Pour un Nouveau
Parti socialiste
première partie


 Motion présentée par le Nouveau Parti socialiste au congrès national de Dijon du Parti socialiste.
18 mars 2003


I/ Combattre
la mondialisation libérale

 
Longtemps les socialistes ont envoyé leurs ministres à Davos, forum de l'aristocratie financière mondiale, pendant que quelques militants se rendaient incognito à Porto Alegre, rendez-vous des alter-mondialistes.

Nous n'avons jamais su prendre une position claire : proposer une stratégie de résistance à l'égard de la mondialisation de l'économie. Nous n'avons pas pu offrir d'autre figure que celle de l'impuissance publique, conduisant l'Etat à simplement atténuer les dégâts sociaux une fois que ceux-ci ont produit leurs effets irrémédiables.

Les socialistes collectionnent les voeux pieux, pendant que l'économie mondialisée et la division internationale du travail continuent à dicter leurs lois. Des lois bien différentes de celles que les socialistes énoncent dans leurs innombrables motions.

Le nouvel ordre libéral mondial

Il s'agit d'affronter la réalité de la mondialisation libérale de l'économie. Ses dégâts sociaux, moraux et politiques ont été ravageurs dans la société française. Mais ils le sont aussi chez les socialistes eux-mêmes, trop nombreux à s'être insensiblement résignés à abandonner tout esprit de résistance à ce nouvel âge du capitalisme. Faute d'opposants, l'économie libérale semble promise à une éclatante victoire.

Grâce à la mobilité absolue et sans entrave du capital, les forces du marché assurent désormais la prédominance durable de la liberté économique sur l'égalité politique et sur l'esprit de justice dans la répartition des richesses. Cette mondialisation fabrique de plus en plus de chômeurs et de précaires dans les pays riches, de plus en plus d'esclaves dans les pays pauvres.

Les traits du sous-développement réapparaissent dans certains de nos secteurs industriels, de nos quartiers et de nos campagnes. Cela rappelle les débuts du siècle de la société préindustrielle ; les indicateurs de répartition de la richesse témoignent du déplacement du partage de la valeur ajoutée en 20 ans de 11% au profit des actionnaires et au détriment des salaires.

L'Etat impuissant face aux marchés

L'Etat laisse voir à son tour sa propre impuissance et ses responsables cherchent maladroitement à la dissimuler. Pourtant, les nations européennes savent qu'elles ont abandonné une part importante de leur souveraineté économique (monnaie, taux d'intérêt, déficit budgétaire, capacité d'endettement) sans contrepartie suffisante. La mondialisation étend progressivement l'emprise du marché à l'ensemble des biens et services arrachés un à un au secteur public. Même les ressources des Etats échappent pour une part croissante, à leur contrôle, leur fiscalité s'appréciant désormais par rapport à celle des états voisins, en compétition économique. Le niveau de protection sociale est à tout moment attaqué et rogné par le marché. La délocalisation, sanction du capital contre le travail trop payé ou trop protégé par les Etats, produit des effets ravageurs sur l'emploi industriel et sur l'image des politiques publiques. Les politiques de baisse des impôts ou de limitation des dépenses, décidées pour s'adapter aux exigences du marché, accroissent violemment les injustices dans l'accès aux ressources naturelles, aux soins, à l'éducation ou à la justice. Ainsi, ces dernières années, tous les pays européens ont engagé des politiques de diminution du coût du travail, d'encouragement des formes précaires d'emploi et ont amoindri les règles d'indemnisation du chômage pour inciter, en vain, au retour à l'emploi. Sans aucun effet réel sur la répartition des revenus, ces politiques ont surtout provoqué l'appauvrissement des salariés.

Faute d'avoir mesuré l'intensité des angoisses et la violence des effets induits par ces choix dans la vie d'un grand nombre de nos compatriotes, la gauche s'est résignée à n'être que le commentateur des dégâts du marché, et faute d'avoir choisi son camp, les socialistes ont laissé la critique de la mondialisation soit à la rue, soit -plus grave- au lepénisme.

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1- Sommes nous encore internationalistes ?

    L'ordre mondial se construit comme un grand désordre économique, social, sanitaire, écologique.

    Cette déréglementation générale ne profite qu'à quelques grandes firmes privées planétaires et aux mafias internationales. Les pays pauvres sont de plus en plus pauvres. Les pandémies se multiplient. Les ressources naturelles s'épuisent. Comme les socialistes avaient construit, à partir du XIXème siècle, des régulations démocratiques et sociales dans le cadre de l'Etat-Nation, ils n'ont plus d'autre choix, sous peine de disparaître eux-mêmes, que de les reconstruire aujourd'hui ; et ce, dans un cadre international.

    Les intérêts puissants auxquels nous nous heurterons exigent de construire de véritables instruments pour l'action. Les socialistes qui refusent le conflit ou qui le fuient comme la peste, endormis dans leurs visions consensuelles et technocratiques doivent donc se réveiller d'urgence.

    Dans le cadre de l'Etat nation, de vrais combats furent nécessaires pour arracher les droits sociaux et politiques aux intérêts seulement marchands. Ces droits n'ont jamais été octroyés. Ils ont toujours été conquis.

    Notre histoire - 1830, 1848, 1870, 1936, 1945 - est l'histoire de ces combats et de ces conquêtes. N'ayons pas la naïveté de croire, ou la paresse de penser, qu'il en sera autrement. L'heure est venue de réarmer notre volonté collective contre la domination égoïste des intérêts financiers et de rompre avec les illusions mortelles de l'autodiscipline du marché par lui-même.

    Nous devons nous engager résolument dans la lutte et choisir notre camp !

    Face à la globalisation libérale, la démocratie

    Pour lutter contre la globalisation libérale, notre première arme s'appelle la démocratie. Le combat pour la réforme des institutions internationales doit commencer. La création d'un Conseil de sécurité économique et social mondial dans le cadre de la réforme de l'ONU est une nécessité. En modifiant les droits de représentation et de vote dans les organisations internationales, une place plus grande doit être faite aux pays en voie de développement. Le dialogue avec le mouvement social doit être institutionnalisé et la transparence assurée en rendant publics les documents préparatoires, les résultats des délibérations et les positions des Etats. Avec l'Organisme de Règlement des Différends, l'OMC s'est affranchie des autres instances du droit international. La première nécessité est de soumettre l'OMC à l'ONU, ce qui l'obligera à respecter la charte de cette dernière. La Déclaration universelle des Droits de l'Homme est tout de même, pour l'ordre juridique mondial, un principe qui doit supplanter le seul droit commercial ! Ce n'est pas le cas aujourd'hui. Par ailleurs,  les normes sociales, environnementales, sanitaires et le respect de la diversité culturelle, principes édictés par les autres organismes multilatéraux, (OIT, OMS, UNESCO), doivent acquérir une valeur juridique équivalente aux normes commerciales. Cette nouvelle exigence à l'égard de l'Organisation Mondiale du Commerce, suppose d'assumer le conflit avec cette organisation. Il reviendra aux socialistes de prendre appui sur la mobilisation sociale et populaire. Il reviendra aussi à ceux qui négocient en son sein d'oser rompre des négociations lorsque la mécanique libérale de l'OMC l'emporte.

    Lutter contre la délinquance financière internationale

    La lutte contre les paradis fiscaux, bancaires et judiciaires doit enfin sortir des fatigantes déclarations d'intention. Elle doit être au cœur de notre action. Nous avons été quelques uns à utiliser les instruments d'enquête parlementaire pour placer des territoires confettis complices de l'argent sale issu des criminalités transnationales les plus abjectes et de la fraude fiscale devant leur responsabilité. Nous devions là aussi assumer les conséquences de notre langage ferme et exigeant en dénonçant l'hypocrisie des grandes Nations, y compris européennes, à l'égard de ces territoires. Les incidents diplomatiques qui se sont produits, malheureusement nécessaires pour faire évoluer le comportement de ces territoires indélicats, n'ont guère conduit certains ministres socialistes à faire preuve de courage, de solidarité et à soutenir ce combat pourtant juste. Il est un peu dérisoire de se réveiller si tardivement et de dénoncer l'opacité malfaisante d'un canton suisse où nous retrouvons à la fois les actionnaires irresponsables de Metaleurop et l'armateur voyou du Prestige alors même que ceux qui dénonçaient en 2001 devant l'opinion publique ce même canton, étaient lâchement désavoués par le quai d'Orsay.

    Tout reste donc à faire. Nous devrons mettre hors la loi les sociétés écran. Créer un registre mondial de l'immatriculation des sociétés et imposer dans chaque pays un registre central des comptes bancaires. Instituer un contrôle public sur les chambres de compensation. Normaliser l'identité du donneur d'ordre dans les messages financiers internationaux. La menace et l'application concrète de sanctions même unilatérales à l'égard des territoires refusant de coopérer doivent être les instruments de notre action. Ces mesures simples ne pourront s'imposer que par un juste déploiement de la force diplomatique et en prenant appui sur la mobilisation de l'opinion internationale.

    Une nouvelle politique de développement

    Les inégalités aggravées entre le Nord et le Sud ont pris une dimension cruelle. Organiser les mécanismes d'effacement des dettes pour les pays les plus pauvres, définir une stratégie d'accès aux biens publics mondiaux et aux médicaments est urgent. Pour financer une convergence efficace entre pays en voie de développement et pays industrialisés, ce qui supposerait de multiplier par huit les volumes de l'aide actuelle au développement et ne représenterait pourtant qu'environ 1,5% de la richesse des pays à haut niveau de revenu, il faut instituer une taxe sur les transactions financières de nature spéculative. Celle-ci n'est pas exclusive d'autres taxes spécifiques destinées à alimenter les institutions spécialisées : taxe sur les activités polluantes ou sur le transport maritime pouvant alimenter une Autorité mondiale de l'environnement, taxe sur les industries pharmaceutiques pour alimenter l'OMS. Une meilleure coordination des organisations chargées de l'aide au développement et une réforme des pratiques de la conditionnalité sont aussi nécessaires. L'Europe doit proposer la création de " fonds structurels mondiaux " pour aider les pays du Sud à rattraper leur retard et à faire face aux besoins de leur population dans des domaines comme l'accès à l'eau, aux médicaments et à la santé, aux énergies renouvelables et à l'éducation, améliorer les conditions de travail et les droits des travailleurs. L'OIT doit pouvoir disposer d'un pouvoir réel de sanction quand ne sont pas respectées les règles élémentaires universellement admises dans ses conventions, concernant le travail des enfants, le travail forcé, les libertés syndicales, le paiement des salaires, la protection et la réparation des accidents du travail. Dans les négociations en cours au sein de l'OMC, la priorité de l'Europe doit être non pas la libéralisation des services publics, des marchés publics ou des investissements des pays du Sud, mais la reconnaissance d'une " exception services publics " comme il y a une exception culturelle.

    Dans l'immédiat, les socialistes doivent exiger un moratoire des libéralisations, préalable à une évolution des mesures précédentes, tel qu'il est d'ailleurs inscrit dans la charte de l'OMC. Les socialistes doivent s'opposer, et la France user de son droit de veto au Conseil Européen, sur l'Accord Général sur les Services (AGCS) négocié dans le plus grand secret, y compris des 15 états membres, par la Commission Européenne. L'AGCS vise à libéraliser de manière irréversible et continue toutes les activités, sauf "les activités fournies dans le cadre de l'exercice du pouvoir gouvernemental, fournis ni sur une base commerciale, ni en concurrence avec le privé"; c'est-à-dire presque tout, sauf l'état civil, la justice et la banque centrale. Cet accord doit être bouclé fin 2004 et menace l'exercice même de la souveraineté populaire. L'AGCS revient à l'interdiction généralisée des services publics, et permet même d'annuler des lois en traînants les Etats devant le tribunal de l'OMC pour " réglementation excessive " ; peu avant le naufrage du Prestige, le comité permanent de l'OMC identifiait ainsi des " régulations excessives en matière d'environnement et de sécurité dans le transport maritime ".

    Une autorité mondiale de l'environnement

    Réchauffement climatique, déforestation, atteinte à la bio-diversité, désertification : les atteintes à l'environnement sont de plus en plus nombreuses, reconnues et préoccupantes. Elles participent d'ailleurs de l'accroissement des inégalités entre le Nord et le Sud. Les normes édictées et les conventions passées ne sont pas respectées. Les moyens nationaux de leur mise en œuvre font presque toujours défaut. Aucun mécanisme contraignant de mise en œuvre n'est d'ailleurs prévu. C'est pourquoi il faut proposer la création d'une Autorité mondiale de l'environnement pour fédérer les normes, leur donner valeur contraignante et prévoir des mécanismes de suivi et de sanction.

    Droits de l'homme et droit d'ingérence

    Ce combat pour une autre mondialisation sera long et exigeant. Il demande que le nouveau Parti socialiste s'engage pleinement dans des initiatives multilatérales, s'appuie sur la mobilisation des citoyens et que la France abandonne ses peurs et ses craintes sur la scène internationale. Certains de nos silences sont devenus encombrants. Nous devons retrouver le courage de défendre nos valeurs à haute voix et dénoncer les atteintes aux droits de l'Homme partout où elles se produisent : en Tchétchénie comme au Tibet et en Afrique. Il faut continuer à faire émerger dans la conscience universelle le droit à l'ingérence comme un progrès de l'humanité démocratique.

