Présider autrement
Limoges - Jeudi 14 mars 2002

 Discours de Lionel Jospin prononcé lors du second grand meeting de la campagne présidentielle, à Limoges (Haute-Vienne).


 

Mesdames, messieurs,
mes chers amis,
mes chers camarades.

Venir à Limoges, dont je salue le maire, Alain Rodet, dans ce département de la Haute-Vienne, historiquement ancré à gauche, et présidé par Jean-Pierre Peyronnet, c’est pour moi le plaisir de retrouver cette région à la tête de laquelle je salue Robert Savy. Le Limousin est une vieille terre républicaine à laquelle nous sommes tous, socialistes, attachés.

Elle est aussi pour nous une terre de conquêtes, et parfois même de reconquêtes, et d’abord pour notre premier secrétaire, François Hollande devenu, ô symbole, maire de Tulle au cœur de la Corrèze, hier encore fief RPR.

Je ne parle pas, bien sûr, du plaisir pour moi de m’exprimer dans la salle du CSP Limoges, où j’ai eu déjà l’occasion de venir assister à la victoire du club.

En tout cas, cette configuration particulière de cette salle consacrée au basket m’a donné le plaisir, l’émotion presque esthétique et le mouvement affectif de rentrer dans cette salle pour voir ce mur humain d’hommes et de femmes dressés vers nous, vers moi, et j’en ai été heureux.

Je salue, naturellement, en Haute-Vienne, comme en Creuse, comme en Corrèze, les élus, les militants, les citoyennes et les citoyens de gauche, les hommes et les femmes venus pour s’informer quelle que soit leur opinion, et j’associe à ce salut les membres d’autres sensibilités de la gauche.

Chacun de nous ici, et vous bien sûr, pourrait évoquer à sa façon ce qui fait que la gauche s’est sentie toujours bien accueillie en limousin.
La tradition socialiste sans doute portée par des femmes et des hommes qu'animaient et que continue d'animer l'ambition d'un monde juste.
L’emprunte de la résistance, laissée par celles et ceux qui se sont dressés dans les maquis pour que vive la liberté et que soit battue l’oppression.
Un mouvement ouvrier puissant, qui sait pour l’avoir éprouvé le prix des luttes, et qui sait aussi la valeur du travail.

Enfin, et c’est encore une originalité qui fait le prix de cette région, un monde rural, de tradition républicaine, de sentiment et de culture spontanément progressistes, qui a lui aussi animé souvent ici des combats et des actions. Mais si votre région est authentique, si elle est fière de son histoire, elle est aussi tournée vers le futur. Et je l’évoquerai tout à l’heure en parlant de ma vision des territoires de France.

Mais avant de parler de nos campagnes, je voudrais évoquer la campagne.

Cette campagne doit permettre à chacun de dire sa vérité ou de révéler sa vérité, afin que les Français jugent et choisissent.

La campagne est désormais lancée, elle commence à opérer son travail de vérité, le cheminement des consciences se fait, le regard est porté sur les promesses d’avant-hier, sur les actes d’hier, sur l’impuissance d’aujourd’hui, et sur la reprise à nouveau des promesses contradictoires pour demain.

Il y a, cela me frappait en venant, cependant que je réfléchissais à ce que je vous dirais, il y a dans cette campagne un absent et un revenant. L’absent, c’est le septennat du président sortant, le revenant, c’est la supposée menace socialiste, dont François déjà vous a entretenu.

Voyons l’absent, si j'ose dire.
Il faut quand même rappeler que dans cette campagne présidentielle que Jacques Chirac ne se présente pas aux élections présidentielles mais se représente après sept ans de mandat pour demander aux Français d’être à nouveau président pendant cinq ans. Il y a ici des élus de toutes natures, lorsque, une fois votre mandat achevé vous vous représentez devant vos concitoyens, vous parlez quand même un peu de ce que vous avez accompli en leur nom, de la question de savoir si vous êtes restés fidèles à vos engagements.

