Changer à gauche

Pierre Larrouturou
Pierre
Larrouturou

 Contribution générale au congrès national de Dijon présentée par le groupe du PS+changeragauche.net.
18 janvier 2003



+ de démocratie,
+ de justice,
+ de solidarité


PS+

Un PS plus audacieux pour :

  une autre société
 une autre Europe
 une autre mondialisation



 
A la question " Peut-on rire de tout ? " Pierre Desproges répondait : " Oui, mais pas avec tout le monde. " A la question : " Peut-on dire toute la vérité ? " un responsable politique répond souvent, de fait : " Oui, mais pas à tout le monde. "

La vérité est explosive. Elle est terrible à dire mais nous pensons qu’elle est trop grave pour ne pas être portée à la connaissance de tous. Nous pensons que chacun en fait suffisamment l’expérience pour pouvoir l’entendre et qu’il est temps de la regarder ensemble, en face, faute de quoi elle causera des dégâts plus graves encore.

La vérité, c’est que notre société va dans le mur parce qu’elle est gangrenée par le chômage et l’exclusion.

La vérité, c’est que notre démocratie a mauvaise mine parce qu’elle s’affaiblit abstention après abstention.

La vérité, c’est que le lien social, les valeurs de solidarité et de fraternité vacillent à force de discours médiatiques et publicitaires sur le culte de la performance individuelle et du chacun pour soi.

La vérité, c’est que l’Union européenne est menacée de rester mal aimée et mal comprise si elle reste seulement une zone de libre-échange.

La vérité, c’est que l’actuelle mondialisation est conduite sous la tutelle d’une pensée cynique et dévastatrice.

Alors que faire ? Notre objectif n’est pas de dénoncer " le système " afin d’en accélérer les contradictions et d’attendre son effondrement. Il y a longtemps que nous avons rompu avec les illusions faciles du romantisme révolutionnaire. Nous sommes réformistes et assumons pleinement l’affrontement avec la réalité. Nous n’avons pas peur du pouvoir dont nous pensons qu’il ne corrompt pas toujours. Nous acceptons que son exercice oblige à des compromis parce qu’un compromis n’est pas une compromission si l’ambition l’emporte toujours sur la seule gestion.

Chômage, retraite, précarité, crise de la représentation, régulation des médias, construction d’une Europe politique et sociale, mondialisation et faim dans le monde, en ces domaines nous ne devons céder ni au populisme, ni à l’inertie. La tâche est immense mais elle est à la hauteur du désenchantement qu’expriment les électrices et électeurs, scrutin après scrutin.

Nous voulons que notre parti bâtisse un projet de changement ambitieux et réaliste, fidèle à nos valeurs. L’enjeu est de regagner la confiance perdue, de reconjuguer le politique avec l’action et non simplement de commenter les problèmes. Le temps n’est plus à changer les pansements mais à penser le changement.

Cela ne se fera qu’en respectant des principes forts : le courage d’aborder tous les sujets sans tabous, d’écouter et de proposer des solutions nouvelles.

Nous vivons un temps de crise. Crise sociale, économique, financière, crise démocratique, crise écologique et enfin crise culturelle et idéologique. Toute crise est à la fois danger et opportunité.

Oui, il y a danger : socialement, la situation est explosive. Economiquement, c’est la fuite en avant et politiquement, nous avons encore en mémoire les résultats du 21 avril. A cela, il est urgent de répondre.

Mais, il y a aussi des opportunités : les expertises et analyses lucides ne manquent pas. Elles peuvent conduire à des propositions qui permettront de prendre un autre virage, de remonter la pente car les prochaines échéances électorales ne sont pas loin. L’espoir peut renaître.

C’est pourquoi nous ne nous contentons pas de crier " au loup ! " : nous proposons les plans d’une nouvelle bergerie.

La contribution PS+ porte son regard, développe son analyse et propose des solutions sur trois axes essentiels.

Le premier de nos axes est celui de la transformation sociale. Nous l’avons décliné sous la forme de trois chantiers : Chômage-précarité, Démocratie, Médias.

La question sociale est au centre de la refondation socialiste. C’est l’axe des préoccupations les plus quotidiennes de millions et millions de Françaises et de Français. Le chômage est pire que ce qu’on nous a présenté. La précarité des emplois s’aggrave. Les inégalités aussi. Si l’on dissipe le brouillard, entretenu par tous ceux qui se satisfont de la situation actuelle, le choix apparaît clairement : précarité ou cohésion sociale ? Libéralisme ou liberté ?
     Ecartons le danger d’une société éclatée où l’aggravation des inégalités peuvent conduire aux pires périls ;
     Saisissons l’opportunité du temps de la réflexion pour élaborer un nouveau contrat social qui permettra de traiter le mal en profondeur quand le temps de l’action sera revenu.
Le chantier suivant est celui de la démocratie, de notre système de participation et de décision. Longtemps, ce chantier a été laissé à l’abandon sous couvert de consensus mou et d’aménagements avec sa conscience. Le cas de la cohabitation en a été un exemple pathétique.
     Ecartons le danger d’un discrédit, sans retour, du politique ;
     Saisissons l’opportunité d’une crise manifeste pour faire naître une nouvelle République redonnant la parole aux citoyens.
Enfin, la question de la régulation des médias. Chantier qui peut sembler secondaire. Pourtant, construire un nouveau projet ne pourra se faire qu’en travaillant sur les mentalités et les médias jouent un rôle central en ce domaine. Nous n’avons pas besoin de rappeler les litanies sur l’insécurité distillées par certaines chaînes de télévision pendant toute l’année 2002.
     Ecartons le danger d’un espace médiatique envahi par la mise en scène mercantile d’émotions vides de sens ;
     Saisissons l’opportunité d’un malaise ressenti par de nombreux professionnels et de nombreux citoyens pour lancer un vrai débat sur la régulation des médias ;
Le second axe de réflexion porte sur la construction européenne. C’est une question historique et pourtant, hélas, si souvent traitée de façon caricaturale. L’union va s’élargir. Ses institutions vont être modifiées, c’est donc maintenant qu’il va falloir trancher les débats qui ont trop longtemps attendu.
     Ecartons le danger d’une Europe réduite à une simple zone de libre-échange et donnons de la substance à l’Europe politique et sociale.
     Saisissons l’opportunité de l’élargissement et de la refonte nécessaire des institutions ;
Enfin, le troisième axe est le plus large mais aussi peut-être le plus essentiel. C’est celui de la mondialisation.
A cette échelle, ce qui est en jeu n’est ni plus, ni moins que la valeur du travail humain. Cette valeur se dégrade car elle est indexée sur des biens vitaux dont la valeur est en baisse.
     Ecartons les dangers d’une hypothèque pure et simple de l’avenir de la planète et d’une exaspération de populations en détresse, sujettes à toutes les aliénations ;
     Saisissons l’opportunité d’une prise de conscience globale qu’un autre monde est possible. Les négociations internationales ne doivent plus forcer les pays pauvres à s’aligner sur des conditions sans cesse durcies. Le volume des transactions financières spéculatives ne doit plus croître sans frein à l’abri des paradis fiscaux.
Voilà les questions qui nous semblent fondamentales pour permettre au PS de gagner en 2007. Nous nous opposerons d’autant mieux à la politique menée par la droite que nous pourrons développer des propositions nouvelles, crédibles aux yeux des Françaises et des Français sur le fond et par la méthode.

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La question sociale au cœur de la refondation socialiste

 
Le PS a été au pouvoir 15 ans au cours des 21 dernières années. Avons-nous réussi, pendant ces 15 années, à construire un véritable progrès social ?

Voyons notre société en face. Le système de santé est en crise aiguë, comme le logement social. Les banlieues sont de plus en plus tendues et les campagnes de plus en plus inquiètes. Les salariés sont sous tension : les salaires stagnent et le stress augmente.

Le chômage et la précarité atteignent des sommets et, pour la première fois depuis un demi-siècle, le niveau de vie des retraités commence à baisser nettement…

Notre société ne va pas bien, nous en sommes tous conscients. Le bilan de ces 15 années de pouvoir ne correspond pas à ce que nous espérions. Voilà pourquoi nous voulons débattre. Nous voulons essayer de comprendre comment on en est arrivé là, comment surtout on peut sortir notre pays de la crise.

À nos yeux, la question sociale est au cœur de la crise dans laquelle s’enfonce notre pays.

Elle doit donc être au cœur de notre travail de reconstruction.

Le 21 avril 2002, le " monde du travail " n’a pas voté pour le candidat socialiste. Le FN est arrivé en tête chez les salariés et les ouvriers, chez les chômeurs et les précaires mais aussi chez les jeunes de 18 à 25 ans. Cinq catégories sociales qui, autrefois, votaient à gauche. Les cadres du privé sont la seule catégorie à avoir placé Lionel Jospin en tête (Enquête sortie des urnes CSA La Tribune). 30% des chômeurs ont voté pour Le Pen et 14% seulement pour le candidat socialiste. La division de la gauche n’explique pas tout : le total des voix de la gauche plurielle est inférieur au total de l’extrême-droite chez les ouvriers (22% contre 28%) et chez les chômeurs (22% contre 36%).

En mars 2001, déjà, la gauche perdait une trentaine de villes alors qu’elle était unie ! Le séisme du printemps 2002 n’est pas un incident dû à la division de la gauche. Les causes sont plus fondamentales : elles révèlent la gravité de la crise qui morcelle notre société.

Le chômage reste la question fondamentale

    Malgré quatre années de croissance forte, malgré les emplois jeunes et les 35 heures, il reste 3 800 000 personnes au chômage et des millions de précaires.

    Le cercle vicieux d’une société gangrenée par le chômage

    Tant que le chômage et la précarité resteront à ce niveau, la pression à la baisse sur les salaires continuera de s’exercer. Tant que le chômage et la précarité resteront à ce niveau, le stress des salariés continuera d’augmenter.

    Tant que la part des salaires dans le PIB restera aussi basse, la croissance restera molle et nous aurons les plus grandes difficultés à maintenir le niveau des retraites, à financer la Sécu, les retraites et l’ensemble de nos services publics…

     Une croissance riche en emplois… pauvres

    Le bilan officiel était formidable : " 900 000 chômeurs en moins, bientôt le plein emploi ! " La réalité est plus contrastée : en 5 ans, le nombre de chômeurs cherchant un CDI à plein temps a diminué de 900 000 mais les autres catégories (chômeurs qui accepteraient un CDD ou un temps partiel) augmentaient de 340 000. Par ailleurs, suite à un décret à un décret publié en juin 99, le nombre de chômeurs dispensés de recherche d’emploi augmentait de 100 000. Au total, le 21 avril, 3 800 000 personnes étaient inscrites à l’ANPE, alors que le baromètre officiel ne parlait que de 2 200 000.

    Parmi ces 3 800 000 chômeurs, leurs conjoints et leurs proches, qui a voté pour le candidat PS au premier tour ? Combien étaient-ils parmi les 300 000 CES, les 1 000 000 RMIstes, les 1 200 000 intérimaires ou ces milliers de jeunes en galère absents des statistiques ? Parmi ces millions de salariés qui acceptent des emplois stressants et des salaires stagnants, parce que " c’est mieux que rien " ?

    Entre 1997 et 2002, le nombre total des chômeurs a diminué de 440 000. Même si le bilan de la gauche est meilleur que celui de la droite en 1993-97 et de ce que l’on pressent pour 2002-2007, on est loin des miracles annoncés.

    30/03/1993

    30/04/2002

    Evolution

    Chômage officiel (catégories 1 et 6)

    3 078 000

    2 648 000

    -430 000

    Total des catégories 1,2,3,6,7,8 de l ’ANPE

    3 440 000

    3 435 000

    -5 000

    Chômeurs dispensés de recherche d ’emplois

    250 281

    370 347

    120 000

    Chômage total

    3 690 000

    3 805 000

    115 000

    Personnes au RMI

    604 000

    1 020 000

    416 000

    Personnes en CDD

    616 000

    975 000

    359 000



    Après tout, nous dira-t-on, même si elle n’a été que de 440 000, la baisse du chômage n’est-elle pas bonne à prendre ? Si, bien entendu. Mais la joie de voir diminuer les statistiques ne nous interdit pas de nous intéresser aux centaines de milliers de personnes qui ne sont plus au chômage mais pour lesquelles la nouvelle norme d’emplois et de salaires est le demi-Smic. Quand on dit que " la croissance est riche en emplois ", on oublie de préciser " en emplois pauvres ".

     On sous-estime les conséquences du chômage

    La multiplication de ces emplois précaires est humainement une catastrophe. Aujourd’hui, pour des millions d’hommes et surtout de femmes, la vie consiste en l’alternance de périodes de chômage et de périodes de précarité : la galère à durée indéterminée…

       Le travail s’émiette et la condition des salariés se délite

    Le chômage déstabilise toute la société et déséquilibre complètement la négociation entre salariés et entreprises : le " si t’es pas content, tu peux aller voir ailleurs ", dit ou non dit, remplace souvent toute vraie négociation. Combien de millions de salariés doivent se contenter des conditions de travail et du salaire qui leurs sont imposés ?

    Année après année, notre pays s’habitue à cette dégradation du marché du travail qu’on lui présente comme inéluctable. En 1994, Balladur avait échoué à introduire le SMIC jeune (SMIC - 20%). Aujourd’hui, le SMIC à – 30% ou - 50% est devenu la norme pour des centaines de milliers d’emplois. Qu’avons-nous fait pour réagir contre cette évolution ? La loi de modernisation sociale s’est contentée d’aligner la prime de fin de CDD sur le niveau de prime des intérimaires alors que cette prime n’a pas empêché l’intérim de doubler en quelques années…

       Chômage et déstructuration sociale

    Le chômage a certes baissé entre 1997 et 2002 mais pas partout de la même façon. Pour certaines " populations ", il a même augmenté : l’INSEE a récemment montré que le chômage a augmenté de 100 000 dans les Z.U.S. (les " quartiers difficiles "). Il y atteint souvent 25%! Comme, dans le même temps, aucune vraie politique de la ville n’était mise en oeuvre (la construction de nouveaux logements sociaux est même tombée de 72 000 en 1994 à 35 000 en 2000), on comprend que la tension monte dans certains quartiers.

    La mortalité est trois fois plus forte chez les chômeurs que chez les actifs occupés (INSEE, octobre 2000).

    Le premier facteur d’inégalité scolaire est la situation professionnelle des parents (INSEE, janvier 2001). Autrement dit, le chômage est un handicap, transmissible aux enfants…

    Le travail stable est favorable au civisme. Les personnes au chômage ou occupant un emploi instable en 1999 ont voté nettement moins en 2002 que les salariés en CDI (INSEE, janvier 2002).

       Chômage et intégration

    Le chômage de masse rend difficile l’intégration des jeunes issus de l’immigration. Ils sont, en moyenne, deux fois plus exposés au chômage que les jeunes " Français de souche ". Le niveau élevé de chômage et les discriminations à l’embauche dont ils souffrent ne favorisent pas leur intégration.

       Répartition Travail/capital dans le PIB : renforçons le camp des salariés

    La part des salaires dans le PIB a chuté de 76,6% en 1980 à 68% en 2000. Plus de 8% de chute sur un PIB de 1 500 milliards d’euros, ce sont quelques 120 milliards d’euros (790 Mds francs) qui vont rémunérer le capital alors qu’ils seraient allés aux salariés si le marché du travail retrouvait l’équilibre de 1980.


    120 milliards sur une année ! Il ne faut pas s’étonner que la bulle financière ait autant enflé et que le salaire moyen stagne. 120 milliards d’euros, voilà de quoi améliorer nettement la situation d’un grand nombre de familles. Avec un taux moyen de cotisation et d’impôts de 50%, c’est 60 milliards supplémentaires pour la Sécu ou l’État. À titre de comparaison, 60 Mds d’euros, c’est 12 fois le budget de la justice, 75 fois le budget de l’environnement et presque autant que tout le budget de l’Éducation nationale


    Retraites : pourquoi l'on butte sur le chômage

    On sous-estime la gravité de la réforme des retraites décrétée par E. Balladur en août 1993. Beaucoup n’ont retenu que l’allongement de la durée de cotisation, pensent que c’était un peu inévitable et croient, avec 40 annuités, recevoir une bonne retraite.

