Il faut laisser
les militants débattre librement



Entretien avec Henri Emmanuelli, cofondateur de Nouveau Monde.

Paru dans Le Monde daté du 22 novembre 2002
Propos recueillis par Daniel Psenny


 

François Hollande annonce qu'il présentera seul une contribution au congrès de Dijon. En tant que cofondateur du courant Nouveau monde, quel est votre commentaire ?
Cela veut dire qu'a l'arrivée il sera avec Fabius et Strauss-Kahn. C'est leur droit le plus absolu. Ce n'est pas une surprise. Pourquoi des personnes se seraient-elles rassemblées à la hâte en juin, pour restructurer une direction qui n'était menacée par personne, pour se séparer ensuite à l'automne ou au printemps ? " C'est pas moi qui suis avec eux, c'est eux qui sont avec moi ".Il fallait y penser ! Ça change effectivement tout.

Il s'en prend aux " impatients ", aux " combinaisons et postures ", aux " pétitions de principe ". Vous sentez-vous visé ?
Non. Côté impatience, nous ne l'étions pas au printemps pour refaire la direction en un week-end. Côté posture, ce n'est pas nous qui changeons d'avis de semaine en semaine sur l'ouverture du capital d'EDF, ou sur la fiscalité, pour ne citer que deux exemples.
Notre analyse est politique et stratégique, et non tactique. Elle est claire : pour redonner des perspectives de victoire à la gauche, il faut recréer les conditions d'un rassemblement progressiste le plus large possible. Ce rassemblement ne peut se faire sur une ligne social-libérale rejetée par une large partie de l'électorat socialiste, les Verts dans leur majorité, ainsi que les communistes et ce qu'il est convenu d'appeler la " gauche mouvementiste ", étrangement absents des calculs de notre premier secrétaire. Sans parler des 5 % qui ont voté Chevènement. Sans méconnaître le bilan du gouvernement Jospin, nous n'avons pas inventé cette dérive social-libérale, pour les besoins d'un congrès. Nous en avons dénoncé les aspects, lorsque nous étions au pouvoir, sur des sujets bien précis : ouverture du capital des entreprises publiques, fiscalité, encouragement aux stock-options, fonds de pension à la française, résultats du sommet de Barcelone, refus de prendre en compte les 40 annuités, prime à l'emploi, etc. En retour, on nous abreuve d'épithètes et de phraséologie creuse sur un " pôle de radicalité " que nous n'avons jamais revendiqué. Enfin, on nous explique qu'en nous écoutant, on resterait dans l'opposition pour trente ans : les mêmes nous expliquaient comment faire pour ne pas perdre ! Ce n'est pas très sérieux !

A six mois du congrès, comment va se dérouler le débat ? N'est-ce pas trop long ?
Nous étions partisans de délais plus rapprochés, nous nous sommes inclinés. Mais les ambiguïtés qui rendent parfois hésitante notre démarche d'opposants, face à une droite dure particulièrement revancharde, démontrent qu'une clarification rapide était nécessaire. Nous respecterons les délais et les statuts de notre parti. Mais nous n'accepterons pas que l'on rejoue une fois de plus le simulacre de la synthèse de la parole des militants faite au sommet après qu'ils aient été consultés par questionnaire. Pour regagner la confiance du peuple de gauche, il faut d'abord faire confiance aux militants et les laisser débattre librement.

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