Européennes 2004
Réaliser le 13 juin, un deuxième 28 mars

Arnaud Montebourg
Intervention d'Arnaud Montebourg, député de la Saône-et-Loire, cofondateur du courant Nouveau Parti socialiste (NPS), lors du Conseil national du Parti socialiste du 17 avril 2004.


 
Mes chers camarades,

je crois que la question que nous avions tous en tête pendant ces moments de discussion entre nous était celle de savoir comment nous allions convaincre les Français de réaliser, le 13 juin, un deuxième ou un autre 28 mars. Qu’allions-nous dire aux Français pour les convaincre de nous suivre dans un scrutin dont nous connaissons les difficultés et les faiblesses sur le plan politique et qui a réservé, dans le passé, déjà bien des surprises et des déconvenues, mais aussi parfois de bonnes surprises.

C’est donc un scrutin sur lequel nous sommes attendus, parce que la question européenne est une question centrale pour les socialistes. Et je crois que si nous avions à résumer nos sentiments échangés dans cette nuit de discussion, nous pourrions dire que la question qui aujourd’hui intéresse les Français, c’est la question du réarmement politique en général face à la mondialisation. Le désarmement politique des Tass nations a conduit à l’impuissance, parfois théorisée, parfois avouée, reconnue, s’exprimant parfois dans la bouche de socio-démocrates ou de socialistes sincères européens. La question du réarmement politique, c’est la question de l’organisation concrète de ce que nous voulons. Nous pouvons faire toutes les motions, toutes les proclamations, nous pouvons vouloir l’harmonisation sociale, la convergence par le traité social, l’harmonisation fiscale, la défense européenne, nous voulons beaucoup. Nous ne pouvons rien, surtout dans une Europe à vingt-cinq où nous savons que les conditions de la concrétisation ne sont pas réunies par l’instrument politique, c’est-à-dire la légitimité démocratique. Il n’y a pas que la question de la constitution qui pose problème pour les Européens, il y a la question du budget européen : comment faire un budget sans impôt, et donc comment faire un impôt sans légitimité démocratique.

Nous voici donc placés devant un sujet fondamental devant les électeurs dans un mois et demi : qu’allons-nous dire aux citoyens français qui veulent de l’action politique, qui veulent de la réaction politique et qui veulent que l’on les protège politiquement face à la violence économique et sociale du monde dans lequel nous sommes et dans lequel nous avons une part de responsabilité, comme d’autres. Alors, chers camarades, les néo-libéraux n’ont pas intérêt, à la fois dans leurs théories mais aussi dans leurs pratiques politiques, à ce qu’une Europe politique naisse, se constitue et s’organise rapidement. Nous le savons, c’est une analyse profonde, même si dans l’histoire récente de l’Union européenne, nous avons constaté que des compromis politiques s’étaient échafaudés entre les socio-démocrates et les Chrétiens libéraux, mais nous avons bien vu que de Chrétiens ou de démocrates-chrétiens, il y avait de plus en plus de libéraux, et que de ces libéraux, il y avait de plus en plus d’ailleurs de souverainistes qui se retrouvaient dans les alliances, quand il ne s’agissait pas de populistes. Donc, cette dérive du centre de gravité du champ politique européen a conduit, c’est vrai, à un certain nombre de constatations, et nous les avons défendues dans les débats de cette nuit. Et je suis, avec beaucoup d’autres de nos camarades, heureux que cette constatation soit inscrite dans le marbre de notre résolution collective, que la constitution européenne ne donne pas d’éléments de satisfaction sur tous les points que nous souhaitons pour conditionner ce réarmement politique. Et de ce point de vue-là, le fait que par ailleurs, nous soyons ensemble résolus à ce que ce soit les militants par référendum qui se prononcent sur cette question importante et qui donneront le mandat aux parlementaires le moment venu pour s’exprimer sur cette question, si elle vient à la discussion parlementaire et politique dans notre pays, est un bien et nous nous en réjouissons.

