Ne pas se résigner à la direction actuelle

Jean-Luc Mélenchon



Entretien avec Jean-Luc Mélenchon, co-animateur du courant Nouveau Monde, paru dans le quotidien Libération daté du samedi 26 avril 2003
Propos recueillis par Paul Quinio
 

Etes-vous en mesure de constituer une majorité alternative à l'actuelle direction ?
Il y a deux synthèses possibles. Celle du changement qui regroupera notamment les oppositions d'aujourd'hui, avec ceux qui, à l'intérieur du regroupement Hollande, sont prêts au changement. Je pense par exemple à Martine Aubry, à Jean Glavany et à mon ami Julien Dray. Je leur dis : « Osez vous révolter, osez l'alternative ! » L'autre synthèse sera celle de ceux qui se résignent à François Hollande et acceptent que dorénavant, ce sera comme avant parce qu'on ne peut pas faire autrement. C'est le rôle du congrès d'élaborer une de ces deux synthèses. Et une fois qu'elle aura eu lieu, il faudra choisir un premier secrétaire, contrairement à ce que propose la direction qui personna lise aujourd'hui de manière détestable nos débats.

Il y a huit mois, vous avez appelé à « faire feu sur le quartier général ». Vous assumez ?
C'était une image qui se voulait piquante pour lever un tabou. A l'époque, cinq mois après le 21 avril 2002, tout le monde avait peur de parler et d'aucuns banalisaient ainsi les commotions du 21 avril. L'impression dominante était que le congrès de Dijon allait être une formalité. Je rappelle qu'en juin, nous avions consacré un conseil national à discuter quasi exclusivement de la position de Laurent Fabius à la direction du parti ! Ma formule visait aussi à dire que nos problèmes n'avaient pas été résolus par le seul fait que Jospin s'était placé en position de victime expiatoire. Il y avait aussi une cabine de pilotage à la tête du parti.

Le courant Nouveau monde est associé à l'idée de rupture. Rupture avec quoi ?
Le Nouveau monde, c'est d'abord l'opposition à la continuité que propose François Hollande et à la ligne qui nous a conduits au 21 avril. Il faut rompre avec cette idée que l'accompagnement social de la mondialisation libérale est possible. Il faut rompre avec l'idée que le droit à la retraite avec 37,5 annuités est impossible, que l'élargissement de l'Europe sans logique politique est satisfaisant, qu'on ne peut rien contre les licenciements boursiers. L'enchaînement de ces ruptures peut conduire au dépassement du capitalisme et à de la logique de marchandisation totale du monde.

La direction du PS vous reproche d'aller chercher une caution à l'extrême gauche, de vouloir importer au PS « un pôle de radicalité »...
Ce n'est pas au PS de prononcer a priori des exclusives. Il faut tendre la main aux altermondialistes, à tous ceux qui ont voté à gauche le 21 avril. A eux de la prendre ou pas. C'était le pari de Mitterrand quand le PS était faible face à un PCF fort. Je trouve stupéfiant que l'on joue aujourd'hui à se faire peur quand le PS est quatre fois plus puissant que n'importe quel autre parti de gauche. Je fais aussi remarquer que tous ceux qui, à la direction, nous font ce reproche sont ceux qui ont créé les conditions de l'émergence de l'extrême gauche.

Un an après le 21 avril, quelle leçon tirez-vous de l'échec ?
C'est le divorce du PS avec les classes populaires. Nous nous sommes coupés radicalement de notre base sociale. Ça allait mal, mais on ne le voyait pas. Ça va encore plus mal aujourd'hui. Les causes du 21 avril se sont aggravées socialement et politiquement. Le PS est menacé de devenir un parti insignifiant pour des masses de gens. La question que nous posons, c'est comment redevenir une force d'entraînement.

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