Nous avons devant nous une longue période de refondation

Lucile Schmid
Entretien avec Lucile Schmid, candidate socialiste dans la 10ème circonscription des Hauts-de-Seine en juin 2002, publié sur le site Internet du Nouveau Parti socialiste
Propos recueillis par Alexis Bachelay
12 février 2003
 

L'année passée, tu as été candidate aux législatives face à André Santini. Dans quel état d'esprit étais-tu lorsque que tu as abordé ces élections ?
Je n'avais pas du tout le sentiment d'appartenir à la classe politique (que veut d'ailleurs dire ce terme, qu'est-ce qu'il nous dit sur la coupure entre les politiques et l'opinion?). Je voulais d'abord comprendre et écouter les électeurs, les personnes que je rencontrais. On sentait déjà, plusieurs mois avant les élections, que la société était inquiète, préoccupée par la précarité, l'insécurité sociale. Je voulais convaincre, dans une circonscription travaillée à droite depuis des années, qu'il y a une différence entre la droite et la gauche en termes de valeurs, d'idées, de programmes, de pratiques politiques. Je voulais être accessible, proche et rapprocher la politique, la vie et les idées.

J'ai mis André Santini en ballotage, perdu le second tour avec 40,4 % mais réussi à créer un lien, un échange avec de nombreux électeurs. Un échange que je compte bien approfondir.

Quelles sont les raisons qui t-on amené à t'investir dans l'initiative du Nouveau Parti Socialiste ?
Je n'ai pas hésité. La création du Nouveau Parti Socialiste était pour moi une nécessité. Cette nécessité ne s'arrêtera pas après le Congrès de Dijon. Nous avons devant nous une longue période de refondation. La défaite du 21 avril a accompagné et dévoilé une grave crise au parti socialiste : crise d'identité, crise de fonctionnement (comment revenir à la démocratie, comment s'ouvrir sur la société et le monde), crise de renouvellement aussi (qui peut le mieux incarner les idées socialistes, comment faire pour que toutes les générations, tous les milieux sociaux se côtoient au parti socialiste, avons-nous toujours envie de faire de la politique à gauche, de gagner le cœur des électeurs, de faire le lien entre nos aspirations et nos pratiques ?)
Il faut retrouver notre identité socialiste, restaurer des pratiques démocratiques, s'ouvrir sur une société et un monde qui changent vite, renouveler les personnes qui font de la politique et donner à tous l'envie d'en faire. C'est pour toutes ces raisons que je suis au Nouveau Parti socialiste.

Comme de nombreux militants, tu as participé à l'élaboration de la contribution NPS. Es-tu satisfaite du résultat ?
Ce qui m'importait dans notre contribution c'était qu'elle porte sur l'ensemble des sujets qui préoccupent notre société : la mondialisation et l'Europe, le retour des classes sociales et de l'exploitation économique par un nouveau capitalisme, l'absence de démocratie de nos institutions.

On ne peut pas aujourd'hui se contenter de parler des nouvelles inégalités et de la nécessité de les combattre. C'est toute une organisation sociale libérale qui peu à peu donne le pas à l'économique sur l'humain, à l'argent sur les valeurs, à l'individualisme sur le projet collectif, qu'il faut combattre. Pour moi, la contribution du Nouveau Parti socialiste est celle qui définit le plus clairement un projet où la différence entre la gauche et la droite se voit sur toutes ces questions. Que dit cette contribution ? Qu'il nous faut un Etat pour tous qui permette l'égalité des chances et de vie. L'État, c'est du concret : c'est l'école, la santé, la justice. Qu' il nous faut une Europe pour tous, dont nous puissions décider ensemble. Qu'Iil nous faut une mondialisation solidaire. Qu'il nous faut un parti socialiste exemplaire.