    Ce n’est pas du tout le cas ! Leur niveau de vie, notre niveau de vie va très nettement baisser : la retraite d’un salarié qui, pendant toute sa carrière, a touché 1 770 euros net (11 600 F), est actuellement de 1 415 euros (9 280 F). Avec la réforme Balladur, il aura 1 200 euros (7 888 F).

    Au lieu d’être de 20%, la baisse de revenu au moment du départ en retraite sera de 32 %, en général, et de 52 % pour les cadres…

    Et, sans remettre en cause la réforme Balladur, le Conseil d’Orientation des Retraites prévoit un déficit cumulé de l’ordre de 9 500 milliards de francs sur vingt ans ! C’est dire l’ampleur du déficit si l’on veut remettre en cause la perte de revenu liée au décret de 1993. Ne rien faire est impossible.

    Nous faisons le choix de garantir un niveau de ressources élevé aux retraités.

     Les fausses solutions de la droite

    Que propose la droite ? François Bayrou résume assez bien la " pensée " de la droite quand il explique que " les solutions sont connues : retraite à la carte et fonds de capitalisation pour tous les salariés. ". Retraite à la carte et fonds de capitalisation : deux banalités, deux erreurs.

       Une retraite " à la carte " ?

    La formule est excellente. Mais cette expression qui fleure bon une liberté nouvelle n’est qu’un leurre pour la majorité des futurs retraités : chômage et pré-retraite font que l’âge moyen de cessation d’activité est aujourd’hui de 58 ans alors que l’on solde sa retraite en moyenne à 61 ans.

    Quelle liberté ont la plupart des salariés ? Est-ce à la carte qu’ils ont été mis au chômage ou en préretraite ? À la carte, ça fait moderne et ça permet de dépolitiser le débat. Les retraités n’auront qu’à se débrouiller. Après tout les RMIstes arrivent bien à vivre et ils ne nous cassent pas les pieds…

    Que l’on puisse assouplir les fins de carrière, c’est évident. Qu’il faille permettre à des gens qui ont commencé très tôt et ont eu des métiers très fatigants de s’arrêter avant les autres, c’est vrai aussi : un système de bonus-malus permettrait à certaines professions de cotiser un peu moins longtemps. Mais n’est-il pas choquant qu’avec une formule aussi creuse que retraite à la carte, la droite mente aux Français sur un dossier aussi important ?

       Des fonds de pension ?

    Quant aux fonds de pension, qui peut croire que c’est la solution ? Sans doute peut-on développer le Fonds de Réserve des Retraites mais il est clairement insuffisant pour faire face à l’énormité des sommes en jeu. Les promoteurs des fonds de pension mentent quand ils disent que ces fonds sont accessibles à tous : quelle capacité d’épargne a un couple ou une personne seule avec le RMI, le SMIC ou un salaire moyen ?

    Ils mentent aussi quand ils promettent une rentabilité durablement élevée : le Nikkei a perdu 70% de sa valeur en dix ans. Le CAC 40 est revenu à son niveau d’il y a cinq ans. En tenant compte de l’inflation, en cinq ans, il a donc perdu 10%!

    Et que va-t-il se passer à partir de 2006, quand le papy boom amènera des millions de Japonais et d’Américains à vendre leurs actions pour vivre de ces revenus ? Les marchés risquent de baisser aussi vite qu’ils étaient montés (et même plus vite si la croissance est plus lente). Loin d’avoir augmenté, le capital des retraités aura stagné ou même perdu de sa valeur. Contrairement à l’argument cent fois entendu, la capitalisation est un système nettement plus fragile, plus sensible aux évolutions démographiques que le système de répartition.

     Retraites : le vrai problème, c'est le chômage !

       Reculer l'âge de la retraite ferait croître le taux de chômage

    À droite comme à gauche, beaucoup d’hommes politiques un peu sérieux sont convaincus que, pour maintenir un niveau de retraite correct, il faut augmenter la durée de cotisation de 1 ou 2 ans mais ils n’osent pas le dire. Ils ont peur que cette réforme ne fasse 700 000 ou 1 400 000 chômeurs en plus. Si l’on repousse le départ en retraite de 1 ou 2 années, effectivement, non seulement la population active ne va pas diminuer (comme on nous l’a si souvent dit) mais elle va augmenter dans ces proportions. Ce ne serait pas très bon pour les chiffres du chômage. Et cela n’auront qu’un effet virtuel sur le financement des retraites si ces 1 400 000 bientôt retraités ne cotisent pas parce qu’ils sont au chômage…

    L’économiste Jean Paul Fitoussi l’explique clairement : " S’il n’est pas porté remède au chômage, le recul de l’âge de la retraite ne sert à rien. Cela reviendrait à demander aux gens de travailler plus longtemps alors qu’ils manquent déjà de travail. Le vrai problème, c’est le chômage. " (Le Monde 6/03/01).

       S'attaquer au chômage est un pré-requis

    Une deuxième raison nous pousse à lier le dossier des retraites et celui du chômage : on a vu plus haut comment l’existence d’un chômage de masse a fait fortement baisser la part des salaires dans le PIB. Si l’on arrive à casser le chômage, la négociation sur les salaires sera plus équilibrée. Les salaires remonteront nettement. À taux de cotisation constant, c’est plus de ressources pour la Sécu. Et ce dynamisme des salaires (et de la croissance) rendra plus acceptable une petite augmentation des cotisations.

    Les deux dossiers (retraites et chômage-précarité) sont totalement liés. On ne pourra pas sauver les retraites si l’on arrive pas à sortir du chômage de masse.

Des solutions fortes… et réalistes

    Ce n’est plus de la croissance que viendra l’emploi, il faut inverser la proposition : c’est d’une action radicale contre le chômage et la précarité que viendra le retour de la croissance.

    Pour lutter contre le chômage, la croissance n'est plus la solution

    Pourquoi sommes-nous aussi peu efficaces contre le chômage ? En politique comme en médecine, ce qui compte, c’est d’abord le diagnostic. Et l’on peut se demander si le diagnostic était le bon…

    Comment sortir du chômage ? Comment sortir de l’impasse? Il nous faut intégrer deux idées fondamentales :

    1 > comprendre que la croissance n’est pas la solution ;

    2 > comprendre la relation travail-productivité-chômage.



     A la recherche d'une croissance incertaine

    Depuis vingt ans, nos dirigeants affirment que la croissance est la clef de tout pour sortir de la crise sociale. Est-ce bien raisonnable ? La croissance n’est que de 1,8 % en moyenne depuis 10 ans. L’OCDE envisage une croissance de 1,5 % en Europe pour les dix ans à venir.

    Si nous ne sommes pas capables d’une vraie reconstruction sociale, que va-t-il se passer lorsque nous buterons sur la limite des 60% d’endettement public imposé par le traité de Maastricht ? Nous ne pourrons plus financer aussi facilement toutes les rustines inventées depuis 20 ans. Que va-t-il se passer socialement si l’on doit " faire des coupes " dans tel ou tel dispositif ? Que va-t-il se passer économiquement ? Toutes ces rustines nourrissaient la croissance. Si on les supprime, cette dernière diminue mécaniquement…

     Nous n'avons qu'une terre et qu'une vie

    Le risque écologique est aujourd’hui une certitude. 1998 et 2002 ont été les années les plus chaudes depuis que les relevés de température existent. Même l’OCDE affirme aujourd’hui que le risque écologique doit nous amener à remettre en cause nos politiques de croissance.

    Nous n’avons qu’une vie et nous voulons en profiter. Nous voulons vivre pleinement et pas seulement fonctionner en attendant le week-end, en attendant les vacances, en attendant la retraite ou la mort. Nous voulons vivre pleinement et au présent. Et non pas vivre par procuration, perpétuellement inquiets, perpétuellement obligés de renoncer à des projets qui nous tiennent à cœur ou de les repousser en sachant, par expérience, que nous n’aurons jamais le temps.

    Il nous faut sortir de la précarité, de la compétition et du rapport de force permanents pour construire ensemble une société de cohésion sociale et de convivialité. Voilà l’essentiel.

    Comprendre le chômage pour le combattre

     La révolution de la productivité depuis 1960

    Pour vaincre le chômage, il faut d’abord en comprendre son origine. Nous sommes en train de vivre une révolution telle que l’humanité n’en a jamais connue. Alors qu’il avait fallu presque 140 ans pour que la productivité soit multipliée par deux (entre 1820 et 1960), elle a été ensuite multipliée par CINQ en seulement trente ans.


    En un quart de siècle, l’économie française produit 70 % de plus avec 10 % de travail en moins. Depuis 1974, le total des heures travaillées (tous secteurs confondus) est passé de 41 milliards d’heures en 1974 à 36,9 Mds en 2000.

    La durée du travail pour un emploi normal n’a presque pas baissé. C’est donc un partage du travail sauvage qui s’est mis en place : 3 millions de personnes font 0 heure par semaine (les chômeurs) ; 19 millions travaillent plein pot (parfois trop); 4 millions sont à temps partiel (via les CDD ou l’intérim).

    Mais, dans le même temps, la population active disponible augmentait fortement passant de 22,3 à plus de 26 millions de personnes. Le travail nécessaire à l’économie a baissé de 10 % mais le nombre de personnes disponibles a augmenté de 18 %. Un écart de 28 % s’est donc creusé entre l’offre et la demande de travail.

     La question centrale du temps de travail

    Cet écart est la principale explication du chômage. Si, dans le même temps, la durée individuelle du travail avait baissé de 28 %, le chômage serait resté à son faible niveau de 1974. Mais, hélas, notre contrat social est bloqué.

    La durée du travail pour un emploi normal n’a presque pas baissé. C’est donc un partage du travail sauvage qui s’est mis en place : 3 millions de personnes font 0 heure par semaine (les chômeurs) ; 19 millions travaillent plein pot (parfois trop); 4 millions sont à temps partiel (via les CDD ou l’intérim).


    Dans le même temps, l’espérance de vie a augmenté de 5 ans et l’arrivée sur le marché du travail a été retardée de 3 ans en moyenne.
    Pour les plus jeunes d’entre nous, il est donc difficile de s’arc-bouter sur le maintien de la retraite à 60 ans. La retraite à 60 ans était légitime en 1971 quand elle est devenue un des piliers du projet socialiste. Trente ans après, pour rester fidèles à nos valeurs, il faut faire évoluer le contrat social.

    Un référendum pour une triple reforme

    Après 4 ans de croissance à plus de 2,5%, le chômage et la précarité restent massifs. Pourquoi la droite est tellement désarmée pour faire face à la situation ? Pourquoi la gauche doit rompre avec la frilosité qui la caractérise depuis 20 ans ? Parce que, la crise que nous traversons est une crise culturelle, pas une crise économique.

    Pour y répondre, nous devons définir un vrai projet de société et non nous contenter de gérer les fluctuations d’une croissance de plus en plus anémiée.

    Nous sommes, économiquement et humainement, dans une société en fuite. Construisons une société d’équilibre.

    Pour cela, le dossier du temps de travail doit être rouvert et débattu sans tabou. La loi Aubry n’a pas permis de réduire suffisamment ni la durée réelle du travail ni le nombre réel des chômeurs. Beaucoup d’entreprises sont restées en fait à 37 heures.

    La durée réelle moyenne du travail est aujourd’hui de 37H40 (Insee juillet 2002). Revenir sur cette question ne sera pas facile mais c’est absolument vital pour notre cohésion sociale. Sans doute nous faudra-t-il l’aborder avec une méthode différente, de façon plus franche, de façon plus globale aussi - en faisant le lien avec la question des retraites et en ayant un vrai projet de société autour du temps libéré.

     La triple réforme : 4•4•42

    Comme la sauvegarde du système de retraite par répartition exige d’augmenter un peu la durée de cotisation, nous proposons que soit soumis à négociation et à référendum une triple réforme qui peut se résumer en trois temps : 4•4•42 :

    > réduction de la durée réelle du travail à 4 jours

    > possibilité de prendre 4 années sabbatiques dans sa vie

    > allongement de la durée de cotisation à 42 années pour les personnes nées après 1960.


    Il faut réduire nettement la durée du travail pour créer massivement des emplois. Cette première réduction du temps de travail que nous aurons presque quatre ans pour préparer va rééquilibrer le marché du travail.

    Si toutes les entreprises doivent embaucher 10% de salariés nouveaux, on doit nettement activer le système de formation pour qu’elles ne se heurtent pas à des problèmes de qualifications disponibles. C’est un énorme chantier ! Une fois réalisé cet effort de formation et le passage à 4 jours, on pourra envisager de " tendre " à nouveau le marché du travail par une nouvelle RTT (une année sabbatique tous les 9 ans ?) et seulement commencer à allonger la durée de cotisation.

    Passer progressivement à 42 années de cotisation (pour les personnes nées après 1960 et avec une buttée à 65 ans, assurant à tous une retraite complète) permet d’améliorer nettement l’équilibre du système de retraite. S’il est adopté par référendum, ce double mouvement concernerait aussi bien les fonctionnaires que les salariés du secteur privé.

     Pourquoi un référendum ?

       Un référendum, pour poser les vraies questions

    Après quelques mois de négociation, nous proposons que le nouveau contrat social soit soumis à référendum. L’intérêt du référendum est de pousser à tout mettre sur la table. A expliquer les causes du chômage. A expliquer aussi que la mondialisation, le travail des femmes ou " les immigrés " ne sont pas responsables du chômage.

       Un référendum pour faire avancer les mentalités

    Le travail est un élément d’intégration et de construction de soi fondamental. C’est pour cela qu’il faut que tous puissent avoir un emploi et des revenus décents. Mais passer à 4 jours, c’est reconnaître aussi qu’il n’y a pas que le travail marchand dans la vie. Il y a d’autres activités qui peuvent donner du goût à la vie et créer du lien social : Soutenir un projet de développement au Burkina Faso, se mettre à la danse ou au chant parce qu’on en a marre de vivre seul(e) et qu’on voudrait faire de nouvelles connaissances… Tout cela c’est essentiel.

    Arrêtons de faire comme si le travail marchand était la seule activité sociale et comme si tout le reste était du " non travail ". On parle beaucoup de la crise de la famille et des problèmes d’éducation. Qui d’entre nous peut consacrer tout le temps qu’il voudrait à sa vie de couple et à ses enfants ? Même s’il n’y avait pas le chômage, ne faudrait-il pas penser à d’autres rythmes de vie ?

       Le référendum, gage de stabilité et donc d'effectivité de la loi

    Depuis une quinzaine d’année aucune loi importante n’a vécu plus de deux ans. Tant que la loi sera aussi instable, tant que les conditions de financement seront aussi changeantes, les entreprises limiteront le plus possible les créations d’emplois. Un décret peut en quelques jours annuler un décret, une loi ordinaire peut être remise en cause par une autre loi comme l’a montré le sort fait à la loi de modernisation sociale par la droite.

    Si le nouveau pacte social est adopté par référendum, tout le monde sait qu’il est inscrit dans le marbre car il n’a pas le même poids symbolique. Ce sont les Françaises et les Français, directement, qui se sont exprimés sur ce choix de société. Pour les entreprises, rien ne sert de finasser, il faut négocier et on peut négocier en toute sécurité car on ne va pas faire des référendums sur le sujet tous les 2 ans ! Les financements sont pérennes : on peut donc créer des emplois en sachant comment les financer dans la durée…

     Sept étapes pour réussir

    Respecter le bon calendrier est indispensable : réduire le temps de travail avant d’avoir activé le système de formation serait destructeur. On aurait simultanément des tensions fortes sur les salaires et la persistance d’un chômage de masse… Allonger la durée de cotisation alors que des millions de personnes sont actuellement sans emploi serait aussi un non sens. Cela augmenterait le nombre des chômeurs sans rapporter de cotisations nouvelles aux caisses de retraites.

