Pour un Nouveau
Parti socialiste
première partie


 Contribution générale présentée par le Nouveau Parti socialiste au congrès national de Dijon du Parti socialiste.
18 janvier 2003

I/ Combattre la mondialisation libérale 1/ Sommes-nous encore internationalistes ?
2/ Cette Europe sera-t-elle la nôtre ?
3/ La bataille ne fait que commencer
 
II/ Renouer avec l'éxigence sociale 1/ La démocratie sociale d’abord
2/ L’emploi, encore et toujours l’emploi
3/ Pauvreté salariale et désordre public social
4/ La grande question des retraites
 
III/ Fonder la République nouvelle 1/Une démocratie parlementaire
2/ La République appartient aux citoyens
3/ N’oublions pas la justice
 
IV/ Retrouver les outils de l'égalité 1/ Nos retrouvailles avec le service public
2/ Le big bang fiscal
3/ La République scolaire
4/ Le fléau des discriminations
5/ Où sont les femmes ?
 
V/ Inventer un Nouveau Parti socialiste 1/Le parti des militants
2/Débattons et votons
3/Une coalition arc en ciel
4/ Et les gauches européennes ?


 
Comme d’habitude toutes les contributions vont commencer par la même phrase : « le Parti socialiste est à un tournant de son histoire », mais à la différence des autres fois, cette fois c’est vrai. La défaite du 21 avril 2002 nous confronte à une réalité aussi nouvelle que cruelle : seuls 13 % des ouvriers et 12 % des employés se sont reconnus dans notre candidat, les autres ayant, semble-t-il, choisi désormais d’autres porte-parole.

Pour la troisième fois consécutive, la gauche a été battue après avoir gouverné pendant cinq années. Mais cette fois, elle a été battue alors qu’elle ne s’y attendait pas. Elle a pourtant été battue plus fortement encore. Cet échec brutal n’est pas un hasard électoral ou le produit de circonstances médiatiques. Il ne relève pas davantage d’on ne sait quelle maladresse ou défaillance du candidat. Il renvoie à des causes profondes :
     l’incapacité dans laquelle nous avons été de répondre aux dégâts et aux angoisses d’une mondialisation libérale qui impose ses normes et ses modèles, discrédite la démocratie et rogne les choix sociaux des nations ;

     la faiblesse qui a été la nôtre pour transformer l’Europe en un rempart capable d’assurer cette protection et de provoquer l’adhésion ;

     l’impuissance à assurer à tous les citoyens une juste place dans une République exemplaire qui garantit la sécurité pour tous, un ordre public social respecté et une réelle redistribution des richesses ;

     le sentiment que nous avons donné de trop nous satisfaire des rapports de force imposés par la dictature des marchés, ainsi que des pratiques de pouvoir qui les accompagnent.

Le conformisme, le politiquement correct, les réflexes technocratiques, le silence obligatoire, l’autisme politique, ont finit par avoir raison de la volonté qui s’était exprimée en 1997 et pendant les deux premières années de la législature.

Une fois encore, la parole des militants socialistes n’a pas été entendue. A travers eux, ce sont les plus fragiles et les plus vulnérables de nos concitoyens qui ont pensé être les moins écoutés, installant des millions de nos concitoyens dans la perte de confiance en la capacité des politiques à résoudre leurs problèmes, à inverser le cours des choses, et à construire un projet dans lequel ils auraient leur place. Entre indifférence et dégoût, abstention et protestation, le populisme s’est installé.

Le Parti socialiste a gouverné quinze ans sur les vingt dernières années. Il sera donc inefficace, malgré l’œuvre accomplie, de nous exonérer de nos responsabilités face à l’aggravation des inégalités devant le revenu, le travail, le patrimoine ou la retraite, face à la crise civique, sociale et nationale que nous n’avons pas voulu ni apercevoir ni enrayer. Il n’y aurait rien de pire que de refuser cette confrontation avec la réalité, et le retrait de Lionel Jospin ne devra pas permettre à tous ceux qui ont exercé les responsabilités en notre nom de continuer comme avant, sans devoir assumer les déchirantes remises en question qui s’imposent.

Nombreux sont ceux qui, curieusement dans cette situation exceptionnelle, sont tentés de prolonger les anciens clivages, les débats obsolètes et les vieilles pratiques ; tentés de considérer que le 21 avril n’a été qu’un accident de parcours et que les erreurs de la droite nous ramèneront mécaniquement au pouvoir.
Certains se contenteraient volontiers d’un Congrès d’attente, une sorte de congrès pour rien avant le prochain congrès, celui de la désignation de notre candidat à l’élection présidentielle.
D’autres se satisferaient d’un Congrès de revanche et de règlements de compte en jetant le discrédit sur ceux avec lesquels ils viennent pourtant d’exercer les responsabilités. Faire feu sur le quartier général ou afficher un unanimisme de façade qui conduit à dissimuler ses positions réelles sont deux attitudes que nous refusons. Ce ne serait pas prendre la juste mesure du 21 avril et de l’effort collectif qui doit être le nôtre pour faire reculer la droite, conjurer l’extrême droite et éviter la fracture ouverte entre deux gauches, l’une de revendication, l’autre de gestion. Ce serait figer nos débats et nos pratiques, reproduire le passé et s’interdire l’espoir.