    Le risque d'isolement n'est rien s'il s'agit d'inverser un consensus dangereux pour l'avenir de tous. Nous n'en avons d'ailleurs plus le choix. Ce que nous devons faire au sein du Parti socialiste Européen, nous devons aussi le faire au sein de l'Internationale Socialiste. Nous devons rechercher les contours d'une internationale sur les objectifs politiques communs, à partir d'une plate-forme d'action commune. Engageons-nous sur cette base avec tous ceux qui le souhaitent au sein du camp des progressistes.

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2- La bataille ne fait que commencer

    Le nouveau Parti socialiste ne peut se résigner à l'impuissance politique. Il est dès lors indispensable de reconstruire dans le cadre de la Nation les moyens de remettre le marché au service de l'utilité collective, c'est à dire refonder la démocratie dans un système productif de marché.

    Le nouveau Parti socialiste entend mettre un terme à la pente libérale de la politique commerciale et douanière de l'Union Européenne négociée loin du pouvoir politique et des citoyens. Cette politique, stigmatisée à juste titre par le mouvement social, doit cesser d'être un moyen toujours plus pressant de libéralisation et de remise en question de la puissance publique et des services publics. Trop souvent, les négociations multilatérales font l'objet de petits arrangements entre ennemis ou rivaux capitalistes. Il faudra dont que le Parlement européen et les Parlements nationaux soient étroitement associés et ratifient toute négociation multilatérale.

    La contre attaque sociale des Etats

    Une nouvelle politique d'agressivité publique s'impose pour lutter contre ces nouveaux quasi-Etats privés et concurrents que sont devenues les firmes multinationales. Leurs propriétaires n'ont pas d'autre patrie que leurs profits, pas davantage leur capital. Il faut désormais bâtir une grande politique coordonnée de sanctions nationales et européennes à l'encontre du non respect par ces firmes des normes sociales et environnementales.

    Des mesures d'embargo spécifiques

    La recherche de la plus grande rémunération du capital au détriment du travail des salariés, guide les délocalisations vers les pays où le droit du travail est piétiné et la protection sociale inexistante.

    L'Europe devra, sous l'impulsion de la France, se doter de mesures d'embargo spécifiques permettant de lutter contre les entreprises sans frontières, pirates de la mondialisation. Partout elles recherchent la meilleure rémunération du capital et laminent les droits et les rémunérations des salariés dans les pays pauvres en profitant du pouvoir d'achat des pays riches. Ces mesures devront permettre de manière graduée le recours à des droits de douane spécifiques ou à un taux majoré sous forme de sanction de TVA à l'intérieur de l'Union Européenne. Ainsi face aux politiques antisociales des firmes multinationales s'installera progressivement une politique de contre attaque sociales des Etats, sur le plan communautaire et national. Le rétablissement de certains droits de douane ou d'une TVA sanction aux frontières européennes contre les produits de ces firmes incitera au comportement vertueux des entreprises.

    Pour ce faire, une Agence publique nationale ou européenne, chargée d'enquêter et d'évaluer le dumping social ou les efforts en matière de rémunération dans les pays à faibles salaires ou à répression anti-syndicale, proposera des mesures d'embargo individualisées au Gouvernement, qui tranchera sous le contrôle du Parlement.

    Ces sanctions toucheront non le commerce des Etats, mais les produits des firmes et les profits indus générés par la déloyauté et l'inhumanité des pratiques concurrentielles.

    Ce choix fut défendu par le Président Bill Clinton au sommet de Seattle en 1999. Dans son discours, celui-ci expliquait qu'il ne s'agissait pas de protectionnisme, dont la vocation avait pour intérêt de protéger des industries non rentables. Il démontrait, au contraire, qu'il est impossible que la division internationale du travail et que la concurrence dans le commerce international puisse exercer ses lois contre l'humanité ; sur le dos des hommes, des femmes et des enfants au travail. Il ne s'agit donc pas de protéger tel ou tel pan d'une industrie nationale, il s'agit de construire un autre monde en prenant appui sur le dernier levier de la souveraineté européenne, la frontière. Défendre le principe d'un commerce équitable dans lequel les Etats et les citoyens ne se laissent plus dicter leurs niveaux de salaire, de prélèvements obligatoires et de protection sociale par le marché mondial, passe par l'ouverture du conflit avec l'Organisation Mondiale du Commerce et la reconstitution de droits de douane ajustés et offensifs.

    Les recettes obtenues par ces prélèvements seront affectées au soutien des nouveaux membres de l'Union et permettront d'augmenter la contribution de notre continent au développement des pays du sud. Il ne serait que justice que les " esclaves " des multinationales touchent leur part de dividendes dévolue aux actionnaires, pour assurer leur éducation, leur santé ainsi que l'élévation de leur niveau de vie. Cette politique est la condition de la réalisation d'une Europe soucieuse de ses acquis sociaux, généreuse vis-à-vis des peuples qui souffrent des ravages de la mondialisation et de l'absence de solidarité mondiale.

    Un cadre légal pour le boycott des citoyens

    Une grande loi de dépénalisation du boycottage doit offrir aux citoyens des moyens d'action et de sanction à l'encontre des produits des entreprises visées. Dans ce cadre, le pouvoir d'engager des actions groupées en réparation de préjudice sera offert aux consommateurs, afin de rétablir l'équilibre des droits et des puissances sur le marché. Le citoyen sera ainsi muni d'armes individuelles à usage collectif lui permettant de faire prévaloir ses choix politiques. C'est aussi à ce prix que le politique retrouvera ses droits face à la toute puissance des marchés.

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3- Infléchir la construction européenne

    La question européenne est au centre de ce Congrès. Personne ne doit l'esquiver. Le conflit irakien, les difficultés de la Convention dirigée par Giscard d'Estaing chargée de préparer la future Constitution font surgir des difficultés que certains voulaient occulter.

    Nous sommes des européens fervents. L'Europe est l'horizon politique majeur de notre époque. Mais il faut ouvrir les yeux et dire l'égarement du projet européen et la montée de la contestation à son égard. Si notre peuple se détourne de l'idéal européen c'est parce que l'Europe telle qu'elle se construit tourne le dos à cet idéal. L'écart entre l'idéal européen, celui d'une Europe politique et sociale, et la réalité de l'Union est aujourd'hui trop grand. Nous y perdons la crédibilité de notre parole et l'adhésion nécessaire des peuples à ce projet. Les socialistes, avec François Mitterrand et Jacques Delors ont toujours défendu l'approfondissement de la démocratie européenne avant l'élargissement du territoire de l'Union.

    Aujourd'hui nous faisons le contraire. Nous continuons de proposer un idéal européen ambitieux. Pourtant d'ores et déjà la Convention Giscard semble même refuser une minimale coordination des politiques économiques, ainsi que le principe de convergence des politiques sociales par le haut.

    Nous faisons croire aux citoyens que l'élargissement est d'ores et déjà décidé, alors que chacun sait qu'il doit être ratifié par la souveraineté populaire, comme si le peuple n'avait aucun poids ou représentait un danger. Le moment est venu de réconcilier notre idéal et la réalité, nos discours et nos actes.

    L'Europe aura été l'un des principaux défauts de la cuirasse des cinq années de gouvernement de la gauche. L'absence de relance de l'Europe politique, l'occasion manquée de Nice, la soumission au Pacte de stabilité, la libéralisation de certains des services publics et un agenda social dépourvu de force contraignante l'illustrent. Le sommet de Barcelone restera pour la gauche le symbole de la confusion. Et la cohabitation n'explique pas tout. Toute la gauche européenne est en cause. Une longue période de majorité européenne des gouvernements socialistes et sociaux-démocrates n'aura débouché ni sur la réorientation sociale attendue, ni sur l'affirmation d'un choix clair en faveur de l'Europe fédérale. L'Union européenne est devenue un marché intérieur organisé par des règles de concurrence, bien plus qu'une communauté politique de citoyens réunis par un pacte social et un gouvernement commun. C'est le sens même de l'engagement des socialistes pour l'Europe qui est en jeu, mais aussi l'adhésion des peuples au projet européen. Les populismes qui ont éclaboussé le continent ont ceci en commun que tous attisent des ressentiments anti-européens.

    Face à la mondialisation libérale, l'Europe devrait être vécue comme une protection. Mais l'Union est ressentie, au contraire, comme un cheval de Troie de la mondialisation au sein des nations, imposant la libéralisation et accentuant les inégalités sociales. Son refus d'affirmer le primat de la démocratie sur les préoccupations du marché, son inexistence internationale face aux Etats-Unis, creusent le sillon de l'euro scepticisme. Cette faiblesse structurelle de l'Europe est d'abord due à elle-même et donc à nous autres.

    Sur le plan interne, alors que l'Europe est une Union de démocraties, ses institutions et ses règles sont incompréhensibles pour ses propres citoyens. L'Union cumule à la fois les inconvénients d'un pouvoir déficient là où il est attendu et interventionniste là où il est peu légitime ou pas nécessaire.

    Incapable de protéger nos côtes des marées noires et des bateaux poubelles, l'Union est tatillonne pour les fromages ou l'aménagement des aires de jeux. Il est significatif que lors du conflit des routiers elle n'ait eu d'autre message que celui du respect de la libre circulation des marchandises quand il y aurait tant à faire pour harmoniser les règles sociales dans ce secteur. L'Union Européenne est implacable pour les déficits, mais sans égards pour les conséquences sur la croissance ou la situation sociale des restrictions budgétaires qu'elle exige.

    Ce sont les institutions les plus éloignées des citoyens, la Banque Centrale, la Commission, la Cour de Justice, qui disposent de pouvoirs, tandis que les institutions élues sont privées, au nom d'un pacte de stabilité "rigide " et " stupide ", de la liberté de choisir les politiques monétaires et budgétaires les plus adaptées pour soutenir la croissance et l'emploi.

    L'Union n'est pas ce qu'elle devrait être : la principale réponse démocratique et sociale face à la globalisation financière et à la marchandisation du monde.

    Nous devons nous donner les moyens de construire une Europe capable d'imposer ses choix sociaux ; disposant d'un gouvernement économique reconstituant dans l'Union ce que les Etats membres ont perdu de leur souveraineté monétaire et budgétaire, lui-même s'appuyant sur la légitimité démocratique et le contrôle des citoyens européens. Faute d'assumer cette exigence, les citoyens se vengeront et solliciteront toutes les aventures pour briser le projet européen.

    Une démocratie parlementaire

    La Constitution européenne doit impérieusement établir les institutions d'une démocratie parlementaire européenne, fondée sur une représentation démocratique des peuples. Aujourd'hui le parlement européen lui-même est issu d'une élection entièrement filtrée par les Etats, si bien qu'on hésite à y distinguer les majorités qui le composent. Le mode de scrutin doit évoluer dans le sens d'une représentation populaire directe. Dans un premier temps, 10% des députés doivent être élus sur des listes européennes, les partis s'obligeant à se retrouver à ce niveau supranational et devant les électeurs. Ce pourcentage, en s'élevant d'une élection l'autre, fera du parlement l'institution formalisant une opinion publique européenne qui n'existe pas aujourd'hui. Cela va avec l'installation d'un exécutif responsable. Et d'abord un président européen, à la fois de la Commission et du Conseil, élu par le parlement européen à l'issue des élections de celui-ci et responsable devant lui (éventuellement par un congrès incluant des représentants des parlements nationaux). La Commission, aux effectifs réduits, verra ses membres, proposés par le Conseil, investis par le parlement. Enfin il ne faut pas omettre la représentation des Etats-nations. Mais le Conseil ne peut rester tel qu'il est, c'est-à-dire un club de gouvernants indirectement élus nationalement mais ne rendant pas compte de leurs engagements européens. Le vote doit s'y effectuer à la majorité mais en respectant une certaine pondération. On peut enfin imaginer une évolution de l'instance de représentation des Etats par incorporation de délégations des parlements nationaux. Le Parlement européen pourra dès lors censurer le gouvernement et disposera de la plénitude des pouvoirs législatifs et budgétaires, y compris le vote d'un impôt européen.

    Une citoyenneté européenne

    Cette vision de la construction de l'Europe doit être complétée par l'affirmation d'une citoyenneté européenne, comme un objectif lié au caractère fédéral de notre projet pour l'Union. Pour donner au plus tôt des contenus concrets à cette citoyenneté en construction, nous proposons d'assurer la représentation au Parlement de Strasbourg des citoyens communautaires résidant hors de notre continent, à l'image de la représentation des Français de l'étranger, ainsi que la création dans quelques-unes des grandes villes du monde de " Maisons de l'Europe " assurant une présence culturelle et politique.

    Des objectifs politiques

    L'Union doit pouvoir décider de ses politiques monétaires et budgétaires en fonction de ses objectifs de croissance et d'emploi. Ainsi, les statuts de la Banque Centrale Européenne doivent être révisés pour les inclure. Les objectifs d'inflation doivent être débattus à découvert et adoptés par le Parlement européen. La Banque centrale doit rendre compte devant lui et les ministres des finances de la zone euro. Le Pacte de stabilité doit être réaménagé pour permettre à l'Union et aux Etats membres de mener des politiques budgétaires coordonnées stimulant l'investissement et la croissance. La coordination de la politique monétaire et budgétaire dans la zone euro sera ainsi assurée par un gouvernement économique capable de s'adapter à la conjoncture.

