Assises du socialisme | |
Discours prononcé par Michel Rocard, le samedi 12 octobre 1974 |
Mes chers camarades, il n'est pas impossible que dans quelques années les historiens conviennent que notre rencontre d'aujourd'hui aura été historique, si d'ici là nous en avons tous ensemble tenu les enjeux. Reconnaissons pourtant aujourd'hui que cette rencontre a bien des aspects inhabituels, voire étranges. Imaginée à la fin de la dernière campagne présidentielle, pour en amplifier, capitaliser les résultats, elle se fonde sur un problème qui dépasse de loin et la durée d'un mandat, et le champ des seules luttes électorales. Préparée à partir de l'appel lancé par François Mitterrand le 25 mai 1974 à tous ceux et toutes celles qui placent leurs espérances dans le socialisme, cette rencontre rassemble des militants et non des observateurs - sauf quelques observateurs invités - pour l'essentiel, elle vise à confronter des pratiques quotidiennes et à façonner l'outil de notre intervention d'aujourd'hui beaucoup plus qu'à discourir dans l'imprécision sur des lendemains rayonnants. Elle se veut assemblée militante et non colloque, mieux ces Assises regroupent pour une large part la plupart des militants socialistes qui n'avaient nul besoin de cela pour affirmer leur puissance à gouverner. Mais il a semblé au Comité Directeur du Parti Socialiste que les forces encore diverses qui se recommandent du socialisme pourraient lutter plus efficacement, vaincre plus vite et gouverner avec une capacité plus grande à gouverner le pays si elles pouvaient tirer d'un projet commun le fondement d'une organisation commune. Ce geste, de dépassement et d'ouverture à d'autres, que François Mitterrand évoquait à l'instant, je tiens à dire ici que nous en mesurons l'importance et la générosité. Les Assises rassemblent aussi des militants des assises unifiées... personne n'a plus autorité pour l'engager tout entier. Au nom des militants qui ont accepté de participer à ces assises en acceptant ses principes et leur signification je tiens à rappeler que nous qui avons peut-être plus que d'autres tenté d'approfondir ce que pourrait être un socialisme à visage humain, un socialisme auto-gestionnaire, la question est à la fois celle du projet socialiste et celle de l'organisation assez puissante et assez militante pour lui servir de support dans le combat politique. Il y a enfin parmi nous des militants d'organisations syndicales, sociales ou familiales qui tous entendent sauvegarder leur caractère spécifique et leur vocation, mais dont les membres en très grand nombre se posent la question de leurs débouchés politiques dans la lutte tout en se sachant partagés au fond, d'eux-mêmes sur le plan de savoir si la vrai priorité de leur politique personnelle est la politique sociale, culturelle, et c'est un choix de chaque instant. Bref, ce n'est évidemment facile pour personne. Et cependant nous l'avons fait et nous voici réunis car c'était nécessaire. Y a-t-il en effet tâche plus indispensable et plus urgente que de décrire et de préciser le projet du socialisme. Nous nous sommes battus côte à côte derrière des engagements de gouvernement pendant la période d'un mandat et ce fut une belle bataille. Les travailleurs de France, comme d'ailleurs l'ensemble de l'opinion, l'ensemble des électeurs, ont le droit de nous demander un dessin plus précis non seulement le droit mais ils ont fait sentir à l'occasion même de cette campagne qu'ils souhaitaient un dessin, une référence plus précise quant à la société qu'avec eux nous entendons construire. Les accords, les compromis, les alliances passées pour le court et moyen terme ne sont que meilleurs, plus sûrs et plus solides s'ils s'inspirent d'un projet ferme pour l'avenir. C'est le sens du projet qui est soumis à votre examen… qui avant d'être dit ici ou l'avoir réexaminé, voire pour certaines parties réécrit en fonction des travaux d'aujourd'hui. L'enjeu de ces assises c'est donc cette confrontation sur un choix d'importance internationale, sur un projet pour gouverner, sur une stratégie pour vaincre. Un choix d'importance internationale ?Je voudrais rapidement, mes camarades, souligner à quel point ce qui s'engage aujourd'hui ne concerne pas que notre hexagone. Ce choix est d'importance internationale à la fois par la réponse qu'il fait à la crise mondiale du capitalisme, et par les orientations de politique internationale que le document précise. Par la réponse à la crise mondiale du capitalisme dans son principe, d'abord : elles se proclament socialiste et autogestionnaire. Voici je crois la première force