Pour ce qui nous concerne, nous avons fait ensemble, et quelque ait été la diversité de nos parcours militants, un autre choix. Celui de l’audace, de l’avenir, de l’amitié entre nous et de l’unité également. Aujourd’hui sans projet et sans stratégie, notre Parti Socialiste ne correspond plus aux attentes de ses militants ni à celles de la société. Le Congrès de Dijon doit donc ouvrir un nouveau cycle politique, construire un nouveau projet, définir une nouvelle stratégie, et nous doter d’un nouveau Parti socialiste, aux pratiques renouvelées.


I/ Combattre
la mondialisation libérale

 
Il est grand temps d’affronter la réalité de la mondialisation libérale de l’économie, dont les dégâts sociaux, moraux et politiques ont été ravageurs dans la société française. Ils le sont aussi chez les socialistes eux-mêmes, trop nombreux à s’être insensiblement résignés et à avoir abandonné tout esprit de résistance à ce nouvel âge du capitalisme. Dès lors, l’économie libérale semble promise à une victoire éclatante, faute de combattant.

Grâce à la mobilité absolue et sans entrave du capital, les forces du marché peuvent désormais assurer la prédominance durable de la liberté économique sur l’égalité politique et sur l’esprit de justice dans la répartition des richesses. La mondialisation fabrique de plus en plus de chômeurs et de précaires dans les pays riches et de plus en plus d’esclaves dans les pays pauvres.

Les traits du sous-développement réapparaissent dans certains de nos secteurs industriels, de nos quartiers et de nos campagnes, qui rappellent les débuts du siècle de la société préindustrielle ; les indicateurs de répartition de la richesse témoignent du déplacement du partage de la valeur ajoutée en 20 ans de 11 % au détriment des salaires au profit des actionnaires.

L’Etat découvre à son tour sa propre impuissance, que ses responsables cherchent maladroitement à dissimuler. Pourtant, les nations européennes savent qu’elles ont abandonné une part importante de leur souveraineté économique (monnaie, taux d’intérêt, déficit budgétaire, capacité d’endettement) sans contrepartie. La mondialisation étend progressivement l’emprise du marché à l’ensemble des biens et services arrachés uns à uns au secteur public. Même les ressources des États échappent pour une part croissante à leur contrôle, la fiscalité s’appréciant désormais par rapport à celle des états voisins, en compétition économique les uns avec les autres. Le niveau de protection sociale est à tout moment attaqué et rogné par le marché : la délocalisation, sanction du capital contre le travail trop payé ou trop protégé par les Etats, produit des effets ravageurs sur l’emploi industriel et sur l’image des politiques publiques. Les politiques de baisse des prélèvements obligatoires ou de limitation des dépenses, décidées pour s’adapter aux exigences du marché, accroissent violemment les injustices dans l’accès aux ressources naturelles, aux soins, à l’éducation ou au système judiciaire. Ainsi, ces dernières années, tous les pays européens ont engagé des politiques de diminution du coût du travail, d’encouragement des formes précaires d’emploi, ont amoindri les règles d’indemnisation du chômage pour inciter au retour à l’emploi. Sans aucun effet réel sur la répartition des revenus, ces politiques ont surtout conduit à l’appauvrissement des salariés.

Faute d’avoir mesuré l’intensité des angoisses et la violence des effets induits par ces choix dans la vie d’un grand nombre de nos compatriotes, la Gauche s’est résignée à n’être que le commentateur des dégâts du marché, et faute d’avoir choisi son camp, les socialistes ont laissé la critique de la mondialisation soit à la rue, soit -plus grave- au lepénisme.

1- Sommes nous encore internationalistes ?

    L’ordre mondial se construit comme un grand désordre économique, social, sanitaire, écologique. Cette déréglementation générale ne profite qu’à quelques grandes firmes privées planétaires et aux mafias internationales. Les pays pauvres sont de plus en plus pauvres, les pandémies se multiplient, les ressources naturelles s’épuisent. Comme les socialistes avaient construit, à partir du XIXème siècle, des régulations démocratiques et sociales dans le cadre de l’État-nation, ils n’ont plus d’autre choix que de reconstruire aujourd’hui dans un cadre international devant cette nouvelle révolution industrielle caractérisée par l’internationalisation des échanges, la financiarisation et la société de l’information. Les intérêts puissants auxquels nous nous heurterons exigent de définir de véritables instruments pour l’action.

    Pour lutter contre la globalisation libérale, la première arme est la démocratie. Le combat pour la réforme des institutions internationales doit commencer. La création d’un Conseil de sécurité économique et social mondial dans le cadre de la réforme de l’ONU est aujourd’hui une nécessité. En modifiant les droits de représentation et de vote dans les organisations internationales, une place plus grande doit être faite aux pays en voie de développement. Le dialogue avec le mouvement social doit être institutionnalisé et la transparence assurée en rendant publics les documents préparatoires, les résultats des délibérations et les positions des Etats. Avec l’Organisme de Règlement des Différends, l’OMC s’est affranchie des autres instances du droit international. La première nécessité est de soumettre l’OMC à l’ONU, ce qui l’obligera à respecter la charte de cette dernière. La Déclaration universelle des Droits de l’Homme est tout de même, pour l’ordre juridique mondial, un principe qui doit supplanter le seul droit commercial ! Ce n’est pas le cas aujourd’hui. Par ailleurs, les normes sociales, environnementales, sanitaires et le respect de la diversité culturelle, principes édictés par les autres organismes multilatéraux, (OIT, OMS, UNESCO), doivent acquérir une valeur juridique équivalente aux normes commerciales.