    Un projet de société

    Une Constitution est davantage qu'une architecture institutionnelle. Elle exprime les fondements d'un projet de société. Les objectifs sociaux fondamentaux de l'Europe, le plein emploi, la recherche d'un niveau élevé de protection sociale, les droits syndicaux, l'égalité homme femme, la qualité de la vie, doivent être fixés dans le texte constitutionnel. La Charte des droits fondamentaux doit y être intégrée. Le protocole social de Maastricht devra être modifié pour donner à la puissance publique européenne une réelle capacité de réglementation sociale. A cet égard, nous devons exiger que la deuxième partie de la Constitution issue de la Convention contienne un traité social organisant la convergence des droits sociaux vers le haut : droits à la représentation syndicale, à l'information et à la consultation des travailleurs, protection sociale élevée (même si les mécanismes restent différents selon les pays), égalité salariale hommes-femmes, création par étapes d'un salaire minimum européen. Les traités actuels devront être modifiés en conséquence.

    Des moyens d'action publique

    La future Constitution de l'Union devra refuser pour l'Europe la marchandisation de l'éducation, de la culture, de la santé, et définir la protection de " biens collectifs européens " tels que l'eau, la biodiversité, l'énergie, aussi bien dans les politiques internes qu'externes de l'Union, notamment la politique commerciale. La Constitution devra reconnaître les services publics comme un élément essentiel de la citoyenneté et du modèle social européen, relevant d'autres règles que celles du marché intérieur. Elle devra autoriser les Etats membres à maintenir des secteurs réservés, des droits exclusifs d'exploitation sur une zone géographique, pour permettre des péréquations sociales et territoriales, l'égalité de traitement des usagers et la fourniture du service public à moindre coût. Un moratoire sur les libéralisations devra être établi dans les secteurs visés tant qu'une directive cadre sur les services publics n'aura pas précisé les conditions de leur pérennité (poste, énergie, transports, contrôle aérien).

    Inverser le calendrier européen

    Les fervents européens que nous sommes ne peuvent plus admettre qu'à chaque pas en avant de l'édification européenne, ce soit un peu de leur idéal qu'ils doivent abandonner.

    L'élargissement à 10 nouveaux pays doit être l'occasion non pas d'un renoncement supplémentaire mais d'un ressaisissement. La dilution irréversible de l'Europe dans une vaste zone de libre échange conduirait les socialistes à passer le point de non retour à partir duquel il sera impossible de mener une politique européenne à caractère socialiste.

    C'est pourquoi nous faisons le choix d'une stratégie offensive : démocratiser d'abord pour mieux élargir ensuite. Nous exigeons des garanties préalables à l'élargissement, seules conditions de sa réussite, et dernier instrument pour peser sur le cours des négociations sur le futur projet politique européen. Le calendrier européen tel qu'il nous est maintenant proposé, d'abord l'élargissement ensuite la Constitution politique européenne, doit être inversé. C'est parce que nous aurons obtenu satisfaction sur la démocratie en Europe que l'élargissement deviendra le grand projet politique du siècle qui débute.

    Plus de dix ans après la chute du rideau de fer, l'élargissement est devenue une obligation historique. Mais l'élargissement dans les institutions actuelles mènerait à la paralysie d'un système qui ne fonctionne pas à 15 et serait bloqué à 25. L'élargissement ne peut signifier l'enlisement du projet politique européen. Ce serait la victoire des partisans d'une zone de libre échange, sans gouvernement ni règles sociales et fiscales communes, ouverte aux dumpings et aux mafias, soumise aux seules forces du marché. Nous n'avons plus d'autre choix que celui d'une République européenne, fédérale avec les pays d'Europe de l'Est si ceux-ci partagent ce projet. C'est pourquoi nous exigeons des garanties préalablement acquises sur une véritable démocratie européenne que seule accomplira la ratification de la future Constitution européenne par référendum avant l'élargissement. Nous voulons aussi que le peuple souverain soit ensuite appelé à dire son mot sur l'élargissement. C'est la condition sine qua non pour retrouver la confiance perdue des citoyens dans le projet européen et ancrer durablement l'Europe politique dans le cœur de nos concitoyens. C'est le dernier levier sur lequel pourront encore s'appuyer les pays et les forces sociales qui veulent une avancée de l'intégration politique européenne.

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II/ Fonder la République nouvelle

 
La fondation d'une République nouvelle est la seule réponse crédible à la crise civique qui détruit à petit feu la démocratie française. 14 millions d'abstentionnistes, 6 millions d'électeurs jetés dans les bras de l'extrême droite, moins de la moitié de la population en âge de voter choisissant un parti de Gouvernement ; l'actuel Président de la République choisi au premier tour par 1 français sur 10, des votes de plus en plus extrémistes et volatils, un jugement sévère sur les responsables politiques, la haine et la violence s'installant à leur égard, le sentiment d'une impuissance générale de l'action publique. Qui soutient encore ce régime, et qui croit encore dans ses capacités de représentation et d'action ?

Qui soutient encore la Vème république ?

Le diagnostic est connu, mais le mal poursuit sa croissance scrutin après scrutin. Le 21 avril, ce n'est pas seulement l'échec de Lionel Jospin, des socialistes et de la gauche. C'est une crise civique sans précédent, un affaissement irréversible de la confiance accordée à un système politique auquel nous avons eu grand tort de nous accrocher. Il n'est pas notre œuvre , il a discrédité sans aucune exception tous ceux qui s'y sont logés en croyant y trouver leur confort. En se complaisant ainsi dans les institutions de la Vème République, la gauche a sacrifié une part considérable et précieuse de son identité.

Les socialistes savent depuis toujours que la démocratie est le seul instrument du progrès économique et social et la dernière arme contre la toute-puissance du marché. Une République vivante, profondément démocratique, doit s'appuyer sur la délibération collective et rejette les pratiques féodales ou oligarchiques, donne toute sa place aux citoyens, et permet à ceux-ci d'imprimer leur marque sur les choix politiques qui deviendraient les leurs.

Partout où la démocratie est absente, dans l'économie capitaliste, dans l'Union européenne, au sein des instances internationales, c'est la concurrence des intérêts privés, la loi des marchés et de la maximisation du profit, le droit du plus fort qui l'emportent. C'est pourquoi la 6ème République, qui installera le citoyen en son cœur, est pour nous un projet global, à la fois politique, économique et social, culturel, européen et international.

Tous les grands dirigeants socialistes ont fait de la République et des outils qu'elle offre à leur projet un axe central de leur combat. Jean Jaurès décrivait la République comme " l'humus du socialisme ", " le terreau fertile " sur lequel pouvait germer notre projet. Léon Blum, au Congrès de 1934 de la SFIO s'interrogeait à son tour sur la nature de l'exercice du pouvoir à l'intérieur d'une République qui devait lui asséner le coup fatal. Pierre Mendès-France, dans " La République Moderne " (1962), et François Mitterrand dans " Le coup d'Etat permanent " (1964) ont décrit avec une ironie assassine l'inspiration bonapartiste de nos institutions, leur caractère autoritaire, anti-délibératif et anti-parlementaire.

La reconquête des années 70, le rassemblement des forces de gauche, puis leur triomphe en 1981, se sont appuyés sur la critique radicale parfois violente du système politique français auquel les socialistes d'aujourd'hui se sont tristement ralliés. C'est cet étendard tombé à terre que nous voulons reprendre et qu'il nous faut à nouveau brandir.

Fonder une 6ème République

Le temps n'est plus, pour nous, au constat éploré. Il est urgent de restaurer la confiance perdue entre les citoyens et leurs représentants et de réconcilier les français avec la chose publique. Il faut repasser un vaste contrat avec tous les français sur l'exercice du pouvoir, de tous les pouvoirs, qu'ils soient national, européen ou décentralisé, parlementaire, gouvernemental ou présidentiel, administratif ou judiciaire.

Depuis 1958, la constitution a été, à 17 reprises, raccommodée, toilettée ou amendée. Notre ambition va bien au-delà ce ces efforts, souvent dérisoires et contrecarrés par les conservatismes de tout acabit.

C'est une Assemblée constituante qui devra donner le signal de cette refondation de la démocratie française, dont nous devons être les architectes, avant que son œuvre ne soit soumise au peuple par voie référendaire.

N'oublions pas qu'à ce jour tous les partis politiques républicains, à l'exception de l'UMP et du Parti socialiste, réclament la fondation de la 6ème République. Le Congrès de Dijon sera l'occasion de laisser l'UMP seule à défendre les lambeaux de cette République discréditée.

Cet acte fondateur ouvrira l'horizon de la réforme, reformera l'espoir et la confiance dans l'esprit public et rassemblera par l'audace nombre de français autour d'un projet collectif et d'une juste ambition.

Nous proposons une 6ème République qui engagera la France dans la voie de la démocratie moderne : davantage de transparence et de contrôle, davantage de responsabilité et de pluralisme, davantage de délibération et de participation. La IVème République aura été celle des partis, la Vème celle des technocrates, la 6ème République sera enfin celle des citoyens.

1- Une démocratie parlementaire

    L'élection du Président au suffrage universel et les pouvoirs exorbitants qui lui sont conférés sans contrôle ont déséquilibré notre vie politique. La dernière élection a montré, une fois de plus, les limites et les dangers de cette institution : pauvreté du débat démocratique, personnalisation à l'extrême. Les français subissent aujourd'hui une politique qu'ils n'ont pas démocratiquement choisie et sont présidés par un quasi-délinquant, utilisant le sanctuaire présidentiel comme le lieu d'une impunité, destructrice de l'esprit égalitaire de la République.

    Ce qui est en question, c'est l'esprit de responsabilité et de contrôle qui fait aujourd'hui défaut à la plus haute charge de l'Etat, comme dans aucun pays au monde. C'est là le principe de tout gouvernement exerçant au nom du peuple et sous son contrôle : il doit rendre des compte devant les représentants du peuple, quand aujourd'hui nous ne connaissons que le fait du Prince.

    Nous proposons de transférer au chef de gouvernement, qui agit sous le contrôle permanent des autres pouvoirs, parlementaire et judiciaire, la totalité des prérogatives actuellement entre les mains du Président de la République : la nomination aux emplois civils et militaires, le droit de dissolution ainsi que les prérogatives en matière de diplomatie, de défense, et d'impulsion en matière de politique générale. L'article 16 doit disparaître. Ainsi que le 49-3. La France, dotée d'un régime parlementaire de nature primo ministérielle ressemblera ainsi à tous ses partenaires européens.

    Un parlement transformé en profondeur

    Le Parlement a pour mission de faire la loi, d'autoriser l'impôt, la dépense, la guerre et de contrôler l'exécutif.

    Il ne fait rien de tout cela, ou si peu. Il faut lui redonner la plénitude de ses fonctions.

       le mandat national unique

      Sans équivalent dans les grandes démocraties modernes, la tradition française du cumul des mandats doit être abandonnée. C'est un préalable. Les mandats nationaux doivent être des mandats uniques et les parlementaires se consacrer pleinement à la tâche pour laquelle ils sont élus. Cette réforme doit s'accompagner du maintien de l'élection dans le cadre d'une circonscription au scrutin majoritaire à deux tours, de l'instauration d'une dose de proportionnelle et d'un statut de l'élu. Enfin, pour assurer le renouvellement constant du personnel politique, les mandats, aussi bien locaux que nationaux, devront être limités dans le temps à la durée de trois mandats identiques consécutifs.

       le retour de l'initiative parlementaire

      Pour permettre au Parlement de faire la loi et qu'il ne soit plus une simple chambre d'enregistrement, il faut lui redonner l'initiative législative en lui conférant la maîtrise de son ordre du jour, ce qu'il a perdu depuis 1958. De nombreuses règles de fonctionnement du Parlement devront être transformées : augmentation du nombre de commissions parlementaires permanentes ; revalorisation du travail en commission, base de la discussion en séance publique ; limitation de l'usage du vote bloqué ; abrogation de la demande par le Gouvernement d'une nouvelle délibération ; concertation préalable obligatoire des organisations ou associations concernées par un futur texte législatif ; contrôle approfondi des ordonnances prises par le Gouvernement sur délégation parlementaire ; création d'une commission permanente relative aux questions européennes chargée d'autoriser préalablement le Gouvernement à négocier dans le cadre de l'Union.

       le contrôle sur le gouvernement et les finances publiques, enfin

      Pour permettre au Parlement de contrôler l'exécutif, il faut placer la Cour des comptes sous son autorité comme en Angleterre et permettre la saisine des corps de contrôle de l'administration. Il faut également rendre possible, indépendamment de l'engagement de la responsabilité du Gouvernement dans son entier, l'engagement de la responsabilité individuelle des ministres.

      Il est nécessaire de faciliter les créations des commissions d'enquête et d'en réserver de droit à l'opposition, de donner la présidence de la Commission des finances à l'opposition, et de réformer plus avant la constitution financière de l'Etat. Il est, par ailleurs, indispensable d'organiser le contrôle par le Parlement des décrets d'application qui ne relèvent aujourd'hui que du caprice gouvernemental d'appliquer ou non les décisions du Parlement. A ce titre, le droit pour le Parlement de saisir la future Cour Constitutionnelle sera ouvert pour faire injonction au Gouvernement et vaincre son éventuelle inertie.

