Un début, pas une fin
Argelès-sur-Mer - 29 septembre 2002



 Rassemblement d'Argelès -sur-Mer : discours d'Henri Emmanuelli, député des Landes


 
Je voudrais, avant toute chose, adresser nos remerciements à ceux qui ont permis ce rassemblement d'Argelès-sur-Mer. A ceux qui l'ont préparé sur le plan matériel, je pense a Henri Sicre, à tous nos camarades des Pyrénées orientales, ainsi qu'à celles et ceux qui y ont consacré du temps et des efforts, à Paris comme dans nos régions et nos fédérations.

Je pense aussi et surtout a celles et ceux qui l'ont rendu possible sur le plan politique en comprenant que désormais, après des années d'étourdissement et de désorientation consécutifs au choc de l'effondrement de la bipolarisation entre monde occidental et monde communiste, après la remise en cause brutale et rapide des compromis sociaux qui en était , en réalité, la résultante… bref après des années d'hésitation entre résistance et abandon face à l'offensive libérale, après le choc, enfin, que nous avons subi au printemps, le temps de la politique était revenu.

Car c'est bien pour faire de la politique que nous sommes ici rassemblés.

Nous ne sommes pas là, comme je l'ai entendu avec une insistance malsaine, pour sceller une alliance entre deux anciens courants du P.S qui auraient décidé de conclure un Pacs clubiste.
Ni pour créer un pôle de gauche à vocation minoritaire, une sorte de casemate de la nostalgie, comme l'affirment tout haut ceux qui à défaut de vouloir ou de savoir choisir cherchent à se rassurer.
Nous ne sommes pas d'avantage là pour lustrer les plumes d'une future aile gauche pour ce curieux oiseau que serait le Solférinodactyle, seul de son espèce à pouvoir défier les lois les plus élémentaires de l'aérodynamique et de la pesanteur, en n'ayant d'aile que sur sa gauche, un centre lourd, hétéroclite, vorace, et pas d'aile sur sa droite : un véritable cercueil volant, en somme !

Non : nous sommes là pour créer les conditions d'un véritable débat, n'en déplaise à celles et ceux qui mettent en avant, depuis trop longtemps, le risque des querelles de personnes pour rester confortablement installés dans l'ambiguïté des motions de synthèse.

Nous sommes là pour lancer la dynamique d'un nouveau rassemblement à vocation majoritaire qui se fasse sur des bases politiques claires et non sur des arrangements de chaises au sommet, pour que la politique reprenne ses droits et les militantes et les militants les leurs.

Nous sommes rassemblés pour expliquer cette démarche et dire avec force qu'elle est ouverte à toutes celles et ceux, dans le parti, comme hors du parti, qui en comprennent et en éprouvent la nécessité.

Nous sommes là pour en fixer les contours et créer les conditions de sa réussite.

La réunion d'Argelès-sur-Mer n'est pas l'aboutissement d'un processus, d'un simple regroupement, mais au contraire le début d'un nouveau rassemblement, ouvert je le répète, à toutes celles et ceux qui partageront notre objectif global et viendront l'enrichir de leur expérience, de leur culture, de leur dynamisme, de leur espérance.

Quel est cet objectif ?

A la différence de beaucoup d'autres, notre objectif ce n'est pas nous dans cinq ans : c'est le socialisme.

Notre vision de l'avenir n'est pas de miser sur une hypothétique automaticité de l'alternance qui théorise, en fait, le caractère irrémédiable du déclin de la politique. Dans cette conception attentiste, notre peuple, ne sachant plus ce qu'ils veut, exprimant les aspirations contradictoires d'une société devenue tellement complexe qu'elle rendrait impossible toute possibilité de synthèse, tout projet collectif, atomisés par un individualisme plus ou moins égocentrique, chaque fois plus réduit dans son expression par la montée continue de l'abstention, n'aurait d'autre choix que celui de manifester un refus têtu et répétitif. Il suffirait donc, dans le cadre de cette représentation pessimiste, voire cynique, d'attendre la prochaine échéance.
Attendre que les citoyens lassés et chaque fois moins nombreux, se résignent à chasser les bleus pour reprendre les roses, et vice versa, jusqu'à extinction du corps électoral et de la démocratie.
Dans cette posture, on l'aura compris, l'opposition doit être prudente, l'essentiel de la tâche consistant à ne s'aliéner personne.
Dans cette posture, on s'interroge plus qu'on ne répond : on se contente de se poser des questions sur la libération de Monsieur Papon qui rappelle étrangement le cas Pinochet. On reste prudent sur la remise en cause brutale et inadmissible de la doctrine Mitterrand relative au droit d'asile accordé aux italiens membre des " Brigades Rouges " voici plus de trente ans et qui vivaient, depuis, paisiblement au grand jour dans notre pays.