    La lutte contre les paradis fiscaux, bancaires et judiciaires doit sortir des fatigantes déclarations d’intention. Nous devrons mettre hors la loi les sociétés écran, créer un registre mondial de l’immatriculation des sociétés et imposer dans chaque pays un registre central des comptes bancaires, instituer un contrôle public sur les chambres de compensation, normaliser l’identité du donneur d’ordre dans les messages financiers internationaux. La menace et l’application concrète de sanctions mêmes unilatérales à l’égard des territoires refusant de coopérer doivent être les instruments de notre action. Ces mesures simples ne pourront s’imposer que par un juste déploiement de la force diplomatique et en prenant appui sur la mobilisation de l’opinion internationale.

    Les inégalités aggravées entre le nord et le sud ont pris une dimension cruelle. Organiser les mécanismes d’effacement des dettes pour les pays les plus pauvres, définir une stratégie d’accès aux biens publics mondiaux et aux médicaments est urgent. Pour financer une convergence efficace entre pays en voie de développement et pays industrialisés, ce qui supposerait de multiplier par huit les volumes de l’aide actuelle au développement et ne représenterait pourtant qu’environ 1,5 % de la richesse des pays à haut niveau de revenu, il faut instituer une taxe sur les transactions financières de nature spéculative. Celle-ci n’est pas exclusive d’autres taxes spécifiques destinées à alimenter les institutions spécialisées : taxe sur les activités polluantes ou sur le transport maritime pouvant alimenter une Autorité mondiale de l’environnement, taxe sur les industries pharmaceutiques pour alimenter l’OMS. Une meilleure coordination des organisations chargées de l’aide au développement et une réforme des pratiques de la conditionnalité sont aussi nécessaires.
    L’Europe doit proposer la création de « fonds structurels mondiaux » pour aider les pays du Sud à rattraper leur retard et à faire face aux besoins de leur population dans des domaines comme l’accès à l’eau, aux médicaments et à la santé, aux énergies renouvelables et à l’éducation.
    Dans les négociations en cours au sein de l’OMC, la priorité de l’Europe doit être non pas la libéralisation des services publics, des marchés publics ou des investissements des pays du Sud, mais la reconnaissance d’une « exception services publics » comme il y a une exception culturelle.

    Réchauffement climatique, déforestation, atteinte à la bio-diversité, désertification : les atteintes à l’environnement sont de plus en plus nombreuses, reconnues et préoccupantes. Elles participent d’ailleurs de l’accroissement des inégalités entre le Nord et le Sud. Les normes édictées et les conventions passées ne sont pas respectées, et même souvent directement contestées. Les moyens nationaux de leur mise en oeuvre font presque toujours défaut. Aucun mécanisme contraignant de mise en oeuvre n’est d’ailleurs prévu. C’est pourquoi il faut proposer la création d’une Autorité mondiale de l’environnement pour fédérer les normes, leur donner valeur contraignante et prévoir des mécanismes de suivi et de sanction.

    Ce combat pour une autre mondialisation sera long et exigeant. Il demande que le Nouveau Parti socialiste s’engage pleinement dans des initiatives multilatérales, s’appuie sur la mobilisation des citoyens et que la France abandonne ses peurs et ses craintes sur la scène internationale. Le risque d’isolement n’est rien s’il s’agit d’inverser un consensus dangereux pour l’avenir de tous. Nous n’en avons d’ailleurs plus le choix. Ce que nous devons faire au sein du PSE, nous devons aussi le faire au sein de l’Internationale Socialiste : nous devons rechercher les contours d’une internationale qui soit d’accord sur les objectifs politiques, puisse définir une plate-forme d’action commune et s’engager sur cette base avec tous ceux qui le souhaitent au sein du camp des progressistes.

2- Cette Europe sera-t-elle la nôtre ?

    La globalisation des puissances publiques est la meilleure réponse à celle des marchés, ce qui suppose le renforcement du projet européen.

    L’Europe aura été l’un des principaux défauts de la cuirasse des cinq années de gouvernement de la gauche : l’absence de relance de l’Europe politique, l’occasion manquée de Nice, la soumission au Pacte de stabilité, la libéralisation non enrayée des services publics et un agenda social dépourvu de force contraignante. Le sommet de Barcelone restera pour la gauche le symbole de la confusion. Et la cohabitation n’explique pas tout. Toute la gauche européenne est en cause. Une longue période de majorité européenne des gouvernements socialistes et sociaux-démocrates n’aura débouché ni sur la réorientation sociale attendue, ni sur l’affirmation d’un choix clair en faveur de l’Europe fédérale. L’Union européenne est devenue un marché intérieur organisé par des règles de concurrence, bien plus qu’une communauté politique de citoyens réunis par un pacte social et un gouvernement commun qui fait des choix. C’est le sens même de l’engagement des socialistes pour l’Europe qui est en jeu, mais aussi l’adhésion des peuples au projet européen. Les populismes qui ont éclaboussé le continent ont ceci en commun que tous jouent des ressentiments anti-européens.