    Pour tenir compte des expériences des 39 heures et des 35 heures, nous proposons un plan en 7 étapes :

    > Relancer le débat public dès que nous serons d’accord entre nous (convention Retraites-Emploi de décembre 2003).
    > Gagner en 2007 et négocier avec les partenaires sociaux.
    > Soumettre le nouveau pacte social à référendum fin 2007 (baisse de la durée réelle à 4 jours-32 heures fin 2010).
    > Activer le système de formation pour que les entreprises trouvent des personnes qualifiées à embaucher.
    > Aider les PME à négocier : diffuser dans chaque profession les témoignages des pionniers déjà passés à 4 jours (avec dans chaque métier une carte des pièges indiquant toutes les difficultés rencontrées et toutes les solutions inventées par les pionniers), aide à la réorganisation, suivi des négociations au niveau du bassin d’emploi, création de groupements d’employeurs…
    > En 2011, évaluer les 4 jours et débattre de la nécessité d’une nouvelle RTT : Une année sabbatique tous les 9 ans ?
    > Commencer à augmenter un peu les cotisations retraite quand les salaires augmentent et quand la croissance repart (et pas avant !). Commencer enfin à allonger la durée de cotisation retraite.

    Les syndicats qui s’opposent aujourd’hui à l’allongement de la durée de cotisation n’y sont pas hostiles dans le cadre d’une vision plus globale du dossier. La CGT prend soin, dans tous ses documents, de dire qu’elle est hostile à l’allongement " dans l’état actuel du dossier " ou " tant que le chômage reste à un aussi haut niveau ".

     Les 4 jours, ça marche !

    La semaine de 4 jours existe déjà dans plus de 400 entreprises : Fleury Michon, Mamie Nova (Coop Even), Monique Ranou ou Télérama mais aussi des centaines de PME inconnues comme un imprimeur dans le Nord, une concession Peugeot dans le Var, ou une agence de pub à Paris…

    À partir de l’effet sur l’emploi observé chez ces 400 pionniers (de taille et de métiers très différents), une étude du Ministère du Travail estimait en 1997 qu’un mouvement général vers les 4 jours créerait 1 600 000 emplois en CDI (sans parler des métiers émergents autour du temps libre et de l’impact sur la croissance qu’aurait la création de 1 600 000 emplois en CDI et donc le surcroît de consommation de 1 600 000 familles).

     Cinq points à négocier

    La négociation tripartite (Syndicats, Patronat, Gouvernement) portera sur, au moins, 5 points clefs.

       Point n°1 : financer les créations d'emplois

    Comment être certains que, même en créant massivement des emplois, les entreprises ne verront pas leur masse salariale augmenter en passant à 4 jours ? Le principe général (à détailler selon les branches et la taille des entreprises) est le suivant : une exonération de 8% (exonération des cotisations chômage) pour les entreprises ayant réduit leur durée réelle à 4 jours 32 heures et créé 10% d’emplois en CDI. C’est le principe qui a été mis en place dans les 400 entreprises déjà passées à 4 jours. Il n’y a aucune baisse de revenu en dessous de 1 500 euros net par mois. Au-dessus, c’est à négocier. Dans beaucoup d’entreprises passées à 4 jours, il n’y a eu aucune baisse de salaire. Ailleurs, les hauts salaires ont perdu 2 ou 3%.

    L’activation des fonds de l’Unedic devrait être la principale source de financement. Le système est équilibré pour l’Unedic car il n’y a d’exonérations que s’il y a création massive d’emplois. Quand Mamie Nova passe à 4 jours et embauche 120 salariés, c’est, en gros, 100 ou 110 chômeurs en moins à payer pour les caisses de chômage et 120 cotisants en plus pour les caisses de Sécu et de retraites… La question se pose d’un financement complémentaire pour les PME et les très petites entreprises où l’effet sur l’emploi sera plus important. L’État interviendra pour que le coût du travail n’augmente pas mais, à la différence de la loi Aubry, l’intervention de l’État sera doublement conditionnée : pas d’exonération s’il n’y a pas une vraie RTT et de vraies créations d’emplois (10% en règle générale).

    Les sommes attendues de l’État sont donc faibles : l’essentiel vient de l’activation des fonds Unedic.

       Point n°2 : améliorer la formation

    C’est sans doute le plus vaste chantier si l’on veut avoir 10 % de personnes qualifiées à embaucher dans tous les secteurs. Les PME représentent une part croissante de l’emploi dans notre pays. Or, la gestion prévisionnelle des compétences est très difficile à réaliser par les patrons de PME, toujours très pris par la quotidien. Savoir trois ans à l’avance (au moment du référendum) que toutes leurs entreprises devront passer à 32 heures et embaucher 10% de salariés nouveaux va obliger les PME, les interprofessions et les partenaires sociaux à se regrouper et à créer des structures de pilotage de la formation qui permettront d’apprécier les besoins et d’y répondre avant qu’on ne butte sur des difficultés d’embauche. Elles faciliteront la préparation des 4 jours et continueront d’exister ensuite pour le plus grand bien de notre tissu de PME. On parle depuis des années de réformer la formation mais rien n’avance de façon décisive car les entreprises ne sont pas vraiment en manque de compétences (dans la plupart des secteurs et des régions). Soumettre notre système de formation professionnelle à un petit électrochoc prévisible est la meilleure façon de lui faire franchir une nouvelle étape.

    Une étude publiée par la CGT révèle que plus de 70% des salariés seraient prêts à consacrer une partie de leur temps libre à se former. 60% seraient même d’accord pour participer au financement de cette formation !

    L’accès à la formation pendant le 3ème jour de libre et pendant les années sabbatiques sera un sujet essentiel de négociation : Formations adaptées et évaluées, disponibles sur tout le territoire, aide à l’orientation, bilans de compétences, validation des acquis professionnels… Vaste chantier pour les partenaires sociaux et les services de l’État ! Voilà de quoi donner un vrai contenu à l’idée de formation tout au long de la vie.

       Point n°3 : lutter contre la précarité

    Il faut négocier et mettre en oeuvre un bonus-malus précarité : une entreprise dans laquelle la proportion d’emplois précaires est supérieure à la moyenne de son secteur paiera un supplément de cotisation. Inversement, une entreprise qui a fait un effort pour développer une organisation et une polyvalence lui permettant de faire face aux fluctuations d’activité avec des CDI paiera moins de cotisations. On a divisé par deux les accidents du travail grâce au bonus-malus accident du travail. Pourquoi ne pas faire de même pour faire reculer la précarité ?

    Simplifier le code du travail
    (sa complexité pousse à prendre des intérimaires plutôt que des CDI), favoriser les groupements d’employeurs et développer la polyvalence sont autant de moyens de lutter contre la précarité…

    Créer un très grand nombre d’emplois en CDI et Agir contre la précarité, voilà comment donner un contenu concret à l’idée de Sécurité Sociale Professionnelle !

       Point n°4 : réorganiser le travail

    Les questions d’organisation du travail sont négociées entreprise par entreprise, service par service. Sous la même étiquette de " 4 jours à la carte ", sous la même durée légale de 32 heures, on peut trouver un très grand nombre d’organisations différentes : 4 jours sur 5 (pour la plupart des salariés), 1 semaine libre sur 5, alternance de semaines de 3 jours et de semaines de 5 jours (pour les chauffeurs routiers par exemple), 1 année sabbatique tous les 5 ans, 1 mois libre sur 5 (pour les chercheurs, en informatique, …), etc.

       Point n°5 : partager le pouvoir dans l'entreprise

    Les actionnaires doivent-ils être les seuls à décider ? Ne doit-il pas y avoir un dialogue avec ceux qui apportent leur intelligence, leur temps, leur force ? La négociation et la loi référendaire doivent également porter sur cette importante question. L’actionnariat salarié n’est pas la solution. Inspirons-nous de l’Allemagne où le personnel est représenté aux conseils de surveillance, en tant que personnel et non pas en tant que propriétaire de 2% du capital… Pour relancer l’axe franco-allemand et donner consistance à un modèle social européen, la voie d’une cogestion à la française paraît toute indiquée… la gauche pourrait en faire un axe majeur de son projet.

     Pourquoi une année sabbatique tous les neuf ans ?

    Le passage à 4 jours est nécessaire mais pas suffisant pour rééquilibrer le marché du travail. Il faudra à nouveau réduire le temps de travail quelques années plus tard. Mais, dans un grand nombre de métiers, qui nécessitent une masse critique d’information et de coordination, le passage à 3 jours pourrait entraîner un " décrochage " néfaste à la cohérence des équipes et à la qualité du travail individuel. Un certain nombre d’entreprises qui avaient mis en place des fins de carrière en biseau y ont renoncé constatant que, en dessous d’une certaine limite (mi-temps), le salarié fait de la présence mais n’apporte plus guère de valeur ajoutée… Le passage à 3 jours ne paraît donc pas une bonne idée. En revanche, pouvoir prendre une année sabbatique tous les 9 ans (avec maintien de 75% du revenu), paraît une idée très intéressante. Intéressante aussi bien du point de vue économique (accès à une formation lourde, création d’une entreprise) que du point de vue humain : une année pour s’occuper des enfants et pour voir les amis, une année à l’étranger pour s’immerger dans une autre culture, une année dans la maison de famille en montagne…

    Semaine de 4 jours et années sabbatiques… c’est un vrai changement qui peut faire peur à certains. Une chose est sûre : nos modes de vie ont évolué depuis trente ans et vont évoluer très rapidement dans les dix prochaines années. La question est de savoir qui décide de ces évolutions : nous ou le marché ?

    Aux États Unis, il y a tellement de bad jobs, de petits boulots, que la durée moyenne du travail est aujourd’hui de 34,1 heures sans compter les chômeurs. Il n’y a eu ni débat public, ni référendum. C’est le marché qui donne de bons jobs à certains (42 heures en moyenne dans l’industrie) et des miettes à des millions d’autres… Depuis trente ans, en gros, nous avons laissé le marché décider et nous avons endetté notre pays pour amortir les conséquences de ce non-choix. Nous sommes au bout de cette logique de non choix.

     Élargir et augmenter le financement des retraites

    Créer massivement des emplois et allonger un peu la durée de cotisation sont les deux réformes principales pour sauver le système de retraite. Mais il ne faut pas négliger la nécessité d’élargir la base du financement des retraites. Dès que l’effet sur l’emploi et sur la croissance des 4 jours se fera nettement sentir, il faudra augmenter la CSG ou la CRDS dont l’assise comprend les revenus financiers et pas seulement la masse salariale. Il est impossible aujourd’hui de dire à quelle hauteur nous devrons porter le taux de CSG puisque personne ne sait à quel niveau la part des salaires dans le PIB va remonter si l’on crée un très grand nombre d’emplois en CDI. Répétons-le, si la part des salaires dans le PIB revenait à son niveau du début des années 80, ce seraient quelques 120 milliards d’euros (790 mds de francs) supplémentaires qui iraient chaque année aux salariés et aux systèmes sociaux... Rééquilibrer le marché du travail est bien l’essentiel.

       Quelle place pour les retraités ?

    Mais le débat sur les rythmes sociaux ne serait pas complet si nous en restions aux dimensions financières de la question. Ce doit être l’occasion aussi de parler ensemble de nombreuses questions essentielles : la place des retraités dans la cité, par exemple, et pas seulement de leurs revenus. Ne faut-il pas également regarder en face les conditions morales et matérielles de la fin de la vie ?

    Trop d’hommes et de femmes passent les dernières années de leur vie dans des lieux profondément inhumains. Ne faut-il pas favoriser fortement le maintien à domicile et créer des structures d’accueil plus conviviales ? N’est-il pas temps aussi de permettre à tous de bénéficier de soins palliatifs à la fin du parcours ? Une société se juge à la façon dont elle accueille les personnes immigrées. Elle se juge à la façon dont elle lutte contre le chômage et l’exclusion, à la façon dont elle assure un revenu correct à tous ses retraités. Mais elle se juge aussi à la façon dont, jusqu’à la mort, elle accompagne la vie.


    Pour une convention militante en 2003

     L'urgence d'une Convention

    Pour changer la course de notre société, nous avons un point d’appui : la gravité de la crise (7 millions de chômeurs et de précaires, une dette à 59% du PIB et 9 500 milliards de déficit prévisionnel des retraites…).

    Nous avons un levier : le changement net et rapide de l’ensemble des temps sociaux (temps de travail, temps de formation, temps scolaires, service civil…). À nous d’appuyer sur le levier. Si l’on y réfléchit vraiment, en raison et en conscience, y a–t-il motif à hésiter ? Voyez à quel point le monde du travail s’est précarisé depuis 20 ans. Imaginez que cela continue encore 20 ans… Ne sommes-nous pas condamnés à l’audace ?

    Ce n’est pas en améliorant la bougie qu’on a inventé l’ampoule électrique. Ce n’est pas en gérant, même intelligemment, la croissance d’une société structurellement inégalitaire, que l’on fera renaître la justice sociale et la convivialité. Il nous faut inventer du neuf, inviter nos concitoyens à construire ensemble une nouvelle société. Il y a urgence.

    Voilà pourquoi nous souhaitons que la première conférence militante, qui pourrait avoir lieu fin 2003, soit consacrée à définir de façon très concrète le nouveau contrat social que nous proposons au pays.

    Notre proposition

    QUEL PROJET SOCIAL POUR LE PS ?
    QUEL TRAITÉ DE L'EUROPE SOCIALE ?



    L’article 6.8 des statuts du PS indique que " Une question est inscrite à l’ordre du jour de la convention nationale dès lors que 5 000 adhérents, répartis dans au moins 20 fédérations en font la demande (avec un maximum de 500 signatures et un minimum de 25 signatures par fédération) ".

    Le 15 décembre à Montreuil, François Hollande a proposé que, chaque année soit organisée une convention militante. Cette idée ne nous semble contestable par aucun courant de notre parti. Aussi, dés aujourd’hui, nous demandons que la première convention soit consacrée aux questions sociales, en lien avec la question européenne.

    Si vous partagez ce souhait, signez cette pétition et faîtes la signer autour de vous. Il faut que nous arrivions à 5.000 signatures. "

    Moi, militant(e) socialiste du département …………………………. souhaite que soit organisée en décembre 2003 une Convention sur la sauvegarde des retraites et la lutte contre le chômage et la précarité.

    Je souhaite que cette convention prenne acte des limites de la croissance, que le projet 4•4•42 soit mis en débat.

    Je souhaite que cette convention débouche sur des propositions concrètes que nous pourrons faire connaître au grand public pour contrer la politique du gouvernement Raffarin.

    Je souhaite qu’elle détermine les axes principaux d’un Traité de l’Europe sociale que nous proposerons à d’autres socialistes européens de défendre avec nous aux élections de juin 2004.

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Un autre Contrat démocratique

 
Élections après élections, nos concitoyens expriment avec opiniâtreté leur défiance à l’égard de leurs représentants. Le taux d’abstention ne cesse de monter traduisant une déprime démocratique qui tient de plus en plus de la dépression. À l’issue du référendum sur le quinquennat (7 électeurs sur 10 avaient boudé le scrutin), les experts patentés nous avaient promis un sursaut d’intérêt avec les municipales et les présidentielles, élections phares de notre système démocratique.

Loin d’un retour de flamme, les urnes ont traduit une véritable asthénie. Au 1er tour des dernières présidentielles, 28% des inscrits n’ont pas vu le besoin de se déplacer. 20%, soit plus de 8 millions, ne se sont pas plus sentis concernés par le second tour. Quelques semaines plus tard, lors des législatives, ils étaient encore 36% à voter avec leurs pieds.

Doit-on se résigner à l’impuissance ? Certainement pas ! Qu’est-ce qui bloque ? Qu’est-ce qui fait que les décisions prises " au sommet " ne sont pas celles que nous voulons ? C’est une question fondamentale.

Si nous voulons arrêter l’hémorragie, il faut comprendre ce qui bloque et, ensuite, corriger les dysfonctionnements. Faute de quoi, le retour de la gauche au pouvoir se soldera par une déception semblable (ou plus grave encore).

La Ve République s’est construite sur un a priori négatif à l’encontre des citoyens et de leur pouvoir d’initiative. À la délibération, propre de la démocratie, on a substitué une culture de la décision prise en petit cénacle d’experts qui n’ont comme vision de la réalité sociale que celle donnée par des rapports et des tableaux statistiques.