Dans cette posture, on s'emberlificote sur la loi Sécurité, jusqu'à féliciter, en séance, Monsieur Sarkozy, qui, n'ignorant rien des bonds et rebonds de la balle de caoutchouc, renvoie le compliment en prévision du partage des futures bavures.
Dans cette posture, on cultive l'image, on besogne le sondage, ayant oublié, moins de trois mois plus tard, que les cotes de popularité en or sur le papier glacé des magazines peuvent fondre comme neige au soleil dans les urnes.
Dans cette posture, on préfère demander aux gens ce qu'ils veulent plutôt que de leur dire ce que l'on pense et l'on finit par conclure que le mieux, tout compte fait, c'est de leur envoyer un " questionnaire "…
Dans un autre registre, sans doute plus pernicieux que le médiocre " opportunisme " dont je viens de parler, nous ne pensons pas d'avantage que la fin de l'histoire ait sonné le glas des aspiration égalitaires qui nourrissent le désir de justice et le besoin de dignité. Nous ne croyons pas que le triomphe apparent du libéralisme soit irréversible. Et qu'en conséquence, la seule issue, ou plutôt le seul créneau qui reste au socialisme soit un créneau résiduel, comme disent les spécialistes du marketing, un rôle subalterne de soigneur de touche pour les accidentés de la glorieuse mondialisation libérale, un bassin d'expansion pour les crues sociales, ou, pire encore, un nouvel opium destiné au peuple pour le confort des privilégiés du système.

Non, ce social-libéralisme, puisqu'il faut bien l'appeler par son nom, nous n'en voulons pas. Nous n'en voulons pas parce que contrairement aux apparences qu'il voudrait se donner, il n'est ni un compromis ni un réformisme moderne : il est au mieux une mystification, au pire une reddition. En regardant les choses de près, on constante en effet, qu'a chaque fois qu'il a été confronté à des choix se situant sur la ligne de fracture de deux logiques antagonistes, celle du partage de la valeur ajoutée entre capital et travail, par exemple, il s'est résigné, au nom du réalisme, du pragmatisme et de la modernité, qu'il confond allègrement avec la contemporanéité, à choisir la première contre la seconde.

Ainsi, par exemple, le choix de la baisse de l'impôt n'est pas neutre dans le débat fondamental entre action publique et action privée, entre intérêt individuel et intérêt collectif, entre service public et service privé. Et à l'intérieur même de cette orientation contestable, qui soit dit en passant devait nous préserver de la défaite - le choix de la baisse de l'impôt sur le revenu, y compris de sa tranche supérieure, plutôt que celui de la T.V.A, l'était encore moins. Choisir la baisse de l'impôt sur le revenu, le seul qui soit progressif et donc redistributif, c'est non seulement encourager la tendance à la rupture de solidarité entre riches et pauvres qu'implique cette fameuse redistribution sans laquelle la recherche d'une meilleure justice sociale serait un vœu pieux, mais c'est aussi préparer les conditions de son impossibilité. C'est enfin commencer à mettre en œuvre le projet de remplacer certaines catégories perdues et jugées irrécupérables par d'autres, qui gardent encore le cœur à gauche mais dont le portefeuille est passé du coté de l'aile invisible.
Pour ceux qui ne l'auraient pas vraiment compris, le super informaticien de la modernité qui prétendait changer le logiciel de la gauche à l'époque ou l'on se disputait Matignon précisait, dans un livre appelé à faire date mais qui est devenu introuvable, que le temps de la redistribution était derrière nous ! Il avait déjà été précédé, de manière plus ambiguë il est vrai, par ceux qui avaient subrepticement troqué le concept de justice sociale par celui d'égalité des chances, qui, comme chacun sait, se mesure au prix respectif que coûte à la république un élève de polytechnique et un étudiant de première année de D.E.U.G. Une forme d'égalité, sur laquelle Pierre Bourdieu avait beaucoup travaillé, et beaucoup enragé…