    Face à la mondialisation libérale, l’Europe devrait être vécue comme une protection. Mais l’Union est ressentie, au contraire, comme un cheval de Troie de cette mondialisation au sein des nations, imposant la libéralisation et accentuant les inégalités sociales. Son refus d’affirmer le primat de la démocratie sur les préoccupations du marché, son inexistence internationale face aux États-Unis, creusent le sillon de l’euro-scepticisme. Cette faiblesse structurelle de l’Europe est d’abord due à elle-même et donc à nous autres.

    Sur le plan interne, alors qu’elle est une Union de démocraties, ses institutions et ses règles sont incompréhensibles à ses propres citoyens.
    L’Union cumule à la fois les inconvénients d’un pouvoir déficient là où il est attendu et interventionniste là où il est peu légitime ou pas nécessaire. Incapable de protéger nos côtes des marées noires et des bateaux poubelles, l’Union est tatillonne pour les fromages ou l’aménagement des aires de jeux. Il est significatif que lors du conflit des routiers elle n’ait eu d’autre message que celui du respect de la libre circulation des marchandises quant il y aurait tant à faire pour harmoniser les règles sociales dans ce secteur. Elle est implacable pour les déficits, sans égards pour les conséquences sur la croissance ou la situation sociale des restrictions budgétaires qu’elle exige.

    Ce sont les institutions les plus éloignées des citoyens, la Banque Centrale, la Commission, la Cour de Justice, qui disposent de pouvoirs, tandis que les institutions élues sont privées, au nom d’un pacte de stabilité « rigide » et « stupide », de la liberté de choisir les politiques monétaires et budgétaires les plus adaptées pour soutenir la croissance et l’emploi.

    L’Union n’est pas ce qu’elle devrait être : la principale réponse démocratique et sociale face à la globalisation financière et à la marchandisation du monde.

    Nous devons nous donner désormais les moyens de construire une Europe capable d’imposer ses choix sociaux, disposant d’un gouvernement économique reconstituant dans l’Union ce que les États membres ont perdu de leur souveraineté monétaire et budgétaire, lui-même s’appuyant sur la légitimité démocratique et le contrôle des citoyens européens. Faute d’assumer cette exigence, les citoyens se vengeront, ils se serviront de toutes les aventures pour briser le projet européen.

    La Constitution européenne doit impérieusement établir les institutions d’une démocratie parlementaire européenne, fondée sur le primat des institutions issues du suffrage universel : elle doit d’abord permettre aux citoyens de savoir qui fait quoi entre l’Europe et l’Etat-Nation. La Commission doit changer de nature, devenir un exécutif politique constitué en gouvernement de l’Europe. Elle ne peut voir ses pouvoirs renforcés que si sa légitimité démocratique est accrue. Le Président de la Commission, élu par le Parlement européen au sein de la coalition majoritaire issue des élections européennes, établira un lien direct entre le vote des citoyens et l’exécutif européen. Il deviendra le Premier ministre de l’Europe. Le Parlement européen pourra censurer le gouvernement et disposera de la plénitude des pouvoirs législatifs et budgétaires, y compris le vote d’un impôt européen.

    L’Union doit pouvoir décider de ses politiques monétaires et budgétaires en fonction de ses objectifs de croissance et d’emploi : ainsi, les statuts de la Banque Centrale Européenne doivent être révisés pour les inclure.
    La fourchette cible d’inflation doit être débattue à découvert et adoptée par le Parlement européen. La Banque centrale doit rendre compte devant lui et les ministres des finances de la zone euro. Le Pacte de stabilité doit être réaménagé pour permettre à l’Union et aux Etats membres de mener des politiques budgétaires coordonnées stimulant l’investissement et la croissance. La coordination de la politique monétaire et budgétaire dans la zone euro sera ainsi assurée par un gouvernement économique capable de s’adapter à la conjoncture.

    Une Constitution est plus qu’une architecture institutionnelle. Elle exprime les fondements d’un projet de société. Les objectifs sociaux fondamentaux de l’Europe, le plein emploi, la recherche d’un niveau élevé de protection sociale, l’égalité homme femme, la qualité de la vie, doivent être établis dans le texte constitutionnel. La Charte des droits fondamentaux doit y être intégrée. Le protocole social de Maastricht devra être modifié pour donner à la puissance publique européenne une réelle capacité de réglementation sociale. A cet égard, nous devons exiger que ce traité des politiques européennes aujourd’hui débattu dans la Convention contienne un traité social organisant la convergence des droits sociaux vers le haut : droits à la représentation syndicale, à l’information et à la consultation des travailleurs, protection sociale élevée (même si les mécanismes restent différents selon les pays), égalité salariale hommes-femmes, création par étapes d’un salaire minimum européen. Les traités actuels devront être modifiés en conséquence.

