Faire l'inventaire
des années Jospin



Entretien avec Christian Paul, député de la Nièvre, ancien secrétaire d'État à l'outre-mer,
paru dans le quotidien Le Figaro daté du jeudi 30 mai 2002.
Propos recueillis par Elsa Freyssenet


 

Le PS semble vouloir se refaire une santé politique sur le terrain social en défendant le bilan de Jospin. Est-ce la bonne méthode ?
Il ne suffit pas de repeindre en rose le Parti socialiste pour faire feu sur la « Maison bleue ». Je me méfie d'un réflexe d'opposition systématique qui camoufle parfois des certitudes paresseuses. Les députés socialistes sont sortis sonnés de la défaite, et nous manquons de repères. La facilité aujourd'hui, pour la gauche, est de marquer une opposition de principe à chacun des projets de la droite. Le problème est que cela ne pousse pas à la lucidité sur la société et sur nos propres impasses. Nous opposer à la régression sociale que prépare la droite est nécessaire, mais c'est loin d'être suffisant. Par exemple, sur les 35 heures, François Fillon aura droit à une guérilla parlementaire. Il la mérite, car il n'a pas respecté ses engagements de dialogue avec les syndicats. Mais on ne pourra valablement s'opposer à ce projet qu'au prix d'un bilan complet et lucide des 35 heures, de leur effet sur les catégories de salariés les moins protégées et les moins rémunérées. La nécessité d'une clarification vaut sur beaucoup d'autres sujets.

Réclamez-vous un « droit d'inventaire » sur les années Jospin ?
Le socialisme n'est pas un temple dont nous serions les vestales. Comme nous l'avons fait à la fin du second septennat de François Mitterrand, il faut un inventaire pour tirer les enseignements de nos échecs. Mais l'inventaire ne sera utile que s'il est collectif et ne devra pas se limiter, cette fois, à un ripolinage de façade. Nous devons sortir du flou et le faire rapidement si nous ne voulons pas offrir le spectacle d'une interminable convalescence.

N'avez-vous pas cinq ans devant vous pour cela ?
Réinventer un projet pour le PS réclame du temps, mais prenons garde à ne pas être pris au dépourvu, car le calendrier du pays n'est pas calqué sur le calendrier des socialistes. J'ai entendu peu de dirigeants socialistes s'exprimer sur la crise de France Télécom.

Peut-être y a-t-il une gêne quant au manque de contrôle de l'Etat actionnaire ?
L'Etat actionnaire a une part de responsabilité, mais le système libéral pur et dur de Vivendi a conduit à des dérapages financiers similaires. Au-delà des polémiques, la question qui nous est posée par la crise de France Télécom est celle de notre conception des services publics. Les socialistes ne peuvent pas privatiser quand ils sont au pouvoir et entonner, comme certains, le chant de la renationalisation quand ils sont dans l'opposition. Je ne crois pas que la privatisation d'une société d'autoroutes soit une trahison du socialisme ! Pour les télécommunications, soyons plus à gauche en exigeant des opérateurs et de l'Union européenne un meilleur service public – notamment en termes d'égalité entre les territoires – et plus moderne, en reconnaissant qu'une partie de leurs activités peuvent se conduire dans le cadre de la concurrence.

Arnaud Montebourg a relancé le débat sur l'élargissement de l'Europe. En quoi y a-t-il urgence ?
La convention sur les institutions débat aujourd'hui dans la confidentialité la plus totale. On est en train de faire l'Europe sans le peuple, et on risque de faire l'Europe contre les peuples si des garanties suffisantes ne sont pas posées en préalable à l'élargissement. Pour le moment, l'Europe se condamne à choisir entre la régression sociale et la délocalisation d'activités vers les nouveaux pays membres. C'est pourquoi, avec Arnaud Montebourg, nous demandons au président de la République de procéder à une consultation des Français par référendum.

N'est-ce pas un peu tard, alors que le processus est engagé et que la France a donné sa parole ?
Le processus est engagé, mais personne n'a voté. Il est encore temps de fixer des conditions préalables. Nous sommes des Européens fervents et convaincus, et nous pensons que seule la pression d'un vote de la population peut vaincre la réticence des dirigeants à réorienter l'Europe afin de peser sur la mondialisation et résister à ses excès.

© Copyright Le Figaro

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