Et là, de la part du président candidat sortant, pratiquement rien.
Et ce qui serait vrai pour un député, un maire, un président de conseil général ou un président de conseil régional, cesserait d’être vrai, c’est-à-dire l’élection présidentielle, ce n’est pas ma conception de la vie publique et de la politique.

Vous me direz qu’il y a là un élément de logique : si on ne parle pas de bilan, c’est qu’il n’y a pas de bilan.

Alors, apparaît depuis quelques jours, à l’occasion d’une émission de télé puis d’un meeting à Marseille, un revenant, que dis-je ? Un spectre ! Celui de la menace socialiste.

La menace de son idéologie d’abord.
Que le socialisme soit un grand courant de pensée politique dans notre pays, et même dans toute l'Europe, et même au-delà, dans beaucoup d’autres pays du monde, là où se sont constitués des mouvements ouvriers, là où on a essayé de rendre moins dure l’exploitation de l’homme par l’homme, que ce soit un grand courant de pensée politique, chacun le sait. Et Jean Lacouture, le sait par sa pensée, par ses écrits, mieux que tout autre. Et nous sommes fiers que Vaillant, que Jaurès, que Blum, que Mitterrand aussi aient illustré la pensée et parfois la doctrine socialiste.

Que nous soyons mus par des convictions, par des valeurs, par des principes, que le vent qui passe, le public particulier que l'on veut choyer, ne suffisent pas à changer. Cela peut surprendre ceux dont les idées et les positions ont été si souvent changeantes. Mais en quoi la liberté, la justice sociale, le désir de progrès, l’égalité des chances, la solidarité, la laïcité, l’esprit de tolérance, pour moi constitutifs du socialisme démocratique, constituerait-il une menace dans notre pays, et pour qui d’abord ?

Enfin, nous gouvernons depuis cinq ans en France avec la majorité plurielle. Nous avons beaucoup travaillé, solidement réformé, nous avons tenu nos engagements, nous avons réussi de belles choses, connu aussi des insuccès ou affronter des retards, mais je ne crois pas qu’à un seul moment, et particulièrement pas au moment où nous aussi nous sommes avec notre bilan, que les Français aient eu l’impression d’être gouvernés par des idéologues menaçants.

Aussi peu crédible, et donc presque irréel, c’est le mot qui m’était venu à la pensée, est la prétention pour le principal président de la droite de s’ériger en seul obstacle à la mainmise totale par la gauche sur notre pays. Nous avons gouverné pendant cinq ans avec scrupules, respectant le Parlement, repectant la haute administration et son objectivité, la justice, la presse, les autorités indépendantes que souvent nous avons nous mêmes constitituées pour que des règles objectives dans des domaines sensibles soient établies. Alors s’il y a eu un exemple de mainmise totale d’un mouvement politique, ce fut dans notre pays au cœur de sa capitale, et cela a d’ailleurs conduit à un rejet par les Parisiens de ce système et, grâce au talent de Bertrand Delanoë et de tous ceux qui l'ont entouré, à la victoire de la gauche. Mais, et c’est un engagement fondamental, pas à la victoire de la gauche pour la gauche, mais à la victoire de la gauche pour les Parisiens.

On retrouvera d’ailleurs ce caractère irréel de l’analyse dans le tableau de la France tracé par l’opposition.

S’il y a donc un faux débat dans ce court moment de campagne, c’est bien celui de l’idéologie. Je m’efforce seulement d’avoir des idées, de ne pas en changer systématiquement, d’être fidèle à mes idéaux, de conserver une cohérence, d’essayer d’agir de façon logique, et il me semble que c’est la caractéristique de ceux qui m’entourent et m’accompagnent.

Il y a par contre de vraies différences.

Ai-je besoin de vous redire ici à Limoges que nos convictions sont différentes de celles de la droite, elles l’ont toujours été et nous l'avons constaté à nouveau tout au long de cette législature, la droite a voté contre toutes nos grandes réformes, sauf, exception, celle de la réforme de l'ordonnance de 1959 sur la constitution financière de l'État pour laquelle, effectivement, un consensus a pu être finalement établi. Mais elle a voté contre la parité, elle a voté contre le Pacs, elle a voté contre la Couverture maladie universelle, elle a voté contre les emplois-jeunes, elle a voté contre contre les 35 heures, elle a voté contre la réduction des cumuls des mandats et ces mesures étaient positives et ont été approuvées par les Français.