    La future Constitution de l’Union devra affirmer le refus par l’Europe de la marchandisation de l’éducation, de la culture, de la santé, et définir la protection de « biens collectifs européens » tels que l’eau, la biodiversité, l’énergie, aussi bien dans les politiques internes qu’externes de l’Union, notamment la politique commerciale. La Constitution devra reconnaître les services publics comme un élément essentiel de la citoyenneté et du modèle social européens, relevant d’autres règles que celles du marché intérieur. Elle devra autoriser les Etats membres à maintenir des secteurs réservés, des droits exclusifs d’exploitation sur une zone géographique, pour permettre des péréquations sociales et territoriales, l’égalité de traitement des usagers et la fourniture du service public à moindre coût. Le combat pour un moratoire sur les libéralisations devra être engagé dans les secteurs visés tant qu’une directive cadre sur les services publics n’aura pas précisé les conditions de leur pérennité (poste, énergie, transports, contrôle aérien).

    Plus de dix ans après la chute du rideau de fer, l’élargissement est devenue une obligation historique. Mais l’élargissement dans les institutions actuelles mènerait à la paralysie d’un système qui ne fonctionne pas à 15 et serait bloqué à 25. L’élargissement ne peut signifier l’enlisement du projet politique européen. Ce serait la victoire des partisans d’une zone de libre échange, sans gouvernement ni règles sociales et fiscales communes, ouverte aux dumpings et aux mafias, soumise aux seules forces du marché. En européens fervents, nous voulons une République européenne, fédérale avec les pays d’Europe de l’Est si ceux-ci aussi partagent ce projet. C’est pourquoi nous exigeons des garanties préalablement acquises sur une véritable démocratie européenne que seule accomplira la ratification de la Constitution par référendum avant l’élargissement. Nous voulons aussi que le peuple souverain soit après, appelé à dire son mot sur l’élargissement. C’est la condition sine qua non pour retrouver la confiance perdue des citoyens dans le projet européen et ancrer durablement l’Europe politique dans le coeur de nos concitoyens. C’est le dernier levier sur lequel pourront encore s’appuyer les pays et les forces sociales qui veulent une avancée de l’intégration politique européenne.

3 La bataille ne fait que commencer

    Le Nouveau Parti Socialiste ne peut se résigner à l’impuissance politique. Il est dès lors indispensable de reconstruire dans le cadre de la Nation les moyens de remettre le marché au service de l’utilité collective, c’est à dire refonder la démocratie dans un système productif de marché.

    Il s’imposera ainsi aux Etats, confrontés à ces nouveaux Etats privés et concurrents que sont devenues les firmes multinationales, dont le capital et ses propriétaires n’ont pas d’autre patrie que leur profit, la nécessité de dégager une nouvelle politique d’agressivité publique à leur égard. Il faut désormais bâtir une grande politique coordonnée de sanction nationale et européenne à l’encontre du non respect par ces firmes des normes sociales et environnementales.

    La recherche de la plus grande rémunération du capital au détriment du travail des salariés, guident les délocalisations vers les pays où le droit du travail est piétiné et la protection sociale inexistante. Elle doit conduire au rétablissement de droits de douane aux frontières européennes contre les produits de ces firmes.

    Pour ce faire, une agence publique nationale ou européenne, chargée d’enquêter et d’évaluer le dumping social ou les efforts en matière de rémunération dans les pays à faibles salaires ou à répression anti-syndicale, proposera des mesures d’embargo individualisées au Gouvernement qui tranchera sous le contrôle du Parlement.

    Ces sanctions toucheront non le commerce des Etats, mais les produits des firmes et les profits indus générés par la déloyauté et l’inhumanité des pratiques concurrentielles.

    Une grande loi de dépénalisation du boycottage devra être prise afin d’offrir aux citoyens des moyens d’action et de sanction à l’encontre des produits des entreprises visées. Dans ce cadre, le pouvoir d’engager des actions groupées en réparation de préjudice sera offert aux consommateurs, afin de rétablir l’équilibre des droits et des puissances sur le marché.

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II/ Renouer
avec l'exigence sociale

 
Nous avions fait chuter le chômage d’une façon spectaculaire qui paraissait nous protéger contre l’échec politique. Derrière les performances statistiques, la population active ne se retrouvait pas dans ces résultats : près de 30 % d’entre elle connaissait des difficulté (9 % de chômeurs, 11 % d’emplois aidés, 3 % de travailleurs intérimaires, 5 % de contrats à durée déterminée involontaires). Le malentendu fut énorme et notre politique fut perçue comme l’amicale accompagnatrice des dégâts du marché.

C’était pourtant le grand mérite du gouvernement Jospin d’avoir compris, après des décennies de préférence française pour le chômage, que la dépense publique pouvait être orientée vers le développement de l’emploi et qu’il s’agissait là d’un investissement rentable. C’est cette orientation qu’il faut reprendre, poursuivre et accentuer. Elle est déterminante pour la vigueur de notre économie comme pour la garantie d’un niveau de protection sociale élevée.