      Afin d'instaurer la transparence, un contrôle du Parlement sur les nominations de fonctionnaires de premier rang doit être institué. En outre, les relations contestables entre la haute administration et les responsables politiques doivent conduire à rendre incompatibles l'exercice de fonctions ministérielles ou électives nationales avec la qualité de haut fonctionnaire. La démission sera automatique dès l'accession aux fonctions ministérielles.

      Pour accroître le contrôle des citoyens sur leurs représentants, un droit de pétition des citoyens sera ouvert, sous condition de quorum, contraignant à l'ouverture d'un débat suivi d'un vote. Nous ne ferons que renouer ainsi avec la tradition des résolutions.


    Une deuxième chambre des forces vives

    Lionel Jospin a eu raison de dire que le Sénat est une anomalie. Il est un facteur non de sagesse mais de blocage des réformes pour la société française. C'est pourquoi nous proposons de le transformer en une Chambre des forces vives évoquée autrefois par Pierre Mendès France, où siégeraient, outre les représentants des collectivités locales élus au scrutin proportionnel intégral dans un cadre régional, les représentants des forces économiques et sociales de la nation.

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2- La République appartient aux citoyens

    Pour engager cette renaissance démocratique, la participation des citoyens doit devenir l'une des pierres angulaires de la 6ème République. Inventer une nouvelle République, ce n'est pas seulement changer de Constitution, c'est créer les conditions de la participation des citoyens. C'est dépasser l'opposition si pratique entre démocratie représentative et démocratie participative. Partout dans le monde, au Nord mais encore plus au Sud, s'inventent des façons de faire vivre la démocratie qui ne la limite pas au droit de vote, première des conquêtes.

    Le pouvoir local est conçu, dans les Etats fédéraux, comme un élément essentiel de la séparation des pouvoirs. En France, il est devenu par bien des aspects un système féodal, aggravé par le cumul des mandats et une conception dogmatique de l'indivisibilité de la République, du peuple français et de sa langue édifiée par le seul Conseil Constitutionnel. Sa jurisprudence, construite à l'écart de tout débat politique et public sur ce sujet, a ainsi élevé un véritable barrage constitutionnel avec l'exigence d'uniformité comme ciment. Du coup, le terrain de l'évolution de notre droit des libertés locales, même très contrôlé, ressemble à un champ de ruines ; depuis l'interdit de la Charte européenne des langues et cultures régionales jusqu'au statut de la Corse en passant par la perte de l'autonomie fiscale. Cette énième exception française est d'autant plus problématique que toutes les grandes démocraties, et celles d'Europe en particulier, ont su adapter leur État territorial à la diversification de leur espace national. Et celui-ci ne s'en porte que mieux, en faisant des pouvoirs locaux des écoles de la démocratie. Il ne s'agit donc pas de craindre la dilution de la République dans une Europe des Régions, mais de savoir si la République peut relever le défi de la modernité en son propre sein. Comme le disait Pierre Mauroy en juillet 1982 : "Il faut dorénavant enraciner l'unité de la République dans l'autonomie et la diversité des collectivités". C'est un programme qui reste à réaliser. La décentralisation, au lieu de rapprocher le citoyen du décideur comme le voulait la loi de 1982, est devenue un champ complexe d'inégalités, de confusion et de confiscation des pouvoirs. La 6ème République doit donc mettre en œuvre un vrai pouvoir local démocratique et en intégrer le droit dans sa Constitution.

    Clarifier les compétences des territoires

    La législation actuelle repose sur une fiction : celle des "blocs de compétences" que devaient respecter les communes, départements et régions. C'est le contraire qui en a résulté. Plus personne ne sait qui fait quoi, et les financements croisés ajoutent au brouillage des interventions. Tous les niveaux de gestion ont été conservés et d'autres ont été crées dans le cadre de  l'intercommunalité. Les programmes européens ajoutent encore de l'opacité. L'objectif de fusion de plusieurs échelons territoriaux doit être posé et réglé dans le cadre de la nouvelle République.

    Libérer la créativité des pouvoirs locaux

    Suite à des transferts de compétences clairs, complets et selon un droit commun à toutes les collectivités, celles-ci pourront adapter une loi ou adopter une réglementation pour une durée limitée sous réserve de validation par le législateur. Le pouvoir réglementaire, aujourd'hui réservé au seul Premier ministre, doit être donné aux exécutifs régionaux dans le champs de leurs compétences, pour mieux adapter la loi et sous le contrôle du juge.

    Décentraliser la vie politique

    Ce sera une des premières conséquences de l'instauration du mandat législatif unique. Aujourd'hui, le cumul a pour conséquence locale de créer des féodaux qui échappent au contrôle de leur parti. Il crée des inégalités entre les territoires selon le "poids" de l'élu qui les représentent : les accès à l'administration centrale et les subventions qui en sont retirées varient en conséquence. De plus, l'accumulation des mandats déresponsabilise les élus locaux : ce sont les conseillers, les cabinets ou les administrations déconcentrées qui instruisent les dossiers et prennent les décisions à leur place. L'exclusivité du mandat local, et sa limitation dans le temps, iront avec un statut de l'élu garantissant à tous les moyens humains et matériels de l'exercice de celui-ci et la garantie du retour à l'emploi.

    Intégrer le citoyen dans l'institution locale

    L'élection doit être un principe constitutionnel pour la désignation de toute fonction dans une collectivité locale. Ainsi les assemblées de coopération à fiscalité propre seront-elles désignées au suffrage universel direct. Les étrangers non communautaires résidant depuis plus de cinq ans sur le territoire de l'une ou l'autre collectivité y auront le droit de vote. Le référendum local d'initiative minoritaire sera de droit. Afin de mettre un terme à la confusion des rôles et de donner une réelle autonomie au pouvoir délibératif, l'exécutif sera distinct de la présidence des assemblées locales. Il sera responsable devant elles. Un droit de saisine des Chambres Régionales des comptes sera ouvert aux associations de contribuables ou d'usagers.

    Les citoyens pourront provoquer sous condition de quorum des consultations référendaires dans le cadre des compétences des collectivités territoriales. Ces référendums seront décisionnels et pourront être abrogatifs. Le droit de pétition des citoyens permettra l'inscription obligatoire d'une question aux ordres du jour. Les comptes rendus de mandat réguliers, dans les collectivités territoriales, doivent être rendus obligatoires.

    Pour favoriser un dialogue à armes égales entre citoyens et élus, la procédure du budget participatif sera expérimentée, puis instituée. Elle associe les citoyens à l'expression des priorités géographique ou thématique d'une ville ou d'une région préalablement au vote du budget. L'acte politique majeur de toute collectivité est le plus souvent un champ clos des pouvoirs techniciens. Le budget participatif sera une avancée considérable, un réel partage du pouvoir et une formidable pédagogie de la République à l'égard des élus et au profit des citoyens.

    Afin de mettre un terme à la confusion absolue des rôles et de donner une réelle autonomie au pouvoir délibératif, l'exécutif sera distinct de la présidence des assemblées locales. Il sera responsable devant elles. Un droit de saisine des Chambres Régionales des comptes sera ouvert aux associations de contribuables ou d'usagers.

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3- Égaux et pluriels : citoyens d'une même République

    L'idée républicaine est bafouée quand sa promesse d'égalité n'est pas respectée. Le combat pour l'exercice réel des droits civiques et l'égal accès aux responsabilités ne fait que commencer. Il sera gagné quand notre République, que nous voulons laïque et forte, aura appris à traiter sa diversité.

    De la parité formelle à la mixité réelle

    Le nouveau féminisme ne s'arrête pas aux frontières de la République. Belle victoire constitutionnelle, la parité bénéficie dans les faits d'un "portage" politique bien tiède dès que les élections se rapprochent. Si la loi relative à la parité a permis de faire passer le taux des conseillères municipales des villes de plus de 3.500 habitants de 22 à 47,5 %, en revanche, au moment des élections législatives, les partis politiques tout comme ces industriels qui choisissent de payer le droit de polluer- ont préféré payer l'impôt "femmes " plutôt que d'entre ouvrir la porte à celles qui représentent la moitié de l'humanité. Le PS avec 168 circonscriptions pour les femmes sur 465 (il a cédé 112 circonscriptions à la gauche plurielle) perd 1,5 millions d'euros et le Groupe socialiste affiche une régression dans sa représentation féminine qui passe de 18 à 16 %. Ce recul, en dépit d'une loi qui avait soulevé une réelle espérance, correspond à la montée d'un anti-féminisme diffus et préoccupant. Il participe d'un recul général de la démocratie.

    Le non respect de la parité constitue un manquement aux dispositions désormais inscrites dans la Constitution. La loi doit donc devenir plus contraignante qu'elle ne l'est : Il faudra peut-être aller jusqu'à sanctionner les partis ne respectant pas la loi des 50% de candidates par la suppression complète de la subvention financière de l'Etat.

    L'Etat doit être exemplaire et mener une politique volontariste de représentation des femmes. En tant qu'employeur, il doit favoriser l'égalité dans les rémunérations dans la fonction publique et l'égal accès aux responsabilités

    La question des droits des femmes sera de la responsabilité directe du Premier Ministre qui chaque année présentera devant le Parlement un rapport sur l'état de la question assorti de propositions et d'engagements.

    Le refus des discriminations en politique

    Les Français issus de l'immigration sont électeurs et éligibles ! A force d'être uniforme dans ses principes, la République assure mal l'égalité des droits politiques, et la représentation de la société dans sa diversité. Nous portons notre part de responsabilité dans la montée de l'abstention parmi des Français qui éprouvent un sentiment d'abandon, ou dans le glissement vers la droite d'une part de l'électorat issu de l'immigration.

    Trop souvent absents des listes de candidats, et plus encore des responsabilités électives, appelés en renfort, mais jamais en haut de l'affiche, beaucoup sont tentés par l'abstention. Sur ce terrain où notre pays n'est pas en avance, le PS lui-même est en retard. Seule une action méthodique et affirmée, quand s'élaborent les listes de candidats, quand se décident les nominations au sein de l'Etat permettront d'apporter remède à ces déséquilibres dans la représentation des Français. Oui, l'égalité est un résultat.

    Ce résultat doit être recherché et obtenu à tous les niveaux de représentation locaux et nationaux, où il faudra veiller à ce que les Français issus de l'immigration qui le souhaitent, accèdent aux responsabilités.

    Les outre-mers dans la nouvelle République

    Nourrie de luttes communes et de progrès pour l'égalité des droits, les relations entre les outre-mers et la gauche sont pourtant marquées aujourd'hui par un soupçon né d'une pratique décevante. Nos concitoyens d'outre-mer lisent trop souvent l'incompréhension et l'indifférence dans le regard que portent les socialistes sur leurs réalités quotidiennes. Leur exigence est aujourd'hui d'autant plus forte à l'égard du Parti socialiste, que chacun sait bien que la droite ne comprend pas l'outre-mer mais qu'elle s'en sert.

    Le lien fort qu'il faut tisser est d'abord fait de respect réciproque, mais pas seulement. Car cette relation doit se construire sur une vision durable de la place des peuples d'outre-mer dans la République. D'eux, nous avons beaucoup à apprendre pour mieux vivre dans une France multiculturelle. Sans porter atteinte à l'égalité des droits qui réunit tous les français, nous devons répondre à l'aspiration à davantage de responsabilités locales, et aux moyens de les exercer réellement. Pour cela, le PS doit ouvrir au plus tôt en son sein un débat d'orientation. Il devra s'affranchir d'une vision étriquée, concédant à regret des politiques de développement ou de solidarité. Nous devons refuser de nommer " assistanat " outre-mer ce que dans l'hexagone, on baptise solidarité. A l'écoute de la société française, le PS doit l'être de l'outre-mer.

    Le vote des étrangers

    Le droit de vote des étrangers aux élections locales, sous condition de résidence, doit être la première de ces réformes, comme un engagement pris depuis si longtemps qu'il figure à ce jour sur la liste des manquements à réparer d'urgence.

    Ce principe, aujourd'hui admis par une majorité de Français, répond pourtant à un impératif majeur : celui d'offrir à tous les individus qui contribuent ou qui ont contribué à faire de la France ce qu'elle est, la possibilité de participer à la vie démocratique locale de notre pays. Pas besoin de sortir d'une grande école pour mesurer l'impact catastrophique (au plan électoral) que nous auront coûté toutes nos tergiversations ! Les voix qui nous ont manqué chez nos nombreux sympathisants, défenseurs déçus du droit de vote, sont bien plus nombreuses que les voix de ses détracteurs qui ne nous auraient de toute façon jamais rejoints. On connaît le résultat. Nous avons, sur ce sujet, perdu toute notre crédibilité.

    Sur ce sujet également, il n'y a évidemment rien à attendre d'autre de la droite que des effets d'annonce opportuns et vite démentis. Les contradictions qui découlent de cet interdit politique imposé aux étrangers sont encore plus criantes si l'on s'en réfère à la possibilité offerte aux étrangers communautaires de s'exprimer lors des consultations municipales et européennes. Une responsable associative tunisienne vivant en France depuis 30 ans ne bénéficie donc pas des mêmes droits qu'un allemand récemment installé sur le territoire. Demain, avec l'élargissement de l'Union européenne, un polonais non francophone sera du jour au lendemain plus digne de voter en France que cette même tunisienne !