Regardons aussi les propositions pour l’avenir. Les Français verront également les différences.

Pour les retraites : proposer de garantir les retraites par répartition comme je le fais, ou bien de mettre en place des fonds de pension qui établiront, dans le système des retraites français le ferment de l’inégalité et de l'injustice comme le propose le candidat du RPR, ce n’est pas la même chose.
Pour la Sécurité sociale, garantir notre régime de solidarité comme je m'y engage, ou mettre en place son démantèlement par l’ouverture du régime maladie aux assurances privées comme le souhaite le MEDEF et comme le propose le candidat du RPR et l'opposition, ce n’est pas la même chose.
Ou bien encore, pour la fiscalité, baisser les impôts les plus injustes, comme la taxe d’habitation comme je le propose, ou bien baisser les impôts que paient les plus riches, ce n’est pas la même chose.

Nous n’avons pas les mêmes valeurs, pas les mêmes projets, nous n’avons pas toujours non plus, sur des questions essentielles qui touchent à la conception même de la politique, une même façon d’être et d’agir. En tout cas François, je peux te faire une promesse ce soir, c’est que quand je présenterai mon projet lundi, je le présenterai publiquement et non pas secrètement, je le prononcerai sans prompteur, et je le présenterai moi-même.

Ce qui me frappe aussi, a l’occasion de ce que j’entends dans cette campagne de la part de plusieurs des leaders du RPR, et aussi d’autres, c’est que, au fond, deux visions de la France nous séparent. Nous n’aimons pas la France tout à fait de la même manière, semble-t-il, ou alors, nous ne voyons pas la même.

L’opposition et le candidat du RPR ont une vision sombre de la France, comme s’ils n’avaient pas confiance en les Français. Et cette description quasi crépusculaire de mon pays n’a rien à voir avec la réalité de celui-ci.

Par un révélateur retour un arrière, par-dessus la brève thématique volontariste et optimisme de la fracture sociale, le candidat du RPR retrouve l’inspiration, et parfois les mots de 1988 face à François Mitterrand, ou de 1997, quand on s’efforçait de justifier la dissolution par la gravité de la situation économique du pays. Le principal candidat de la droite évoque d’un prétendu déclin que rien dans les faits ne vient corroborer comme si le pessimisme de l’esprit s’était nourri de l’impuissance de l’action.

La vérité est qu’il y a cinq ans, la France doutait d’elle-même, de ses capacités. Les Françaises et les Français vivaient un état de dépression économique, sociale, politique. C’est cela d’ailleurs qui a conduit à la dissolution, comme s’il fallait anticiper sur l’échéance qui venait en prenant l'opposition que nous étions alors par surprise.

En proposant des ruptures, en faisant entendre notre voix, en cherchant en même temps l’équilibre nécessaire dans la conduite de notre politique économique entre les exigences sociales et la bataille pour la compétitivité, en ne nous inscrivant pas dans des promesses impossibles de baisses de recettes et d’augmentation des dépenses et de réduction des déficits, mais en tentant de faire fonctionner justement une politique entre ces trois pôles qu'il faut bien à chaque moment concilier, nous avons commencé à recréer la confiance et à rebouer les fils du progrès. Les Français ont commencé à retrouver une forme d’optimisme.

Nous savons certes que le thème de la décadence est un thème lancinant de la droite. Les conservateurs crient souvent à la catastrophe imminente particulièrement quand la gauche est là pour entreprendre des réformes économiques et sociales. C’est notre histoire depuis deux siècles : à chaque fois le même discours : la crainte du lendemain, le gouffre sous nos pas, mais rien de cela ne se produit jamais, les acquis sociaux restent parce que la gauche se bat. Si bien que la droite elle-même, sur certains sujet, finit par évoluer et se résigner à accepter ce qu’elle avait si vivement condamné encore la veille. Le Pacs est le dernier avatar de cette structure du débat politique. Ce Pacs qui devait tuer la famille, abattre le mariage, stériliser quasiment les couples ! Et le Pacs est là, les mariages n’ont jamais été si nombreux, et les Français, optimistes, font des enfants plus que partout en Europe.