Cette République pétrifiée a vécu, il faut redonner du sens à la participation et à l’engagement. Il est plus que temps de remotiver notre vie politique en replaçant les citoyens au centre des institutions, à tous les échelons

Pour cela, le temps de la rupture avec ce système institutionnel, devenu étranger aux citoyennes et aux citoyens est venu.

Renouons le contrat qui fonde toute démocratie représentative.


Pour oxygéner la vie publique

    Pour redonner sens à la participation et à l’engagement, il importe de poser un principe de participation élargie des citoyens. Renouer avec le cours des progrès démocratiques, c’est associer les citoyennes et les citoyens au processus législatif. Dans une société développée comme la nôtre, avec un taux d’alphabétisation élevé et un accès généralisé à l’information, il est anormal que les citoyens ne puissent pas peser directement sur le débat politique.

    Renouer avec l'initiative citoyenne

    Remettre les citoyens au centre du système politique sera le premier pilier de la nouvelle République. Pour cela, le gouvernement et le parlement doivent partager l'initiative de la loi avec l'ensemble des citoyens, les associations et les syndicats.

     La Loi d'Initiative Citoyenne (LIC)

    L’idée est simple : toute proposition de loi ayant recueilli la signature de 300 000 citoyens est inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale dans les 6 mois qui suivent son dépôt. Les trois premiers signataires disposent de 5 minutes à la télévision à 20H30 sur les cinq principales chaînes pour expliquer le sens de leur initiative.

    Si, au bout de deux ans, la loi n’est pas votée et promulguée ou si le texte voté ne leur convient pas, les initiateurs peuvent demander que soit organisé un référendum. Ils doivent pour cela recueillir 600 000 signatures dans 10 régions différentes.

    De façon récurrente, on brandit, à ce sujet, la peur d’un référendum sur le rétablissement de la peine de mort. Comment faire face à une telle initiative ? La réponse est à la fois juridique et surtout politique. Juridique, parce que la France ne peut se permettre de se voir condamner par la Cour Européenne des Droits de l’Homme pour une violation aussi manifeste de l’un des principes les plus élémentaire de la démocratie moderne.

    Politique parce que nous croyons dans le sens des responsabilités de nos concitoyens, nous sommes intimement convaincus qu’une telle initiative entraînerait une mobilisation générale en sa défaveur. Ce qui aurait l’avantage de mettre un terme définitif à ce débat.

    Autre exemple, la LIC et l’amiante. On sait que depuis 1906, l’amiante est cancérigène. Mais c’est seulement dans les années 90 que l’Etat a vraiment réagi. L’Inserm prévoit que 100 000 personnes vont mourir d’un cancer dû à l’amiante d’ici 2025. En déposant une LIC sur l’amiante, des médecins et de syndicats de salariés auraient pu, il y a trente ans, interdire l’usage de l’amiante. Les lobbies auraient eu beaucoup de mal à contrer leur action dans un débat public. Des dizaines de milliers de vies humaines auraient été épargnées.

    Avec la Loi d’Initiative Citoyenne (la LIC), l’Assemblée cesse d’être la chambre d’enregistrement des décisions prise " en haut lieu " et devient vraiment le lieu du débat politique, perpétuellement alimentée en propositions par les syndicats, les associations, les réseaux de citoyens, les partis politiques. C’est au Parlement que revient le rôle clef de mise en cohérence et d’arbitrage, mais les citoyens peuvent en permanence se faire entendre, dans une attitude positive de proposition. Plutôt que de critiquer les politiques, chacun sera mis devant ses responsabilités : qu’est-ce que tu proposes ? As-tu pris le temps d’y réfléchir avec d’autres ? La LIC est sans doute la réforme clef pour faire naître une République moderne " composée de véritables citoyens agissant constamment en tant que tels ".

     Rendre le Conseil constitutionnel accessible à tous

    La réforme de 1974 ouvrant la saisine du juge constitutionnel à 40 parlementaires a été une avancée décisive. En retour, elle a offert au juge constitutionnel un rôle politique considérable. On ne peut pas s’arrêter au milieu du gué. Il est nécessaire de permettre à chaque citoyen, dans le cadre d’un procès dont il est partie, de contester la constitutionnalité d’une loi qui lui est opposée. Ce contrôle a posteriori sera un gage de meilleure adéquation entre la loi et la réalité concrète.

    Donner un cadre à la démocratie participative

    Donner un nouveau souffle à la démocratie représentative en remaniant à tous les niveaux le fonctionnement des institutions publiques, en faisant changer les pratiques politiques : cela est nécessaire, mais pas suffisant.

    La démocratie représentative trouvera vite ses limites si elle n’est pas accompagnée d’une citoyenneté active dans le cadre d’une démocratie participative à imaginer.

    Les référendums d’initiative locale participent de cette démarche. Mais au-delà, pour favoriser l’expression des citoyens au quotidien, il faut donner un cadre à cette démocratie participative.

     Quelques principes à rappeler

    L’exercice de la démocratie participative repose sur des outils favorisant la sollicitation des individus et leur expression :

    >  conseils de quartier, associations, formation à la citoyenneté, espaces de débats et d’expression, droit de saisine.

    Mais également sur la reconnaissance d’un certain nombre de principes :

    > possibilité de médiation, légitimité des contre pouvoirs, transparence, liberté d’expression publique.

     Le référendum d'initiative locale

    La démocratie locale doit être un nouveau lieu de partage du pouvoir et d’expérimentation citoyenne et non un puzzle de fiefs électoraux de plus ou moins grande importance.

    La loi sur la démocratie de proximité a amené de nettes avancées en offrant de nouveaux outils de participation et de délibération (conseils de quartier, etc.). Cependant, au-delà de la délibération, il faut donner plus de moyens d’actions à nos concitoyens.

    A l’échelon local, des référendums d’initiative locale pourront être organisés sur les questions relevant des compétences de la collectivité territoriale concernée. Le droit de pétition doit être aussi réhabilité, afin d’obliger les assemblées communales à inscrire une question à l’ordre du jour dès lors qu’un certain nombre de signataires l’exigent.

     Un lieu d'expression publique à renforcer : les conseils de quartier

    Développés grâce à l’action de la gauche plurielle, les conseils de quartier sont une avancée pour rendre la démocratie mieux accessible.

    Dans de nombreuses mairies socialistes, ils permettent une meilleure concertation entre les élus et leurs concitoyens.

    Cependant, ils restent sans budget réel, souvent dépourvus de moyens de communication autonomes et sans réelle capacité d’action. Dans d’autres municipalités, ils risquent donc d’accoucher d’une démocratie en trompe-l’œil.

    Les conseils de quartiers, dans le cadre d’une démocratie participative, devront fonctionner sur d’autres règles. Ils doivent être un lieu d’expression directe regroupant les citoyens dans leur diversité, un lieu où s’élaborent des projets, où se définissent les enjeux du quartier et de la collectivité territoriale.

    D’où les propositions suivantes :
    institutionnaliser dans ces conseils la représentativité des associations du quartier aux côtés des citoyens : associations de commerçants, associations de jeunes, associations culturelles, associations de parents d’élèves.
    faire de ces conseils un lieu de prédilection pour l’expérimentation des budgets participatifs : ils devront gérer leur communication (journal des conseils de quartier) et décider de leurs modalités d’organisation, présidence, collectif, bureau.

     Les documents publics : parlons-en !

    Les conseils municipaux et les commissions municipales (en dehors de courtes passes d’armes entre majorité et minorité, qui s’apparentent plus au théâtre qu’au véritable débat politique) sont en fait des chambres d’enregistrement.

    En effet, les projets de délibérations, les documents budgétaires, dossiers d’appel d’offres et autres budgets annexes des associations para municipales sont le plus souvent des documents incompréhensibles pour les élus.

    De fait, le Maire et son administration disposent en fait d’un véritable pouvoir absolu.

    Les élus de la majorité comme de l’opposition doivent donc pouvoir disposer de véritables outils :
    des documents lisibles ;
    des tableaux synthétiques.

    Il faudra également institutionnaliser des moyens financiers d’expertises pour les élus minoritaires.

     Favoriser l'accès à un vrai débat pour les élus et les citoyens

    Sur le principe, tout citoyen peut aujourd’hui accéder aux documents municipaux, mais cette démarche est en fait un véritable parcours du combattant, avec souvent la nécessité d’un recours ultime à la CADA (Commission d’accès aux documents administratifs).

    Faire respecter un droit, c’est d’abord faciliter son exercice.

    Les supports informatiques (Internet, CD…) sont des outils permettant de mettre à disposition tous les documents de la collectivité : délibérations, appels d’offres, comptes rendus des commissions, procédures d’embauche, procédures d’attribution des logements.

    Des moyens d’expertises indépendants doivent pouvoir être sollicités, à l’image des experts sollicités par les comités d’entreprise.

    Contre le cumul indéfini des mandats

    Pour faire sauter des verrous, il faut parfois poser des barrières ! Pour cela, il faut interdire le cumul des mandats et limiter strictement dans le temps leur exercice. Imaginons un pilote de ligne qui ferait aussi fonction de steward en abandonnant les commandes et en laissant le pilote automatique seul maître à bord…

    La chose publique est une chose bien trop importante pour ne pas lui donner toute son attention pour bien faire son travail. Le principe doit être " une femme ou un homme et un mandat ou une fonction ".

     Trois arguments contre le cumul des mandats

    Pour la transparence : l’accumulation de nombreux pouvoirs par un même individu entraîne toujours des décisions opaques ;

    Pour une démocratie plus efficace : débordés et inaccessibles, les élus cumulards ne peuvent être partout à la fois, laissant de fait un pouvoir exorbitant aux techniciens des cabinets. Limiter les cumuls, c’est redonner la primauté au politique, c’est aussi vouloir combattre le sentiment que les élus ne sont plus en phase avec les préoccupations des Français ;

    Pour revivifier le débat démocratique : en limitant les cumuls, on accroît le nombre de représentants : un pas de plus vers une démocratie plus représentative !

     Des mandats renouvelables une seule fois

    En ce qui concerne l’exercice du mandat dans la durée, il est nécessaire que la France s’aligne sur la plupart des pays démocratiques. Un mandat unique renouvelable une fois, c’est la règle. Si un élu savait qu’il doit laisser la main à l’issue de son deuxième mandat, il aurait sans doute le souci d’un fonctionnement plus collégial pour former de possibles successeurs.

    Afin de prendre en compte les exigences de fonctionnement des petites communes, nous proposons une règle plus souple pour les communes de moins de 3 500 habitants. Dans celles-ci, seuls le maire et ses adjoint(e)s seront soumis à la règle du mandat unique renouvelable 1 fois. En revanche cette règle ne s'applique pas aux autres conseillers municipaux.

    Le PS doit être exemplaire en ce domaine et peut, sans attendre d’avoir pu modifier la loi, s’appliquer à lui-même ce principe de non-cumul des mandats dans l’espace et dans le temps lors des prochaines investitures.

     Redonner sa valeur à l'engagement public : un vrai statut de l'élu

    Pour ouvrir plus largement la démocratie aux citoyennes et aux citoyens issus du secteur privé, il est indispensable de créer un véritable statut de l’élu qui assure, financièrement comme professionnellement, que l’exercice des mandats sera strictement neutre : ni avantageux ni pénalisant. Cela induit la mise en place :
    de modes de rétribution transparents et équitables,
    de plans de formation,
    d’un congé électif avec garantie d’emploi lors de la réintégration dans la vie professionnelle, dans le privé comme dans le public,
    d’un statut fiscal de l’élu, les indemnités électives ouvrant à des droits équivalents aux Assedic.

    Cette élaboration du statut de l’élu devrait être l’occasion d’une évaluation la plus juste possible de la charge de travail des diverses fonctions électives. Ainsi, selon l’importance de la collectivité, pourraient être introduites les notions d’élu à temps plein, à mi-temps…

    Ne soyons plus démagogues, la démocratie à un coût : être bien représenté nécessitera d’offrir des conditions matérielles nécessaires à l’exercice de son mandat.


Pour une démocratie responsable

    " Un peuple n’est libre que dans la mesure où il n’abdique pas l’exercice de sa souveraineté entre les mains d’une seule assemblée, d’un seul parti, d’un seul homme. ", affirmait le philosophe Alain.

    Une démocratie adulte est une démocratie qui n’a pas peur d’elle-même. Elle accepte comme principe l’imputation, autrement dit la responsabilité du gouvernant face aux conséquences de sa politique. En ce domaine comme dans d’autres, la Ve République a failli.

    La nouvelle République devra faire du couple parlement-gouvernement l’autre pilier central de son architecture politique. Le gouvernement est, en permanence, responsable de sa politique devant les représentants de la nation, l’élection des parlementaires étant celle qui détermine le pouvoir. Par cette articulation, le Premier ministre est désormais le vrai chef du gouvernement et de la majorité parlementaire. Le détenteur de la plénitude des moyens de réalisation d’un programme est en même temps responsable de ses choix.

    En finir avec la monarchie républicaine

    Au-delà de la question de l’irresponsabilité du chef de l’Etat, c’est une conception personnelle du pouvoir qu’il faut remettre en cause. Un projet politique est toujours un projet collectif. Il doit être porté par une équipe et non par un seul homme.

     Diplomatie, défense : l'Europe doit s'imposer

    L’émergence d’une vraie Europe politique et diplomatique rend d’autant plus incertaine l’existence d’un monarque élu. Pour exercer une influence décisive sur les enjeux internationaux, les questions de défense et de diplomatie doivent être traitées à l’échelle européenne. La refonte de nos institutions ne peut plus se faire dans la solitude de notre pré-carré hexagonal.

    Dès maintenant, il faut construire nos institutions dans la perspective d’une défense et d’une diplomatie européennes.


     Faire place à une responsabilité collective autour d'un projet

    Plutôt que de polariser l’attention du pays sur un homme ou une femme supposé(e) définir seul(e) la politique de la nation, ne faut-il pas que les partis qui participent aux législatives présentent des équipes préfigurant le futur gouvernement ? Plusieurs mois à l’avance, on saurait qui va s’occuper de quoi…

    Chaque candidat à une fonction ministérielle devra exposer son projet ministériel lors de la campagne électorale. Les questions des journalistes pourraient être bien plus précises et le débat préélectoral gagnerait ainsi en clarté.

    Autre avantage : cela éviterait toute " guerre des chefs " puisque le pouvoir ne serait pas aux mains d’un seul qui peut ensuite décider de la carrière de tous ses semblables mais aux mains d’une équipe, rassemblant toutes les sensibilités du parti.

    Si notre proposition concernant la proportionnelle (à la Suédoise) était retenue, la mise en avant d’une telle équipe n’offre aucune difficulté puisque chaque parti devrait fournir une liste de noms au niveau national. Nous pensons qu’il vaut mieux élire une équipe ministérielle avec à sa tête un Premier ministre. Les électeurs voteront en connaissance de cause pour une équipe et non pour un homme.

    Renforcer le rôle du Parlement

    Élus à plein temps de la Nation, les parlementaires doivent voir leurs pouvoirs d’initiative améliorés et leur capacité de contrôle sur le gouvernement et l’administration élargie.

     Rééquilibrer l'initiative législative en faveur du Parlement

    Cela passe par une augmentation significative de la part de l’ordre du jour réservé à des textes et des débats d’initiative parlementaire et citoyenne. Actuellement, seule une séance par mois est prioritairement réservée à un ordre du jour fixé par les parlementaires. Il faut augmenter le nombre des séances mensuelles.

    Le Gouvernement ne doit plus faire adopter de loi sans vote. Cet état de fait est un déni de démocratie. Des procédures comme l’article 49.3 doivent disparaître. En revanche, le gouvernement doit pouvoir engager sa responsabilité sur un texte, l’absence de majorité absolue entraînant sa démission.

     Favoriser un contrôle parlementaire élargi et plus efficace

    Pouvoirs et durée des commissions d’enquête parlementaires seront augmentés. L’interdiction d’enquêter sur des questions faisant l’objet d’investigations judiciaires est une contrainte amenée à disparaître.