    Cette inégalité crée une catégorie d'étrangers intégrée par nature dans la communauté nationale car native d'un pays de l'union, et une catégorie exclue par défaut car née dans un pays extra-communautaire. Cette forme de nativisme conduit donc à instituer les contours d'une bonne immigration, blanche et européenne et celle d'une immigration de seconde zone, de couleur et provenant essentiellement de nos anciennes colonies. Les ravages de cette logique minent chaque jour un peu plus le pacte républicain et notre cohésion sociale et nationale.

    La citoyenneté du vécu a plus de force que la citoyenneté du décret. Le Parti socialiste doit donc faire la promotion d'un nouveau modèle de citoyenneté, fondé sur la résidence. Intégrés dans la vie économique et sociale depuis de nombreuses années dans notre pays, les étrangers ont bien vocation à participer activement à la vie démocratique du pays. La citoyenneté du vécu doit être reconnue au plan local, départemental et régional. Ainsi la mise en œuvre du droit de vote pour les étrangers aura rapidement des effets sur la manière dont les élus locaux appréhendent cette population : contribuables devenus citoyens et le plus souvent électeurs, les étrangers verront alors leurs droits reconnus dans de nombreux domaines cruciaux pour la vie de tous les jours (logement, santé, etc.).

    Les futurs débats autour de la loi relative à la décentralisation offriront à notre parti une chance de montrer sa détermination dans cette voie en utilisant tous les moyens à sa disposition pour faire que les référendums locaux prévus par la loi aient vocation à être ouverts à tous, français et étrangers. Une république plus démocratique, c'est d'abord une république qui consulte tous ses citoyens. Enfin, partout ou ils sont aux responsabilités, les élus socialistes doivent à tous les niveaux, relancer des structures de participation ouvertes à tous les étrangers.

    Nous devons :

       Revendiquer le droit de vote des étrangers pour l'imposer réellement demain !

       Imposer la citoyenneté de résidence, fondée sur le vécu et non sur la seule détention de la carte d'identité, comme référentiel politique d'intégration.

       Mettre en œuvre tous les moyens pour imposer à la droite d'ouvrir les référendums locaux aux étrangères et aux étrangers présents sur le territoire.

       Inciter les élus socialistes à mettre en place des structures de démocratie participative ouvertes aux étrangers.


    Vers la cité numérique

    Dans la société en réseau qui émerge sous nos yeux, l'accès libre et égal à l'information, la participation à la délibération et à la décision doivent être profondément améliorés. La révolution numérique transforme t-elle la politique ? A coup sûr si elle est au service d'une ambition démocratique qui s'appuie sur le partage et l'échange, et qui fait de l'Internet un outil pour faciliter l'expression publique des citoyens et des groupes et la confrontation active des idées. C'est pourquoi, il est essentiel de ne pas abandonner l'Internet à la contre-révolution libérale qui promeut un espace marchand de plus en plus concentré autour de quelques grands groupes.

    Pour cela, notre projet doit se donner trois objectifs :

       des espaces nouveaux pour la démocratie participative. A chaque étape de l'élaboration de la décision publique, l'Internet doit être mise au service de l'information et de la transparence, de l'élaboration collective de propositions, des débats directs entre citoyens, élus et experts.

       un Internet de service public, alternative à la marchandisation des services en réseau. L'enjeu est tout d'abord de garantir les droits fondamentaux (sécurité, protection de la vie privée) en régulant les opérateurs marchands, mais aussi de fournir un accès gratuit au patrimoine culturel commun.

       le droit à l'Internet pour tous. L'accès au haut débit fait partie du service de base dû à chaque citoyen, au même titre que l'eau ou l'énergie. Généralisée dès l'école, la formation à l'Internet doit également être ouverte aux autres générations.

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4- La Justice, indépendante et responsable

    La nouvelle République doit s'engager dans la construction d'un pouvoir judiciaire indépendant et responsable.

    La gauche a échoué à réconcilier les citoyens avec l'institution judiciaire, celle du quotidien d'abord. Mais aussi celle qui allaient vers la responsabilité des juges et la réforme des parquets. La réforme avortée des tribunaux de commerce illustre le poids de nos propres conservatismes. La place que doit occuper l'institution judiciaire dans la République sera donc repensée. La justice ne peut plus être dépendante du pouvoir exécutif et de ses intérêts, mais elle doit pouvoir faire l'objet d'un droit de regard des citoyens, d'un contrôle de ses actes et doit accepter la mise en jeu de sa responsabilité.

    Une Cour constitutionnelle élue...

    La naissance d'un pouvoir judiciaire repose sur la création d'une Cour constitutionnelle émanant dans sa composition des représentants de la Nation. Cette Cour sera revêtue de la légitimité élective : les membres de la Cour constitutionnelle seront élus par vote consensuel aux trois quarts des voix des députés à l'Assemblée Nationale sur proposition du Président de la République, pour une durée de neuf ans, avec renouvellement par tranches. Le Président de la Cour sera élu par ses pairs et non plus nommé, comme aujourd'hui. L'actuel Conseil constitutionnel, politisé et partisan, sera ainsi renforcé en disparaissant dans sa forme actuelle, dans sa légitimité et dans son impartialité.

    ...aux pouvoirs augmentés...

    Cette Cour constitutionnelle sera chargée de contrôler le respect de la Constitution par l'ensemble des pouvoirs :

       le pouvoir législatif, sous la forme d'un contrôle de constitutionnalité des lois. Il sera enfin possible à tout citoyen de saisir la Cour à l'occasion d'un litige engagé devant les tribunaux.

       le pouvoir exécutif, dont les décisions échappent aujourd'hui au contrôle de respect de la Constitution.


    ...garante de l'indépendance et de la responsabilité des magistrats

    Cette Cour sera placée à la tête de la hiérarchie judiciaire subordonnant à ses décisions le Conseil d'Etat et la Cour de cassation. Elle exercera les fonctions de l'actuel Conseil Supérieur de la Magistrature, et garantira l'indépendance de la magistrature du siège, l'impartialité du comportement de ses membres, et assumera le contrôle sur les nominations des juges.

    La séparation sera désormais consommée entre ces juges, chargés de juger en toute indépendance, et les Procureurs chargés de l'accusation publique au nom du Gouvernement et de la société. Ceux-là recevront leurs instructions du pouvoir exécutif sous réserve des garanties liées à leur statut ; mais ils seront placés sous le contrôle politique du Parlement et des parlementaires exerçant ce contrôle au nom des citoyens sur les actes des parquets, sur le terrain, sur place et sur pièces.

    Face à l'indifférence et au populisme, nous ne pouvons nous résigner et continuer à faire comme si tout allait pour le mieux dans la meilleure des Républiques possible. Cet immobilisme est non seulement une erreur, parce qu'il n'entend pas la demande de démocratie qui émane de la société, mais il sera demain une faute lorsque la dépolitisation aura fait le lit de l'extrémisme. C'est pourquoi nous devons nous réapproprier ensemble, autour du projet de la 6ème République, notre démocratie.

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III/ Une croissance forte,
durable et partagée

 
Le retour au plein emploi et l'amélioration du niveau de vie des Français appellent une politique de croissance - de croissance forte, durable et solidaire - si évidemment nécessaire dans une France et une Europe où coexistent, d'un côté, tant de chômeurs, de l'autre tant de besoins insatisfaits.

A rebours des sociaux-libéraux qui séparent l'économique du social, en donnant naturellement la priorité au premier, et limitent le rôle de la puissance publique à la réparation des dégâts sociaux de la mondialisation, nous pensons que progrès économique et justice sociale peuvent et doivent aller de pair.

"Il faut produire avant de redistribuer" disent-ils, comme si le choix des biens et services à produire et leur quantité ne dépendait pas de leur répartition. Nous sommes persuadés, nous, qu'une juste répartition des fruits de la croissance constitue une condition de son dynamisme et sa pérennité. Nous estimons que notre pays, dont une partie des capacités de production reste inemployée, souffre aujourd'hui avant tout d'une demande insuffisante, due aux effets très négatifs de la politique anti-sociale de la droite sur le pouvoir d'achat des ménages, et en particulier des plus modestes, dont la propension à consommer est la plus élevée.

A l'inverse, la bonne stratégie est d'enclencher un cercle vertueux qui associe gains de pouvoir d'achat, restauration de la confiance des agents économiques, croissance de la consommation, d'où de l'investissement et de l'emploi, et donc in fine de la production et des revenus. Ce cercle vertueux exige une politique économique volontariste - salariale, budgétaire, fiscale - qui n'ignore pas la nécessité de tenir compte de certains grands équilibres, mais ne s'y soumet pas. L'Etat, notre Etat, l'Etat des citoyens, n'est pas un "arbitre" car les joueurs n'y sont pas à égalité.

Il doit donner, démocratiquement, une direction et une impulsion à la vie de la Nation. L'acceptation de l' " économie de marché " recouvre ainsi trop de renoncements car elle sous-entend que l'économie ne peut avoir qu'un seul guide : le marché. Or, peut-il y avoir économie de marché au sens strict sans société de marché comme si, une nouvelle fois, économique et social étaient étanches ? Sans instabilité financière, sans crises récurrentes ou sans déséquilibres durables de sous-emploi ? Nous ne le croyons pas. Il faut donc plutôt parler d'une " économie avec marché ", qui fasse une large place à l'action consciente de la collectivité publique, et qui comprenne en son sein différentes formes de production, notamment, et de plus en plus, non-capitalistes et/ou non-marchandes : coopératives de production, entreprises reprises par leurs salariés, notamment dans le cas de sociétés en difficulté (le dispositif existant devant être rendu d'un usage plus facile et plus répandu), économie sociale et solidaire, entreprises à finalités sociales, notamment de réinsertion, et bien sûr services publics, fondés sur le principe de gratuité et de péréquation tarifaire.

Comment rendre du pouvoir d'achat aux salariés et aux ménages ? La richesse est produite collectivement; elle doit être répartie équitablement. Il faut à la fois, d'une part, modifier la répartition des revenus, en favorisant l'accroissement des salaires et d'abord des travailleurs les moins favorisés, d'autre part, mener une politique active, et sans complexes, de redistribution des revenus, en faveur des ménages les plus modestes. Certains parmi nous ont acté ce nouveau partage entre le capital et le travail et proposent de compléter les salaires par la Prime Pour l'Emploi, l'épargne salariale ou la défiscalisation des stock-options. Nous refusons de considérer fatal ce partage inégal de la richesse produite. Il est socialement injuste et, économiquement inefficace. Notre priorité c'est la revalorisation des salaires, c'est à dire de la rémunération directement liée au travail.

Il y a un paradoxe dangereux à constater à la fois :
     Que d'une part, notre pays crée chaque année de plus en plus de richesses et que la redistribution de ces richesses rémunère de mieux en mieux le capital et de moins en moins bien le travail.

     Que d'autre part, on dénonce un niveau d'aide sociale trop élevé qui n'incite pas à la reprise d'emploi et que simultanément, avec la PPE, c'est l'Etat qui met la main à la poche pour compléter les revenus des salariés les plus modestes parce que leur salaire est devenu trop faible.
La réalité c'est qu'aujourd'hui notre économie, à l'heure des comptes, n'en fait surtout pas assez pour les salaires.

Notre objectif politique prioritaire et donc d'inverser la logique de ce partage inéquitable entre le capital et le travail. Rien ne justifie que l'Etat libère, grâce à la PPE, les entreprises de l'obligation, par la négociation sociale, de redistribuer les gains de productivité sous forme d'augmentation de salaires. L'Etat n'a pas à sacrifier des dépenses publiques par ailleurs indispensables au maintien de la cohésion sociale, au financement de ses missions régaliennes, à la relance de l'investissement public, pour venir au secours d'une mécanique infernale qui favorise la rente sur le travail.

1- Le salaire, moteur de la croissance

    Chacun doit mesurer, selon les leçons du 21 avril, les dangers qui guettent notre société, dans l'apparition du conflit qui s'installe entre les travailleurs pauvres et ceux pris dans les filets de l'assistance, affrontement de voisinage social entre Smicards et Rmistes. Mais aussi de façon générale du fait du tassement des salaires. Un salarié sur deux gagne moins de 1 311 euros (8600 F). Deux salariés sur trois gagnent moins de 1 524 euros (10 000 F). Le problème des salaires est déterminant en France. Nos salaires, en France, même pour des salariés très qualifiés, n'ont pas suivi les gains de productivité, ni la croissance.

    Des salaires décents

    La solution est de mettre en place une politique salariale digne de ce nom. L'émergence des travailleurs pauvres n'est pas admissible. C'est une pente à laquelle il ne faut pas s'abandonner, même si il s'agit de la pente naturelle de l'idéologie libérale. Dans ce domaine, notre pays n'a pas à être fier de ses performances. La part des salaires a reculé de plus de dix points entre 1995 et 2000. Malgré des discours martiaux tenus par les uns ou par les autres, il n'est ni moderne ni juste.