Je crois donc que le prétendu déclin de la France évoqué par la droite, cette vision sombre et pessimiste, et qui pourrait décourager les Français, est en décalage très fort avec la réalité du pays.

Certes, il nous faut être lucides, voir les ombres, les retards, sentir les souffrances, mesurer les obstacles.

Le chômage, oui, il reste encore trop élevé, et je veux le faire reculer plus encore. Mais comment passer sous silence les 2 millions d’emplois créés en cinq ans. Comment nier qu’il y a moins de chômeurs que quand la droite a perdu le pouvoir en 1997. Il reste 2 millions de chômeurs, des exclus, des sans domicile fixe, donc sur le social, il a été accompli plus que jamais dans ce domaine en cinq ans.

Les emplois jeunes ont rendu espoir à des jeunes gens et jeunes filles.

Grâce à la Couverture maladie universelle, des milliers de nos concitoyens et même des étrangers peuvent enfin accéder aux soins qui leur étaient interdits et retrouver de la dignité.

La loi contre les exclusions, dont Jacques Chirac veut s’attribuer le mérite alors qu’elle n’a pas été votée, et que nous avons dû la reprendre et la refaire tellement elle décevait les organisations, la loi contre les exclusions a apporté des outils nouveaux et des moyens sans précédents. Le nombre de bénéficiaires du RMI recule pour la première fois depuis sa création par Michel Rocard. Comme l’a montré un rapport récent de l’INSEE, la pauvreté recule enfin dans notre pays. L'allocation personnalisée d'autonomie est un soulagement pour des centaines de milliers de familles qui pourront mieux ainsi entourer leurs ainés. C’est d’ailleurs avec nous, si on y réfléchit bien, et non pas avec les tenants du libéralisme, avec ceux qui s’accommodent des inégalités, que les personnes âgées dans notre pays peuvent espérer trouver véritablement une protection.

L’économie, bien sûr il reste beaucoup à faire, et nous traversons une phase de ralentissement provisoire, et qui, peut-être même, est en train de cesser, mais 1997, 98, 99, 2000, la France a connu quatre années de croissance exceptionnelle, qui ont permis de rattraper le retard accumulé.

Et même en 2001 au moment où la conjoncture est moins favorable, la France résiste mieux que ses voisins au ralentissement mondial.Les indices publiés par l’INSEE, les indications données par la Banque de France permettent justement d’espérer une reprise plus rapide que celle que nous escomptions ce qui là aussi ne doit pas nous conduire au pessimisme.

La société, certes, est encore taversée de tension, est encore habitée de frustrations, et c’est un crève-cœur que de voir de jeunes hommes saccager une famille et détruire leur propre vie.

Il faudra bien que, tous ensemble, par les moyens de la répression quand même elle est nécessaire, par les moyens de la prévention, que des enfants, que l’on voit menacés par les premières dérives, les premiers comportements déviants, il faudra bien faire de ce deuxième défi de la sécurité, de la tranquillité civile, non pas un objet de combat politicien, mais une grande mission comme nous l’avons fait pour le chômage lors de cette première mandature.

Cette société, nous l’avons remise en mouvement. Nous avons commencé à répondre à son envie de changement. Nous avons accompagné son évolution, mais nous l’avons fait tout en réaffirmant des règles de vie en commun, pour que cet espace nouveau où des libertés nouvelles sont conquises soit aussi un espace disposant de repères.

Nous avons voulu le Pacs, nous avons voulu la parité politique pour donner aux femmes toute la place qui leur revient, et il reste à gagner la bataille de l’égalité professionnelle et celle de la répartition des tâches dans la famille.

