Parlement européen 
 le 17 juin 1998


par
  François Hollande



 


J'interviens devant vous à un moment où le contexte européen n'a jamais été aussi favorable pour les socialistes et les sociaux-démocrates.
Nous avons connu de grandes victoires ces derniers mois, je pense bien entendu à celle de Tony Blair, à celle de Lionel Jospin, mais également de nos amis hollandais et danois, et nous sommes aujourd'hui aux responsabilités dans de nombreux gouvernements. Nous pouvons en retirer une légitime fierté mais cela nous donne également un certain nombre d'obligations, car si l'Europe demain ne se construit pas en fonction des attentes de nos peuples, nous ne pourrons pas nous en exonérer, nous ne pourrons pas accuser nos adversaires, nous devrons simplement constater que nous n'avons pas été à la hauteur de la mission qui nous était confiée. Voilà pourquoi l'engagement européen est pour nous décisif. Nous avons quatre défis majeurs à relever :

1. Notre priorité :
la lutte contre le chômage.
Nous avons souhaité les uns et les autres réorienter le cours de la construction européenne, notamment en voulant une politique de croissance, en mettant l'accent sur la formation, en développant toutes les formes d'employabilité mais nous avons aussi voulu, en France, aller plus loin avec la réduction du temps de travail, et je sais que cela fait débat dans votre groupe. Nous avons la faiblesse de penser que, sans vouloir généraliser une orientation plutôt qu'une autre, la réduction du temps de travail fait partie, avec la croissance bien sûr, des solutions pour lutter contre le chômage.
Nous avons obtenu que chaque gouvernement définisse un plan national pour l'emploi. Il nous appartient, il vous appartient maintenant au Parlement européen de faire en sorte qu'il y ait un suivi de la mise en oeuvre des plans nationaux pour l'emploi.

2. Réussir l'euro.
Je crois que c'est l'intérêt de tous ceux qui ont voulu l'euro mais aussi de ceux qui ne sont pas encore dans l'euro.

  • Nous avons, à partir de cet objectif commun, la réussite de l'euro, à nous assurer d'un contrôle des institutions et notamment de la Banque Centrale Européenne et votre Parlement, et donc notre Groupe, aura nécessairement à définir, et j'en ai discuté avec plusieurs d'entre vous, une méthode par rapport à la relation qu'il faut entretenir avec la Banque Centrale Européenne.
  • Nous militons nous socialistes français pour un gouvernement économique. Certains le voient avec crainte. Je voudrais ici les rassurer. Le gouvernement économique n'est pas un moyen de contrôler la Banque Centrale! C'est un moyen de faire prévaloir des orientations économiques qui nous engagent tous.
    Le Conseil de l'euro qui a été défini dans les précédents Sommets, nous devons le faire vivre. Ave le Parlement européen, il doit réfléchir à tout ce concerne l'harmonisation fiscale, les normes sociales minimales, ou le salaire minimum qu'il faut instituer à l'échelle de l'Europe.
  • La troisième obligation qui pèse sur nous, toujours pour la réussite de l'euro, est de militer pour une réforme du système monétaire international car s'il n'y a pas cette réforme et quand bien même y aurait-il un euro et même un euro fort, si les mouvements du dollar et maintenant du yen affectent la stabilité des relations monétaires internationales, c'est notre continent qui se trouvera aussi mis en cause.


3. L'Agenda 2000 et de la réforme de la Politique Agricole Commune.
Je ne vous apprendrai rien en vous rappelant les engagements des socialistes français pour que ces fonds structurels soient préservés, et à un niveau important. C'est essentiel pour l'image de l'Europe, pour la solidarité. C'est essentiel aussi pour l'accompagnement de mutations très importantes que nous affrontons dans nos pays. Je pense notamment à toutes les difficultés dans les agglomérations, dans les quartiers difficiles et je sais que beaucoup de gouvernements travaillent par rapport à ces nouveaux problèmes et également les mutations industrielles.

Sur la réforme de la Politique Agricole Commune, je sais que là aussi c'est une question qui peut nous diviser entre socialistes comme cela nous divise entre nations mais nous nous pensons qu'il est important qu'il y ait une agriculture en Europe qui bien sûr assure une production élevée mais qui ne soit pas organisée sur une base simplement productiviste. Nous militons aussi pour qu'il y ait une modulation des aides et un plafonnement. Et enfin, nous sommes extrêmement vigilants comme vous sur la sécurité alimentaire et donc sur une production de qualité.

4. Le dernier défi est celui de l'élargissement et de la réforme des institutions.
Nous sommes tous en faveur de l'élargissement et en même temps nous savons qu'il n'y a pas aujourd'hui de précipitation. Nous voulons l'élargissement mais nous voulons aussi qu'il y ait une réforme des institutions qui soit préalable à cet élargissement.
Mais sommes-nous vraiment les uns et les autres au clair sur ce que nous appelons réforme des institutions ? Et il appartient à mon sens au Groupe socialiste européen, au Parti des socialistes européens, d'être beaucoup plus précis sur ce que doit être la réforme des institutions. Il ne s'agit pas de bousculer le triptyque Parlement européen, Conseil et Commission, mais il s'agit je le crois de mieux organiser le fonctionnement de nos institutions et de combler le déficit démocratique.
A partir de là il faut prendre une initiative. L'initiative pourrait venir de la Commission, elle semble hésiter. L'initiative devrait venir du Conseil, mais est-il sûr d'aboutir dans un proche délai ? Je crois donc qu'il appartient au Parlement européen et au Groupe socialiste européen de prendre ses responsabilités et de redonner à chaque institution sa place. A la Commission un rôle d'impulsion bien sûr, au Conseil européen un rôle qui doit être celui de préserver les intérêts des Etats et au Parlement européen d'assurer son travail de contrôle démocratique. Mais si nous restons silencieux sur la réforme des institutions, il est à craindre qu'elle ne se fasse pas ou plutôt qu'elle se fasse au détriment des instances issues du suffrage universel.

Un dernier mot au sujet de la préparation des prochaines élections européennes. Cela nous concerne tous. Notre objectif est de revenir encore plus nombreux la prochaine fois. Disant cela je satisfais ceux qui sont là et je rassure ceux qui veulent les rejoindre. Mais je pense qu'effectivement c'est un enjeu décisif. La droite paraît faible en Europe, mais elle est électoralement encore puissante tout comme le libéralisme est fort. Dès lors, il y a tout avantage à ce que le Groupe socialiste européen soit le groupe le plus important du Parlement européen au mois de juin prochain. Cela conditionne bien évidemment les responsabilités au sein de ce Parlement. Cela aura également des conséquences sur la constitution de la Commission européenne. Si nous voulons gagner ces élections, il nous faut préparer un manifeste qui, évidemment, reprenne ce qui nous rassemble et écarte ce qui nous divise. Mais ce manifeste doit être le plus concret possible, le plus explicite possible pour nos opinions publiques, et le plus apte à mobiliser les électeurs.
C'est pourquoi je souhaite que, avec Pauline Green, avec le Groupe socialiste européen, avec l'ensemble des partis composant le PSE, nous puissions élaborer avec Robin Cook et avec Henri Nallet le meilleur document possible.
Votre contribution sera décisive.

Je termine en vous disant qu'il nous faut, à travers ces élections, remporter finalement une double bataille : une bataille de conviction pour l'idée européenne, et une bataille de raison aussi pour convaincre les européens qu'aujourd'hui ce sont les socialistes qui incarnent l'idée européenne.



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