Quel Parti socialiste
pour demain ?

Pierre Mauroy

Point de vue de Pierre Mauroy, sénateur du Nord, président de la Fondation Jean-Jaurès, paru dans l'hebdomadaire Le Nouvel Observateur daté du jeudi 28 novembre 2002


 
Il est évident que les échecs électoraux conduisent à des interrogations et à des remises en question. Chacun le sait, le Parti socialiste est un parti de débat. Il n'est donc pas anormal que cette règle - d'ailleurs déjà éprouvée et surmontée dans le passé - s'impose de nouveau à lui, depuis la défaite du 21 avril.

La difficulté, dans ce contexte inattendu, est de comprendre pourquoi Lionel Jospin a trébuché, alors qu’il affichait un bon bilan de réformes et proposait des mesures destinées à réduire les injustices et à améliorer la vie des catégories sociales les plus modestes. [...] La crédibilité de la gauche a été entamée par la relative impuissance qu’elle a montrée à contrer les excès et les dégâts du libéralisme, et à maintenir un secteur public de référence.

Dans ce contexte, il faut actualiser le compromis inévitable de la social-démocratie. Comment ? En renforçant le travail face au capital qui se délocalise, en renforçant l’Etat face au marché qui accentue les inégalités du fait d’une compétition sauvage génératrice de précarité.

C’est ainsi que les socialistes honoreront « un réformisme de gauche » que personne ne pourra confondre avec le social-libéralisme, qui ne saurait devenir le dernier avatar du socialisme.

Faut-il pour autant se livrer à des surenchères extrêmes pour opposer la définition d’une alternative de gauche à l’arrogante gestion libérale de la droite au pouvoir ?

Faut-il avancer l’idée de refonder un Parti socialiste comme s’il s’agissait de créer un parti pour chaque génération, alors que notre Parti socialiste, après le congrès d’Epinay, a su montrer sa capacité de se réformer et de conduire à la victoire la gauche rassemblée ?

Le Parti socialiste est aujourd’hui battu et non défait. Personne ne doute de sa capacité à rebondir, sauf à prendre un malin plaisir à vouloir le casser.
Les résultats électoraux du Parti communiste et des Verts ne sont pas à ce point significatifs qu’ils doivent nous inciter à nous réfugier dans une surenchère excessive ou une forme de radicalité qui nous est étrangère, et bien plus encore à une large fraction de l’opinion qu’il nous faudra gagner.

De la même manière, il me semblerait bien aléatoire de nous focaliser sur une hypothétique VIe République aux contours des plus flous. Le temps d’aujourd’hui est d’honorer le Parlement et d’en faire la grande tribune de la démocratie face au « pouvoir présidentiel ».

Le temps est aussi de tenir un discours clair sur l’Europe et de travailler à une mise en commun européenne sur la meilleure façon d’appréhender la mondialisation et de combattre ses effets pervers.

Le Parti socialiste doit se soucier, bien sûr, de sa propre « décentralisation » et, pour cela, assurer à sa tête et dans ses organes délibératifs une représentation plus à l’image de son électorat, et surtout de celui qu’il veut reconquérir et élargir. Des secrétaires fédéraux ont pris des initiatives en ce sens. Il faut les encourager afin que soit généralisée l’élection et réduite la cooptation.

Les circonstances ont renforcé la légitimité de François Hollande pour assurer la continuité de notre combat. C’est lui qui est en charge de garantir la tenue du congrès de Dijon. Pour permettre au Parti socialiste de renouer avec le succès, il lui revient de prendre toute sa responsabilité et de créer les conditions du rassemblement d’un large courant de pensée.

© Copyright Le Nouvel Observateur


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