Nous avons voulu la limitation du cumul des mandats et nous serions allés plus loin si la droite sénatoriale n'avait pas opposé son véto.

Nous avons voulu l’indépendance de la justice. Là encore, la droite a opposé son refus.

Nous n’avons pas une vision euphorique de la situation, mais nous nous efforçons d’avoir une vision lucide et optimiste de la France, de ses forces comme de ses faiblesses, de ses ressorts comme de ses blocages.

Notre nation est soucieuse d’identité, mais voyez comme les Français ont déjoué tous les pronostics frileux pour s’approprier l’euro en quelques semaines. Les Français sont parfois difficiles à gouverner, mais ils sont capables de se mobiliser si on leur propose un dessein.

Nous avons une économie pleine de potentialités, capable de la croissance la plus forte si on lui en donne les moyens et si on soutient la confiance. La doite et nous, je me le dis parfois, ne parlons pas du même pays ou alors nous ne l'aimons différemment.

J’ai confiance en les Français. Je fais confiance à leurs capacités, leur courage et leurs talents. C’est pourquoi je veux dire ma confiance en la France : d’une France active, sûre, juste, moderne, forte. Les cinq engagements de ma campagne présidentielle.

Une France active, sûre, juste, moderne, forte, parce que réconciliée, et je suis candidat à cette fonction suprême pour une France réconciliée.

J’ai travaillé à cela pendant ces cinq années de gouvernement, mais la présidence, je le sais, impose d’autres responsabilités, quand on les assume, et permet aussi d’agir de façon différente. J’ai évoqué dans un autre meeting la nécessité d’une réconciliation et je crois que ce mot résume bien ma démarche. Ma conviction est qu’il ne faut pas opposer les générations entre elles, les territoires entre eux, l’initiative et la solidarité, l'identité nation et l'engagement européen, ma conviction est qu’il faut chercher à construire ensemble un mouvement où ces oppositions se concilient et se dépassent, permettant à chacune et à chacun de trouver sa place au sein de la communauté nationale.

C’est pourquoi je veux que le quinquennat qui s’ouvre soit un quinquennat de réconciliation, réconciliation des deux France celle qui créée, qui innove, qui invente, dont les revenus sont élevés et stables, celle qui peine, celle des ouvriers, des employés, sans le travail desquels rien n’est possible. Parce que s’ils n’ont pas pour eux l’éclat des médias, les renoms de la publicité, la flamme des succès remportés, les palmarès édifiés, les agriculteurs, les ouvriers, les employés qui constituent la masse la plus importante de groupes sociaux par leur travail productif, un travail productif créateur, fondé sur l'habileté, l'amour du métier, la connaissance de la machine, la discipline acceptée, oui, sans ceux-là, tous les autres talents ne pourraient pas briller, et ces deux France, je les veux ensemble.

Comme je veux que ceux qui connaissent le travail précaire, et souvent, les femmes, les petits boulots, les chômeurs, les exclus, retrouvent progressivement leur place, je veux qu’aucune Française et qu’aucun Français ne reste en dehors du pacte commun.

Je veux la réconciliation des Français avec la politique. Je veux convaincre les Françaises et les Français que l’abstention peut être, par moments, un moyen de protestation, mais qu’elle n’est pas une solution. Voter à un sens : le sens d'un engagement collectif, d'une responsabilité partagée, d'un avenir à construire ensemble. Je veux réconcilier les Français avec leur avenir.

Les menaces pèsent sur nous, c’est vrai. La guerre n’est pas finie en Afghanistan, la tension est grande au Proche-Orient, le monde est trop injuste pour ne pas être dangereux. Mais si nous le voulons, nous pouvons faire de notre avenir non pas un risuqe mais une chance, nous réconcilier avec notre avenir et construire ensemble ce futur commun. Au proche-Orient, aujourd’hui, le destin hésite encore. La spirale de la violence et de la haine doit être vaincue. Ces deux peuples qui ont tout finalement pour s’entendre : l’expérience historique de la souffrance, de l’isolement et du rejet, l’intelligence collective qui se forge dans les grandes épreuves, ces deux peuples doivent absolument, dans ces terres imbriquées, qu'il faudra sans doute séparer, ces deux peuples doivent retrouver la démarche de la paix et du vivre ensemble.