politique socialiste d'occident développée qui, tout à la fois en alliance institutionnelle que chacun ici veut définir, qui en tout cas est partie pour être très durable, avec le Parti communiste, répond à la situation présente que les solutions doivent être de caractère socialiste et non pas d'une meilleure gestion technique du système dont nous ne changerions pas les fondements et les règles de fonctionnement. Et répondent enfin que ce socialisme doit être plus précisément défini et que la référence auto-gestionnaire est l'élément de cette définition plus précise. Dans son principe cet ensemble de trois facteurs fait du mouvement socialiste français le plus avancé sans doute de l'ensemble de ceux qui se cherchent dans un monde développé où on n'était plus très sûr que derrière le mot de " socialisme " se profilait une véritable réponse aux problèmes de notre société. Dans le contenu ensuite, ce n'est pas le lieu ici ni de rappeler le document que vous avez lu, ni de répéter ce que François Mitterrand vient de dire, et avec quel talent, mais dans le contenu notez qu'il s'agit tout de même que dans le premier document sont pris en charge parfois brièvement, parfois deux lignes d'un exposé. Il fallait être lisible. C'est un document militant. Mais tout de même c'est le premier document sur les Assises socialistes, sur les problèmes qui nous sont posés en matière d'écologie, de pollution généralisée et croissante de notre planète, comme en matière de rareté croissante des ressources, et répond aux situations dramatiques qui se créent de ce fait, esquisse la ligne d'une politique nouvelle. Il l'esquisse en donnant la notion de croissance en remplacement de celle de développement. Les instruments de mesure nous ne voulons plus qu'ils soient seulement quantitatifs, ce sont les hommes, leurs relations entre eux qu'il importe de développer, derrière la production économique n'est qu'une condition. Il en est d'autres… Le développement de la participation artistique, sportive, culturelle, curieusement cela fait moins importation, c'est moins marchand. Refaire du sport, de la chanson, de la musique, des lieux de participation plutôt que des spectacles, c'est répondre à la fois à une autre idée de l'homme que celle de la culture, rebaptisée, mercantile, et c'est aussi répondre à des problèmes d'une société qui n'a plus de perspective dans la croissance quantitative, intuitive, à perpétuité et sans fin. Enfin, clé de ce projet, la lutte contre les inégalités, aussi bien sur le plan interne à notre pays que sur le plan international, l'accent est suffisamment fort. Précisément ceci m'amène aux orientations internationales proprement dites du projet, derrière le nom de " Socialiste " au niveau international, ne se profile pas toujours, par rapport à l'impérialisme, des choix bien clairs. Oh, celui du texte est court, mais il est net, il est net et sans bavure. Et, ne nous trompons pas d'interlocuteur, le mot américain commence même à ne plus être exactement la qualification la plus juste, l'impérialisme dominant est celui des sociétés multinationales et des structures politiques dont elles ont le contrôle pour maintenir un monde marchand, une domination, une puissance, ici quand 1e rapport des forces le permet par la voie militaire, par l'assassinat politique, voyez l'Egypte, ailleurs par la pression sur les balances de paiement, voyez l'Italie, ailleurs encore par de plus subtiles modes d'intervention ; notre ligne est là fermement déterminée et cela était, je crois indispensable. C'est la clé de l'alliance au nom de laquelle nous pouvons mener ensemble une offensive une politique internationale. En ce qui concerne l'Europe ensuite, il est réaffirmé tout à la fois, d'une part qu'il n'y en a plus, que le capitalisme a brisé l'Europe, tout simplement parce qu'il a voulu la faire seulement marchande, mais que pour des marchands il n'y a pas pertinence, il n'y a pas utilité à une frontière au pourtour de l'Europe, un marchand par conséquent cherche dans le monde entier, pourquoi mettre une frontière là ? L'heure est à l'Europe des travailleurs, l'Europe des collectivités, des services publics gérés en commun, l'Europe des besoins collectifs assumés en commun, l'Europe donc sous planification et orientation sociale, c'en est la condition. Voilà dix ans que beaucoup d'entre nous affirment que l'Europe sera Socialiste ou ne sera pas, car elle ne peut exister que par référence à une volonté politique commune , laquelle suppose une planification pour l'appliquer, le capitalisme a lui-même là-dessus l'élégance de nous fournir