De même, pour m'en tenir à deux exemples, mais nous aurons l'occasion d' y revenir dans les prochaines semaines, je rappellerai la conversion de notre parti à la prime à l'emploi et le débat qui s'en est suivi sur son appartenance à l'arsenal anglo-saxon des discriminations positives. On m'affirmait que je me trompais, que j'exagérais lorsque je prétendais avec quelques autres, qu'avec cette mesure, on mettait en danger le SMIC et l'ensemble de ce qu'il est convenu d'appeler la politique salariale, mais aussi que l'on basculait du légitime combat pour le partage de la richesse vers une mécanique de compassion publique. Un conseiller de Matignon m'a même accusé de faire de l'idéologie, ne sachant pas encore, le malheureux que la dépolitisation était le pire ennemi de la gauche. Au final c'est Raffarin qui à tranché en expliquant qu'il conservait la prime à l'emploi parce qu'elle était un outil intéressant de discrimination positive. Si même Raffarin s'en est aperçu, le doute ne me paraît plus permis.

Non, mes camarades, au moment des choix ultimes, quand l'ambiguïté n'est plus possible, le social-libéralisme ne se trompe pas : sous prétexte d'adaptation et de modernité, il sacrifie le social au libéralisme, la justice à l'efficacité économique, le salarié au capital. Et les bonnes raison de le faire ne lui manquent jamais parce qu'il est fortement imprégné, parfois même converti à la culture idéologique libérale et à sa phraséologie mensongère. Comme elle, il parle de nouvelle économie plutôt que de financiarisation, de charges sociales plutôt que d'acquis sociaux, de rentabilité plutôt que de profit, de création de valeur plutôt que de bénéfices, de flexibilité plutôt que de précarisation, d'assouplissement plutôt que de démantèlement de la législation du travail. Comme elle, il se vautre dans la bonne conscience du " politiquement correct ", pour multiplier les interdits comme les champignons sur les troncs vieillissants ou utilise les droits de l'homme, revus et corrigés par les nouveaux maîtres de la planète, pour substituer à l'archaïque droit du plus fort, le droit d'ingérence ou le concept de guerre préventive qui ne menacent, comme vous l'aurez remarqué, que les adversaires réels ou supposés des Etats-Unis.

J'entends bien que nous aurions rêvé, que cette dérive social-libérale n'existerait que dans nos esprits poussiéreux, qu'elle serait imaginaire ! Et pourtant nous l'avons rencontré.

Au congrès de Grenoble, c'est bien sur le double refus de tenir une conférence en faveur des bas salaires et de choisir le parti des syndicats majoritaires contre la prétendue refondation sociale du M.E.D.E.F que nous avons rompu avec la majorité : ce n'étaient tout de même pas des détails !
Nous n'avons pas d'avantage inventé le triste débat sur la baisse de la fiscalité sur les stock-options qui, avec moins de deux années de recul, est proprement consternant.
Ni celui qui a suivi sur la baisse des impôts, dont j'ai déjà parlé. Nous n'avons pas d'avantage inventé le débat qui a eu lieu sur l'actionnariat salarial - qui connaît aujourd'hui les succès que l'on sait- ou celui sur les fonds de pension à la française !
Ni la brutale conversion au système de la discrimination positive à travers la prime à l'emploi.
Ni le rapport Charzat, que la droite nous jette tous les jours à la figure en séance publique.
Nous n'avons pas imaginé l'abracadabrante proposition de taxe sur les armes censée se substituer à la taxe Tobin pour financer le développement, comme si l'aide au développement pouvait dépendre du niveau des conflits ! Et ce n'est pas nous qui avons ouvert, en pleine campagne électorale, le débat sur l'ouverture du capital d'E.D.F, ou proclamé que la redistribution était derrière nous. Le fait que nous ayons d'avantage privatisé que le gouvernement précédent n'est lui aussi qu'une péripétie imaginaire. De même que la réduction de l'aide au développement par ailleurs proclamée comme une impérieuse nécessité. Et j'en passe…Bref, je ne sais pas si j'ai la mémoire qui flanche mais ce serait normal. Les spadassins de la plume devraient savoir que quand la messagerie est pleine, le risque de bug augmente…

Non, mes camarades, nous n'avons pas été victime d'une imagination que par ailleurs on nous dénie. Et quand bien même il nous serait resté, malgré tout, le moindre petit doute sur notre lucidité, il n'aurait pu résister à la leçon magistrale qui vient de nous être donnée sur les " nouveaux marqueurs de la gauche " par un de nos éminents camarade.