    Augmenter fortement le Smic

    Le Gouvernement Raffarin prétend qu'il va effectuer une hausse du Smic de 11,4 % qui concernerait les 2/3 des smicards afin de "rattraper" l'écart entre les "six Smic" : c'est là pure escroquerie. En fait, seulement un travailleur au Smic sur cinq, soit moins de 600 000 des 2,68 millions de smicards, est concerné par la "hausse" du Smic annoncée par François Fillon, qui prévoit que ce "rattrapage" s'effectuera en trois ans. Pendant ce temps, entre 2004 et 2006, 80 % des travailleurs au Smic, plus de deux millions de personnes, verront leur pouvoir d'achat régresser ou, au mieux, stagner. Nous voulons corriger cela et organiser un plan quinquennal de revalorisation substantielle du Smic.

    Les minima conventionnels indexés sur le Smic

    De façon générale, le patronat refuse de négocier les salaires. Aujourd'hui 80 % des minima conventionnels sont en dessous du Smic, malgré tous les efforts, malgré tous les rappels à l'ordre. C'est une remise en cause indirecte du Smic, puisque celui-ci n'est atteint qu'avec des compléments sous forme de primes et autres. Nous proposons que les minima conventionnels soient automatiquement ajustés par la loi sur le niveau du Smic et que tout élément négocié vienne en sus.

    Des négociations salariales vivantes

    Il y a de moins en moins de grilles actualisées des salaires, des métiers, des qualifications dans les conventions collectives. Le patronat leur préfère l'individualisation des salaires provoquant une dégradation des rapports salariaux. Il faut peser pour encourager, développer à nouveau les négociations de salaires collectives, à tous les niveaux. Les diplômes nationaux, la validation des acquis de l'expérience professionnelle doivent être introduits dans toutes les conventions, de façon à ce que la promotion sociale ait à nouveau un sens, à ce que les carrières soient à nouveau progressives.

    Cela implique que des grilles salariales, adaptées et actualisées à l'évolution des métiers et des techniques figurent obligatoirement dans tous les accords nationaux.

    On ne le sait pas assez mais depuis 1936 -et c'est l'un des grands acquis de la gauche -, il est du ressort de la puissance publique d'imposer les conditions pour que soient "étendues" les conventions collectives.

    Donc il est du rôle du gouvernement d'imposer que des grilles précises de salaires soient réintroduites comme condition sine qua non de l'extension d'une convention collective.

    Chaque année se déroulera une véritable conférence salariale tripartite, pour encadrer et planifier le ré-équilibrage indispensable des salaires, directs (net) et indirects (cotisations sociales des salariés et les cotisations patronales)

    Le soutien de la puissance publique aux petites entreprises

    Les petites et très petites entreprises ont besoin d'allègement de coûts, d'aides à l'emploi, de crédits d'impôt. Autant les grandes entreprises ont majoritairement des marges suffisantes pour payer les progrès salariaux, autant les petites entreprises doivent bénéficier d'aides spécifiques. L'intervention de l'Etat sous formes d'aides doit se faire différemment selon des seuils sociaux en aidant massivement les petites, en orientant les grandes vers une meilleure répartition.

    Le salaire (direct et indirect) doit augmenter en même temps qu'évoluent les besoins sociaux et que progresse l'économie. Ceci n'empêche nullement, en respectant les bases des salaires directs, d'élargir l'assiette des cotisations, de déplafonner selon les salaires, de faire cotiser notamment les entreprises à faible taux de main d'œuvre sur la valeur ajoutée, là où la machine a remplacé le salarié.

    Conduire la bataille du salaire minimum unique européen

    À monnaie unique, salaire minimum unique ! Comme la monnaie unique a été mise en place de façon volontariste, on peut établir un panel de salaires, fixer des modalités transitoires, et un calendrier précis sur cinq ou six ans. La volonté qui a présidé à la naissance de l'euro doit être aussi forte pour un salaire minimum: l'euro a été aligné au plus niveau sur le mark, le salaire minimum doit aussi être aligné sur le plus élevé.

    Encore davantage avec l'élargissement de l'Europe, l'élément clef de toute avancée concrète vers une Europe sociale, c'est la mise en place d'un salaire minimum unique européen.

    En même temps que nous donnerons une priorité aux salaires dans notre pays, il faut initier, défendre, développer la perspective d'un salaire minimum européen, non pas comme un simple slogan de routine, mais comme une proposition concrète et urgente à débattre et à planifier. Elle seule empêchera le "dumping social", l'alignement par le bas, la concurrence déloyale, au détriment des droits sociaux des travailleurs.

    L'égalité homme-femme dans le travail

    A travail égal, salaire égal au même niveau de qualification, et entre les femmes et les hommes.

    Une situation qui fait se côtoyer des salariés sur des mêmes postes de travail mais qui, alors qu'ils ont qualification, ancienneté, et expérience acquise égales, n'ont pas le même salaire est une situation intolérable. C'est devenu un fait courant, un déni de droit, une source de division inacceptable.

    Le rétablissement d'un seul Smic, de grilles de salaires actualisées doit tendre à éradiquer ce phénomène destructeur de tout principe de solidarité. Mais encore faut-il corriger des effets pervers par exemple qui amènent des salariés travaillant " à temps partiel à 34 h " à recevoir infiniment moins que la différence d'une heure qui les sépare du salarié qui reçoit 35 h payées 39 grâce à un " complément différentiel ".

    Même taux horaire, même salaire mensuel pour tous " à travail égal ". Surtout pour les femmes qui continuent à recevoir en moyenne 27 % moins que les hommes ! Il convient d'imposer le principe "à travail égal, salaire égal" en introduisant les pénalités qui manquent dans le Code du travail. L'inspection du travail, ou bien les syndicats, doivent pouvoir saisir le juge en procédure de référé dés qu'une discrimination de ce type est constatée, le juge ayant le droit de fixer des astreintes jusqu'à ce que la régularisation s'opère - selon le principe de la clause de faveur régissant le Code du travail.

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2- La révolution fiscale

    La fiscalité est un moyen essentiel de la lutte contre les inégalités et la précarité. C'est aussi le moyen privilégié pour restaurer l'action publique et financer les services publics et pour bâtir une Europe-puissance capable de combattre la mondialisation libérale. Réaffirmer le lien entre les valeurs socialistes et les réformes fiscales réclame de remettre en cause certains avantages particuliers qui, pour nous socialistes, vont à l'encontre de l'égalité économique, politique et sociale.

    Mettre la fiscalité au service de nos choix politiques

    L'impôt en France n'assure pas la redistribution des richesses. Le salarié payé au SMIC supporte à peu près autant de prélèvements obligatoires (taux de prélèvements obligatoires de 45 %) que le salarié qui gagne 15 fois le SMIC (taux de prélèvements obligatoires de 56 %). Ainsi, les inégalités se sont progressivement creusées au cours des cinq dernières années.

    L'impôt en France n'incite pas les entreprises à créer des emplois stables et à préserver notre système de protection sociale. La petite PME créatrice d'emplois locaux est autant taxée que la multinationale qui embauche des contrats précaires ou délocalise une partie de son activité pour exploiter de la main d'œuvre à bas prix.

    L'impôt en France pèse presque exclusivement sur le travail : la taxation des revenus du capital est faible par rapport à celle du travail qui supporte tout le financement de la protection sociale. La taxation du patrimoine épargne ainsi trop largement les véritables détenteurs du capital.

    De telles aberrations doivent cesser, nous devons remettre la fiscalité au service de nos objectifs politiques : volonté générale de redistribution d'une part, incitation aux comportements socialement responsables d'autre part.

    La révolution fiscale est aussi indispensable pour faire adhérer le citoyen à l'impôt démocratique et librement consenti. L'ensemble des citoyens doit se sentir responsable de sa contribution républicaine : les niches fiscales doivent être remises en question, la fraude sévèrement réprimée.

    La révolution fiscale n'a de sens que si elle se fait au service des principes politiques que nous défendons. L'impôt doit voir son rôle redistributif pleinement renforcé. Le capital doit participer plus largement au financement de l'action publique et du financement de notre système de protection sociale. L'impôt et le crédit d'impôt doivent redevenir un moyen de pression sur les entreprises pour encourager la création et la pérennité d'emplois stables et décemment rémunérés. Enfin, la politique fiscale européenne doit permettre d'affirmer la souveraineté démocratique de l'Union face au libéralisme des marchés.

    L'impôt est ainsi une arme pour faire plier les lois économiques du marché devant nos objectifs politiques.

    Au premier chef, les prélèvements fiscaux et sociaux doivent inciter les entreprises à produire sans sacrifier la rémunération des salariés et l'emploi au profit. Toutes les exonérations fiscales et sociales accordées aux entreprises doivent donner lieu à des contre parties garanties en terme de choix politiques des citoyens : création d'emplois stables, le respect de notre protection sociale, la promotion de l'égalité homme-femme, le respect de l'environnement.

    Chaque entreprise bénéficiant d'allègements ou d'exonérations doit se comporter en entreprise citoyenne qui prend des engagements et les respecter de manière à garantir les droits et les devoirs des acteurs des politiques publiques. Aucune exonération fiscale ou sociale ne doit être accordée aux entreprises sans des contreparties concrètes, et en premier lieu, l'obligation de créer des emplois stables et rémunérés à leur juste valeur. De plus, l'irrespect des engagements pris devra entraîner le remboursement des aides fiscales indûment perçues.

    La redistribution par l'impôt ne résout pas la question du partage de la richesse entre capital et salariés, mais peut permettre de corriger en partie les plus fortes et les plus symboliques des inégalités. Notre orientation est de mettre à contribution le capital pour le financement des services publics et de la protection sociale. Actuellement, ces financements sont trop largement supportés par le travail et la consommation des classes moyennes et défavorisées.

    Le nouveau Parti socialiste veut étendre l'assiette des cotisations patronales pour la faire reposer sur la valeur ajoutée des entreprises. Le basculement des cotisations salariales sur la CSG doit être poursuivi, pour faire véritablement participer tous les revenus, du travail comme du capital, au financement de notre système de protection sociale et tout particulièrement aux défis de la santé et des retraites.

    L'impôt sur la personne : simple, transparent et redistributif

    Il faut réhabiliter l'impôt sur la personne, ce qui suppose de le rendre plus simple, plus efficace, plus juste.

    Les réformes fiscales engagées pendant les cinq dernières années ont manqué de lisibilité politique (prime pour l'emploi) quant elles ne sont pas allées à l'encontre des convictions socialistes qui nous animent (baisse de l'impôt sur le revenu). Ces dérives doivent être combattues, l'impôt sur le revenu doit redevenir le symbole citoyen de notre système fiscal.

    Pour réintroduire la justice et la progressivité des prélèvements, nous voulons fondre la CSG, la CRDS l'impôt sur le revenu et les impôts locaux dans un seul impôt universel, transparent et progressif. Cet impôt permettra de réduire les impôts indirects, impôts injustes qui pèsent le plus lourdement aujourd'hui. Tous les citoyens contribueront ainsi à l'impôt, même de façon symbolique, celui-ci sera le garant du lien de solidarité et de citoyenneté entre les différents acteurs de la société.

    Le total des impôts ainsi énumérés permettrait de passer d'un IR à 3% du PIB à un IR à 8,5% du PIB. Dans ce cadre, la prime pour l'emploi pourrait être supprimée et le grand IR se substituer ultérieurement à certaines cotisations sociales de manière à étendre l'assiette de financement de certaines dépenses sociales nécessaires. Il sera possible de faire disparaître le quotient familial et le quotient conjugal, ouvrant la voie à une imposition séparée. La retenue à la source sera facilitée par cette réforme. L'ensemble des revenus financiers qui représentent aujourd'hui 15% du revenu disponible des ménages (contre 40% pour les salaires nets) doivent être réintégrés dans l'assiette de l'IR.

    Les recettes de ce grand impôt alimenteraient à la fois les caisses de l'Etat, de la Sécurité sociale et des collectivités locales. Pour répondre aux exigences d'autonomie fiscale des collectivités locales, il devrait s'accompagner de la possibilité d'une modulation locale votée sous forme d'euros additionnels par les assemblées délibérantes.

    Ce nouvel impôt permettra une révolution de la fiscalité locale, en supprimant la taxe d'habitation totalement injuste. En liant le prélèvement local au niveau de revenu, la solidarité entre les territoires de la France sera pleinement renforcée.

    L'impôt citoyen doit par lui-même être égalitaire, en respectant une idée simple : le même revenu d'activité (quelle que soit l'activité considérée) doit être frappé du même niveau de prélèvement. L'ensemble des revenus financiers doit donc être intégré dans l'assiette de l'impôt citoyen unique et doit arrêter d'échapper, comme c'est le cas aujourd'hui, à la taxation pleine et juste.

    Revoir la fiscalité des patrimoines

    La répartition de la fortune apparaît très inégalitaire, encore plus que celle du revenu. Notre imposition sur le patrimoine privé est plus faible que celle des Etats-Unis, de la Grande Bretagne ou du Japon.

    C'est pourquoi nous proposons de définir, comme cela existe dans d'autres pays, un véritable impôt sur le capital et non pas un simple impôt sur les biens immobiliers comme l'est aujourd'hui l'ISF qui ne recouvre en l'état que 10 % du patrimoine des particuliers. Son produit ne représente lui-même que 10% de l'imposition du capital contre 25 % pour les droits de mutation dont les seuils sont largement inférieurs, ce qui est à la fois injuste et anti-économique. Créé à des fins explicites de redistribution, l'ISF épargne aujourd'hui les formes de richesse les plus somptuaires ou les plus rentables, œuvre s d'art et biens professionnels.

