Préparer le rassemblement

Vincent Peillon
Intervention de Vincent Peillon, député européen, coanimateur du Nouveau Parti socialiste, lors du Conseil national du Parti socialiste du 4 juin 2005.


 
Mes chers amis, mes chers camarades,

la ligne majoritaire du Parti socialiste, majoritaire et légitime, vient d’être battue dans les urnes et par une majorité de notre électorat. Dans un moment comme cela, il me semble que la première responsabilité, et la première responsabilité du premier de nos responsables, c’est de chercher à rassembler le parti.

Je me suis interrogé, et je suis content qu’on soit à huis clos aujourd’hui, car on va pouvoir se dire directement tant de choses que nous avons besoin de nous dire.

Je me suis demandé, en écoutant François Hollande, si c’était bien le rassemblement qui était proposé dans son discours ou l’aggravation de ce qui nous divise et qu’il va falloir le plus vite surmonter.

Mes camarades, il y a un choix qui a été fait par les militants du Parti socialiste, et il y a la difficulté dans laquelle nous nous sommes trouvés. Je parle, je ne peux pas faire autrement, en mon nom, comme militant et au nom de mes camarades. Il y a l’embarras qui a été le nôtre envers nos amis qui avaient les mêmes convictions, qu’il aurait été bon pour le Parti socialiste de choisir le non au traité constitutionnel, mais qui une fois le vote passé, ont choisi, en conscience, de ne pas le respecter.

J’ai entendu que notre attitude pouvait être une affaire d’opportunité, je vous le dis, elle n’est qu’une affaire de principe. Et vous devez tous savoir qu’il y a dans ce parti, en dehors des combats organisés, des querelles d’hommes, des convictions à géométrie variable, des gens qui choisissent encore leur attitude sur les principes.

Les principes, ils sont ceux, bien entendu, du respect du suffrage universel, mais je dois vous dire aussi, mes camarades, que cette campagne a été, et il y a bien longtemps que je chemine avec vous, la plus difficile que j’ai éprouvée dans les relations entre les socialistes et dans le spectacle que nous avons donné à l’extérieur.

Car il n’est pas vrai de dire non plus, et vous pouvez, c’est comme ça, chacun son camp et battons-nous jusqu’à l’épuisement, le Parti en est capable, on l’a fait en certaines années, mais je peux vous dire que, pour s’en sortir, il faudra faire l’effort d’écouter le point de vue de l’autre, et de ne pas penser qu’on a tout seul raison. L’imbécillité ne peut pas être ici, la loi du Parti. Et je vais vous le dire : la campagne qui a été celle menée par la direction, dans une situation, bien entendu, je le reconnais, difficile, a été une campagne qui ne respectait pas non plus l’orientation que nous avions construite ensemble, et qui, très rapidement, a été davantage une campagne contre la gauche du non et même les socialistes du non que pour l’Europe.

Et nous avons aujourd’hui la difficulté d’être entre ceux, et vous êtes tous concernés par cette alternative, tous, quels que soient vos apparentements et vos acoquinages, entre ceux qui n’ont pas respecté le vote des militants, et ceux qui ont de la difficulté à rassembler le Parti et à vouloir écouter le message des urnes.

Je crois que ce que nous pouvons faire c’est d’abord constater, et ça va compter dans la phase qui s’ouvre, François, nous devons d’abord constater que ce qui nous a conduits là, c’est, dans le fond, essentiellement une préoccupation qui n’était pas toujours liée à l’Europe, pas toujours liée à l’intérêt du Parti, mais était aussi parfois liée à des ambitions personnelles, et pas celles d’un seul car cette histoire pourra s’écrire avec tous les acteurs.

Il ne peut pas y avoir aujourd’hui, dans le Parti qui n’a pas choisi son candidat, qui n’en est pas à cette phase, une ligne politique qui serait uniquement : pas celui-là. Et je vous le dis pour avoir été très longtemps catalogué comme quelqu’un qui, effectivement, n’est pas un ami de Laurent Fabius, il sera inacceptable dans le Parti tel qu’il est aujourd’hui de refaire une unité uniquement sur : tout, sauf celui-là.

Il nous faudra un projet pour gagner devant les Français, il nous faudra un rassemblement, et le moment venu, il nous faudra un candidat. Notre inquiétude : Ah, c’est pas moi ! Donc je t’empêcherai de gagner ! Parce qu’il y a l'Europe bien sûr, mais il y a François, mais il y a Dominique. Et si nous avions été capables, pris en otage par trois ou quatre ambitions, de faire passer d’abord notre intérêt collectif, nous aurions aussi servi le candidat qui sera être le nôtre dans deux ans et devant lesquels tous doivent prendre l’engagement que celui qui sera désigné sera soutenu par tous les autres, car c’est cela l’enjeu de 2007.