les moyens de notre démonstration, il a lui-même démoli une Europe qui l'aurait gêné si elle devenait un enjeu de démocratie et de contrôle politique collectif. Nous redevenons ce que nous n'avons jamais cessé d'être, les seuls véritables européens conséquents, car l'Europe passera, elle sera une conquête de la lutte des travailleurs. Enfin, en ce qui concerne le tiers-monde, effectivement beaucoup de choses sont à dire en quelques pages. Il y a peu de choses sur le tiers-monde, c'est vrai, lisez-les mes camarades, lisez-les. Condamner le pillage des matières premières, reconnaître que toute coopération doit se soumettre aux décisions politiques de ceux qui la reçoivent et sont seules capables d'engager leur peuple, reconnaître qu'il nous faut organiser d'autres économies, avec la prévision d'une hausse régulière de l'ensemble des matières premières, à la différence de nos productivités relatives, pour assurer le décollage du tiers-monde. C'est court, cela fait un paragraphe... C'est considérable. Je ne crois pas non plus que devant le mouvement socialiste international, nulle part ailleurs ce paragraphe soit repris avec autant de clarté. Voilà ce qui fait que les enjeux du projet qu'aujourd'hui vous allez délibérer sont importants, puis informant tous les militants des organisations diverses auxquelles nous participons, il faudra soumettre le résultat de ces confrontations engagées, émettre ensuite des votes et une construction collective, voilà ce que sont les enjeux au niveau international. Mais c'est aussi un projet pour gouverner, et qui éclaire le long terme comme 1'immédiatement opératoire. Un projet pour gouverner
Là est encore un de ces miracles qui n'en sont point de ces chances du Socialisme qui, parce qu'il se veut rigoureux, parce qu'il a tenté une démarche qu'il voudrait scientifique, en tous cas il s'en impose la discipline, se trouve à chaque moment capable de réconcilier 1'espérance et la dure leçon des faits. Un projet pour gouverner qui éclaire le long terme. En ce qui concerne les finalités, je l'évoquais au moment de l'enjeu international, cet autre modèle de développement il est prévu aujourd'hui, mais pour une longue période : la clé de nos équilibres régionaux, la clé de la répartition des emplois entre l'économie de marchandises, l'économie de services et l'économie collective fournissant bien des services sur la base de la gratuité, et il est la clé de la manière dont vous vous assurez entre vous les besoins collectifs d'éducation, de santé, de vie urbaine. Les archéologues classent les civilisations anciennes et leur valeur en fonction de leur legs urbain. Le capitalisme a derrière lui la grandeur et noblesse d'avoir inventé Nanterre, Puteaux, Aubervilliers, Villeurbanne, Courbevoie et autres lieux de grande noblesse et grande beauté architecturale. C'est à nous de retrouver ce sens de la vie collective qui fasse place au fonctionnel, à nos besoins de rencontre, d'activité collective, comme un droit élémentaire à la beauté et dont la condition est une organisation sociale qui maîtrise l'essor urbain, qui maîtrise ses mécanismes marchands et qui fasse place au droit à la vie, au droit à la dignité, au droit au rassemblement et à la communication. Le voilà cet autre modèle de développement, il nous guidera pour longtemps, il est esquissé, oh ! brièvement certes, il est implicite sur ce qui n'est pas dans le texte, nous savons que nos accords vont bien plus loin que le peu que nous avons pu rédiger. Et puis l'autogestion, dont un ami, car il est proche de nous dans le combat contre la droite, Michel Trepaud, écrivait cet été : qu'il s'agit encore des brumes de l'autogestion. Eh bien nous espérons que les brumes se dissipent. En tous cas cette société dont le principe est que les collectivités de base qui la composent, collectivité de quartier, collectivité de petits cantons ruraux, collectivité d'entreprise, collectivité de mouvements de jeunesse, d'associations pédagogiques et toutes collectivités qui gèrent en commun services et besoins - l'autogestion c'est la société dans laquelle ces collectivités ont un droit, notamment l'entreprise puisque dans le système de production elle est la clé de l'ensemble du système social sur laquelle la production retentit - ces collectivités donc auront l'autonomie minimale pour prendre les décisions de leur propre préservation, de leur propre organisation collective et de leur destin local, pour conquérir leur identité collective - ce terme étant dans le texte, il fut repris à l'instant - et au-dessus l'organisation sociale certes complexe recevra