    Les candidats aux postes de conseillers aux autorités administratives indépendantes comme le CSA (Conseil supérieur de l’audiovisuel) doivent être auditionnés par le Parlement avant leur nomination. Les parlementaires peuvent émettre un avis négatif qui sera rendu public.

     Revaloriser la place de l'opposition

    Le pouvoir ne doit plus être confisqué au profit de la majorité qui s’est dessinée pour une législature. Une démocratie adulte accepte le débat et reconnaît à l’opposition d’aujourd’hui des droits lui permettant de préparer l’alternance de demain.

    Pour cela, il faut accroître spécifiquement les moyens parlementaires de l’opposition. Une partie de l’ordre du jour d’initiative parlementaire doit être réservée à cette dernière.

    On peut aussi envisager de donner à l’opposition la présidence de la Cour des Comptes (comme en Angleterre) ou de la Commission des Finances afin d’accroître les moyens de contrôle sur l’activité de la majorité.

     La proportionnelle, oui, mais laquelle ?

    Comment permettre à toutes les sensibilités de notre pays d’être représentées à l’Assemblée ? L’élection à la proportionnelle d’un certain nombre de députés semble la meilleure solution, adoptée chez la quasi totalité de nos voisins sous des formes variées.

    Nous proposons que la moitié des députés soit élue sur une base territoriale comme actuellement et l’autre moitié, sur des listes nationales. " Comme en Allemagne ? " Pas tout à fait. Souvenons-nous de ce qui s’est passé en 1984 en Allemagne, où les libéraux qui soutenaient les socialistes au pouvoir ont fait tomber Helmut Schmidt et donné le pouvoir aux conservateurs pour quelques ministères supplémentaires…

    Pouvoir changer du jour au lendemain la majorité qui dirige le pays, sans élection, alors qu’on ne pèse que 5,2% des voix, n’est-ce pas un pouvoir exorbitant ? Ce système n’est-il pas franchement dangereux, quand on sait qu’en France, il donnerait sans doute le rôle de parti charnière au FN ?

    Pour trouver la solution, allons voir ce qui se fait en Suède et dans de nombreux pays où la coalition arrivée en tête est assurée d’avoir une large majorité (55 ou 60% des députés) et où, une fois cette stabilité assurée, on ouvre l’Assemblée à tous les partis (y compris ceux qui ne font que 2% des voix) pour qu’ils exercent leur fonction de signal d’alarme ou de catalyseurs…

    Cette proportionnelle (assez proche de ce qui fonctionne en France au niveau municipal, mais avec plus de pouvoir donné à l’opposition) nous semble être la meilleure solution.

    Six réformes simples qui nous semblent évidentes

     Inscrire dans la Constitution le principe d'homogénéité des conditions de vie

    De ce principe (inscrit dans la Constitution allemande) découle toute une série de conséquences sur la présence de service public sur l’ensemble du territoire et sur l’homogénéité des ressources fiscales rapportées au nombre d’habitants.

    L’État fédéral complète les ressources des communes et des Länder les plus pauvres à hauteur de 98% des ressources moyennes… Dans ces conditions, la décentralisation ne peut pas accroître les inégalités qui existent actuellement entre territoires riches et territoires pauvres.

    Avec un tel niveau de péréquation, la compétition se fait " à armes égales " sur la qualité des projets et des dynamiques économiques et culturelles que l’on crée au niveau local.

     Instaurer un service civil

    Être citoyen, c'est avoir des droits mais aussi des devoirs, des responsabilités à assumer au service de la communauté humaine dont chacun de nous fait partie.

    Avec la Loi d'Initiative Citoyenne, avec la possibilité ouverte à chacun de saisir le Conseil constitutionnel, nous proposons de donner à chacun des droits nouveaux. Mais il nous semble utile aussi de demander à chacun d'assumer concrètement ses responsabilités en faisant, au début de sa vie adulte un service civil de 13 mois (13 mois, pour favoriser la transition entre les entrants et les sortants qui seraient côte à côte durant un mois). Protection de l’environnement, aide aux personnes âgées, accompagnement des personnes handicapées, soutien à la vie associative ou coopération internationale… Les besoins sont immenses pour humaniser la société.

    En Allemagne, la société est beaucoup plus accueillante aux personnes handicapées car de nombreux jeunes en service civil assument certaines fonctions d'accompagnement aux côtés des professionnels. Il n’est pas question que des jeunes en service civil se substituent aux professionnels mais dans de très nombreux secteurs, leur renfort sera d’une grande utilité.

     Harmoniser la durée des mandats sur cinq ans

    La diversité de la durée des mandats ne favorise par une bonne lisibilité du politique.

    5, 6, 9 ans : les électrices et les électeurs ne savent souvent pas pour combien de temps leurs représentants sont élus. Harmonisons les temps démocratiques sur une durée unique de cinq ans. Nous éviterons ainsi les années où le trop plein d’élections rend tout vrai débat impossible. Les années en 0 et 5 (2010-2015…) seront celles des élections municipales et régionales. Les années en 2 et 7 seront celle des législatives. Les années en 4 et 9, celles des Européennes. A chaque fois, un débat clair, sur des compétences et un territoire clairement définis.

     Accorder le droit de vote aux résidents extra-communautaires aux élections locales

    Trop longtemps, cette question a été l’objet d’un traitement électoraliste. Si l’on veut mieux faire partager les droits et devoirs de la vie en commun, il faudra affronter avec honnêteté cette question qui exclut du débat démocratique un nombre important de personnes qui participent au quotidien, souvent depuis de nombreuses années, à la vie de la cité.

     Rendre automatique l'inscription sur les listes électorales

    Le principe de l’inscription automatique a été arrêté il y a longtemps mais n’a toujours pas été appliqué. A l’heure actuelle, seul(e)s sont inscrit(e)s automatiquement celles et ceux qui résident dans leur ville de naissance. Les autres peuvent croire qu’ils sont inscrits, ne faire aucune démarche et constater le jour du vote qu’ils n’ont pas le droit de s’exprimer.

     Prendre en compte les votes blancs

    Les suffrages blancs n’expriment pas un désamour de la république mais une déception par rapport à l’offre politique. Parce que le respect de l’expression de chacun est un principe fondateur de la démocratie, il est souhaitable que les votes blancs soient pris en compte officiellement et proclamés le soir des résultats. Une démocratie mature n’a pas peur de rendre publiques les insatisfactions exprimées par les citoyennes et les citoyens.

    Choisir ensemble une nouvelle République

    Ces propositions de réforme nécessitent un changement de Constitution. Cette refonte des institutions doit être aussi l’occasion d’élargir les droits fondamentaux. On ne peut plus se satisfaire d’une vision faussement neutre des institutions. Comme le remarquait Bernard Lacroix, universitaire, les constitutions " définissent l’origine et l’originalité d’une société et sont un ensemble de solutions pratiques aux problèmes majeurs posés par l’organisation et la vie collective. (Elles) sont l’équivalent des anciennes mythologies dans nos sociétés modernes. "

    Au-delà du mécano des procédures et règles de droit, une constitution est avant tout une charte des devoirs du politique vis-à-vis de la société. La société n’est plus celle de 1789, ni même celle de l’après-guerre, de nouvelles attentes se sont faites jours qui nécessitent d’enrichir le contenu de la nouvelle constitution de nouveaux droits. C’est un chantier passionnant qui s’ouvre à nous, socialistes, pour réfléchir et être une force de proposition ambitieuse et progressiste en ce domaine.

    En 1974, François Mitterrand affirmait " Je veux le pouvoir pour vous le rendre ". Trente ans après, la crise démocratique s’aggrave d’année en année. Allons-nous enfin organiser un nouveau partage du pouvoir ? Loi d’Initiative Citoyenne, non cumul…

    En 2007, nous devons, par référendum (pour contourner le conservatisme du Sénat), proposer aux Français de construire ensemble une 6ème République où chacun et chacune pourraient, en permanence, penser et agir en Citoyens !

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Médias, journalisme, publicité :
pour une plus grande responsabilité
des industries de la communication

 
A l'image des autres sociétés occidentales, la société française est devenue une société de communication, structurellement médiatique.

L’école n’est plus, en dehors de la famille, le lieu privilégié de l’élaboration de l’identité individuelle et collective d’un pays et où se structure le citoyen de demain. Les industries de la communication (médias écrits, audiovisuels, publicité, cinéma) forment des " écoles parallèles ", voire perpendiculaires, où s’inculquent d’autres apprentissages (gestes, paroles, émotions, attitudes, représentations, mentalités).

On sait que pouvoir et savoir sont étroitement liés. La liberté et le pluralisme de la presse sont les pendants nécessaires de toute démocratie. En démocratie, les médias sont à la fois une industrie, un service public et le quatrième des pouvoirs politiques.

Depuis une dizaine d’années, des associations ont entamé une réflexion sur la responsabilité sociale, civique et éducative des industries de la communication. Cette réflexion ne peut plus rester lettre morte. Refonder le contrat démocratique, c’est aussi reconnaître une réalité : la démocratie représentative est maintenant avant tout une démocratie d’opinion.


Le rôle social des médias en tant que pouvoir a part entière

    Il est presque impossible à un individu d’échapper aux messages diffusés quotidiennement et massivement par les industries de communication. Affichage urbain, radio, télévision, presse écrite sous de multiples formes : une multitude de messages et de sollicitations, souvent porteuses de valeurs et de normes de comportement, ponctuent la vie de tout citoyen.

    La télévision joue en ce domaine un rôle central car c’est le vecteur principal de diffusion des messages et valeurs dans les sociétés contemporaines.

    Prise de conscience n°1 : l'influence des medias dans la transmission des valeurs

    La télévision fait partie intégrante de l’environnement naturel et quotidien de la majeure partie de nos concitoyen(ne)s.

     La télévision, véhicule de valeurs partagées par de larges populations

    Plus de 98% des ménages sont équipés d’un poste de réception ce qui fait de la télévision le support de communication le plus démocratique. Mais ce n’est pas tout. Présente dans la majeure partie des foyers, la télévision captive l’attention près de 5 heures par jour.

    Télévision : plus de 3 heures par jour.
    Temps passé devant la télévision – en heures par jour

    Foyer :
    6h 03
    Individus – moyenne 4 ans et + :
    4h 42
    4-14 ans :
    2h 50’
    15-34 ans :
    2h 27’
    CSP+ :
    2h 56’

    Source : Médiamétrie – nov. 2002


    On comprend mieux le rôle crucial que joue la télévision dans la construction de la société tant en termes d’image du collectif qu’en termes de référents, de valeurs et de mentalité. Or, l’exposition aux programmes télévisuels n’est pas la même selon les catégories sociales. C’est dans les catégories dites défavorisées que la télévision est la plus regardée.

     La télévision renforce " l'idéologie dominante "

    L’impératif de profitabilité et la conquête de parts d’audience imposent au secteur audiovisuel privé la diffusion de programmes consensuels et attractifs, faisant souvent passer l’émotion et le ludique avant la réflexion et la critique.

    Ceci n’est pas sans influence sur la perception du monde social que vont s’approprier les jeunes générations. De nombreuses études universitaires montrent clairement que la télévision accentue chez les enfants, l’acceptation d’un certain nombre de valeurs comme l’autoritarisme (vu comme relation positive), le culte du corps, l’inégalité entre les sexes ou la dévalorisation de l’école et de la lecture.

    Quand le milieu social offre des valeurs alternatives, l’enfant puis l’adolescent peuvent avoir le choix quant aux valeurs auxquelles ils vont adhérer dans la construction de leur identité et de leur personnalité. Mais quand les parents sont absents et ne peuvent pas développer un esprit critique à l’égard des messages émis, l’alternative aux valeurs diffusées par les programmes audiovisuels se réduit fortement.

    Prise de conscience n°2 : l'influence des médias dans la construction des problèmes de société

    Par le contenu et la forme qu’ils donnent aux événements dont ils rendent compte (informer, c’est transmettre des éléments mais aussi leur donner forme), les médias contribuent à forger nos représentations sociales.

    Les médias n’imposent pas à l’opinion publique ce qu’il faut penser, mais progressivement nous imposent ce à quoi il faut penser et comment le penser en termes d’imputation de la responsabilité.

    Voilà qui plaide pour une reconnaissance de la responsabilité sociale des médias.

     Construction d'une " problème de société " : une mécanique implacable

    En sélectionnant et en rendant visible telle ou telle question de société, les médias imposent progressivement la nécessité d’un traitement politique. Or, à longueur de Journal télévisé, la télévision donne la priorité aux faits divers sur les faits économiques, sociaux, politiques nationaux ou internationaux. Ce qui n’est pas sans conséquence sur la perception des publics et sur l’action en termes de politiques publiques. Repensons à l’insécurité dans le débat présidentiel !

Créer des contre-pouvoirs au 4ème pouvoir

    A l’image de ce que disait Clemenceau de la guerre, on peut affirmer que les médias sont une chose trop importante pour laisser les seuls professionnels juges de leur déontologie et de leur éthique. Les médias ne peuvent rester le seul pouvoir sans contre-pouvoirs. Les téléspectateurs sont aussi des citoyens qui souhaitent être des partenaires à part entière des instances de régulation.

    Donner un cadre institutionnel de régulation clair et accessible aux citoyens

    La reconnaissance institutionnelle de la responsabilité sociale des industries de communication doit se concrétiser par une redéfinition des devoirs et procédures ;

    Il convient tout d’abord de rénover les institutions existantes : le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSA) pour les médias et le Bureau de Vérification de la Publicité (BVP). Cette rénovation doit être complétée par les innovations nécessaires comme la création d’un conseil de la presse pour la régulation des organes de presse.

     Une information annuelle de la représentation nationale

    Une procédure d’audition et/ou de consultation annuelle et ad hoc doit être progressivement mise en place pour l’ensemble des autorités de régulation de la communication (CSA, BVP, Conseil de la Presse). Elle permettra d’une part une meilleure information de la représentation nationale, et d’autre part une meilleure prise en compte des enjeux de responsabilité sociale par les organes de régulation.

     Que les citoyens puissent saisir les organes de régulation

    Pour chaque organe de régulation, il convient donc de mettre en forme une procédure de saisine ouverte aux citoyens. Aujourd’hui, les citoyens ne disposent que d’un moyen pour peser sur la politique audiovisuelle : envoyer un courrier, dans l’espoir de déclencher une autosaisine de la part des organes de régulation ! A l’image du droit de pétition, ce droit à l’action reste suspendu à l’appréciation des professionnels.

    Depuis de nombreuses années, les associations de téléspectateurs demandent la création d’un bureau des plaintes au CSA qui regrouperait l’ensemble des plaintes effectuées. Il serait souhaitable que ce bureau publie une lettre d’information régulière sur la nature des plaintes et leur suivi.

    Dans le domaine de la régulation de la publicité, ce droit est recommandé, à l’échelle européenne, par les instances professionnelles mais toujours non appliqué par notre Bureau de Vérification de la Publicité.

     S'assurer que les décisions soient suivies d'effet

    Les décisions prises par les organes de régulation (avis, décisions, recommandations) doivent être rendues publiques et assorties de sanctions pour être effectives.

     Conseil Supérieur de l'Audiovisuel : une exigence de clarté

    Au niveau des nominations et de la composition au sein du CSA, deux mesures paraissent essentielles :

     Assurer la représentation pluraliste des intérêts

    Le CSA doit devenir mixte et s’ouvrir aux représentants du public (associations de défense du consommateur, téléspectateurs, spectateurs, etc…). Cela permettra la consultation directe de ces associations sur les prises de décision importante, notamment les cahiers des missions et charges des chaînes publiques ainsi que les conventions avec les chaînes privées.

     Assurer la transparence

    Les procédures de nomination doivent être suivies de façon transparente et avec la plus grande publicité, sous contrôle parlementaire.

    Dans le cadre du CSA, les futurs conseillers doivent être auditionnés par les commissions parlementaires. Cela permettra d’évoquer la question des conflits d’intérêt.

     Médiateurs des chaînes publiques : aller plus loin

    La création des médiateurs de France Télévisions a été un progrès important dans la prise en compte des préoccupations du public et dans la volonté d’autoréguler le secteur public audiovisuel.