Permettez moi de m'y arrêter un instant, ça en vaut la peine. En le lisant, vous apprendrez que le marqueur de la gauche, c'est la solidarité ! Un vrai scoop, qui rend justice, à posteriori au mouvement " solidariste " qui culmina à la fin du XIXe siècle. Vous y apprendrez que ce marqueur ne suffit plus parce que notre société est - je cite, prenez vos stylos - parce que notre société est " prise dans un dérèglement de ses horloges individuelles et collective ". Et que " dans certains cas le temps s'accélère, alors que d'en d'autres il s'allonge " : comprenez que le progrès technique et technologique réduit les distances de toute nature en augmentant la vitesse de leurs parcours…ce que mon arrière, arrière, arrière grand père avait déjà constaté en prenant son premier bateau à vapeur pour venir sur le continent. On progresse.
Vous apprendrez aussi - je re-cite - que " la durabilité des choix devient un critère majeur ", ce que nos prédécesseurs dans l'histoire n'ignoraient pas lorsqu'ils dénonçait le danger de la myopie du marché sur le court terme pour prôner les choix à long terme ! Mais il semblerait que pour certains ce soit une découverte.
Vous apprendrez aussi " que nous devons, avec les forces vives qui le souhaitent - comme disait De Gaule, je parle des forces vives - que nous devons proposer une démocratie sociale et environnementale plus authentique ! " Mais parmi les lignes de cette phraséologie vaste et vide, destinée à couvrir d'un voile prétentieux la triste réalité d'une inavouable capitulation, vous découvrirez aussi, revendiqués à demi mots les choix qui nous contrarient : l'ouverture du capital des entreprises publiques au nom des projets industriels, dont France Télécoms est une brillante démonstration.
Vous apprendrez que la réforme des retraites doit être fondée sur la répartition " et plus de liberté " : c'est le plus qui pose problème. Mais aussi que " si une réglementation conduit à détruire des emplois, il faut s'interroger sur elle ". Quand on sait qu'aux yeux des libéraux, toutes les réglementations conduisent à détruire des emplois, et que Monsieur Bush vient d'inventer " la liberté sociale ", il y a de quoi vraiment s'inquiéter. S'inquiéter encore quand on voit surgir, au détour d'une autre phrase sibylline la justification des discriminations positives. Ce n'est effectivement pas le socialisme de la ligne Maginot, comme le dit finement l'auteur, c'est celui du général Bazaine ! Ce n'est plus la modernité banale de toutes celles et ceux qui se disputent la maison rose de la nouveauté : c'est la Nouveauté facteur n ; la Nouveauté rénovée, renouvelée, réitérée, refaite, repeinte, répétée, recommencée etc…..En paraphrasant Rimbaud, on pourrait même dire : Elle est retrouvée ! - Qui ça ? - La nouveauté - C'est la mer, et le socialisme qui s'en est allé !

Non, mes amis, mes camarades. Nous ne voulons ni de l'opportunisme gestionnariste, ni du social- libéralisme de soumission. Encore moins du social-libéralisme de conviction.

Alors que voulons nous ?

Nous voulons réfléchir et participer à la construction d'un autre monde, car nous croyons qu'un autre monde est possible et qu'il est en gestation dans celui ci ! Non pas que la dimension planétaire soit devenu un alibi pour s'abstraire des difficultés hexagonales, mais parce que la mondialisation est une réalité qui doit beaucoup au progrès. Parce que cette mesure est, dans un nombre de cas croissants, celle des défis auxquels l'humanité toute entière est confrontée. Notamment sur le plan environnemental, mais aussi dans bien d'autres domaines.