Mais nous avons été un peu plus loin, car il ne s’agissait pas de dire qu’il n’y avait pas les conditions retrouvées dans la constitution Giscard-Damato-Dehanne (c’est ainsi qu’elle s’appelle). Il y avait aussi la mise en perspective de la manière dont nous voulons avancer à l’occasion de ces élections européennes, vers le réarmement politique que nous appelons de vœux, rapide, urgent et aujourd’hui nécessaire. Et nous avons avancé vers un point sensible et important qui est la question de savoir ce que les parlementaires européens issus des urnes le 13 juin vont faire de la discussion programmatique et politique de la bataille électorale face à la droite. Nous avons dit qu’il serait normal que ces parlementaires disposent, pour les uns d’un mandat constitutionnel, pour les autres d’un mandat constituant. Il y a dans le mot « constituant » une richesse supplémentaire : c’est la faculté d’engendrer, c’est la beauté de procréer. Dans le « constitutionnel », il y a une sorte de passivité. Donc nous n’avons pas voulu prolonger nos discussions sur ce sujet qui n’est pas que sémantique, qui est fondamentalement politique et donc important pour nous. Nous sommes d’accord pour dire que ces parlementaires, qui mettent en perspective critique la constitution, auront le devoir de réécrire, de repenser, de proposer, y compris les révisions ultérieures du texte constitutionnel, pas celui-là, mais celui idéal que nous appelons de nos vœux et qui, en tout cas, contient des progrès qui aujourd’hui ne figurent pas dans ce texte.

Deuxième point, c’est que nous voulons dire ce que nous voulons à travers cette perspective de réécriture. Et nous avons, là aussi, avancé. Et je veux que nous nous en félicitions. Et l’ensemble de nos discussions ont tourné sur la question de savoir ce que nous allions faire de ce mandat-là. Certains disaient : nous voulons la République européenne. Nous étions nombreux à le vouloir, à le défendre. La République, qu’est-ce que c’est ? Finalement, c’est un terme générique, si je peux employer un mot tiré d’un autre champ sémantique. La République, c’est l’instrument démocratique par lequel nous allons gérer les choses qui nous appartiennent en commun, c’est-à-dire l’euro, déjà, c’est-à-dire un taux de change, c’est-à-dire un taux d’intérêt, c’est-à-dire une politique budgétaire dès lors qu’on aura un peu d’argent, donc un impôt.
Bref. Cette Représentation, les socialistes au XIXe siècle, au début du XXe siècle, en ont fait le levier, l’instrument de la réalisation de leurs aspirations sociales. Sans République, pas de socialisme. Jean Jaurès disait, je me plais à citer cette phrase si juste et si belle : « La République, c’est l’humus du socialisme », le terreau fertile sur lequel on fera germer notre aspiration sociale, c’est-à-dire le partage de la richesse. De ce point de vue, la question européenne aujourd’hui telle qu’elle se pose pour les socialistes au XXIe siècle, devant la mondialisation, est de nature identique à celle que se posaient les socialistes du début du XXe siècle devant la constitution d’un capitalisme national, et d’ailleurs à tendance impérialiste. Voilà ce qu’aujourd’hui nous pouvons dire. Alors nous avons avancé sur cette question. Certains ne voulaient pas employer ce mot qu’ils considéraient, pour les uns comme une provocation, pour d’autres une justesse, et je remercie Pierre des propos équilibrés et modérés qu’il vient de prononcer au sujet de notre amendement collectif, Nouveau monde, Force militante et NPS. Je crois que le point de compromis que nous avons trouvé, ainsi désigné : « Dans une Europe à vingt-cinq, une avant-garde de pays à partir de la zone euro et sans exclusive, devra mettre en œuvre la coordination économique, la convergence sociale et l’harmonisation fiscale. Elle devra se doter de la légitimité démocratique lui donnant les moyens d’agir et ouvrant la voie à l’Europe fédérale. » C’est l’embryon de République européenne que nous appelons de nos vœux.
En clair, c’est le tout début du début de l’humus du socialisme européen que nous voulons faire germer. Nous avons là de quoi nous rassembler et dire à la droite ce qu’elle est, ce qu’elle ne veut pas, et la faire reculer comme nous l’avons fait reculer pour faire triompher notre cause. Un deuxième 28 mars, c’est finalement notre feuille de route pour le 13 juin.


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