délégation de la base. C'est l'inversion de la pyramide du pouvoir dans notre pays où toute souveraineté tombe du sommet et délégués de nos départements, de nos communes, ne sont pas habitués à ce que le pouvoir central veuille bien leur laisser faire, de même que les directeurs d'usines capitalistes ne sont pas attributaires de délégations, que le Conseil d'administration veut bien leur donner, l'autogestion c'est l'inversion de cette mécanique, sont prises le plus près possible de ceux qui vont les subir des décisions qu'ils vont eux-mêmes contrôler et tout ce qu'il faut prendre aux étages au-dessus est fait sur délégation. Ce sera long à faire et nous ne rêvons pas du tout. Nous rêvons d'autant moins que vous trouvez dans le passage les paragraphes immédiatement opératoires eux qui esquissent, oh ! deux phrases bien sûr, mais elles y sont, ce que pourrait être le statut expérimental de l'entreprise autogestionnaire, ainsi que les fondements juridiques et même financiers qui y sont, sauf un que l'on a sauté pour gagner du temps et ne pas faire trop technocratique, il faudra aussi assurer le risque économique, les techniques arrivent qui nous permettront de prendre en charge et de mettre sur pied ce type de société. Les finalités, les voilà donc pour le long terme. Les moyens de ce projet, qui éclairent le long terme, l'État, la propriété sociale. Sur ces deux points je souhaiterais rappeler la profonde continuité, la profonde fidélité aux analyses les plus permanentes du mouvement socialiste, du mouvement ouvrier qui caractérise notre démarche et notre texte. En ce qui concerne la nature de l'Etat tel qu'il est, pas seulement outil neutre, arbitre, pas du tout, mais représentatif d'un pouvoir de classe et dont il faudra résolument détruire certaines structures, en transformer radicalement d'autres, en déléguer d'autres à ces collectivités plus restreintes et notamment la région, sur ce point, et le texte et François Mitterrand qui vient d'évoquer ce problème me permettent d'abréger. De même en ce qui concerne le rôle de la propriété sociale, pour nous fondement toujours du Socialisme, mais redoutable si on en fait une fin, un moyen d'assise de méthode, de démocratie centrale qui gérerait la société, commune à l'ensemble de la société. C'est à travers l'autogestion que l'on retrouve les dimensions variables, diverses, spécifiques de chaque facteur de propriété sociale pris en charge et géré aux différents niveaux dont il relève et sous des tutelles de l'Etat dont le détail sera à fournir, ne comptons pas que l'imagination dans le mouvement socialiste n'arrête là, à la date d'aujourd'hui, tout étant terminé, il n'en est pas question. A partir du moment où la propriété sociale devient moyen d'une politique dont les fins sont soumises au débat de l'opinion plutôt que fins en soi, je pense que le débat que nous avons durement connu pendant cette campagne électorale s'éclairera utilement, mais au-delà de l'éclairage du long terme, ce projet pour gouverner est immédiatement opératoire. Sur la planification les quelques pages que vous trouverez sont je crois 1e premier résumé des engagements politiques qui décrivent cette planification, en termes impératifs quant à l'argent public, et souples quant à l'incitation, si les barèmes de pénalisation et sanction peuvent être très durs qui visent à imposer les décisions collectives sans qu'il y ait la police économique, normes et règlements, mais bien plutôt mise en place de mécanismes susceptibles de parvenir au résultat. Prenez garde aussi, et ce point est encore plus fondamental, que ce cancer qui ronge notre société actuelle, et là notre projet il est presque conjoncture, ce cancer qui est l'inflation, relève une attaque d'ensemble qui mette en cause l'inégalité, qui transforme le mot mécanisme de crédit, qui assure la justesse des rapports entre prêteur et emprunteur ; tout ceci relève d'une perspective socialiste et en pleine cohérence avec le projet long. C'est au nom de ce projet long que nous authentifions et assurons notre capacité commune à gouverner et demain si le pouvoir s'effondre, dans cette perspective. II en va de même de la réponse au problème de déficit extérieur, car il n'y a que trois réponses au déficit extérieur, ou bien on accepte qu'il continue et on accepte les conditions des banquiers ou on devient colonie. C'est une solution à laquelle une bonne partie de la bourgeoisie française pense, ou bien on rationne et on serre, quelques structures inégalitaires tombent dans ce rationnement et on voit très bien qui se prive. Ou l'on change le