Nous ne sommes pas anti-mondialiste, pas plus d'ailleurs que l'immense majorité de celles et ceux qui militent dans les mouvements ainsi dénommés ! Mais nous n'acceptons pas que cette mondialisation soit menée, dirigée par un capitalisme financier dont la concentration menace gravement la démocratie la dignité humaine, voire la paix, lorsqu'il s'agit de pétrole !
Nous ne nous résignons pas à la confiscation de cette mondialisation par la globalisation financière, par la logique d'une économie de marché placée sous le seul critère de la recherche du profit, et qui, pour maximiser ces profits revendique et impose la marchandisation de l'ensemble des biens et des activités humaines.
Nous n'acceptons pas le primat de l'argent sur l'être humain, de l'économie sur la volonté politique.
Nous n'acceptons pas les inégalités croissantes, les subordinations, les souffrances, les désordres, les catastrophes présentes et futures, les hypothèques sur l'avenir qui en sont la conséquence.

Nous ne sommes pas anti-mondialistes mais sommes opposés à la mondialisation libérale, qui est un ordre politique inégalitaire, cynique, rétrograde sur le plan social, régressif sur le plan culturel. Nous y sommes d'autant plus opposé qu'à l'évidence, et n'en déplaise aux élites qui feignent de cultiver une autonomie de façade, elle est aujourd'hui placée sous la domination sans partage des Etats-Unis, d'une super puissance qui s'arroge le droit d'envoyer des ultimatums à l'O.N.U, d'imposer ses vues et sa force à l'univers tout entier, tout en s'exonérant de toute contrainte. Croire à l'autonomie de la mondialisation libérale par rapport à l'Imperium nord américain est du même ordre que l'acceptation du dogme de l'immaculée conception. La caricature de " l'axe du bien et du mal " est une injure faite à tous les héritiers de l'esprit des lumières, une offense à l'intelligence, une résurgence obscurantiste alarmante. L'adresse faite à la terre entière par le président Bush est un monument d'étroitesse d'esprit et d'ultra conservatisme, une dangereuse sommation. Le peuple américain, dont beaucoup d'enfants sont morts pour nous et qui mérite le respect pour ses conquêtes et ses réussites, ne mérite pas ça. Mais la cour suprême le lui a infligé ! Et l'Europe, l'Europe dont nous avons dit, promis et répétés qu'elle serait le niveau de résistance pertinent à cette mondialisation libérale et qui en est devenu, en réalité, le bras armé, l'Europe s'incline ou tergiverse, à une exception près : merci camarade Schröder !

Nous ne sommes pas " anti-mondialistes ", mais " alter-mondialistes ", c'est à dire partisans d'une mondialisation progressiste, respectueuse des valeurs démocratiques, de la paix, de l'égalité entre les peuples et les êtres humains, de la protection des biens mondiaux publics, d'une croissance durable, d'une solidarité publique effective entre le nord et le sud, et de bien d'autres valeurs que nous partageons avec beaucoup d'autres d'autre. Oui, nous avons toutes les raisons de nous opposer vigoureusement à cette mondialisation libérale, et de la combattre sans états d'âmes sur ses prétendus apports positifs.

Nous sommes aussi socialistes. Car contrairement à ce que l'on pourrait penser l'un n'exclut pas l'autre. En adoptant une ligne claire d'opposition vigoureuse à la mondialisation libérale, nous ne nous évadons pas vers d'autres horizons : nous revenons chez nous.

Certes le monde à beaucoup changé : je le disais en commençant. La chute du mur de Berlin à discrédité bien des outils du socialisme, entaché ses objectifs. Le rôle de l'état, déterminant pour le réformisme de gauche, s'efface devant les reculs de souveraineté qu'impose la mondialisation libérale et la construction technocratique de l'Europe. La liberté de circulation des capitaux à pour conséquence directe l'arrêt de la réduction des inégalités. Tellement changé que j'en arrive a avoir un point d'accord avec Tony Blair lorsqu'il nous explique, doctement, " qu'il n'y a pas de préconisation idéologique, pas de veto préalable sur les moyens ". Je pense en effet, que le socialisme n'est pas un dogme préétabli, un modèle préconçu, mais au contraire une fonctionnalité une action dynamique, continue, qui vraisemblablement ne sera jamais achevée. Mais à la différence de Tony Blair, et elle est de taille, je pense que cette fonctionnalité est au service de l'aspiration égalitaire dans ses diverses composantes juridiques, politiques, sociales et culturelles et du progrès social, lequel implique toutes les formes de progrès.

