Référendum sur la constitution européenne
Il n'y a pas de Non tranquille

Manuel Valls
Entretien avec Manuel Valls, député de l'Essonne et maire d'Evry, paru dans Le Journal du Dimanche daté du 20 mars 2005
Propos recueillis par Pascale Amaudric


 

Sentez-vous la montée du non dans votre ville alors que le sondage CSA Le Parisien le donne pour la première fois gagnant ?
Il faut toujours être prudent avec les sondages. Mais cela reflète bien le climat depuis le début de l'année. Le rejet de la politique Raffarin, la baisse du pouvoir d'achat, le débat sur le projet de directive Bolkenstein et sur les services publics en général alimentent une inquiétude sourde.
Personne n'a vraiment encore lu le texte du traité mais, depuis des années, il existe un doute sur la manière dont se construit l'Europe. Le niveau d'abstention aux dernières élections européennes l'a montré. Les citoyens, déjà méfiants à l'égard de leurs propres dirigeants, le sont encore plus face à ce référendum. L'on veut à tout prix qu'ils répondent sur le texte lui-même alors qu'ils s'interrogent sur le projet européen, sur les frontières de l'Europe et son indentité, sur les délocalisations, alors que le chômage fait des ravages en France et en Allemagne.

Pensez-vous que, si le non gagnait, ce serait un « cataclysme politique », un nouveau 21 avril 2002 ?
Oui. Et j'ai été le premier, dès janvier, à l'évoquer. Si le PS avait choisi le non, il aurait alors offert un débouché politique à ceux qui veulent une autre orientation pour l'Europe. mais aujourd'hui, si le non l'emporte, il n'y a aucun débouché politique, donc une crise majeure.

Vous ne croyez plus au « non tranquille » de Fabius ?
Il n'y a aucun non tranquille. Le non serait un désaveu des grandes formations de gouvernement et de ses dirigeants. Il provoquerait une triple crise : en Europe, en France et au sein du PS. Un vrai cataclysme, oui !

Vous plaidiez, à l'automne, pour le non, aujourd'hui, pour le oui. La montée du non ne vous place-t-elle pas en porte-à-faux ?
C'est justement parce que mon parti est en difficulté que je m'engage, en responsabilité. Après le vote du PS en décembre, après avoir quitté la direction, je pensais garder le silence jusqu'au référendum. Mais la confusion est telle chez nos électeurs, qui perdent tout repère, qu'une campagne beaucoup plus forte et pédagogique s'impose. Face au risuqe de crise politique en France et au PS, le silence n'est plus possible. Il faut convaincre les Français.

Ceux qui n'observent pas la discipline du parti seront-ils disqualifiés pour longtemps ?
Je n'en sais rien, mais tout responsable politique se doit d'examiner les conséquences de ses actes. Si le non l'emportait alors que le PS prône le oui, le processus qui peut mener la gauche au pouvoir en 2007 serait profondément remis en cause. Les Français qui attendent une alternative à la politique actuelle ne nous le pardonneraient pas.

Mais les socialistes qui continuent à faire campagne pour le non ne seraient-ils pas relégitimés par une victoire du non ?
Je ne vois pas en quoi ils seraient relégitimés alors que leurs responsabilités dans les difficultés du PS seraient aussi lourdes. Aucun destin individuel ne peut se construire sur un champ de ruines.

Ce matin, en conseil national, le PS examine le « diagnostic » préparatoire à la construction de son projet. Partagez-vous la critique du NPS (Montebourg-Peillon) sur le manque d'analyse du 21 avril ?
Non. Le « diagnostic » est lucide. Nous avons déjà beaucoup discutés en 2002 et 2003 du 21 avril, et compris que ce n'était pas un accident. De fait, la crise politique est bien là, accentuée par l'attitude de la droite.

Sur quelle partie du projet allez-vous travailler ?
Les Français attendent de nous des propositions très concrètes et surtout que nous disions comment nous les mènerons à bien. Que ce soit sur la réforme de nos institutions, sur la fiscalités locale, pour créer de l'égalité entre les territoires et les citoyens, sur l'immigration, un énorme défi à relever, politique de quota ou non. Nous devons dire comment rebâtir le modèle républicain, rétablir l'égalité des chances pour tous et répondre aux angoisses de nos concitoyens.

Que pensez-vous de Hollande et Sarkozy posant ensemble pour Paris-Match ?
Si cela veut dire qu'une nouvelle génération politique se prépare pour 2007, c'est tant mieux. Mais je me méfie des soubresauts de notre vieux pays, qui déjoue toujours les pronostics. Je souhaite sincèrement l'arrivée au pouvoir d'une jeune génération, à condition qu'elle incarne une autre pratique du pouvoir, capable de réconcilier les Français avec leurs représentants.

© Copyright Le Journal du Dimanche


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