    Devant les réticences professionnelles et le primat de l’audimat, beaucoup reste à faire. Le statut des médiateurs des chaînes publiques manque de clarté dans les procédures de désignation. Ils ne disposent ni de moyens suffisants, ni de personnel. En interne, ils restent absents des conseils d’administration, des réunions éditoriales. En externe, ils n’ont aucun rapport structuré avec le CSA, pas de contacts avec les associations de téléspectateurs, pas de moyens de faire appel à des experts extérieurs.

    Sanctuariser un service public audiovisuel fort, garant d'une télévision démocratique de qualité

    Le rôle central des médias dans la diffusion des valeurs ne rend que plus légitime la préservation d’un service public fort et authentique.

    Pour cela, le respect du cahier des charges définies par les lois sur l'audiovisuel de 86 & 2000 doit rester le cadre de définition de la mission du service public audiovisuel : informer, éduquer et divertir.

    Cela passe par le maintien d’un équilibre entre le service public et le secteur commercial. C’est une des conditions nécessaires à la réalisation du pluralisme dans le domaine audiovisuel.

    Pour répondre à cet enjeu, il est nécessaire de donner des moyens au service public audiovisuel tant en termes de diffusion (chaînes en clair) que de financement.

     Inscrire le service public audiovisuel comme devoir de l'Etat dans le préambule de la Constitution

    Comme l’enseignement public gratuit et laïque, le service public audiovisuel (radio et télévision) est un devoir de l’Etat. On ne peut que suivre le Rapport Clément dans sa demande d’inscription de cette mission dans le préambule de la Constitution.

     La diffusion du secteur public

    En termes de diffusion, l'équilibre doit être garanti par la possibilité d'offrir des programmes diversifiés de qualité en couplant chaînes thématiques et chaînes généralistes. Dans ce cadre, la privatisation de France 2 (Chaîne généraliste) serait une grave erreur car elle amènerait une situation intenable pour France3 alors écartelée entre ses missions régionales de proximité et une mission généraliste.

    Cela pose aussi la question de la distribution des chaînes sur le numérique gratuit, accessible à tous et où le secteur public ne doit surtout pas être marginalisé.

     Le financement de l'audiovisuel public

    Une télévision publique de qualité est un enjeu fort dans une démocratie. Cela a un coût. L’affranchissement de la tutelle publicitaire doit d’une part offrir des marges de manœuvre supplémentaires en termes de création en mettant fin à la dictature de l’audimat et d’autre part, donnerait la possibilité d’instaurer des plages sans publicité par exemple pour les programmes dédiés à l’enfance.

    Dans le cadre d’une réflexion générale sur la publicité audiovisuelle, il semble judicieux d’intégrer dans les missions de service public un impératif de publicité " citoyenne " dédiée aux grandes causes.

    De nombreuses pistes peuvent être suivies pour réformer le financement de l’audiovisuel public. Nouvelle mission régalienne comme l’éducation gratuite et laïque ou la sécurité, il serait normal de faire procéder au financement du service public de l’audiovisuel par le moins inique des prélèvements, à savoir l’impôt sur le revenu.

    Retisser le dialogue entre journalistes et public

    Les expériences de médiation menées par France Télévision ou le journal Le Monde sont une piste novatrice dans l'idée de permettre une meilleure prise en compte de la demande sociale. Cependant, on ne peut s'arrêter en chemin. Il convient de donner aux médias les moyens d'assurer leur responsabilité sociale.

     Tordre le cou au fantasme de la manipulation

    Les différentes enquêtes d’opinion – avec toutes les précautions à prendre à ce sujet – montrent que les journalistes bénéficient du même degré de défiance que les politiques.

    Une enquête d’opinion sur les valeurs des étudiants et des jeunes actifs rendue publique le 14 janvier 2002 par TNS-Sofrès pour le quotidien Le Monde montrait que médias et partis politiques avaient les plus mauvais indices de confiance avec respectivement – 46 et – 82.

    Cette perte de confiance du public dans la presse est un des signes supplémentaires du malaise démocratique qui frappe notre société. Elle est due en grande partie à l’absence de contacts réguliers entre les médias et leur publics, qui nourrit le fantasme de la manipulation. La meilleure façon de lui tordre le cou est de rétablir le dialogue entre professionnels et publics.

    Les conseils de presse mis en place dans de nombreux pays permettent d’établir ce nécessaire dialogue. Les journalistes ont la possibilité de mieux expliquer les contraintes de leur métier et les publics de mieux faire part de leurs préoccupations quant aux contenus des informations diffusées. Il s'agit également d'un moyen pour les journalistes de faire valoir le respect de leur éthique professionnelle en cas de conflit d'intérêt.

     Améliorer le dispositif anticoncentration

       Les limites du système actuel

    Le système actuel respecte trois principes constitutionnels :
    1/ La liberté d’entreprise ;
    2/ La liberté d’expression et de communication ;
    3/ Le pluralisme.

    Il régule la concentration " horizontale " des entreprises éditrices de presse et des sociétés de programmes de radio-télévision. Autrement dit, un acteur économique ne doit pas dépasser un certain seuil (30% pour les quotidiens) de capacité de diffusion sur le territoire. Dans le cadre de la presse écrite, seuls les quotidiens sont concernés par cette mesure.

    Rien de spécifique n’est prévu pour traiter les relations qu’entretiennent les agences de presse, la publicité, l’édition, le cinéma, l’industrie du disque ou la diffusion de contenu par Internet. Or, c’est en englobant et intégrant tous ces secteurs et activités, sous forme de concentration verticale, que se constituent aujourd’hui les grandes groupes de communication qui peuvent représenter une véritable menace pour l’indépendance, le pluralisme et le respect de l’autonomie politique et de l’identité culturelle nationale. Les dérives de Vivendi Universal en ont été la preuve.

       Les mesures : clarification et régulation

    Face à ces géants, les moyens et capacités de contrôle du dispositif anticoncentration sont l’objet d’un partage confus entre le CSA, le Conseil de la Concurrence et l’autorité Judiciaire. La première étape est de clarifier cette situation.

    La seconde est de renouer avec la volonté exprimée 1997 par Lionel Jospin, dans son discours de programme, de mettre en place un dispositif législatif relatif à l’audiovisuel permettant de couper les liens entre les groupes vivant de la commande publique et de garantir l’indépendance rédactionnelle.

    Dans le seul domaine de la presse écrite, il est nécessaire d’élargir les dispositions anticoncentration aux publications ayant une autre périodicité comme les hebdomadaires et les mensuels.

    Dans le domaine général des médias, il ne faut plus se limiter à contrôler la concentration horizontale mais réguler la concentration verticale.

    Enfin, le conseil de la presse doit se voir reconnaître un ensemble de procédures et moyens pour permettre aux journalistes de faire respecter leur indépendance rédactionnelle.

     Une innovation : le Conseil de presse

    A, ce jour, la France est le seul pays en Europe avec la Grèce à n’avoir pas envisagé sérieusement de se doter d’un conseil de la presse. En acceptant le système de conseil de presse, la France participerait à l’émergence d’un standard de régulation des relations presse/société civile.

    Pour réconcilier les Français(es) avec leurs journalistes, ce nouvel acteur doit répondre aux questions suivantes :
    > servir d'intermédiaire pour créer un climat de confiance entre la presse et le public ;
    > aider à maintenir un degré élevé de professionnalisme dans le monde journalistique et préserver la qualité de l’information ;
    > prendre en considération et résoudre les plaintes du public envers la presse (à condition qu’aucune procédure légale ne soit en cours) ;
    > prendre en considération les plaintes de ses membres contre la conduite d'individus et d'organismes à l'égard de la presse ;
    On pense à la possibilité offerte aux journalistes de dénoncer les pressions subies contre leur indépendance rédactionnelle
    > mettre sur pied des audiences lorsque la situation le commande et rendre publiques les conclusions de ces audiences ainsi que les décisions; associer des mécanismes de contraintes pour rendre effectives les décisions (avis, alerte, blâme, etc.) ;
    > publier régulièrement les travaux du Conseil.

    Dans la composition de ce conseil, il convient d’associer aux professionnels des représentants du public. Le conseil de presse sera donc un organe mixte tripartite : professionnels des médias/propriétaires des moyens de diffusion/représentants du public.

     Une rénovation : une nouvelle charte déontologique

    Il faut donner aux journalistes un moyen pour de se protéger contre les pressions venant des propriétaires du capital des entreprises de presse.

    Le texte déontologique de référence reste la charte des devoirs du journaliste, élaborée par le Syndicat National des Journalistes (SNJ) en 1918 et révisée pour la dernière fois en… 1938.

    Le texte n’apparaît plus comme répondant aux besoins d’une société dans laquelle l’information circule en temps réel et à l’échelle de la planète.

    Un nouveau texte de référence doit donc être élaboré, fixant les points suivants :
    un idéal professionnel réaffirmé ;
    un rappel des principes fondamentaux : le texte doit fournir des schémas de base rappelant les fonctions que les médias doivent assurer (bien servir le public, informer de façon la plus objective, servir de lieu d’échange d’idées et d’opinions, transmettre la culture d’une génération à la suivante et divertir, la responsabilité du professionnel envers ses convictions, son employeur, ses pairs, ses sources, les gens impliqués dans l’actualité, les usagers).
    une mise au point des règles de pratique quotidienne : la nouvelle charte devra réaffirmer des principes essentiels - la séparation explicite entre l’information et le commentaire, rendre l’information compréhensible, la pluralité des sources, la volonté de rechercher des idées nouvelles au lieu du conformisme.

     Éducation aux médias : passer à la vitesse supérieure

    Lorsqu’on est conscient de l’influence médiatique sur la construction de notre société et de ses valeurs, il apparaît de plus en plus pressant et nécessaire de permettre le développement d’une éducation aux médias.

    Cette sensibilisation au question de traitement de l’information et à la responsabilité sociale des industries de la communication participent du renforcement de l’esprit critique et donc de la citoyenneté. L’école doit apprendre non seulement à lire, écrire, compter mais aussi à s’informer et communiquer.

    Depuis le début des années 80 les pouvoirs publics, des universités et des associations comme Audiovisuel Pour Tous dans L’Education ont entrepris cette tâche éducative.

    Il est important de valoriser les acquis, de diffuser largement les outils produits et de généraliser l’éducation aux médias en partenariat avec l’ensemble des interlocuteurs concernés (diffuseurs, collectivités locales, parents, éducateurs, chercheurs, etc.). Le but est de permettre aux jeunes générations, baignées dans un univers de messages et d’images d’aborder ce monde de la magie médiatique avec une forte distance critique. La pluralité des sources étant la première garantie contre l’erreur et la manipulation.

    Démocratiser tout l'espace public

    Alors que le chômage et la précarité détruisent progressivement notre tissu social, alors que l’école a de plus en plus de mal à intégrer des pans entiers de jeunes dans notre pacte républicain, la question d’une régulation des médias au sens large du terme peut sembler secondaire. Pourtant, si nous voulons voir triompher un projet de société alternatif remettant l’économique au service de l’homme et non l’inverse, elle est centrale.

    Le combat à venir pour les socialistes est définitivement un combat culturel et idéologique, celui d’un choix de civilisation entre humanisme ou jungle mercantile.

    Nous ne pouvons plus laisser offrir – sans rien dire – à longueur de journée des murs d’images et de commentaires prônant la performance, la compétitivité, l’égoïsme et le repli sur soi comme modèle de vie en société. La démocratie et l’intervention citoyenne doivent pouvoir se développer dans tous les domaines de l’espace public, qu’il soit politique, économique ou médiatique.

    Quand une société est en crise, tous les acteurs doivent assumer leurs responsabilités : publicitaires, médias, journalistes comme les autres.

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Pour une Europe sociale
et démocratique

 
Voilà, ça y est. Nous sommes vingt-cinq dans l’Union européenne. Bientôt, nous aurons une constitution. Il reste bien sûr quelques détails à régler, mais l’essentiel est fait.

Mais si tout est fait, comment se fait-il que nous ayons encore l’impression que l’Europe nous échappe et qu’elle est loin de correspondre à ce à quoi nous aspirons ? Nous sommes désormais 450 millions d’hommes et de femmes, du Conemara aux rives du Danube, à vouloir partager une communauté de destin. Nous sommes nombreux à reconnaître que les États seuls ne peuvent répondre à toutes les interrogations de notre temps, ni décider de toutes les orientations de nos sociétés. Et cependant, les différentes organisations que nous peinons à mettre en place depuis plus de cinquante ans semblent créer plus de frustrations que de satisfaction.

Deux raisons peuvent expliquer cette situation :

En premier lieu, nous n’avons pas réellement le sentiment d’avoir été consultés. Qui s’est senti impliqué par le travail de la Convention sur l’avenir de l’UE ? Poser des questions sur Internet était la seule forme de participation possible…

En second lieu, l’UE souffre sans doute d’être trop institutionnelle et pas assez politique.

La complexité des institutions européennes et la double représentativité parlementaire et gouvernementale se marient mal avec l’envie légitime de se sentir partie prenante d’une entreprise claire et démocratique. Les institutions européennes atteignent aujourd’hui un degré de complexité jusque-là jamais atteint au sein d’une organisation internationale. Les centres de décision sont trop éloignés et surtout inaccessibles aux " administrés ". Et pourtant, c’est sur cet aspect institutionnel que se sont focalisés tous les débats sur l’avenir de l’UE.

Prendre les moyens pour des buts, n’est-ce pas là le travers de la technocratie ? N’est-ce pas la meilleure astuce pour masquer le fait que nous n’avons pas de but ? Car là réside le vrai problème : l’UE est aujourd’hui une belle boîte vide, un dessein inanimé. Comment combler ce vide ? Comment forger un réel projet pour cette Europe trop institutionnelle ? Quel contenu voulons-nous lui donner ?


Un traité de l’Europe sociale

    Pour donner à l’UE une réelle dimension politique et en faire autre chose qu’une organisation technocratique, il est nécessaire de l’inscrire pleinement dans une dynamique sociale et de développement durable, deux thèmes fortement liés et qui sont au cœur des préoccupations des européens.

    Ce que Maastricht a pu faire pour l’Union Monétaire, un autre traité doit pouvoir le faire pour les questions sociales les plus importantes, les plus urgentes.

    Notre proposition de traité

    Il est temps d’arrêter les rustines et de négocier un véritable Traité de l’Europe sociale aussi ambitieux que le Traité de l’Europe monétaire. Nous proposons que la France soumette à ses alliés le vote d’un Traité ayant la même structure fondamentale que la démarche adoptée pour l’Union monétaire :
    1. Définition de critères ambitieux;
    2. Calendrier de convergence avec échange des bonnes pratiques, des solutions les plus efficaces ;
    3. Définition de sanctions pour les pays qui ne convergent pas.

    Les 5 critères de Maastricht étaient :
    > un déficit budgétaire inférieur à 3% du PIB ;
    > une dette publique inférieure à 60% du PIB ;
    > un taux d’inflation ne dépassant pas de plus de 1,5%,
    l’inflation moyenne des trois Etats membres ayant la plus basse inflation ;
    > des taux d’intérêt à long terme ne dépassant pas de plus de 2%, les taux des trois pays ayant les taux les plus bas ;
    > rester dans le SME pendant deux ans sans sortir des marges de fluctuation.

    De la même façon, nous proposons…
    Les 5 critères de l’Europe Sociale :
    >
    Un taux de chômage inférieur à 5% ;
    > Un taux de pauvreté inférieur à 5% ;
    > Un taux de mal logés inférieur à 3% ;
    > Un taux d’enfants illettrés à l’âge de 10 ans inférieur à 3% ;
    > Une aide publique au développement supérieure ou égale à 1 % du PIB.

    Construire l’Europe sociale, ce n’est pas seulement veiller au bien être de ceux qui vivent sur le territoire européen, c’est aussi veiller au co-développement de tous les peuples. " Le développement est le nouveau nom de la paix. " L’Europe doit disposer d’une armée efficace mais elle doit surtout construire la paix par le développement durable.