Et non pas au service du néo-libéralisme comme l'affirme tranquillement Peter Mendelson, inspirateur de la troisième voie, qui affirme tranquillement que " maintenant, nous sommes tous des thatchériens " ! Je pense aussi, sans grande originalité qu'on ne peut pas dissocier les moyens et les fins : ce n'est sûrement pas en signant des projets de directive sur la flexibilité du travail et la privatisation des services publics avec Messiers Berlusconi et Aznar que monsieur Blair va s'inscrire dans l'histoire de la gauche. Tony finira sans doute avec une médaille américaine pour services rendu à " l'axe du bien ", mais sûrement pas au panthéon de la pensée progressiste.

Nous, nous restons socialistes et sommes fiers de l'être. Parce que nous croyons que le socialisme, au service de toutes les aspirations égalitaires qui fondent la modernité politique, porte des valeurs plus fortes, plus généreuses et plus ambitieuses pour l'avenir de l'humanité que la loi du plus fort ou celle du profit.

Nous sommes socialistes et pensons qu'au moment ou le libéralisme s'enfonce dans la crise financière que sa logique spéculative à déclenché, qu'à l'heure où il se heurte à ses inévitables contradictions et vient buter sur ses détestables effets, l'heure n'est pas à la reddition mais au combat.

Nous sommes socialistes et croyons qu'au moment où dans notre pays, une droite dure tente d'imposer à la France, qui n'avait pas voté pour ça, une société inégalitaire fondée sur le modèle de revanche sociale du M.E.D.E.F, il est urgent d'agir.

Agir en défendant ce qui peut encore être sauvé en s'appuyant sur le mouvement social : le service public, et c'est pour ça que nous serons présents à la manifestation du 3 Octobre ; les 35 heures que nous revendiquons, l'école publique déjà menacée et les systèmes de protection sociale déjà en rouge.

Agir en prenant l'initiative d'un débat de clarification indispensable pour l'élaboration d'un véritable projet alternatif de reconquête de l'opinion de gauche.

Agir pour créer les conditions d'un nouveau rassemblement de la gauche toute entière sans lequel il n'y aura pas de victoire possible dans l'avenir.

Ce rassemblement, tout le monde le sait, ne pourra pas se faire sur une ligne social-libérale. Pour celles et ceux qui auraient pu encore en douter, l'après midi d'hier aura été, je le crois, un exercice utile et probant. Ils auront compris que par delà l'aspiration légitime à la victoire de nos propres convictions, nous travaillons, lorsque nous proclamons la nécessité de changer l'orientation globale de notre parti, à la mise en œuvre des conditions qui redonneront à la gauche une capacité majoritaire.

Oui, mes camarades, tout est lié. La cohérence est de notre coté.

Il n'y a pas de différence de nature entre le combat contre la mondialisation libérale, le combat pour une Europe démocratique fédérale et la défense de son modèle social et la lutte résolue contre le pouvoir du M.E.D.E.F dans notre pays. Il n'y a pas de différence de nature entre la défense du caractère public d'E.D.F-G.D.F en France et la lutte menée contre la privatisation des services publics de distribution de l'eau dans les pays en voie de développement par toutes les grandes O.N.G.

De même notre combat contre le social-libéralisme dans notre propre parti est aussi la condition du rassemblement de la gauche dans notre pays !

C'est pourquoi notre feuille de route est simple et claire.

Et c'est à la remplir que nous allons désormais nous consacrer, en allant à la rencontre, dans le parti et hors du parti, sans exclusive et sans autre préalable que celui des convictions partagées, de toutes celles et ceux qui partagent notre vision de la tâche à accomplir. Après le choc que nous avons vécu, le moment, je le rappelais au tout début, n'est plus aux calculs, petits ou grands, ou aux arrangements, grands ou petits. L'heure est au débat, qui sera rude mais noble, et à la politique qui doit être notre seule préoccupation. La politique, c'est à dire la définition d'un projet en phase avec les préoccupations des françaises et des français de gauche, car là est la véritable proximité.

Pour ma part j'ai confiance. Confiance, parce que le chemin me paraît droit et qu'il n'y a de vents favorables que pour celles et ceux qui savent où ils vont.



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