de lui-même néglige ses fonctions ministérielles pour promouvoir sa propre image. On en voit aujourd'hui les conséquences.

Diriez-vous, avec Dominique Strauss-Kahn, que l'avenir de la gauche est en jeu au congrès du Mans ?
Oui, car aujourd'hui, toutes les conditions d'une défaite de la droite sont réunies. Elle a échoué au plan économique, elle s'est déconsidérée au plan social, et elle est divisée en son sommet. Pour autant, la victoire de la gauche n'est pas acquise. Tout dépendra des socialistes et de leur vote du 9 novembre. Ils vont choisir librement leur stratégie - un rassemblement de la gauche sur un projet crédible - comme la méthode pour revenir aux responsabilités et y réussir - cohérence et vérité.

Demain sont organisées des manifestations pour le service public et contre la privatisation d'EDF. Serez-vous présent ?
Le Parti socialiste participera à toutes ces initiatives, sur une base claire : en ne s'engageant pas à une surenchère protestataire, mais en disant comment, de retour aux responsabilités, nous remettrions EDF dans le domaine public. J'ai proposé que EDF redevienne 100 % publique grâce au rachat par la Caisse des dépôts des titres qui auront été distribués sur le marché privé.

Ce n'est pas exactement la « renationalisation » réclamée par Laurent Fabius...
Moi, je n'ai jamais été pour l'ouverture du capital quand la gauche était au pouvoir, et je me refuse aux slogans, y compris dans l'opposition. Je ne change pas de position en fonction des postures de Congrès.

Une biographie vous est consacrée, sous le titre « L'énigme Hollande ». La vraie énigme, au fond, c'est votre endurance...
Oui, c'est de tenir bon, quelles que soient les circonstances. Ce qui exige de dominer les succès comme les défaites, de ne pas céder devant les humeurs du temps et de ne pas brûler les étapes. Bref, de choisir un cap et de ne pas varier selon les circonstances. Car pour moi, il n'y a pas de chemin de traverse : peu m'importe qui sera notre candidat en 2007, l'essentiel est de gagner, et de ne pas décevoir les Français quand nous serons de retour aux responsabilités.



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