    Il conviendrait d'élargir l'assiette à la propriété sous toutes ses formes, d'abaisser le seuil de taxation et de rendre le barème plus progressif. En contrepartie, les droits de mutation devront être fortement réduits. Une partie des gains fiscaux ainsi réalisés pourrait être affectée à la consolidation des régimes de retraite par répartition, via le Fonds de réserve des retraites.

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3- Vers un pacte de croissance européen

    Le soutien à la croissance requiert également une politique monétaire et budgétaire active et appropriée. A cet égard, l'Union européenne doit cesser d'être un carcan pour devenir le moyen de politiques de croissance, nationale et communautaire, plus ambitieuses et plus adaptés aux besoins, selon les moments et les pays. Il faut remettre en cause les objectifs monétaristes assignés à la Banque Centrale Européenne et les critères de Maastricht, c'est-à-dire la conception restrictive et notariale des finances publiques qui est celle du mal nommé " pacte de stabilité et de croissance " -  sa stupidité étant d'ailleurs largement reconnue. Les Pères fondateurs de l'Union européenne, dans les années 50, n'imaginaient sans doute pas que leur création deviendrait un jour le gardien tatillon de l'orthodoxie financière, et que des comptables, en son nom, adresseraient des injonctions à des élus du peuple et imposeraient des sanctions.

    Le retour à l'équilibre des finances publiques n'a pourtant aucun intérêt s'il ne s'accompagne pas du retour au plein emploi, une telle conjonction témoignerait même d'une dramatique inversion de priorités. Aussi faut-il redonner des marges de manœuvre aux finances publiques pour qu'elles puissent, si nécessaire, relancer la croissance. Celle-ci constitue d'ailleurs in fine le seul moyen de combler rapidement et durablement les déficits. Le seuil de 3% permettant de qualifier un déficit d'" excessif " devrait en conséquence s'appliquer au solde structurel, c'est-à-dire au solde financier prenant en compte l'effet des fluctuations conjoncturelles, et autoriser temporairement des déficits sensiblement plus élevés - quand les circonstances sont défavorables, comme actuellement.

    La Commission européenne éviterait ainsi de prescrire une saignée à un anémique. Ce plafond de 3 % ainsi redéfini, impliquant naturellement un solde inférieur en moyenne, suffit à lui seul à prévenir toute dérive des finances publiques à long terme. En particulier, il est parfaitement compatible avec l'objectif de contenir la dette publique en deçà de 60% du PIB, pourvu que la croissance atteigne un niveau normal.

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4- Des relations nouvelles avec l'entreprise

    Le soutien à l'activité économique ne se réduit naturellement pas à la stimulation de la demande, même si elle est primordiale. Les années récentes ont montré que le chômage refluait rapidement à partir d'un taux de croissance de 3% et l'économie française ne peut se maintenir durablement sur une pente aussi favorable sans un développement important de ses forces productives. Il faut donc également mener une politique d'offre mais une politique d'offre de gauche, qui ne consiste pas à réduire les cotisations sociales ou à "assouplir" le droit du travail, comme le préconisent les sociaux-libéraux.

    Il s'agit d'inventer des relations nouvelles avec l'entreprise en créant un cadre durablement favorable à leur développement, en relançant la politique industrielle, en agissant pour les petites entreprises et la création d'entreprises et en soutenant les formes sociales de productions.

    Garantir la sécurité économique par une régulation renouvelée

    Les entreprises demandent d'abord de la stabilité économique : garantir un cadre économique durablement favorable à l'investissement et à la définition de stratégies de conquêtes de marchés est une des premières conditions de la croissance. L'actualité de ces derniers mois montre combien les graves dysfonctionnements du capitalisme financier implique de repenser le rôle régulateur de l'Etat : effondrement des valeurs de la nouvelle économie, crise de confiance née des énormes scandales comptables (Enron, Worldcom, Ahold), impasse de la course à la rentabilité des fonds propres. Même les plus libéraux appellent l'Etat au secours de marchés devenus fous ! Face à l'échec de l'autorégulation des entreprises et des marchés, de nouveaux outils de l'action publique doivent être élaborés. Il conviendra de repenser et de renforcer la régulation en donnant à l'Etat, éventuellement dans un cadre européen, le pouvoir de fixer les règles et d'en faire respecter l'application. Il faudra aussi lutter contre les conflits d'intérêts (entre intérêt de long terme et maximisation des plus-values, entre objectivité supposée de l'analyste financier et impératifs commerciaux de son employeur, entre Etat actionnaire et Etat régulateur).

    Un des moyens privilégié sera le renforcement des contres pouvoirs. Des auditeurs plus libres face à leurs clients ; des actionnaires plus responsables des dérives de leur conseil d'administration ; des salariés associés aux décisions stratégiques par la présence d'au moins un représentant des salariés au conseil d'administration ou au conseil de surveillance ; des bourses de valeurs et organisations professionnelles ayant un devoir d'ingérence en cas de comportement financiers déloyaux.

    Il s'agit aussi de repenser les niveaux de réponse de cette régulation. Une stratégie européenne s'imposera pour la mise en place d'une autorité boursière performante, l'élaboration des normes comptables internationales et la définition de la responsabilité sociale et environnementale des entreprises.

    Relancer la politique industrielle et de recherche

    Longtemps revendiquée comme l'un des piliers de notre identité, la politique industrielle est à ranger dans la liste des décisions de Congrès qui n'ont trouvé que bien peu de traduction dans nos choix gouvernementaux. Pourtant, la modernisation de notre système productif et l'organisation de la pérennité de notre croissance économique impliquent une relance de la politique industrielle.

    L'objectif doit être d'apporter un soutien décisif à la montée en puissance de nouveaux secteurs de haute technologie ou à d'autres secteurs stratégiques, en particulier quand le retour sur investissement est particulièrement long ou quand l'indépendance nationale l'impose.

    Technologies de l'information et de la communication, biotechnologies, optique, nanotechnologies, technologies de l'environnement sont les témoins déjà clairement identifiés de la croissance à venir. Face à la mobilisation publique surpuissante des Etats-Unis dans ces domaines, la France et l'Europe peinent à définir des stratégies et à mettre en œuvre des financements qui représentent aujourd'hui 20 % seulement de l'investissement américain. Une réforme de la bureaucratie européenne, une révision du dogme de l'apologie de la concurrence qui empêche toute émergence d'entreprises capable de rivaliser avec la dixième entreprise américaine, un soutien renforcé à la recherche publique nationale et européenne qui reste de grande qualité sont les conditions indispensables à ce renouveau de notre politique industrielle.

    Au-delà, nous proposons une grande mobilisation nationale et européenne pour le développement technologique et industriel. Cette action d'envergure mobilisera plusieurs acteurs.

    L'Europe doit renforcer ses financements de recherche et de développement dans les secteurs précités. L'Europe, encore, devra perfectionner l'articulation entre acteurs publics et privés pour définir un régime de cession des brevets et des licences mutuellement profitables, relancer les dépôts de brevets, les actions de valorisation et le soutien financier aux entreprises innovantes.

    Au niveau national, un premier plan d'encouragement à l'innovation technologique a été mis en œuvre en 1999. Bien que trop peu valorisée politiquement, cette action a donné des résultats très positifs et a permis que nous gardions une présence scientifique et industrielle dans certains secteurs clés (biotechnologie, TIC).

    Il est indispensable de renforcer ces politiques d'amélioration du cadre fiscal et réglementaire des entreprises innovantes, de consolider les partenariats entre secteur industriels et système d'éducation - formation recherche et surtout d'alléger les règles administratives qui entravent ces relations.

    Au niveau territorial, l'organisation du développement scientifique et technologique pourrait être l'occasion unique de redéfinir par le haut nos politiques d'aménagement du territoire : A la vision malthusienne du développement (certains territoires pauvres doivent être aidés par la relocalisation d'administrations par exemple) serait substituée une vision développementaliste : l'organisation des filières de développement technologique gagne en effet a être géographiquement localisée afin que se construisent les partenariats entre acteurs publics (Région, Départements, Universités, Centres de Recherche) et privés (entreprises).

    La politique de filière territorialisée optimisera l'investissement public et permettra à un territoire d'être identifié autour d'un projet, ouvrant ainsi des perspectives pour les habitants de celui-ci.

    Il conviendra enfin que notre pays soutienne beaucoup plus fortement sa recherche publique. Alors qu'aujourd'hui, face aux difficultés budgétaires, le Gouvernement Raffarin coupe massivement l'investissement public de recherche jusqu'à stopper le financement de pans entiers de notre effort nationale et bloquer tout nouveau grand équipement. Il faut renverser la tendance, porter l'effort public de recherche à 2 % du PIB et le " sanctuariser " budgétairement.

    Il faut aussi amplifier le crédit d'impôt recherche en prévoyant des règles de calcul plus avantageuses au profit des petites et moyennes entreprises pour que l'effort de recherche et développement aujourd'hui très insuffisant de nos entreprises se hisse au niveau des pays les plus avancés, et envisager la création d'un crédit d'impôt innovation qui couvrirait un champ de dépenses d'avenir plus large que la seule recherche et développement (lancement et promotion de nouveaux produits).

    Défendre nos petites entreprises premières créatrices d'emplois

    Dans notre pays, 60 % des salariés travaillent dans les PME-PMI et un million d'entreprises de moins de 10 salariés font travailler 3,4 millions de salariés. Les employeurs y travaillent parfois dur, quelques fois dix heures, douze heures par jour et sans repos. Ils sont astreints à courir après des marchés que les donneurs d'ordre leur concèdent dans les pires conditions. Et pour survivre, ils doivent exiger de leurs salariés de tels efforts que le droit du travail est foulé au pied.

    Ce sont dans ces entreprises que l'on trouve les plus bas salaires, les plus longues durées du travail, les conditions de travail les plus dures, les accidents du travail les plus fréquents, le plus de maladies professionnelles, le plus de temps partiels, de précaires, le moins de droit et de protection syndicale ou simplement juridique.

    Il faut rompre avec l'idée simpliste qu'il n'y a qu'une seule catégorie d'entreprise, et une seule politique à mener à l'égard du patronat. On ne peut distribuer des " aides" indistinctes comme cela a toujours été fait : car ce sont les mille entreprises de plus de mille salariés, qui produisent plus de 40 % du Pib et collectionnent ces aides publiques. Une politique collective de conventionnement, d'aides à la comptabilité, au respect des droits et règles administratives doit être mis en œuvre pour les PME-TPE, et elles doivent bénéficier de réels crédits d'impôt, d'abaissement des coûts pour la mise en œuvre des 35 h et pour le respect des droits des salariés.

    1°) La responsabilité des donneurs d'ordre doit être entière dans toute passation de marchés. C'est celui qui passe les ordres qui sera pénalement responsable : à lui, dans les coûts et définition des règles des travaux, d'intégrer sécurité, hygiène et droits sociaux.

    2°) Le principe qui prévaut pour les CDD et l'intérim doit être appliqué aux sous-traitants : à travail égal, salaire égal, l'alignement des sous-traitants sur la convention collective du donneur d'ordre doit être prévu par les lois.

    3°) Il convient de faciliter la procédure de reconnaissance des unités économiques et sociales : il est trop facile d'éclater les établissements, les franchises, les groupes, pour contourner les seuils sociaux et les droits qui en découlent

    4°) Garantir le droit du travail dans les règles de concurrence. Il convient de donner au-delà de ces nouvelles règles les garanties que l'essentiel des aides publiques seront accordées aux PME-TPE qui en besoin en échange de création d'emploi, des 35 h et du respect du Code du travail. Il faut que les employeurs soient assurés que l'Etat souhaite restaurer du droit pour eux et leur entreprise, dans leur intérêt et celui d'une concurrence redevenue loyale.

    Créer des " jeunes pousses "

    La création d'entreprises constitue en particulier un moyen très efficace de moderniser le tissu économique, en le renouvelant en permanence, et une chance de retrouver une activité pour certains chômeurs. Il faut offrir aux créateurs des facilités réglementaires, fiscales, financières (notamment en obligeant les banques à mieux remplir le rôle, par exemple, par l'instauration d'un plancher de prêts aux PME et aux micro entreprises). Il est également nécessaire d'envisager la création de petites entreprises à capital public, pour des projets particulièrement intéressants pour la collectivité quoiqu'aux résultats très incertains, mais aussi de réduire le coût d'un éventuel échec, afin de les inciter à prendre davantage de risques et leur permettre, le cas échéant, de recommencer rapidement. C'est une condition pour que notre pays voie se développer sur son sol de "jeunes pousses", qui deviennent en quelques années les plus grandes de leur secteur, à l'instar de ce que l'on observe dans certains pays particulièrement dynamiques de ce point de vue. Faire de impôt sur les sociétés un impôt progressif en fonction de la taille et de l'ancienneté des entreprises, en introduisant une condition d'indépendance, favoriserait aussi le développement des PME.

    Encourager l'économie sociale

    L'économie sociale, qui représente une voie différente de l'entreprise capitaliste, devra trouver une nouvelle dynamique. Fonctionnant selon les principes de la démocratie participative, répondant à des besoins sociaux, permettant aux usagers d'intervenir dans la gestion autrement que comme des clients, s'inscrivant dans des territoires géographiques ou des périmètres professionnels déterminés, ce secteur emploie aujourd'hui plus de deux millions de salariés. Une des principales difficultés rencontrées par ce secteur est la capacité à mobiliser des fonds propres. Une réponse doit être apportée. Plus généralement, une politique de crédit alternative aux lois imperturbables du marché du crédit doit être mise en place pour les entreprises individuelles et les très petites entreprises.