Il existe aujourd’hui des signes trop faibles que chaque attentat meurtrier d’un fanatique, en même temps désespéré, se tuant pour tuer des innocents, malgré les répliques brutales, excessives qui empêchent le pouvoir politique d’exercer véritablement sa mission, qui détruisent des infrastructures, qui désespèrent tout le monde, malgré cela, il existe quelques signes positifs. La tentative de proposer un processus pour reprendre la discussion politique, la proposition du prince héritier en Arabie Saoudite, d’offrir la paix entre le monde arabe et les Israéliens.

Tout cela n’est pas suffisant si, à nouveau la violence se déchaîne, et la France, la diplomatie française en particulier, par le travail d’Hubert Védrine, fait des propositions dans ce sens. J’espère donc que, là aussi, la raison, la paix, l’esprit de tolérance, la volonté de vivre ensemble va se frayer à nouveau un chemin.

Pour pouvoir réconcilier la France, il faut être en harmonie avec soi-même, il faut être en accord avec son propre camp.
Ce n’est pas l’image que donne la droite. Elle est divisée, elle n’assume pas ses différences. Ses formations politiques tentent de se dissoudre dans une structure unique. Cette tâche de réconciliation, que nous sommes prêts à l’assumer.

C’est rassemblée que la France pourra combattre et faire reculer les inégalités.

La principale inégalité est celle face au travail : d’abord entre eux qui ont un travail et ceux qui n’en ont pas. Ensuite entre ceux qui ont un bon emploi stable, et ceux qui sont dans la précarité. Pour moi le travail doit payer, et la précarité n’est pas acceptable. Maintenant que les perspectives de croissance ont été dégagées, que des emplois nouveaux ont été créés, il faut inciter les entreprises, par des mesures réglementaires et fiscales à favoriser les contrats à durée indéterminée. Il faut leur demander, en étant logiques avec elles-mêmes, et avec leurs organisations quand elles disent qu’il faut travailler plus longtemps pour payer les retraites, nous disons : cessez d’écarter les travailleurs de plus de 50 ans qui ont de l’expérience, embauchez-les pour qu'ils travaillent, pour qu'ils produisent et pour qu'ils contribuent justement à payer ces retraites dont vous parlez.

Il est injustifiable que les revenus du capital soient moins taxés que ceux du travail et je propose de rapprocher ces deux fiscalités.

Une France réconciliée est une France où règne une plus grande égalité des chances. C’est dire le rôle central de l’école, de l’éducation et de la formation. Au-delà de la formation initiale, celle qui voit les jeunes construire leur propre avenir, je propose de créer un dispositif de formation tout au long de la vie, assis sur un capital de formation auquel chacun aura droit pour compenser les inégalités de la formation initiale.

L’égalité, c’est aussi des services publics modernes et efficaces, dont la présence en milieu rural comme dans les quartiers dégradés est un gage d’égalité des chances et de cohésion sociale.

Nous en parlerons demain à Barcelone, au conseil européen. Je considère que ce combat est essentiel. Je ne suis pas du tout contre la concurrence, c'est la logique du marché unique, mais la libéralisation de secteurs essentiels doit être maîtrisée. Je veillerai à ce que, indépendamment de l’affirmation de la libéralisation, l’effectivité de l’ouverture des marchés dans les autres pays soit assurée.

Le combat pour le service public nous oppose aux libéraux, qui ne voient dans ces services que le vestige d’une idéologie socialiste. Nous sommes attachés aux services publics, et c’est cette position que le gouvernement et les autorités française que nous défendrons à Barcelone demain.