    Des sanctions comparables à celles infligées aux pays qui sortent des critères du Traité de Maastricht doivent être prévues pour les États qui ne seraient pas dans le carré magique (5,5,3,3,1) en 2015. Nous recommandons cependant des sanctions plus politiques qu’économiques afin de pas pénaliser les pays en difficulté.

    Libre à nous d’aller voir nos amis danois pour savoir comment ils sont parvenus à faire tomber l'illettrisme à 3%. Libre à nous d’aller voir en Hollande comment ont été réglés l’essentiel des problèmes de logement… Et libre à nos voisins de copier notre 4•4•42 en l’adaptant à leur propre marché du travail.

    Monnaie, social : les deux jambes de l'Europe

    Ceux qui pensent qu’il faut renoncer à Maastricht pour construire le progrès social se trompent. Ce n’est pas en détruisant ce que nous avons construit dans le domaine économique depuis quinze ans que nous sortirons de la crise sociale. La fuite en avant a assez duré. Inversement, ceux qui pensent que l’Europe peut rester au stade actuel de grand marché, avec sa monnaie unique et son autorité de la concurrence mais sans règles sociales ambitieuses, se trompent gravement aussi.

    L’Europe doit marcher sur ses deux jambes. Elle doit être aussi rigoureuse et ambitieuse en matière sociale qu’elle l’a été en matière monétaire. C’est sur ces deux jambes que l’on pourra poser son corps et sa tête, l’Europe politique, l’Europe de la diplomatie, de la défense, de la recherche, de la culture…


Un modèle de développement durable

    Attention ! Il n’est pas question que l’Europe fasse du développement durable dans les pays du sud, comme elle a pu faire du développement auparavant, par charité ou par calcul politique. Il est temps de prendre conscience que nous sommes " sous-durablement-développés ", et que nous devrions commencer à appliquer chez nous ce que nous prônons pour les autres.

    Une définition européenne du développement durable

    Le développement durable, concept très à la mode depuis le sommet de la terre de Rio de Janeiro, mais qui reste assez flou tant il est utilisé à toutes les sauces, n’est pas réductible à la seule écologie. Selon la définition adoptée par l’Onu, c’est la " capacité des générations présentes à satisfaire leurs besoins sans compromettre l’aptitude des générations futures à couvrir leurs propres besoins ". Le développement durable concerne donc non seulement les ressources naturelles, mais également la performance économique, et l’humain (éthique, social...).

    L’élargissement est l’occasion pour les anciens comme pour les nouveaux Etats membres de se demander dans quelle société ils veulent vivre, de faire preuve de courage et de rompre avec les vieux schémas de société pour proposer un changement radical. La question ne devrait plus être " comment faire pour que les nouveaux pays puissent produire autant que les anciens sans créer de concurrence déloyale? ", mais " est-il vraiment nécessaire de produire autant et de cette façon? ".

    Des implications concrètes, citoyennes

    Il ne s’agit pas de réduire de manière absolue la consommation des ménages, dans un objectif de " décroissance soutenable ", mais de changer les habitudes de consommation afin qu’elles s’orientent plus volontiers vers des biens dont la production ne soit pas préjudiciable au développement des générations futures.

    Donner un contenu très fort en matière sociale et environnementale à la construction européenne est la priorité absolue.
    Quelle que soit la qualité de la constitution qui sera soumise à référendum en 2004, si la question sociale est encore repoussée à " plus tard ", le Non risque de l’emporter !

    Quelques jours avant le vote sur Maastricht, Jacques Delors appelait à voter " Non au Non " : Le Traité n’est pas bon, mais ne cassons pas la dynamique et remettons-nous très vite au travail pour négocier un Traité social et politique, affirmait-il alors.

    10 ans après, repousser à nouveau un Traité de l’Europe Sociale serait tragique
    .


Des institutions clairement démocratiques

    Nous formulons ici cinq propositions fondamentales pour débloquer la situation.

    Clarifier la répartition des compétences entre l'Union, les Etats et les régions

    Il y a de nombreux domaines dans lesquels l’Europe n’a pas à intervenir. Mais il y a des domaines où nous n’avons plus de réelle souveraineté si nous restons isolés. À 15 pays, actuellement, nous disposons de 40 000 diplomates alors que les Etats-Unis n’en ont que 18 000. Mais ces 18 000 sont au service d’une seule diplomatie et sont " couverts " par une armée surpuissante alors que nos 40 000 diplomates sont divisés en 15 petites diplomaties et dépourvus d’armée réellement crédible pour intervenir sur un conflit majeur.

    Jacques Chirac est très fier que nous ayons bientôt un deuxième porte-avion. Mais nos porte-avions sont trop courts pour que les avions puissent s’y poser quand la mer est trop forte (Les porte avions anglais ou américains ont un tonnage au moins 50% supérieur aux nôtres). Ne serions-nous pas beaucoup plus efficaces si un certain nombre de pays décidaient de créer une armée commune au service d’une diplomatie commune ?

    En 1952, il s’en est fallu de peu que naisse la CED, la communauté européenne de défense. 50 ans après, si nous ne voulons pas continuer à commenter ce que font ou ne font pas les États Unis, si nous voulons retrouver une réelle souveraineté dans ces domaines, il est clair que diplomatie et défense doivent devenir des politiques européennes. De même, la politique monétaire, la politique de recherche, la politique de développement durable… En tout, ce sont dix domaines (et pas plus) qui doivent être du ressort d’un gouvernement européen, responsable devant le Parlement. Tout le reste est de niveau national ou local.

    Il faut expliquer aux souverainistes que construire une Europe démocratique n’est pas un abandon de souveraineté mais est, au contraire, le seul moyen de retrouver une souveraineté dans les domaines où, dispersés, nous ne pouvons plus réellement compter face à l’hyper puissance américaine.

    Simplifier et démocratiser le fonctionnement des institutions

    Il suffit de reprendre ce que proposent les socialistes allemands (qui est très proche de ce que proposait déjà la CDU en 1992…) : remettre la technocratie à sa place (qui est seconde), au service d’un pouvoir politique fort détenu par le Parlement et le gouvernement qui en est issu. Le Conseil européen (les représentants des États) assumerait le rôle d’un Sénat. Sans doute, au début, seul un noyau dur de pays souhaitera partager sa défense, sa diplomatie… et se donner dans ces domaines des règles du jeu nouvelles. Mais n’est-ce pas toujours ainsi que l’Europe a fonctionné : des idées simples, mises en œuvre simplement par un groupe de pays que d’autres rejoignent quand ils sont mûrs…

    Instaurer un contrôle de la Banque Centrale par le Parlement Européen

    Aux États-Unis, la Fed (Banque Centrale) est – officiellement - indépendante des pouvoirs politiques. Mais son Président vient tous les deux mois répondre aux questions des membres du Congrès. Si les élus de la Nation ne sont pas satisfaits de la politique monétaire suivie par la Fed, ils peuvent en quelques semaines modifier ses " conditions d’indépendance " par une loi ordinaire. De plus, les statuts de la Fed mettent au même niveau la lutte contre l’inflation et le soutien de la croissance (presque complètement absent des statuts de la Banque européenne). Ne devrions-nous pas compléter le Traité de Maastricht en nous inspirant sur ces deux points des pratiques américaines ?

    Clarifier les financements et créer un impôt européen

    Construire une défense européenne est gage d’efficacité. C’est aussi un gage d’économie au niveau national : la défense nous coûte quelque 30 milliards d’euros par an. Ce seront autant de marges de manœuvre, au niveau national, pour investir dans un nouveau pacte social sans dépasser la barre fatidique des 60 % du PIB. Mais pour financer notre diplomatie, notre défense, notre recherche, il faut à l’Europe de nouveaux moyens. Trois sources de financement doivent être développées :
    > Taxer légèrement la valeur ajoutée de l’ensemble des entreprises implantées en Europe,
    > Instaurer une taxe Tobin améliorée (tenant compte de la durée des "investissements"),
    > Créer enfin une véritable écotaxe européenne.


    Modifier le mode de scrutin aux Européennes pour rapprocher les députés européens des citoyens

    Il faut aussi rendre possible des Lois d’Initiative Citoyenne Européennes sur le même principe que la LIC nationale.


Pour un PS résolument européen

    Mettons les pieds dans le débat.
    L’amitié entre socialistes ne doit pas nous empêcher - au contraire ! - de parler franchement quand des questions essentielles sont en jeu. Certains au PS demandent un référendum sur l’élargissement et annoncent qu’ils voteront Non. Cette position nous paraît scandaleuse.

    Si l’Europe est ce qu’elle est, si l’Europe est en panne, ce n’est pas de la faute de la Pologne ou de la Lituanie. C’est largement de la faute des responsables politiques français : qu’avons-nous fait depuis 10 ans pour répondre aux propositions allemandes de démocratisation du système ? Qu’avons-nous fait pour diminuer le coût de la Politique agricole, en généralisant les quotas qui, avec un coût marginal pour le budget communautaire, permettent aux paysans de vivre dignement de leurs productions (Même la FNSEA reconnaît maintenant leur efficacité dans le secteur du lait. Pourquoi n’avons-nous pas proposé d’en généraliser le principe? )… Qu'avons-nous fait pendant cinq ans, alors que la gauche était majoritaire en Europe pour construire une Europe sociale ?

    Être de gauche et écrire que l’on voterait Non à l’élargissement, c’est renoncer à l’universalisme et ne rien comprendre à l’Histoire : dans 40 ans, les Polonais se souviendraient encore de l’humiliation. Alors que l’on peut sortir en quelques mois de la crise des institutions.

    Demander un référendum sur l’élargissement est, à coup sûr, une erreur historique. Mais demander un référendum sur la Constitution issue des travaux de la Convention ne suffit pas : nous risquons en effet d’être piégés, obligés de choisir entre le Oui au consensus giscardien (qui peut dire qu’il nous conviendra ?) ou de voter Non, ce qui serait vécu comme un Non à l’Europe. On nous a déjà fait le coup avec le Traité de Maastricht… Pour rattraper les années perdues, nous devons dire haut et fort quel contenu nous voulons (quel Traité de l’Europe sociale ? Quel fonctionnement démocratique ?) et faire campagne avec les autres socialistes européens pour peser bien en amont d’un éventuel référendum. Si nous voulons que l'Europe ne soit pas seulement une zone de libre échange, si nous voulons donner vie à une Europe sociale, à une Europe capable de peser à l'OMC et ailleurs pour humaniser la mondialisation, c'est maintenant qu'il faut le dire. C'est maintenant qu'il faut agir.

    Du courage politique !

    On se souvient qu’en d’autres temps, la construction européenne fut retardée à cause d’une dame qui mettait ses priorités au-dessus du bon déroulement des processus décidés par les fonctionnaires de Bruxelles. " I want my money back " (je veux récupérer mon argent), dit-elle jusqu’à avoir gain de cause ! Pourquoi les socialistes européens ne diraient-ils pas avec autant de force quelles sont leurs priorités ?

    Nous voulons la démocratie ; nous voulons renouer avec le progrès social ! "

    C’est très vite et très fort qu’il nous faut nous exprimer. Arrêtons de finasser : depuis Jean Monnet, on sait que l’Europe n’avance qu’avec des idées simples mais radicales, proposées à quelques pays par le couple franco-allemand. Disons clairement aux socialistes Allemands que nous sommes d’accord avec leurs propositions sur le fonctionnement démocratique. Exposons-leur nos idées sur l’Europe sociale. Invitons les amis espagnols, belges, italiens, polonais et tchèques… à se joindre à nous pour peaufiner nos projets de Traités et lançons une grande campagne de signature de ces deux traités auprès des citoyens de nos 25 pays.

    Ne laissons pas tout l’espace à Giscard. Il y a fort à craindre, comme l'affirmait récemment Robert Badinter, que la Convention ne débouche sur une "usine à gaz institutionnelle", sans contenu social… La gauche a su se battre pour la République et le progrès social au niveau national. Il faut, avec la même vigueur, nous engager pour construire la République et le progrès social au niveau européen.

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Mondialisation :
organiser la protection mondiale
du revenu du travail

 
Ce phénomène qu’on appelle " mondialisation " a du vent dans les voiles depuis la fin de la guerre froide, mais il est beaucoup plus vieux. Au XIXème, on parlait de " partage du monde. " Il s’agissait du même phénomène : la constitution d’un marché mondial entre régions spécialisées. L’industrie pour l’Europe, la fourniture de matières premières pour les colonies… bref : ce qui paye pour nous, ce qui ne paye pas ou plus pour les autres.

Aujourd’hui, c’est ce que nous sommes en train de vivre sous la tutelle d’institutions mondiales qui datent de 1944 : l’Onu pour réguler les conflits, la Banque mondiale pour réguler les investissements, le FMI pour réguler les monnaies et le GATT, devenu l’OMC, pour réguler le commerce. La crise de 29 et deux guerres mondiales avaient porté un coup presque fatal à la première " mondialisation… ".

Nous devons faire face à ce projet politique qui consiste à maximiser les échanges marchands à l’échelle de la planète, car il fait fi d’une notion vitale : le revenu du travail.

Mondialiser, oui : les sciences et les techniques le permettent. Tout se déplace mieux et plus vite. Mais pas au prix de la valeur du travail des hommes. Ce qu’il faut mondialiser, c’est la protection du revenu du travail en commençant par le métier qui occupe la moitié des actifs de la planète : le métier de paysan.


L’actuelle mondialisation : un ange qui fait la bête

    Imaginons une Terre sans conflits, tous les peuples se vendant et s’achetant tellement de biens et de services qu’ils n’ont plus intérêt à se battre. Imaginons un gouvernement mondial démocratique qui veille à la sécurité, la liberté et la prospérité de toutes les régions du monde.

    Une vision idyllique…

    Dans cette vision angélique libérale, l’Europe s’est spécialisée dans les métiers chers qui rapportent. Nous sommes tous hautement qualifiés et formés aux technologies de pointe. Nous vendons notre génie aux pays encore récemment " en voie de développement " qui, eux, nous vendent notre énergie et la plus grande partie de notre alimentation. Toute notre viande est produite en Argentine et en Nouvelle-Zélande, tout notre blé dans les plaines de l’Ukraine, tous nos fruits dans les vergers tropicaux du Brésil…

    N’est-ce pas ce qu’on nous prépare ? n’est-ce pas la vision idyllique d’une mondialisation présentée comme l’ange du troisième millénaire ? qui excuse la délocalisation des industries, " inévitable " même pour la gauche, qu’il faut gérer socialement en attendant d’être tous formés aux métiers " à haute valeur ajoutée ? "

    …qui a du mal a nous convaincre

    Seulement, ça ne marche pas. La " nouvelle économie " n’est pas moins soumise aux crises que " l’ancienne, " l’alimentation demeure une arme géostratégique redoutable, la casse industrielle et sociale va bien plus vite que la formation généralisée aux métiers " qui rapportent, " et, surtout : l’économie mondiale est soumise à un gigantesque problème de solvabilité de la demande… comme l’économie américaine en 1929.

    Malgré l’essor des moyens de transport et de communication, malgré le déplacement facilité des produits et des hommes – sans parler des capitaux – qui provoque un vrai rétrécissement de la planète, la mondialisation apparaît à beaucoup comme un phénomène néfaste.

    Rappelons qu’après l’Accord multilatéral sur l’investissement (AMI), préparé en douce par des fonctionnaires des pays de l’OCDE et consistant à soumettre juridiquement les Etats souverains aux états d’âme des multinationales, un lobby puissant est en train de nous préparer la privatisation des deux secteurs qui manquent à son tableau de chasse spéculative : la santé et l’éducation…


Baisse du revenu du travail :
la spirale infernale du sous-développement

    Aujourd’hui, une multinationale a les moyens techniques de contrôler, à distance et en temps réel, une unité de production implantée n’importe où. Où va-t-elle donc placer son travail de production qui occupe une main d’œuvre peu ou pas qualifiée ? Dans un pays où cette main d’œuvre est la moins chère, et où les charges liées à la législation du travail et la protection sociale sont les moindres voire nulles. Un pays parmi les PVD ou les PMA… qui compte entre 60 et 80 % de sa population active dans l’agriculture, et où les non ruraux se tassent dans des mégapoles surpeuplées entourées de bidonvilles.