    Faire des salariés les copropriétaires de leur entreprise

    Peut-on réconcilier efficacité économique, justice sociale et respect de l'environnement ? Seul un équilibrage du rapport de force entre le capital et le travail au sein des entreprises privées à l'échelon national puis européen, permettra de désarmer un capitalisme arrogant dans une économie de marché régulée. Envisager une entreprise privée dans laquelle les salariés puissent peser collectivement sur les décisions à travers leurs représentants syndicaux élus et partager les richesses produites avec eux n'a rien d'utopique.

    A l'opposé de certaines pratiques du passé caractérisées par une " gestion sociale du capitalisme ", nous prônons l'évolution du statut des salariés vers un nouveau rôle de copropriétaire de droit de leur entreprise. En effet, tout salarié devrait pouvoir parler de " son " entreprise et non seulement de l'entreprise qui " l'héberge " provisoirement, et ce afin d'en tirer trop souvent le maximum de profit à court terme. Cette notion de copropriété " collective partielle " rééquilibrant la place des salariés du privé, n'exclut pas le respect des créateurs qui ont pris le risque d'entreprendre. Contrairement à l'épargne salariale actuelle qui oriente vers un actionnariat individuel avec prise de risque financier, nous envisageons des incitations fiscales pour la création de nouvelles entreprises éthiques à responsabilité sociale et environnementale fondées sur la " propriété sociale ". Au sein de ces nouvelles entreprises les salariés seront collectivement copropriétaires de droit, sans prise de risque financier d'une partie de leur outil de travail dont ils sont à l'origine de la valorisation permanente.

    Ce rééquilibrage structurel de l'entreprise privée en réduisant les inégalités avant qu'elles ne se créent permettra, non seulement, de combattre à sa source la véritable injustice du néolibéralisme : le non partage des richesses créées par le détournement des plus values au seul profit des actionnaires financiers. Elle introduira les représentants des salariés dans la " gouvernance " de toutes les entreprises, et ce avec un poids décisionnel non négligeable. Une défense efficace des salariés et de leurs conditions de travail ne peut s'envisager que dans le cadre d'une modification du rapport de force dans l'entreprise incluant une présence syndicale structurellement définie.

    Réduire les inégalités, et ce avant qu'elles ne se créent, cela doit devenir une alternative économique dans une économie de marché européenne régulée.

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5- Une croissance durable

    Il faut désormais œuvrer à une révolution culturelle et comportementale à chaque niveau de consommation et de production ; décliner de façon qualitative la croissance qui ne s'analyse aujourd'hui qu'en termes quantitatifs.

    Le mode de développement que nous devons mettre en œuvre ne sera durable que s'il s'appuie sur une intégration impérative du facteur environnemental. Ainsi, nous nous prononçons pour une éco-évaluation et un éco-bilan des politiques publiques, des processus industriels et un dispositif d'éco-conditionnalité des aides publiques, le tout étant de nature à sélectionner de nouveaux modes de production et de consommation. La fiscalité, la contractualisation et la formation semblent des outils complémentaires adéquats pour que l'obligation d'intégrer les préoccupations environnementales devienne une obligation de résultat.

    L'opposition absurde entre humanisme et naturalisme est dépassée par l'idée que la nature et l'environnement (ou cadre de vie) sont des patrimoines dont les hommes sont les gardiens (ou maîtres) plutôt que les propriétaires (ou possesseurs).

    De ce point de vue, il est indispensable d'affirmer que ces patrimoines sont des biens collectifs, qui doivent donc être gérés de la façon la plus démocratique possible, principe qui est d'ailleurs au fondement du concept de " développement durable ", lequel est une extension, au-delà de la société humaine, de la philosophie solidariste.

    Aussi, le droit à un environnement protégé et au développement durable doit figurer explicitement dans les préambules de la Constitution de la prochaine 6ème République française (droits de l'homme et du citoyen) et de la Constitution européenne.

    Robert Badinter s'est déjà inscrit dans cette perspective, en faisant mention de l'" environnement protégé " parmi les "bienfaits" dont les Européens doivent être " assurés " dans le préambule de son projet de Constitution européenne, mais aussi du "développement durable" et du respect de l'environnement, y compris " la sauvegarde des ressources et des équilibres naturels " parmi les " objectifs de l'Union européenne ".

    Nous affirmons ainsi qu'il n'est plus, aujourd'hui, de socialisme authentique sans la poursuite du projet d'intégrer, de façon synergique, développement économique, justice sociale et qualité de la vie. A chaque niveau d'action publique, des communes aux Nations unies, il est impératif de mettre en œuvre l'" Agenda 21 " formalisé lors du "Sommet planète Terre" (Rio, juin 1992) et expérimenté par les collectivités les plus progressistes.

    Les " agendas 21 " (locaux, nationaux, internationaux), sont des outils politiques de développement durable qui ont déjà fait leurs preuves dans les trop rares occasions où ils ont été mis en œuvre (Angers). Ils doivent être, dès que possible, obligatoirement établis et appliqués dans toutes les collectivités ou communautés de collectivités de plus de 20 000 habitants (pays, agglomérations, régions), soutenus (fonds spécifique, abondé par les aides spécifiques européennes) et contrôlés par un puissant ministère du Développement durable et de l'Aménagement du territoire.

    Pour garantir la réorientation nécessaire des modes de consommation et de production que nous prônons, nous souhaitons mettre en place les outils suivants :

       modulation des aides publiques aux entreprises en fonction des difficultés économiques et sociales du territoire et en fonction de l'effort consenti pour préserver l'environnement (éco conditionnalité)

       mise en place d'une exonération totale de la taxe sur le foncier non bâti sur les territoires à enjeux environnemental.

       utiliser la réglementation pour l'appropriation publique des terres abandonnées au profit de l'entretien par les agriculteurs des zones écologiquement fragiles (zones humides)

       abonder la DGF sur la base de critères écologiques.

       internaliser les coûts dits extérieurs pour obtenir une prise en compte exactes des impératifs environnementaux

       incitation à l'éco-conception, favorisant l'utilisation de matériaux non polluants ou recyclables.

       mise en œuvre des Agendas locaux 21 dans les compétences des collectivités locales et de l'Etat.

       remettre à l'ordre du jour sans attendre, le chantier d'une grande loi sur l'eau en tant que bien et service public, instaurant le principe du pollueur-payeur.


    Refonder la politique énergétique

    Considérant que la production d'énergie est le nerf de l'économie, nous constatons la nécessité de rompre avec une perversion inéluctable du système énergétique mondial.

    Le modèle énergétique que les pays industrialisés ont consacré, à savoir la primauté des énergies fossiles, repose sur la facilité, l'inconséquence et la non anticipation. Il génère aujourd'hui le problème gravissime, d'échelle planétaire, du réchauffement climatique qui annonce des catastrophes écologiques, socio-économiques et sanitaires d'ampleur dont l'espèce humaine est à la fois la cause et la victime. Ce modèle énergétique démontre également sa dangerosité pour les équilibres géopolitiques et la paix dans le monde. L'estimation des réserves disponibles de pétrole nous amène brutalement à en prendre conscience. L'attitude qui doit en découler, ne réside pas dans l'accaparement des derniers stocks, elle nous impose un effort d'envergure pour atteindre un niveau d'exploitation des sources renouvelables d'énergie, significatif et alternatif. Cela suppose la mobilisation de moyens pour la recherche et le développement pour des investissements lourds, ainsi qu'un programme responsable de coopération avec les pays en voie de développement. Cela implique aussi une internalisation des coûts en aval liés à toute production d'énergie, base d'un vrai débat sur l'avenir du nucléaire. A ce titre, la production d'électricité d'origine nucléaire ne doit plus être présentée comme le modèle de lutte contre l'effet de serre, modèle au bilan duquel nous devons d'ailleurs intégrer les risques accidentels, militaires voire terroristes.

    Nous prônons aussi une éco-évaluation de tout processus industriel qui consacre la maîtrise de l'énergie et une viabilité écologique qui s'affirme au même titre que la rentabilité économique.

    Une autre agriculture

    Désarroi du consommateur, perte de confiance, rejet des produits agro-industriels, opinion publique en rupture avec le monde agricole, incompréhension collective, il est urgent de réagir :

       En renforçant la sécurité des consommateurs par la transformation de produits sains issus d'une agriculture durable respectueuse de l'environnement.

       En rééquilibrant les soutiens par une réorientation des aides de la PAC aux hommes dans leurs territoires et non aux produits, les aides ciblées vers les fonctions correspondant à un service : production de qualité, préservations des ressources, entretien de la nature et des paysages.

       En confortant le développement rural, outil privilégié de réorientation des aides publiques à l'agriculture et de valorisation des bonnes pratiques, respectueuses de l'environnement.

       En rejetant le néolibéralisme qui se nourrit du productivisme agricole, et le système international de fixation des prix agricoles qui en découle.

    Pour la politique agricole, la réforme nécessaire de la PAC et la mise en œuvre de politiques régionales relèvent de l'urgence. En effet, si la France n'inspire pas la PAC d'après 2006, elle la subira. Nous devons dénoncer les effets les plus critiquables des PAC successives: agrandissement des exploitations, endettement, installation difficile pour les jeunes en raison de la forte pression foncière. Nous devons défendre une double voie conforme à l'intérêt général et au maintien de la population paysanne.
    L'agriculture de demain doit être soutenue par la PAC et par la France au nom de ses fonctions multiples: productions agricoles, sécurité et qualité alimentaires, maintien de la biodiversité, productions de biens environnementaux communs dans l'espace rural. Ce soutien ne sera durable que s'il repose sur un contrat clair et sur une répartition plus équitable des aides agricoles.
    La seconde voie repose sur la recherche de prix plus rémunérateurs permettant à l'agriculteur de ne pas renoncer à sa fonction de producteur. Si nous devons résolument plaider pour la suppression progressive des soutiens aux exportations vers les pays en développement du Sud, il est également de notre responsabilité de favoriser des prix de marchés plus équitables (régulation des pratiques de la grande distribution, soutien à la qualité, mais aussi préférence communautaire à défendre au sein de l'OMC, maîtrise de la production).

    On doit s'interroger sur l'intégrité de l'argumentaire concernant les OGM, instrument de conquête et de contrôle économique sur le vivant. Les différentes consultations citoyennes ont exprimé un refus catégorique à leur égard. Nous défendons un moratoire concernant la dissémination OGM et refusons que la décision revienne à quelques " experts ". En effet, l'acceptation ou non des risques sanitaires, environnementaux et socio-économiques doit être l'affaire des citoyens !

    Notre politique agricole doit aussi abandonner son soutien à l'agriculture intensive afin de limiter au plus vite les dégâts sur les équilibres biologiques des milieux naturels. Cette nouvelle politique agricole devra aussi participer à la re-dynamisation des campagnes. Elle devra s'intégrer à une politique globale d'aménagement qui œuvrera à la solidarité entre les territoires, basée sur la complémentarité entre les espaces ruraux et urbains

    Des transports revitalisés

    De même, nous devrons concevoir et mettre en œuvre très rapidement une politique rationalisée des transports, en promouvant systématiquement les modes de transport collectifs (passagers) et massifs (marchandises). La marine marchande (rénovée, socialement encadrée, contrôlée et protégée) et le rail (dont le ferroutage) bénéficieront du soutien redoublé de l'Etat. Le transport aérien devra être re-nationalisé et le rail resté propriété à 100 % de l'Etat, afin que le ministère du Développement durable ait la liberté et le pouvoir d'assurer sa mission cruciale d'aménagement du territoire. Les agglomérations et autres collectivités territoriales devront, pour bénéficier encore des aides nationales et européennes à leurs politiques publiques, favoriser systématiquement les transports collectifs et enrayer significativement le développement de l'usage de l'automobile sur leurs territoires. De grands travaux d'intérêt général seront donc lancés pour satisfaire cette relance du transport public, en adéquations technique et géographique avec les infrastructures européennes existantes ou à venir.

    Des espaces protégés

    Enfin, la structuration d'un réseau national des espaces protégés est de première importance. Ces espaces, de toutes tailles et de tous intérêts écologiques, font l'objet, aujourd'hui, d'une invraisemblable diversité de statuts juridiques de protection. Ceux-ci doivent être harmonisés et leur respect doit être contrôlé par des agents de l'Etat (inspection de la Nature). Cependant, leur gestion doit être planifiée et mise en œuvre, dans le cadre statutaire défini, par des comités locaux ou régionaux (selon l'importance géographique, écologique et statutaire de l'espace géré) dont au moins la moitié des membres sont issus des associations de protection de la nature et de l'environnement agréées par le ministère du Développement durable.

    Suite de la contribution :
    IV/ Renouer avec l'exigence sociale

 I/ Combattre la mondialisation libérale
II/ Fonder la République nouvelle
III/ Une croissance forte, durable et partagée
IV/ Renouer avec l'exigence sociale
V/ Retrouver les outils de l'égalité
VI/ Inventer un Nouveau Parti socialiste
Conclusion

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