Nous serons vigilants

François Hollande
Entretien avec François Hollande, premier secrétaire du Parti socialiste, paru dans le quotidien Le Parisien daté du 3 novembre 2005
Propos recueillis par Philippe Martinat
 

Que pensez-vous de la décision annoncée par Dominique de Villepin d'autoriser les préfets à recourir au couvre-feu ?
Je ne veux rien faire qui puisse empêcher le gouvernement de retrouver les conditions d'un retour à l'ordre républicain. Mais nous serons évidemment vigilants sur l'application de cette mesure qui ne peut être qu'exceptionnelle, limitée dans le temps et dans l'espace. Bien entendu, les élus locaux doivent être impérativement associés aux décisions d'application dans leurs départements.

Le Premier ministre a défini plusieurs priorités et indiqué que les subventions aux associations, qui avaient été réduites, allaient être restaurées...
Il est dommage d'être obligé aujourd'hui de rétablir ce qui a été supprimé hier. Pourquoi a-t-on attendu ce déchaînement de violence pour considérer que les associations jouent un rôle important, que l'emploi doit être une priorité, que le soutien aux éducateurs et aux acteurs sociaux devait enfin être pris en considération ? Et que dire de ces annonces en matière d'éducation alors que tous les crédits, notamment pour les zones d'éducation prioritaires (ZEP), ont été remis en cause depuis 2002? Ce que je souhaite, c'est que ces intentions - même si elles font figure d'autocritique - se traduisent concrètement dans les faits. Mieux vaut encore que le gouvernement revienne sur ses mauvaises décisions plutôt qu'il s'enferre dans une politique qui a visiblement échoué.

Que dites-vous aux habitants des quartiers partagés entre peur et exaspération ?
Je veux d'abord leur exprimer ma solidarité. Ce sont les personnes les plus fragiles et les plus modestes qui sont les premières touchées par les violences. Ce sont leurs voitures qui flambent et leurs équipements qui brûlent. Elles attendent, et c'est normal, que la loi républicaine soit respectée. Et c'est pourquoi, avant toute chose, il est impératif de rétablir l'ordre et la sécurité. Mais, de cette crise doit sortir une prise de conscience collective et une volonté nationale. Ces quartiers méritent que la République leur donne les mêmes chances qu'aux autres. Le message d'espoir que je veux leur adresser, c'est qu'il n'y a pas de fatalité devant la ségrégation urbaine ni de résignation face aux discriminations.

Si vous revenez au pouvoir mettrez-vous cette fois-ci “ le paquet ” pour tirer les banlieues de la crise ?
Il faut dire la vérité : oui il faut mettre le paquet en termes d'éducation, d'accompagnement social, de développement de l'emploi, de soutien aux associations, de prévention de la délinquance, de suivi des jeunes en difficulté, de logement social. Mais tout ne se fera pas en un seul jour: ce sont des politiques qui exigent de la constance et de la persévérance. Il faut en finir avec ce jeu des alternances qui effacent ce que les prédécesseurs ont engagé. Or, c’est hélas ce qu’a fait la droite: elle a démantelé la police de proximité, les emplois jeunes, les actions de prévention. Je prends donc l’engagement de garder tout ce qui marche, mais de changer de dimension, d’ampleur, de volonté. Il faut remettre du progrès dans ces cités, avec un plan massif de création d’emplois, de mixité sociale dans les logements et de présence de services publics. Il faut aussi que soit représentée dans la sphère politique la diversité de la population.

Cette situation exceptionnelle ne justifie-t-elle pas un report du congrès du PS et du vote des militants qui doit avoir lieu demain ?
La France n'est pas dans un état tel qu'on ne puisse plus délibérer ni voter. Les gens vont toujours travailler le matin et l'activité n'est pas suspendue. Je ne vois donc pas pourquoi il faudrait interrompre le processus de notre congrès. Et, d’ailleurs, nul ne le demande. En revanche, la situation exige de la part du PS, de ses militants et, à fortiori, de ses responsables, de prendre la mesure de la crise que traverse notre pays. Nous devons tout faire pour que ce congrès soit tourné vers les Français et non sur nous-mêmes et nos débats internes parfois dérisoires. Face à l’échec de la droite, la gauche doit donner du sens, ouvrir une perspective et démontrer qu’elle représente une alternative. Nous avons une obligation de responsabilité. Nous avons plus que jamais le devoir de nous rassembler et de tenir des discours qui soient en rapport avec la réalité.

Certains vous reprochent de vouloir transformer ce congrès en conseil disciplinaire...
Je ne fais pas de la discipline mais de la démocratie. Le respect du vote, ce n'est pas une exigence procédurière : c'est tout simplement le fondement même de notre organisation. Quand j'entends certains dire qu'avec 54 % notre motion ne serait pas légitime, je trouve cette conception curieuse. A partir de quel niveau pourrait-on assumer la direction du PS ? 70 %, 80 % ou pourquoi pas 110 % ? Puisque cette question est posée, je demande aux adhérents socialistes de voter massivement pour la motion que je conduis, cela évitera toute spéculation.

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