Mes amis, je ne voudrais pas multiplier les exemples, mais il est clair que travailler à une France réconciliée, c’est lutter contre toute discrimination, celle qui écratent les femmes, qui touchent les étrangers, celles et ceux qui souffrent d’un handicap, ici, à Limoges, au cœur du Limousin, je veux aussi vous dire que la France réconciliée, c’est aussi celle des territoires réconciliés. Il n’y a pas de territoires condamnés. C’est l’exemple essentiel de la solidarité nationale.

Je suis heureux d’exprimer mes points de vue sur l’avenir des territoires de la France, j’ai toujours aimé ces deux France.

La vieille distinction entre monde rural et monde urbain est en train de se transformer, un nouveau partage se fait autour des mêmes lycées, des mêmes hôpitaux, des mêmes loisirs, etc.

Mon propos portera ce soir surtout sur le monde rural.

Le monde rural est pour nous Français le monde dont nous venons, la France, qui fut longtemps une République paysanne, est toujours une très grande puissance agricole, elle est toujours cette nation aux 36 000 communes, ce qui est à la fois un formidable outil démocratique et une structure parfois lourde à faire vivre, mais fondateur d’une citoyenneté riche.

Le monde rural porte un art de vivre précieux qu’il faut préserver. Il est vivant. Presque partout la population augmente, après un siècle d’exode rural. 300 000 habitants ont fait le choix de s’installer en monde rural ; après un siècle de déclin, c’est peut-être le signe d’un tournant.

Ce monde rural est divers. Ici, le vieillissement continue, la population recule, il faut se battre pour garder son école, son médecin, les jeunes sont loin des loisirs de la ville. L'État doit garantir l’accès de tous aux services publics et aux transports collectifs. Plus loin, la population change, l'État doit anticiper le mouvement, agrandir les écoles, créer les postes d’instituteurs.

La base du monde rural reste l'agriculture. Parce qu’elle nous nourrit, qu’elle fait travailler 680 000 exploitations. Parce que c’est un élément essentiel l'agriculture, aussi parce qu’elle entretient ce territoire, construit inlassablement nos paysages, protège notre patrimoine, transmet une part essentielle de notre structure commune. Je veux rendre hommage à Louis Le Pensec, à Jean Glavany et François Patriat, qui, dans le respect des règles républicaines, a accepté de prendre ce ministère.

La loi d’orientation agricole a permis de prendre en compte les différentes fonctions de l'agriculture : maintien de l'emploi, occupation de l'espace, protaction de l'environnement. Nous avons également épaulé une agriculture dynamique, efficace, surtout quand elle se faisait respectueuse de l'environnement et soucieuse de qualité, veillant à la sécurité sanitaire des animaux. L'agriculture dont le grand Massif-Central pourrait être un exemple puisqu'on sait ici que l’élevage extensif et le respect de la qualité sont des valeurs incontournables des agriculteurs.

Nous avons aussi très nettement amélioré la situation sociale des agriculteurs, grâce notamment à Germinal Peiro, à chaque discussion budgétaire.
La création du statut de conjoint de collaborateur, l’effort sans précédent en faveur des petites retraites agricoles.
La création d’un régime complémentaire d’assurance vieillesse apportera 7 000 francs de plus par an aux chefs d’exploitation retraités. Je sais la situation difficile de retraités agricoles, mais s'ils regardent les choses avec objectivité, ils admettront que la majorité a bien travaillé pour le monde rural. Le monde rural a un avenir. Pour développer le monde rural vivant, il faut promouvoir le désenclavement, l’accès aux nouvelles technologies, couverture audiovisuelle de l’ensemble du territoire.

Agir sur l’emploi, dans l'agriculture, dans les entreprises du milieu rural, par le tourisme, apporter les services à la population en les adaptant aux besoins réels : les services publics de l'État, mais aussi les grandes entreprises publiques qui sont des services publics et doivent le rester : la Poste et ÉDF.

Cet avenir passe aussi par la prise en compte de la protection de la nature.

La nature a toujours fait partie du monde rural, les hommes y ont toujours été attentifs, mais nos sociétés modernes, en comprenant que le stock de diversités naturelles devaient être respectées, agriculteurs, chasseurs, écologistes, doivent apprendre à se respecter, à travailler ensemble. Le respect mutuel, leurs diverses relations à la nature doivent être rapprochées, c’est l’intérêt de tous.

