Le maintien de la direction du PS ne doit pas devenir l'enjeu du débat

Manuel Valls


Entretien accordé par Manuel Valls, député de l'Essonne et maire d'Evry, au quotidien Le Monde daté du 12 septembre 2004
propos recueillis par Hervé Gattegno


 

Après les trois courants minoritaires et une partie de la majorité - dont vous êtes -, le renfort de Laurent Fabius rend-il le " non " majoritaire parmi les socialistes ?
La prise de position de Laurent Fabius est évidemment importante. Les préventions qu'il a exprimées sur le projet de traité constitutionnel rejoignent celles que beaucoup ressentent aujourd'hui non seulement au PS, mais dans l'ensemble des partis de gauche.

Je suis convaincu qu'aujourd'hui une majorité de militants ne se reconnaissent pas dans le texte qui nous est proposé. Si nous voulons revenir au pouvoir, en ne comptant pas seulement sur les divisions de la droite mais sur un projet nouveau, il nous faut traiter toutes les questions qui inquiètent en profondeur la société française - et la construction européenne en fait partie. C'est pourquoi il est impératif que le débat entre les socialistes ne soit pas verrouillé, par exemple en en faisant un enjeu de pouvoir interne.

Autrement dit : même si les militants du PS choisissaient le " non ", la direction de François Hollande ne doit pas être mise en cause...
François Hollande a eu le mérite de rassembler les socialistes après la défaite de 2002. Grâce à lui, le PS est réinstallé durablement comme la première force politique ; il a retrouvé la confiance des Français. Mais nous ne devons pas oublier le 21 avril 2002. Or le scepticisme à l'égard de la construction européenne et de la place que la France peut y avoir est l'un des éléments de la crise du politique ; il creuse la césure entre les élites et le peuple et compromet notre relation avec les couches les plus populaires.

C'est à ces questions que nous devons répondre en élaborant le projet du PS. La tâche de François Hollande, c'est de conduire ce débat dans la clarté. La confrontation des idées ne doit pas être réduite à une bataille de courants et de stratégies internes, dont le maintien de la direction du PS deviendrait l'enjeu.

M. Fabius aurait préféré que la consultation des militants du PS - que M. Hollande a annoncée pour la mi-novembre - n'ait pas lieu aussi tôt. Faudrait-il la reporter ?
Ce qui est en cause, c'est le projet de traité constitutionnel et les risques de dérive libérale qu'il contient. François Hollande le dit lui aussi, puisqu'il propose d'y adjoindre un traité social... J'y vois le signe que les socialistes peuvent se retrouver sur l'essentiel, pour peu qu'on laisse le débat se poursuivre. Se précipiter, voter dès aujourd'hui, c'est prendre le risque d'une division qui peut paraître absurde et qui va nous affaiblir. Nous ne connaissons ni les termes de la question qui sera posée par M. Chirac l'an prochain, ni le contexte dans lequel se tiendra ce référendum. Il me semble qu'il serait plus sage de nous mettre d'accord, entre socialistes, sur l'Europe que nous voulons. Nous avons largement le temps de nous prononcer ensuite sur le projet de Constitution d'ici l'an prochain.

Mais attention : que mon propos ne pas soit pris pour un atermoiement. S'il faut que les militants votent tout de suite, qu'on le fasse. C'est de toute façon à eux de trancher.

Vous avez été rocardien, puis avez travaillé au côté de Lionel Jospin. M. Fabius est-il aujourd'hui un allié encombrant ?
Je ne l'ai pas attendu pour dire mon opposition au projet de Constitution. Maintenant qu'il a livré sa position, en son âme et conscience, je ne vois pas pourquoi elle devrait être ramenée à un calcul d'ambition personnelle. Il n'y a rien de pire que le sentiment d'impuissance que dégagent les politiques lorsqu'ils disent, comme on l'entend en ce moment : "On ne peut pas faire autrement - que de voter oui - ". si Laurent Fabius, avec l'expérience qui est la sienne, nous aide à dissiper cette impression dévastatrice, je ne vois que des raisons de m'en réjouir. Face à une question de cette importance, décisive pour les socialistes, les étiquettes du passé n'ont aucune importance.

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