système de consommation. Il n'y en a pas d'autre. Et là aussi le Socialisme est pertinent et je ne crois pas que la Société française puisse se tirer des problèmes qu'elle connaît, à moins que d'austérité. Enfin il est directement opératoire, pas seulement du côté de l'action gouvernementale, mais bien plus encore, bien plus encore non, mais également, du point de vue de la conduite de ses luttes, dont nous aurons besoin qu'elles continuent lorsque nous aurons des délégués dans les pouvoirs publics. Car quelle imprudence ce serait de les laisser seuls les délégués au pouvoir public, en présence de cet immense rapport de force bancaire, financier national et international, de presse et d'opinion, qui a besoin d'une mobilisation militante de tous les instants. Elle est explicitée, elle est écrite et c'est la troisième partie du rapport. Une stratégie pour vaincreUne stratégie pour aujourd'hui donc. Vous me permettrez d'en terminer de cette partie en centrant mes remarques sur deux points, l'unité et l'action. L'unité des Socialistes entre eux, elle est en bonne voie, il dépendra de nos travaux et des conclusions qui en seront tirées par vous-mêmes, puis diffusées, que cette unité des Socialistes puisse devenir organique. Je ne m'étendrai point, c'est tout l'enjeu. L'unité des organisations de gauche, étant de ceux qui n'ont pas signé le programme commun, je crois nécessaire et loyal de dire clairement où nous en sommes à cet égard et de lever toute ambiguïté ou toute inquiétude. Nous avons constamment souligné qu'il était le fondement de l'unité et qu'à ce titre il était un événement historique, nous l'avons dit, et maintenant j'ajoute que c'est aussi pour cette raison que nous sommes ici aujourd'hui S'il y avait le moindre risque que l'accord passé avec le Parti Communiste, non pas dans son contenu qui est autre chose, mais dans son principe, puisse être révoqué, nous ne serions pas là. II est aussi par son image, par sa nature, par le développement historique dans lequel il est né, ce programme commun, a la base d'une alliance qui est une alliance de classe, et cela fut dit pendant la campagne électorale. Nous n'avons aucune joie à constater que la lutte des classes continue, qu'elle est violente, nous 1'avons dit à l'entrée. Nous n'avons rien inventé, rien créé, nous en souhaitons plutôt l'extinction, c'est le fondement même du Parti, du mouvement Socialiste, mais elle reste le moteur du changement social et nous ne croyons pas à cet égard à la neutralité d'une technique dont il suffirait de convaincre une moitié ou un quart des forces de droits qu'il faudrait les appliquer pour se sortir des difficultés et que ce serait tellement simple. Non, c'est bien de base de classe qu'il s'agit et sur ce point l'image du programme commun est aussi celle d'un programme de classe. Enfin il comporte des engagements essentiels en ce qui concerne la propriété sociale que non seulement nous ne songeons pas le moins du monde à récuser, mais que nous entendons respecter. Voilà les points qui ne font pas discussion et que je tiens à réaffirmer ici, car ils sont l'essentiel. Nous n'avons pas signé pour deux catégories de raisons : La première est qu'à l'époque où il fut signé et cela fait deux ans et demi, nous pensions que son contenu n'était pas techniquement satisfaisant pour donner une réponse aux problèmes du pays. Maintenant je m'excuse de maintenir cette appréciation, de toute façon elle est historique car depuis la crise du pétrole l'accélération de l'inflation a changé toutes les données, il s'agit là de toute façon pour ceux qui l'ont signé comme pour les autres, d'appréciations qui sont caduques puisque les données sont à reprendre sur le plan de la réponse technique qu'un pouvoir socialiste donnerait à la situation. Mais plus maintenant, car cela reste, nous lui faisions grief d'avoir en matière d'évolution de l'autorité, d'organisation de la société, une démarche trop exclusivement descendante, nous l'avons appelée centraliste, nos camarades Communistes n'ont pas aimé le mot ; nous avons eu un débat, Parti Communiste - P.S.U., la mot de " centraliste " a été sévère, disons que le point faible de la question est là : l'autorité, le sens de la démocratie, les conditions de gestion sont trop exclusivement descendantes, pas assez ascendantes, il n'y a pas de pente vers ce qui est pour nous 1'autogestion, là est le point de débat. N'engageant là-dessus que moi, d'autres décisions viendront, je peux affirmer que dans cette balance nous n'hésitons pas à nous poser le problème de la convergence dans une même organisation