Peut-on parler de l'existence d'une nouvelle question sociale? Si oui, pourquoi ?
Oui il y a une nouvelle question sociale. Nous vivons aujourd'hui une vraie régression. Un salarié sur deux gagne moins de 1300 euros, deux sur trois moins de 1500. Il n'y a plus de limites à la sacro sainte loi de la flexibilité, au travail précaire, à temps partiel, à l'existence des travailleurs pauvres. Nous entrons dans le XXIème siècle, mais la société rappelle le XIXème : exploitation sociale, arrogance du patronat, accroissement des inégalités. Même la tuberculose fait sa réapparition en France… Lorsqu'il faut se soigner, se loger, mettre ses enfants à l'école ou les faire garder, l'accès aux services publics devient difficile. Nous sommes dans une société qui tourne le dos à l'égalité des choix de vie, une société qui sépare les personnes, crée la solitude et aggrave les inégalités. Ce n'est plus une question de contrainte économique, c'est le choix d'un modèle social qui se fait aujourd'hui.

Comment expliques-tu que les femmes aient été tenues si longtemps à l'écart de la vie publique dans notre pays, y compris au sein du Parti socialiste ?
C'est une tradition en France. Je ne reviens pas sur le fait que le droit de vote n'a été donné aux femmes qu'en 1945. On s'est longtemps d'ailleurs méfié à gauche du vote des femmes. On pensait que forcément elles étaient conservatrices et influençables, qu'elles votaient comme leur mari, leur père, leur frère... ou le curé.

Pourquoi les femmes sont-elle si actives dans les associations de parents d'élèves et pas dans les partis politiques ? Parce qu'elles pensent spontanément que ce n'est pas leur univers. Il y a donc une tendance naturelle des femmes à s'exclure d'elles-mêmes de la vie des partis politiques. Lorsqu'on est une mère, une épouse, une femme qui quotidiennement assume déjà une vie professionnelle et des responsabilités familiales, entrer dans un parti politique réclame une disponibilité que toutes n'ont pas, surtout dans les milieux les moins favorisés. C'est une difficulté que j'ai éprouvée personnellement. Pendant plusieurs années j'ai hésité à adhérer au parti socialiste parce que j'élevais ma fille seule, en ayant un travail prenant, que je pensais que le temps que je passerai dans ce parti serait important, que je ne pouvais pas me le permettre.

Ensuite je crois que la question de la place des femmes rejoint celle plus générale, du renouvellement en politique et de la fin du cumul des mandats. Pour que les femmes prennent une place plus importante en politique, dans les partis ou comme élues, il faut accepter un vrai renouvellement: renouvellement des personnes, renouvellement des habitudes (faut-il continuer à se réunir jusqu'à 23 heures le soir, multiplier les réunions le week-end), que l'engagement en politique soit conciliable avec une vie normale, que l'entrée en politique ne se fasse pas pour toute la vie et n'exclut pas le reste de la vie.

Qu'est-ce qui te paraît le plus difficile à faire évoluer au sein de notre parti : les pratiques, les idées, les personnes ?
Tout cela est lié. Les personnes, les idées, les pratiques évoluent ensemble. Ce qui est en cause c'est l'ouverture et le renouvellement, la sincérité et l'idéalisme, la relation entre les mots et les actes. Nous savons que la gauche souffre plus que la droite dans son image et ses résultats électoraux lorsqu'elle n'est pas exemplaire. Ce n'est pas un hasard. L'une des différences fondamentales entre la gauche et la droite c'est que la gauche doit voir loin, porter à la fois un avenir (pour la planète, pour les générations) et être proche, à l'écoute au quotidien. Le socialisme convainct, existe, est fort lorsqu'il inscrit les idéaux dans la réalité.

Tes vœux pour 2003 ?
Que la politique intéresse de nouveau les Français. Aujourd'hui c'est un peu comme si après le 21 avril chacun se repliait sur son espace privé, voulait oublier les projets et les débats collectifs. A nous de faire aimer de nouveau la politique aux Français.

Qu'il n'y ait pas la guerre en Irak.

Qu'Israéliens et Palestiniens trouvent les moyens d'un rapprochement. Que le chemin de la paix s'ouvre de nouveau au Proche Orient.

Que le Congrès de Dijon et sa préparation soient l'occasion d'une vraie discussion sur l'identité des socialistes. Que nous puissions commencer à y ouvrir de nouveau la politique sur la vie et les idées.

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