Malgré des résultats exceptionnels en termes de création d’emplois, des fractures puissantes ont continué de fissurer notre tissu social, fragiliser le salariat et dégrader les conditions de vie de nombre de nos concitoyens. Une grande avancée sociale comme les trente cinq heures, faute d’avoir su ou pu s’appuyer sur le mouvement social, n’est pas parvenu à empêcher la flexibilité dans certaines entreprises, le gel des rémunérations dans d’autres. Dans un deuxième temps des mesures techniques ambivalentes ont provoqué trop souvent incompréhension et rejet. La faiblesse de notre démocratie sociale n’a pas entraîné la volonté et l’adhésion suffisantes pour y remédier. Les progrès continus de la précarité, l’émergence des travailleurs pauvres, l’incapacité concrète à assurer un ordre public social respecté, la faiblesse des salaires ont conduit les salariés les plus fragiles à se sentir davantage fragilisés, parfois même abandonnés, et ont provoqué colère et désenchantement.

C’est pourquoi nous devons construire un projet qui, dans le même temps où il se fixe volontairement l’objectif du plein emploi, fasse de la valeur du travail un des points essentiels de notre projet de société, en lui redonnant sa place, sa dignité et sa juste reconnaissance.

1- La démocratie sociale d'abord

    Face au marché, il reste à bâtir la démocratie sociale. Elle doit être considérée de même rang et de même importance que la démocratie politique. C’est une exigence d’efficacité pour la concrétisation de l’action politique. C’est une priorité. La France se gargarise de ses luttes et de ses combats, de déclarations fracassantes et de discours volontaristes, et pourtant elle est archaïque dans son fonctionnement social. Les premières victimes en sont les salariés les plus modestes et les plus fragiles. Une fois votée la loi, dans sa magnificence, personne ne se préoccupe de son application, voire de son respect. Dans l’élaboration de celle-ci les alchimies politiques les plus curieuses l’emportent sur les organisations représentatives. Celles-ci ne sont jamais confortées dans leurs missions et leurs moyens, toujours contournées et minorées. Le résultat est cruel pour notre pays, et il participe de la profonde crise civique que nous traversons.

    Face à l’éclatement des statuts professionnels, à la disparité des conditions de travail, la démocratie sociale doit permettre de traduire sur le terrain les avancées de la loi et de la négociation nationale.

    Il faut des mesures volontaires pour permettre à la négociation de prendre une force réelle. Nous devons organiser de nouvelles règles de représentativité, affirmer la règle des accords majoritaires, et mettre en place un financement public des syndicats. Les élections professionnelles se tiendront à une même date par branche et les élections prud’homales et à la sécurité sociale un jour fixe tous les cinq ans. Le vote pourrait y être obligatoire ou la journée choisie chômée et servirait de base pour calculer la part de dotation publique auquel serait éligible chaque syndicat. Sur cette base d’un fait syndical relégitimé, sera reconnue la validité des accords majoritaires, qui redonneraient ainsi tout leur intérêt à la négociation sociale de branche ou d’entreprise. Afin d’accroître la présence syndicale dans l’entreprise il faudra installer des conseillers du salarié en étendant leurs prérogatives et leurs moyens et instituer la présence des représentants des salariés dans les conseils d’administration. Une démocratie sociale renouvelée deviendra l’instrument du progrès. Cela nous a fait cruellement défaut tout au long de ces cinq dernières années.

2 L'emploi, encore et toujours l'emploi

    L’emploi doit rester notre priorité, parce qu’il est la condition d’une économie puissante, d’une protection sociale confortée, d’une société surmontant ses peurs et réconciliée avec ses valeurs.

    Nous devons commencer par assurer des trente cinq heures réelles, effectives, pour tous, ce qui n’a pas été le cas jusque là puisque des salariés se retrouvent dans des conditions d’inégalités aggravées face à la durée et à l’organisation du travail. La réduction du temps de travail méritait mieux que d’être un progrès pour les cadres et un problème pour les ouvriers, les salariés modestes et les petites entreprises. Désormais nous devrons revenir sur les dispositifs Fillon, encadrer la flexibilité en instaurant un maximum de 10 heures quotidiennes, un autre de 44 heures hebdomadaires et le droit à 2 jours de repos consécutifs. De revoir le régime des heures supplémentaires en limitant le contingent annuel à 130 heures et en majorant leur rémunération de 25 % dès la première heure et de 50% à partir de 39 heures. Si l’on veut créer de l’emploi et libérer du temps, une certaine fermeté, qui a trop fait défaut, est nécessaire.

    Face aux évolutions du travail et aux comportements de certains entrepreneurs, il faut ouvrir des droits nouveaux qui permettent de répondre aux besoins de sécurité collective. Les licenciements, individuels ou collectifs, s’ils sont considérés abusifs, doivent pouvoir se voir opposer une suspension de l’administration dans l’attente de satisfaire les exigences collectives ou d’intérêt général, notamment de reclassement effectif des salariés licenciés.

    Une sécurité sociale professionnelle doit être mise en place qui permette la continuité des avantages liés au contrat de travail tant qu’un reclassement effectif n’est pas opéré. Un droit universel à la formation, permettant de qualifier les travailleurs et les chômeurs qui ne le sont pas et de répondre aux besoins d‘emplois pour demain, doit être progressivement instauré. Qui pourrait sérieusement garantir à un jeune de 20 ans en 2003 la validité et la valeur sociale des savoirs qu’il a acquis à l’école lorsqu’il aura 50 ans - en 2033 ?