Pour conforter son avenir, le monde rural doit être soutenu au nom de la solidarité nationale. Il faut des services publics, aider l’installation des médecins, protéger les écoles. Il y a là un espace qui est un atout pour l’avenir, nombre de nos voisins européens nous envient.

Les parcs naturels régionaux, vous le savez ici, les pays, les départements jouent ici un rôle essentiel.

Il me faut conclure. D’une part parce que François m’a dit : tu ne dois pas dépasser une heure. Je suis limite. D’autre part parce que je dois aller retrouver nos amis espagnols ce soir pour être demain matin, aux côtés du président, au sommet de Barcelone.

J’ai été profondément heureux d’être ici avec vous ce soir, comme je le suis d’ailleurs depuis le début de cette campagne dans chaque rencontre avec vous et avec nos concitoyens. Je suis, dans cette campagne électorale, et vers le moment du choix qui vient, serein mais déterminé, animé de cet esprit de volonté, de vérité, et d’unité dont parlait François tout à l’heure.

Je suis sans soucis pour mon avenir quel qu'il soit, mais prêt totalement, profondément, dans ma conscience intime, et dans mon engagement politique à assumer la charge de chef de l'État pendant cinq ans.

Pendant tout ce premier toujours, car il s’agit pour le moment d’un premier toujours, je participerai au débat avec force, conviction, franchise, parce que c’est quand même le moment où il faut se dire certaines choses, je serai aux côtés de nos partenaires de la gauche.

Ce matin, je réunissais encore les ministres pour une réunion de travail habituelle, et j’étais frappé que, en dépit de nos engagements différents dans la campagne de premier tour, l’unité était là, forte, que nous n’étions pas un gouvernement à bout de souffle, nous étions là vraiment avec une équipe forte, faisant avancer les dossiers.

Je suis la campagne des autres candidats qui se réclament de la majorité plurielle. Ce qu’ils disent m’importe, m’intéresse, et pourrait, qui sait, contribuer à m’inspirer plus tard.

Je mène cette campagne tourné vers les Français et les Françaises. Ce qui, pour moi, est un élément d’appui, c’est que j’avance dans cette campagne, non point seul, non pas enfermé, mais entouré et ouvert vers les autres. Par une équipe au gouvernement, de personnes compétentes, soudées.

C’est un plaisir pour moi que de compter, ici, outre Hubert Védrine que j’ai cité tout à l’heure, Ségolène Royal. Je rends hommage à sa justesse de ton, sa sensibilité. Michel Sapin, qui a eu à traiter pendant toutes ces années le dossier des relations difficiles avec ces grands corps.

Les ministres, mais aussi des responsables de partis, et François Hollande au premier chef, mais aussi des élus, cette majorité parlementaire qui m’a soutenu durant des années.

Oui, tous ces élus de toutes sortes, m’ont accompagné dans cette campagne.

Bien sûr, seul le peuple peut décider et décidera de mon sort, au sens politique, c’est ça la beauté, l’attente, l’espoir de la démocratie.

En tout cas, soyez sûrs que je mène campagne pour gagner et, si jamais je gagne, oh surprise, enfin par pour nous, pour faire ce que j’aurais promis aux Français de faire.

Pour gagner, chers amis, il faut gagner avec moi les cœurs et les esprits des Français.

C’est cette bataille de l’intelligence, de l’affectivité, du rassemblement, de l’exposition des problèmes, des différences à cette bataille du débat démocratique, à ce rendez-vous avec un grand peuple, riche de l’expérience qu’il a du monde, assuré de son identité, mais voulant, cette fois-ci en faire une force motrice au sein de l'Union européenne, et voulant aussi, comme une force prête au dialogue avec les autres forces qui constituent la communauté humaine internationale, ce rendez-vous avec un grand peuple dans ce continent européen, qui a des défis à relever, je vous invite à la conduire pour gagner les cœurs, les intelligences, pour gagner tout court.

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