donc derrière une même signature à cet égard, tout en engageant la bataille pour que constamment le mouvement socialiste améliore ces propositions, ses capacités d'intervention, compte tenu même de la définition de ses projets et de ses programmes. Voilà l'enjeu qui est aujourd'hui commun. Enfin, bien sûr, au delà de l'unité des organisations de gauche, l'unité populaire, je dirai que d'une certaine manière tout le monde la veut, qu'elle s'appelle union de peuples de France, unité populaire ou d'autres formules, il en est beaucoup, et là-dessus le désaccord n'est que de contenu ; c'est sur ce point sans doute que les objectifs fixés à ces luttes ponctuelles traversent notre pays de partout mais sont recentrées, trouvent leur place dans le document dont vous allez débattre, et surtout seront évoqués dans les 11 carrefours qui s'ouvriront cet après-midi et feront l'objet de ces confrontations. Là, est l'enjeu, là se chercheront les moyens de canaliser vers un objectif commun ces forces innombrables mais dont nous n'avions pas toujours tiré le plein emploi parce qu'elles agissent en ordre dispersé et qu'il faut bien assurer la cohérence de leur action, cohérence qui suppose un outil commun, ce qui est aujourd'hui, nous y voilà justement, l'action. D'abord, la référence à un grand parti : je crois nécessaire de rappeler ici l'accord dans le document sur la définition de ses fonctions, c'est bien sur le rôle de direction politique, d'animation des luttes sociales, de conquêtes de pouvoirs et de conduites de la bataille politique. Pour assumer ces fonctions d'objectifs, le document décrit des fonctions au niveau des moyens : fonctions de mémoire collective des expériences du mouvement socialiste, fonctions de rencontres de militants intervenant sur des fronts différents et mettant en rapport leurs action les unes avec les autres, fonctions enfin de synthèse et d'élaboration collective. Tout ceci sont les engagements qui nous sont communs, je crois qu'il y a là définition de l'outil que nous souhaitons tous. Deuxième référence à l'action pour aujourd'hui : cette volonté du contrôle comme un apprentissage à l'autogestion est aussi l'expression actuelle des luttes de classes dans leur forme d'aujourd'hui, contrôlée au maximum ; faire peser la puissance collective des travailleurs, des habitants, des consommateurs dans la direction esquissée par le projet, telle est la référence qui va servir de conduite commune, non seulement à nos batailles électorales mais justement à toutes les autres, à toutes les batailles sociales. Enfin, l'articulation entre mobilisation populaire et action gouvernementale, dans une action qui a la lutte de classe comme fondement, comme considérant de base, voilà pour nous le garant que la perspective est bien celle qu'un mouvement socialiste puissant, engageant l'avenir du pays, est capable de vaincre. II me faut maintenant, mes camarades, conclure. Ces enjeux que je viens de rappeler sont considérables. Je voudrais dire en outre que le temps nous est compté. La Grande Bretagne et l'Italie sont en perdition économique, même les forces socialistes n'y ont plus le pouvoir d'une politique indépendante. Nul n'est sûr que le Portugal l'ait non plus. D'après ce qu'on dit, il y a peu de chance que de la classe ouvrière et de ces classes organisées naisse une véritable France socialiste. La France est seule à cet égard. Pourtant, la bourgeoisie française voudrait bien abriter le déficit des secteurs de son inflation derrière le bouclier américain, qu'il soit économique, énergétique ou nucléaire. Il en faudra du temps à M. Giscard d'Estaing pour ce travail car il est là pour ce travail. Ce serait un tout autre problème que de reprendre le poids quand nous serions devenus colonie. Des facteurs d'autonomie de l'ensemble français existent pour quelques années tant que nos problèmes d'inflation et de déficit extérieur ont une spécification française. L'enjeu, il est là et pas ailleurs, et c'est ce qui nous rassemble aujourd'hui. Serons-nous capables, mon camarades, d'assumer ces enjeux, de partir à cette victoire, d'en précipiter sans doute les l'échéances ? Saurons-nous utiliser ces difficultés spécifiques ? C'est à cela que nous mesurerons si nous avons été à la hauteur de nos responsabilités historiques c'est-à-dire à la hauteur des enjeux que le Comité d'organisation avait fixés à ces assises. C'est en tout cas dans ce sens qu'avec tous les autres, nous entendons ici tout faire pour que ces Assises soient un succès qui ouvre cette perspective-là ! |
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