    C’est un des messages du 21 avril qu’il nous faut entendre : garantir à chacun, à tous les moments de sa vie, la possibilité d’accéder aux savoirs et aux compétences nécessaires à sa vie sociale, à l’exercice de sa citoyenneté et à sa participation à la production des biens et des services. Il s’agit, en vérité, de construire le 5ème pilier de la protection sociale : une assurance formation, une couverture formation universelle. Pour qu’elle bénéficie en premier lieu à ceux qui en ont le plus besoin, elle reposera sur une logique de « droits de tirages sociaux », ouverts en priorité aux demandeurs d’emploi et aux salariés précaires les moins qualifiés. Cela suppose une restructuration de fond en comble du système de financement de la formation professionnelle, 22,5 milliards d’euros par an, dont l’efficacité et le respect du principe de bonne utilisation des fonds publics laisse aujourd’hui à désirer.

    Nous devons aider nos entreprises à réussir et à se développer. Nous devons le faire dans la clarté et avec des exigences. Les allègements d’impôts et de cotisations sociales, tout comme les aides publiques, doivent être réservées aux entreprises qui acceptent de passer un pacte de progrès dans lequel les créations d’emploi, les conditions salariales, l’hygiène et la sécurité, l’égalité homme/femme, la lutte contre la précarité du travail, la formation, la part accordée à la recherche et au développement, la préoccupation environnementale seront prises en compte dans un projet d’entreprise contractualisé avec les représentants du personnel. Cela suppose aussi de contraindre les entreprises qui délocalisent à rembourser les aides publiques qu’elles ont reçues.

    Les secteurs de l’économie sociale, les très petites entreprises, les entreprises en nom propres, qui doivent être très encouragés parce qu’ils sont les premiers pourvoyeurs en création d’emplois. L’économie sociale, qui représente une voie différente de l’entreprise capitaliste, devra trouver une nouvelle dynamique : fonctionnant selon les principes de la démocratie participative, répondant à des besoins sociaux, permettant aux usagers d’intervenir dans la gestion autrement que comme des clients, s’inscrivant dans des territoires géographiques ou des périmètres professionnels déterminés, ce secteur emploie aujourd’hui plus de deux millions de salariés. Une des principales difficultés rencontrées par ce secteur est la capacité à mobiliser des fonds propres. Une réponse doit être apportée. Plus généralement, une politique de crédit alternative aux lois imperturbables du marché du crédit doit être mis en place pour les entreprises individuelles et les très petites entreprises.

    De même, un effort vigoureux doit être conduit pour favoriser la recherche et le développement ainsi que l’innovation. C’est un enjeu essentiel pour notre économie, car le XXIème siècle sera celui des savoirs. C’est aussi un enjeu démocratique de première importance. L’Etat doit assumer ses pleines responsabilités en assurant nos intérêts de long terme.

3 Pauvreté salariale et désordre public social

    Chacun doit mesurer, après le 21 Avril, les dangers qui guettent notre société, dans l’apparition du conflit qui s’installe entre les travailleurs pauvres et ceux pris dans les filets de l’assistance, affrontement de voisinage social entre Smicards et Rmistes.

    La solution ne peut être que de mettre en place une politique salariale digne de ce nom. L’émergence des travailleurs pauvres n’est pas admissible. C’est une pente à laquelle il ne faut pas s’abandonner, même si elle est la pente naturelle de l’idéologie libérale. Dans ce domaine, notre pays n’a pas à être fier de ses performances. Malgré des discours martiaux tenus par les uns ou les autres, il n’est ni moderne ni juste. Une nouvelle politique salariale suppose d’aligner les salaires minima conventionnels sur le SMIC, de faire que les conventions collectives s’accompagnent de grilles salariales qui prennent en compte les métiers et les qualifications et doit s’appuyer sur un plan quinquennal de revalorisation du SMIC.

    L’ordre public social ne peut être un chiffon de papier. Le respect de la loi, cela doit valoir partout et pour tous. C’est pourquoi il faut se donner les moyens de sortir de l’insécurité sociale qui est aujourd’hui le quotidien pour des catégories entières de travailleurs. Nous touchons ici à cette hypocrisie française caractérisée par le grand écart entre les discours de principes, les indignations, les proclamations, et les réalités, modestes et négligées.

    Quelques mesures seraient nécessaires pour éviter la reconstitution, déjà bien engagée, d’un salariat de seconde zone n’ayant pas même droit à la représentation : réglementer la sous-traitance en faisant que le donneur d’ordre soit responsable de ce qui se passe sous ses ordres et en alignant les sous-traitants sur la convention collective du donneur d’ordre ; en donnant des droits nouveaux aux CHSCT et en sanctionnant les fautes inexcusables ; en assurant la réalité de l’égalité professionnelle homme/femme par des pénalités effectives et lourdes ; en adoptant un dispositif similaire pour les discriminations à l’embauche et au travail. L’ensemble de ces mesures exige le recrutement d’inspecteurs du travail en nombre suffisant, ce qui suppose un plan volontaire de rattrapage pour doubler au minimum les effectifs. Il n’y a pas de raison de considérer qu’un grand pays comme le nôtre peut se passer d’une modernité sociale indispensable. Nous l’avons souvent revendiqué, mais jamais réalisé.