    Une telle multinationale a le choix. L’écart entre les salaires des travailleurs qualifiés des pays de l’OCDE et ceux de la main d’œuvre des PVD est de 1 à 150 et il a tendance à s’aggraver. Un petit détour par la question agricole permet de comprendre comment est entretenu cet écart.

    Faim dans le monde : les premières victimes sont… les paysans !

       Des écarts de productivité considérables

    L’agriculture occupe la moitié des actifs du monde (1,3 milliards d’actifs agricoles). Sur 6,1 milliards d’habitants, on compte près de 3 milliards de " paysans " (population agricole active et non active).

    Par ailleurs, on compte dans le monde environ 28 millions de tracteurs et 230 millions d’animaux de trait… près d’un milliard d’agriculteurs travaillent donc en culture manuelle. Leur productivité est de l’ordre d’une tonne d’équivalents céréales par actif et par an.

    Pour baisser les prix agricoles, on accroît la concurrence entre toutes les agricultures et on tâche d’élargir le marché mondial du blé : ces paysans sont donc en concurrence avec les agriculteurs les plus compétitifs, dont la productivité est de l’ordre de 1000 à 2000 tonnes par actif et par an… l’écart de productivité est donc de 1 à 1000 voire 1 à 2000. Il était encore de 1 à 10 après-guerre !

     Quelques chiffres…

    Sur 6,1 milliards d’habitants, on compte plus de 2 milliards de personnes souffrant de carences graves sur le plan alimentaire, et environ 800 millions de personnes souffrant de sous-alimentation chronique : 800 millions d’affamés.

    Sur ces 800 millions, 80 % sont des paysans, victimes de la chute des cours mondiaux !

    C'est la chute des prix agricoles qui entraîne la baisse du revenu du travail  !

     Un exemple concret

    Un paysan soudanais, andin ou himalayen qui produit une tonne d’équivalents céréales par an parvient à nourrir une famille de 4 à 5 personnes. Mais il doit échanger ou vendre une partie de sa production pour entretenir voire renouveler son matériel, même constitué seulement de 2 ou 3 outils manuels de type houe, et pour loger et habiller sa famille. Il y a cinquante ans, cette part de production vendue lui rapportait environ 30 dollars pour 100 kg de grain : il pouvait se séparer de 200 kg sur les 1000 produits et nourrir 4 personnes dont lui-même avec les 800 restants.

    Or, cette marchandise qu’il vend ou échange est placée en concurrence, sur les grands marchés des mégapoles du tiers-monde, avec le blé " mondial. " Comme le prix du blé évolue tendanciellement à la baisse, la partie vendue ou échangée doit être de plus en plus importante pour l’obtention du même bien ou du même service. Il y a vingt ans, le même paysan ne recevait plus que 20 dollars pour 100 kg de grains : pour le même service et le même achat de nouveaux outils, il ne pouvait plus garder pour se nourrir que 600 kg.

    Aujourd’hui, il ne reçoit plus que 10 dollars pour 100 kg de grains et doit donc se séparer de plus de 400 kg : il ne peut plus nourrir sa famille. Il est donc condamné à l’exode rural vers un bidonville ou un camp de réfugiés, où l’on trouve essentiellement d’anciens paysans et des fils de paysans.

     Les conséquences de la chute des cours

    Ces paysans condamnés à l’exode rural cherchent du travail salarié pour pouvoir s’acheter à manger et nourrir leur famille. C’est-à-dire qu’ils demandent un salaire correspondant au coût de l’alimentation, dont la baisse les a précisément empêché de produire. En d’autres termes, le coût du travail salarié dans tous les pays comptant une majorité d’actifs agricoles, dépourvus de législation du travail et de protection sociale, est indexé sur la baisse des prix agricoles.

    Un salarié agricole de latifundia agro-exportatrice sud-américaine ou sud-afriacaine payé quelque 1000 dollars US par an peut produire 1000 tonnes de céréales par an : le coût de la main d’œuvre par kilo de céréales vendue sur le marché mondial est de un millième de dollar.

    Ce phénomène de baisse du coût de la main d’œuvre salariée, pléthorique et constituée pour l’essentiel d’anciens paysans devenus des affamés ou carencés sur le plan alimentaire, est donc en majeure partie à l’origine des avantages dits " comparatifs " des pays où même les unités de production industrielle ou manufacturière sont délocalisées.

    La demande notamment alimentaire au sein de ces pays étant massivement insolvable, les mêmes pays réclament des grands marchés solvables (UE, Etats-Unis) la possibilité de leur vendre leur production. Mais la compétitivité de leur économie repose précisément sur l’insolvabilité massive de leur main d’œuvre dont le coût est aligné sur la baisse des prix agricoles, laquelle est à l’origine de l’insolvabilité de leur paysannerie, c’est-à-dire de l’essentiel de leur population !

    Le cercle vicieux de la baisse du revenu et du sous-développement !

    L’OMC organise la baisse des cours mondiaux. Cette baisse provoque l’exode rural massif des paysans les moins compétitifs. Ils rejoignent camps de réfugiés ou bidonvilles où ils cherchent du travail. Leur salaire est indexé sur le coût de l’alimentation, en baisse. Cette baisse du coût du travail permet aux grandes entreprises qui les emploient d’accroître leur compétitivité. Ces gains de productivité permettent à ces entreprises de poursuivre la baisse des cours mondiaux… la boucle est bouclée !

    Mais, parallèlement, la baisse des cours détruit plus de revenus parmi les paysans pauvres qu’elle ne créée de richesses pour les détenteurs de capitaux : ils ne parviennent pas à absorber toute la main d’œuvre rendue disponible par la destruction des paysanneries. Cette destruction provoque un afflux, dans les bidonvilles, de demande insolvable. Cette demande insolvable oblige les grandes entreprises à exporter leurs produits… en exigeant la suppression de la protection des marchés solvables du monde, ce qui provoque une accélération de la baisse des cours !


Il nous faut une autre mondialisation – qui protège le revenu du travail

    C’est en priorité le revenu agricole qu’il faut protéger, pour plusieurs raisons :
    La moitié de l’humanité ne mange pas à sa faim, nous serons bientôt 10 milliards d’habitants alors que les paysans du monde sont de moins en moins nombreux et que la mondialisation actuelle durcit leurs conditions de travail voire d’existence ;
    L’agriculture occupe la moitié des actifs de la planète ;
    Tout développement économique commence par le développement du secteur primaire, or l’agriculture occupe 60 à 80 % des actifs de la quasi-totalité des pays pauvres ;
    L’alimentation demeure une arme géostratégique redoutable : c’est une exigence morale et pas seulement du bon sens économique que de réclamer le droit des peuples à se nourrir eux-mêmes, c’est-à-dire universaliser le principe de la souveraineté alimentaire.

    Protéger le revenu agricole, l'Europe sait faire

    Prenons l’exemple européen : en dépit de ses errances, la Pac a été un succès. Après-guerre, les six pays signataires du Traité de Rome avaient pour objectifs le développement de leur industrie, qui avait besoin de main d’œuvre et qui pouvait profiter du plan Marshall ; et l’autosuffisance alimentaire. En agriculture, il fallait donc produire plus avec moins d’actifs et pas plus de terres ! de plus, la moitié des terres agricoles de ces six pays réunis se trouvait en territoire français… les bases du " productivisme " dénoncé aujourd’hui sont là.

    Avant d’engranger des stocks d’invendus pour cause de succès trop rapide, la Pac a permis de protéger le revenu paysan au point de multiplier par 100 la productivité agricole en un demi-siècle, et de gérer le transfert d’actifs vers les autres secteurs de l’économie de manière indolore jusque dans les années 70.

    C’est ce qu’il faut permettre aux PVD ! par régions du monde le plus homogènes possible du point de vue de la productivité agricole (Afrique de l’Ouest, Asie du Sud, Europe de l’Est, Afrique du Nord et Proche-Orient…), il faut organiser des marchés communs protégés aux frontières.

    Les prix de l’igname, du manioc, du riz, du sorgho, du mil et du millet, doivent être soutenus au sein de ces marchés protégés de manière à ce que le revenu paysan soit décent.

    Non seulement les paysans cesseraient d’être soumis à l’exode rural et cesseraient de représenter une demande alimentaire non solvable, mais ils contribueraient à accroître la production alimentaire de leur peuple !

    Moyennant des prix soutenus, en quelques décennies d’épargne et d’investissement, ils représenteraient une demande solvable de biens et de services pouvant servir de base au développement des autres secteurs de l’économie.

    En mettant une telle solution en place suffisamment progressivement, la hausse sensible du coût de l’alimentation aurait un autre impact précieux : la hausse des salaires réels !

    Une telle solution implique pour l'Union, l'inverse de ce que prépare la Commission !

    Ce qu’une telle solution implique, c’est un coup d’arrêt aux exportations subventionnées de blé et de céréales de substitution. Mais pourquoi ne pas appliquer au blé, au porc, à la volaille ce qui marche si bien pour le lait ou le sucre ?

    Une maîtrise de la production moyennant le recours à diverses mesures qui existent (quotas, droits à produire, mesures de dégagement de marché…) permettrait à l’UE non seulement de ne plus être excédentaire mais de pouvoir protéger le prix de ses denrées sans surcoût budgétaire !

    Le secteur du lait ne coûte que 3 % du budget agricole européen, une part en diminution constante, alors qu’il installe près de 30 % des candidats à l’installation dans l’agriculture : les cours du lait sont stables, les producteurs rémunérés par le prix et non par des subventions, et les fluctuations de marché sont lissées.

    Si l’on proposait aux céréaliers de payer plus cher leur blé (un doublement du prix à la production n’aurait un impact que de quelques centimes sur celui de la baguette) moyennant l’acceptation d’une maîtrise de leur production, refuseraient-ils ?

    C’est pourquoi, au lieu de démanteler les derniers mécanismes de régulation des marchés qu’il lui reste, l’UE serait bien plus inspirée de les généraliser à toutes les filières qui en sont dépourvues et de promouvoir ce principe à l’OMC !

    Car le principe d’Unions douanières protégeant des marchés agricoles communs aurait un autre mérite : il serait abordable sur le plan budgétaire pour des pays qui ne peuvent pas taxer leur population, trop précaire.

    L'OMC est un arbitre : changeons les règles du jeu

    L’OMC existe, c’est un arbitre : ne crions pas " à mort l’arbitre ! " mais changeons les règles du jeu. L’OMC doit servir à homogénéiser le revenu du travail à la surface du globe en le hissant par le haut, au lieu de le tirer par le bas.

    Cela commence par l’organisation mondiale de la protection de toutes les agricultures du monde, en commençant par les plus faibles. Cela pourra être poursuivi par l’organisation mondiale de protectionnismes négociés et non pas unilatéraux, consistant à homogénéiser le coût de l’accès aux denrées de première nécessité puis aux autres biens les plus vitaux.

    Ces protectionnismes mondialement organisés permettraient à toutes les économies de se développer sur la base des besoins internes aux pays, besoins qu’il faut rendre solvables en protégeant les métiers les moins qualifiés et les plus répandus. Cela commence par l’agriculture.

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La Rose Socialiste doit refleurir

 
Nos valeurs sont nos racines. Les attentes des Français et des citoyens du monde sont notre terreau. L’action militante est notre sève.

Prenons appuis sur nos racines. Puisons dans notre terreau. Nourrissons-nous de notre sève. La Rose Socialiste pourra alors refleurir.

Soyons des jardiniers lucides, intelligents et audacieux.

La contribution PS+ se concentre sur quatre domaines d’action prioritaires.

Nous y regardons la réalité en face et sans tabous. Notre analyse vise une compréhension approfondie des leviers du changement. Nos propositions sont audacieuses et réalistes, nourries d’écoute et de solutions nouvelles.

 Un autre société

La vérité, c’est que notre société va dans le mur parce qu’elle est gangrenée par le chômage, la précarité, les inégalités et l’exclusion.

Nous ne pouvons pas compter sur un illusoire retour de la croissance ou des rustines provisoires. Nous ne résoudrons pas la question des retraites sans résoudre la question du chômage.

Nous proposons donc un contrat social ambitieux bâti en priorité sur une vaste réforme du temps de travail (4 jours) et de la durée de cotisation (42 années dont 4 années sabbatiques). Sa mise en œuvre progressive s’appuiera sur un vaste débat, une négociation intense, un référendum, et une mobilisation forte de tous les systèmes de formation.

La vérité, c’est que notre démocratie s’affaiblit abstention après abstention.

Nous proposons un nouveau contrat démocratique renouant avec la participation des citoyens et rééquilibrant les pouvoirs. Parmi les multiples mesures, la Loi d’Initiative Citoyenne sera le ferment d’une nouvelle dynamique de réforme sociale.

La vérité, c’est que le lien social, les valeurs de solidarité et de fraternité sont entrain de vaciller à force de discours médiatiques et publicitaires sur le culte de la performance et le chacun pour soi.

Nous proposons un nouvel espace public ouvert à la participation et au contrôle des citoyens. Le conseil de la presse est une innovation forte qui permettra aux citoyens d’exercer un droit de regard sur l’information.

 Une autre Europe

La vérité, c’est que l’Union européenne est menacée de rester une zone de libre-échange, amplifiant les déséquilibres sociaux et l’atonie démocratique.

Nous proposons un véritable Traité de l’Europe sociale aussi ambitieux que le Traité de l’Europe monétaire, visant un taux de chômage inférieur à 5%, un taux de pauvreté inférieur à 5%, un taux de mal logés inférieur à 3%, un taux d’enfants illettrés à l’âge de 10 ans inférieur à 3%, une aide publique au développement supérieure ou égale à 1% du PIB.

 Une autre mondialisation

La vérité, c’est que la " mondialisation " est conduite sous la tutelle d’une pensée cynique et dévastatrice qui dégrade la valeur du travail humain en l’alignant sur le moins-disant.

Nous proposons de redonner aux citoyens du monde la possibilité de vivre décemment de leur travail, en commençant par garantir le revenu des paysans. Nous affirmons le principe de la souveraineté alimentaire et proposons la création de zones d’échange communautaires protégées des concurrences dévastatrices.

 Une autre méthode pour Changer à Gauche

Il nous faudra aller plus loin pour que notre parti bâtisse un projet de changement mobilisateur capable de regagner la confiance perdue. Pour créer une dynamique de transformation sociale, un changement de méthode interne est nécessaire.

Soyons des milliers à élaborer le nouveau projet du PS et donc ensuite des milliers à aller dans les quartiers où plus grand monde ne vote, pour prendre le temps de parler avec tous ceux qui se sont détournés de la gauche et leur montrer que, en 2007, c’est une nouvelle gauche qui leur propose de construire une nouvelle société.

La contribution PS+ est le fruit de Changer à Gauche, un groupe de travail qui veut incarner dans une pratique exemplaire, une démarche d’élaboration collective pour contribuer à bâtir un PS plus audacieux, plus courageux, plus visionnaire, plus rassembleur, plus fort.

Liste des premiers signataires :
 
Claude Daubas, Membre du Conseil national
Vincent Assante, Secrétaire national aux Personnes Handicapées auprès du Secrétariat à la Solidarité
Philippe Joachim, Premier secrétaire fédéral des Pyrénées-Atlantiques
Roger Tropéano, Délégué national à la Francophonie


Alain Huard, Conseiller général de l'Eure
Christiane Kutten, Conseillère municipale de Reims
Bertrand Perrissé, Membre du conseil fédéral de Paris
Yves Soret, Conseiller municipal à La Neuville Chant-d’Orsel
Albine Villeger, membre du Conseil Fédéral de l'Isère


Pierre Larrouturou, porte-parole de Changer à Gauche
Damien Baldy, Jacques-Olivier Barthes, Fabrice Berrahil, Olivier Cappé, Pierre-Benoît Desmulie, Dominique Foing, Cédric Fouilland, Jérôme Gagey, Bertrand Guillot, Dominique Isselin, Francis Kutten, Frédéric Laborde, Stéphane Landry, Catherine Minard, Michel Morziere, Michel Picard, Franck Pichot, Jean-Louis Verdier,
tous membres de Changer à gauche et animateurs de la Contribution PS+

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