Traité constitutionnel
Quand le oui
aura gagné...

Dominique Strauss-Kahn


Entretien avec Dominique Strauss-Kahn, député du Val-d'Oise, paru dans le quotidien Le Nouvel Observateur daté du 11 novembre 2004
Propos recueillis par François Bazin


 

Au début de la campagne interne sur le traité constitutionnel européen, vous avez critiqué le calendrier et la méthode choisis par François Hollande. Aujourd’hui, dans la conclusion de votre dernier livre, vous vous réjouissez que ce référendum donne aux réformistes du PS l’occasion d’une victoire définitive. Qu’est-ce qui vous a fait changer d’avis ?
Après nos belles victoires électorales du printemps dernier, j’aurais aimé que nous puissions consacrer notre énergie, cet automne, à combattre la droite et notamment le dernier budget de Nicolas Sarkozy. La longue et pénible agonie du gouvernement exige de nous que nous donnions des réponses à notre peuple.
Nous sommes aujourd’hui face à ce référendum. Il divise les socialistes. Le débat sera tranché le 1er décembre par l’ensemble des militants. Il faut tirer le meilleur parti de cette bataille interne dès lors qu’elle existe. Elle a ceci de positif qu’elle permettra de poser, à travers la question européenne, celle de notre identité. Ce qui se joue là, au fond, c’est l’orientation réformiste du parti.

En posant le débat en ces termes, ne donnez-vous pas l’impression que la victoire du oui est d’ores et déjà acquise ?
Je sens le PS disponible à un oui socialiste à l’Europe. En s’épurant, nos débats soulignent la cohérence des partisans du traité constitutionnel, la profonde hétérogénéité de ses adversaires, et, surtout l’impasse à laquelle le refus conduit. Mais si je publie aujourd’hui ce livre («Oui ! Lettre ouverte aux enfants de l’Europe», Grasset, 174 p.), si je sillonne chaque jour le pays, si je suis totalement mobilisé pour ce combat, c’est parce que j’ai la conviction que rien n’est encore joué.

Quelles difficultés rencontrez-vous encore aujourd’hui pour convaincre ?
A part Bertrand Delanoë et Martine Aubry, avec lesquels je me suis exprimé très tôt, les partisans du oui ne se sont mobilisés que tardivement. Ceux qui défendent le non sont en campagne depuis longtemps. Il faut donc redoubler d’effort !

Cela suffit-il à expliquer les difficultés du camp du oui ?
De nombreuses questions qui n’ont rien à voir avec le traité interfèrent à tort : l’élargissement, la Turquie, les délocalisations, par exemple. Quant au traité lui-même, de nombreux malentendus sont entretenus quand des erreurs manifestes - de bonne ou de mauvaise foi - sont répétées.

Que pouvez-vous faire pour lever de tels malentendus ?
Expliquer, expliquer encore. C’est la raison d’être de ce livre. Jusqu’à maintenant l’Union se fondait principalement sur des objectifs économiques. Pour la première fois, les bases d’une Union politique sont jetées. Jamais un traité européen n’avait assigné à la construction européenne des objectifs aussi proches de ceux des socialistes. Qu’on en juge : le plein-emploi, le progrès social, le plus haut niveau possible de protection sociale, la lutte contre les discriminations, l’égalité entre les hommes et les femmes, le développement durable. Et aussi la reconnaissance du rôle des syndicats et la base juridique du développement des services publics ! Mais le débat sur le traité en cache un autre sur l’orientation réformiste du PS. C’est ce qui explique que l’enjeu soit aussi important.

Lors du congrès de Dijon, il y a un an et demi, vous aviez pourtant célébré, avec François Hollande et Laurent Fabius, la victoire du réformisme de gauche. Que s’est-il passé pour que cette question ressurgisse avec autant de force dans vos débats ?
La ligne réformiste adoptée à Dijon théorisait les orientations du gouvernement Jospin. Elle traduisait la fin de la posture de rupture avec le système capitaliste pour assumer une pratique de transformation sociale. A ma place, j’ai essayé d’apporter ma pierre à cette réflexion. Peut-être aurait-il fallu que nous soyons collectivement plus ambitieux. Le temps perdu est rarement rattrapé. Aussi, à l’occasion de ce référendum interne sur l’Europe, voit-on réapparaître de vieux réflexes. Il nous faut à nouveau les combattre si nous voulons retrouver, demain, le chemin d’un réformisme conséquent.

Tout commence donc pour vous au lendemain du 1er décembre ?
Non ! Il faut d’abord que le PS dise oui au nouveau traité. C’est un enjeu décisif. C’est à partir de ce vote que nous construirons le futur projet socialiste qui sera déterminant pour le choix de notre candidat à la présidentielle. Or je ne crois pas un instant que la gauche puisse gagner sans être résolument engagée dans la construction européenne. Je ne crois pas non plus qu’elle puisse gagner sans affirmer et assumer son orientation réformiste. Tout est lié. Les Français veulent des responsables politiques authentiques. La démagogie d’un jour, c’est le renoncement du lendemain et la dépression civique du surlendemain.

Cette manière de globaliser les enjeux n’est-elle pas une manière de dramatiser le vote des militants ?
Qui doute que ce vote engage notre avenir ? Ce qui me choque aujourd’hui, c’est que l’on veuille laisser croire que le non ne marquerait pas une rupture. Si, comme nous le disons tous, ce débat est sérieux, alors ses conséquences ne peuvent être anecdotiques.

D’où votre souhait d’un congrès extraordinaire du PS, au lendemain du référendum interne, quel qu’en soit le vainqueur ?
Le débat nous donnera une orientation, il affirmera une ligne mais il laissera des traces. Je n’ai pas envie que l’amertume et la rancœur soient l’avenir des socialistes. C’est pourquoi j’ai évoqué un « congrès d’union ». Mais ce qui est important, ce n’est pas le congrès, c’est l’union et il peut y avoir d’autres moyens d’y parvenir. Si le oui gagne, François Hollande, comme premier secrétaire, aura la responsabilité de faire des propositions à la hauteur de l’enjeu.

On évoque parfois la constitution d’un secrétariat national homogène regroupant les principaux leaders du oui et excluant donc les chefs de file du non...
Si le oui l’emporte, le PS devra, sur cette base, s’atteler à la préparation du projet qu’il proposera aux Français. Tous ceux qui soutiennent cette orientation devront s’y consacrer. Et je ne me déroberai pas, mais commençons par faire gagner le oui.

© Copyright Le Nouvel Observateur


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