    La lutte pour le plein emploi n’a de sens que s’il est adossé à une lutte pour le bon emploi. Dans le cycle économique actuel, le refus de la précarité du travail doit devenir une priorité. De 1985 à 2001, le nombre de CDD a été triplé et celui des intérimaires multiplié presque par 6. Contrairement à une idée reçue, la France est ici au-dessus des autres pays européens : triste performance française. Les conséquences en termes de souffrance personnelle et de délitement social sont considérables, d’autant que ce sont les catégories les plus fragiles qui sont touchées : femmes, jeunes, peu qualifiés, travailleurs immigrés. La France compte prés de 6 millions d’emplois atypiques et prés de 3,5 millions de travailleurs pauvres. Cette situation exige une réponse ferme. Il faut limiter le recours au CDD et à l’intérim à 10% des emplois dans les entreprises de plus de vingt salariés et prévoir des pénalités lourdes pour celles qui y dérogent. Des mesures spécifiques doivent concernées le temps partiel. Le travail précaire n’est pas l’antichambre du travail stable : il est le premier pas vers la pauvreté et l’exclusion.

4 La grande question des retraites

    La question des retraites est centrale dans les préoccupations de nos concitoyens. Son enjeu est considérable mais les données sont mal posées et comme toujours, celui qui vent noyer son chien commence par l’accuser d’avoir la rage.

    Pour ouvrir notre système de retraites aux assurances privées, pour instaurer les fonds de pension, certains hurlent à la prochaine faillite du système par répartition. D’autres cherchent à opposer les catégories de salariés entre eux, laissant croire que les reculs qui seraient imposés aux salariés du public, notamment la remise en cause des 37,5 annuités de cotisations, ne prépareraient pas de nouveaux et plus graves reculs pour les salariés du privé.

    Nous devons refuser fermement cette logique et traiter les deux problèmes fondamentaux que pose la question des retraites : celui de la justice, celui du financement.

    En termes de justice, nous devons, d’abord, réaffirmer deux principes : le maintien du système par répartition et du droit à la retraite à soixante ans à taux plein. Nous devons, ensuite, corriger les mesures prises de façon brutale, unilatérale et sans concertation (décret Balladur de 1993) applicables aux retraites des salariés du secteur privé, dont les conséquences ont été désastreuses sur le taux de remplacement du revenu de cette catégorie de retraités.

    C’est pourquoi il faut revenir à un calcul des retraites sur les 10 meilleures années et non sur les 25 meilleures années d’activité et de rémunération et indexer leur évolution sur celle des salaires et non sur celle des prix. Nous devons garantir un taux de remplacement élevé, revaloriser le minimum vieillesse et résoudre le problème des départs anticipés et des préretraites.

    Nous devons cette reconquête aux salariés du secteur privé et à ses futurs retraités. Elle coûtera chère mais elle vaut bien la bataille pour le maintien des droits acquis dans le secteur public.

    Car la véritable injustice n’est pas tant entre les différences de statuts qu’entre ceux qui peuvent profiter de leurs retraites et ceux qui ne le peuvent pas. L’inégalité est à cet égard flagrante tant devant l’espérance de vie et la durée de jouissance de la retraite que devant la durée des cotisations : ce sont en effet souvent les mêmes qui cotisent longtemps, ont de faibles retraites et meurent précocement.

    La mesure de justice la plus efficace sera de permettre le départ dès quarante ans de cotisations pour ceux qui n’ont pas atteint les soixante ans mais qui ont commencé à travailler tôt. A terme, et selon la nature du travail, son degré de pénibilité et l’espérance de vie de chacune des professions, il faudra, par la négociation, organiser des temps de cotisation différents rétablissant la justice dans le respect d’une durée maximale de cotisation.

    C’est pourquoi, la question du financement est déterminante et ne peut être passée sous silence. L’alimentation du fonds de réserve des retraites, nécessaire, sera insuffisante. Les cotisations sociales assises sur la feuille de paie du salarié qui pénalisent l’embauche et le travail ne pourront pas absorber les importants besoins de financement qu’il faut dégager, vue l’étroitesse de leur assiette.

    Plusieurs nouvelles possibilités de financement doivent être envisagées par les socialistes. D’abord l’extension de l’assiette des cotisations patronales en la faisant reposer sur la valeur ajoutée des entreprises, mais aussi le transfert des cotisations salariales vers la CSG. Les avantages de telles réformes sont multiples :
     elles font contribuer les revenus du capital au financement des retraites ;
     elles installent le principe de solidarité nationale autour du financement des retraites ;
     elles marquent également la solidarité entre les retraités les plus aisés et les retraités les plus modestes ;
     enfin, elles dégagent des augmentations des salaires directs considérables au profit des salariés, permettant la revalorisation importante des salaires dans les entreprises.
    Le paritarisme devra rester la règle de gestion de notre système de retraites.

    Suite de la contribution 

 I/ Combattre la mondialisation libérale
II/ Renouer avec l'éxigence sociale
III/ Fonder la République nouvelle
IV/ Retrouver les outils de l'égalité
V/ Inventer un Nouveau Parti socialiste

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