Je n’arrive pas bien à comprendre ce qui vous choque ou vous faire rire, je pense que vous avez sans doute… Vous devez être derrière l’un ou l’autre des candidats, j’imagine, plutôt que derrière l’intérêt du Parti à ce jour !

Moi, je n’ai pas de candidat, j’ai un parti et des convictions. Une méthode nous est proposée, elle ne peut que reposer, tu l’as dit François, sur l’analyse du vote du traité constitutionnel. Cette analyse, il me semble, nous pouvons la partager bien entendu. Un refus très violent sans appel de la droite, mais cela nous donne une responsabilité particulière.

Bien entendu, derrière ce refus de la droite, et ce n’est pas la première fois, il y a convergence des derniers votes, un refus du libéralisme, et il faut l’entendre en France comme en Europe ; dans ce vote, bien entendu, le désaveu et c’est comme ça, et nous avons à apporter des réponses politiques, institutionnelles et démocratiques, une difficulté entre les partis du gouvernement et leur électorat, et nous ne pouvons pas simplement nous dire : l’électorat populaire n’a pas compris ou n’a pas lu le texte. Nous avons ce problème en dehors même du traité constitutionnel depuis des années, et il est le problème central que nous aurons à résoudre ensemble.

A partir de là, il nous faut construire un projet, il nous faut laisser de côté les querelles de personnes, il nous faut dépasser, parce que tout le monde pense avoir raison dans cette salle quel que soit son point de vue, nos opinions personnelles pour nous rassembler sans exclusive à l’égard des personnes, et ce sera la condition pour nous de notre participation au rassemblement pour la victoire des socialistes. Et nous le ferons sur des idées.

Je crois, mes camarades, que ce congrès du projet est le bienvenu, nous ne pouvons plus attendre. Nous avons besoin d’avoir le débat au fond que nous n’avons pas eu, et je le regrette, depuis trois ans, car il faut aussi se le dire, ça n’a pas été un grand débat idéologique que celui de Dijon. Et depuis, nous avons eu quand même du mal, et c’est la première fois dans notre histoire collective, à formuler en trois ans d’opposition aussi peu de propositions, aussi peu de projets collectifs.

D’ailleurs, si vous prenez notre histoire, les seuls moments où nous sommes réunis, c’est en commençant par le débat d’idées ensemble et en confrontation dans la loyauté avec nos opinions respectives.

Alors, il faut le faire, mais François, je crois qu’il faut aller un pas plus avant. Tu as dit : nous avons la légitimité militante et c’est le point de fracture. Je suis d’accord, François, et j’ai sans doute moins d’expérience que toi dans ce parti, mais j’ai connu des années où on votait 98 % pour Rocard, puis 98 % pour Emmanuelli, puis 98 %… Et je voyais le vote d’un certain nombre de ces légitimités militantes arriver sur des orientations totalement contradictoires.

Alors, il faut la légitimité militante, mais ça ne peut pas être pour un parti de gouvernement, héritier d’une si grande histoire, le seul critère de distinction entre nous. Je ne crois pas que cela nous honorerait collectivement. Il faut donc aller un peu au-delà dans la clarification, dans le débat d’idées. Il faut aussi admettre qu’il y a en dehors de notre parti une société française qui a ses exigences, qui nous attend, qui n’espère qu’en nous.

Je crois que, pour préparer le congrès dans des conditions qui seraient loyales, dans des conditions qui seraient justes, dans des conditions qui permettraient demain le rassemblement, il faut que tu acceptes aujourd’hui l’idée que la direction, que tu vas rendre encore plus homogène, ce qui n’est pas un grand acte de rassemblement, mais faites ce que vous avez à faire, elle n’est pas habilitée à piloter toute seule ce congrès, et qu’il faut rapidement réunir, car vous savez, je vous le dis, et j’ai fait mes choix, et je suis attaqué des deux côtés, mais le Parti socialiste sans Laurent Fabius en 2007, sans Henri Emmanuelli, sans… Il faudra tout le monde. Écoutez vos discours dans l’oreille des autres : il faudra tout le monde, et il faut préparer ce rassemblement dans des conditions acceptables. Donc une fois que vous aurez encore accru la division, très bien, c’est votre œuvre du jour, préparez le rassemblement, et moi je vous demande une commission de préparation du congrès où tous les socialistes se retrouvent, se disent en face ce qu’ils ont à se dire plutôt qu’à l’extérieur et construisent ensemble leur victoire de demain, quel que soit leur candidat.

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