Discours
de Lionel Jospin,
le mardi 26 septembre 2000


Cher(e)s Camarades,

Députés, sénateurs, parlementaires européens, je suis heureux de vous retrouver, ce n’est pas un vain mot. J'ai ressenti du plaisir mardi dernier au Cirque d'hiver. Je l'éprouve à nouveau aujourd'hui.

Il est possible que vous éprouviez le même désir, l'envie d'être ensemble en cette rentrée plus troublée, j'allais dire un peu trouble. Je ne parle pas de la rentrée scolaire qui s’est bien passée.

Je voudrais évoquer devant vous de façon très brève, les développements récents de l’affaire liées aux accusations très lourdes portées par M. Jean-Claude Méry dans une cassette dont le contenu a été publié par le journal " Le Monde ". Ma conception de la vie publique m’a toujours conduit à ne pas utiliser les affaires dans le débat politique. Cela ne doit pas nous amener à nous laisser intimider, ni attaquer collectivement pour des fautes que nous n'avons pas commises, ni conduire à occulter la gravité des dossiers sur lesquels la justice enquête. Quant à l’attitude du Gouvernement, elle reste la même : laisser la justice agir en toute indépendance pour rechercher et établir la vérité.

Mais revenons aux grandes questions de cette rentrée.

On m'a dit, vous m'avez parfois dit, que vous aviez eu le sentiment - la vie parlementaire étant suspendue -, qu'une partie de l'actualité (les propositions sur la Corse, le projet de loi de Finances) s'est faite sans vous.

Le creux de l'été et la période de latence avant de reprendre ont permis moins de contacts entre nous. Mais ils reprennent. Ces journées, où sont présents les parlementaires mais aussi les ministres, en sont le symbole.

Je salue Raymond Forni, Jean-Marc Ayrault, Claude Estier, Pervenche Bérès et bien sûr François Hollande. J'ai une pensée particulière pour Gérard Collomb, qui va dans quelques mois, affronter un grand rendez-vous avec les Lyonnais.

- Vous aurez désormais, au sein du gouvernement et après Daniel Vaillant (que nous pouvons tous remercier) un nouvel interlocuteur, lui aussi issu de vos rangs, Jean-Jack Queyranne avec qui nous travaillerons en commun, dans le dialogue et la concertation.

Par rapport aux années passées, nous entrons dans une chronologie particulière :

c’est la dernière année parlementaire complète et en même temps une année marquée, et coupée, par un évènement politique important : les élections municipales et bien sûr les cantonales.

Un certain nombre d'entre vous seront candidats à ces élections. Vous aurez à adosser vos campagnes et vos projets municipaux à notre bilan et à notre action au plan national. Nous aurons tous à concilier les exigences d'une campagne électorale active avec la poursuite de nos grand chantiers. Notre responsabilité de gouvernants, vos responsabilités de législateurs, notre identité de socialistes, nous font un devoir de continuer à répondre aux attentes des Français.

- Pour mon intervention, il n’est pas utile que je détaille par le menu nos projets de textes pour cette session parlementaire, mais plutôt que j'apporte mon propre éclairage à la compréhension de la période sans doute nouvelle dans laquelle nous sommes entrés, qui emprunte encore des traits au passé récent mais comporte de nouveaux éléments et des attentes différentes.

I -Dans cette nouvelle période,
le gouvernement entend
rester à l'écoute des Français,

comme il s'est constamment efforcé de le faire depuis plus de trois ans.

Pour cela il doit partir de la réalité. Il doit parler de la réalité aux Français.

Partir de la réalité, c'est bien apprécier deux éléments que distinguent la situation de notre gouvernement de tous ceux qui l'ont précédé depuis longtemps :

Le premier, est que nous sommes depuis 1962-1967 et Georges Pompidou, le premier gouvernement de législature. Nous sommes là depuis 3 ans et 4 mois. Il n’est pas question de proclamer que ce gouvernement et la majorité iront jusqu'à 2002. Cela dépendra beaucoup de nous, de notre capacité à avancer en restant soudés, mais c'est la perspective et la logique normale du mouvement engagé.

Le second est que nous avons, depuis trois ans, porté tout le poids de la responsabilité et de l'action, sauf lors de l'intervention au Kosovo, où la charge a été portée par le Président et le gouvernement

Sur tous les grands problèmes de la vie nationale, le gouvernement et sa majorité ont affronté les problèmes, trouvé les solutions, assuré la responsabilité réelle du pouvoir. Cela aussi est sans précédent depuis 1958, à l'exception des deux courtes cohabitations de 1986-88 et 1993-95.

Je crois que les Français savent que nous sommes ceux qui assumons depuis plus de trois ans la charge de travail. Ils attendent que nous continuions et nous devons en garder les moyens.

Nous pouvons être raisonnablement fiers de notre bilan d'étape.

Nous avons gouverné le pays avec sérieux. Nous avons traité ou commencé à traiter tous les problèmes qui se présentaient à nous.

Nous avons fait vivre ensemble une majorité de gouvernement pendant plus de trois ans, même s'il a bien fallu que des changements surviennent dans l'équipe gouvernementale.

Nous avons piloté la politique économique de façon à conduire le pays sur le chemin de la croissance,

En trois ans, de juin 1997 à juin 2000, ont été créés 1.300.000 emplois soit un rythme annuel plus de 10 fois supérieur à celui de la période 1974 - 1996 et même deux fois plus élevé que celui des années 60. Dans le palmarès des 5 meilleures années du siècle en matière d'emploi - 1963, 1969, 1998, 1999, 2000 - trois se situent pendant nos années de gouvernement.

Non seulement 800 000 hommes et femmes sont sortis du chômage, mais nous avons accueilli avec un emploi 500 000 actifs supplémentaires, qui, sans cela, seraient venus grossir les rangs de l'ANPE.

Nous avons décidé et mis en œuvre de grandes réformes sociales : les 35 heures, les emplois-jeunes, la loi contre les exclusions, la couverture maladie universelle.

Nous avons modernisé notre appareil industriel pour lui permettre de mieux affronter la compétition mondiale en constituant de grands groupes Français ou européens.

Nous avons réformé notre vie démocratique en permettant une indépendance accrue de la justice, en instaurant la parité, la limitation du cumul des mandats, les premières réformes du Sénat, l’adoption du quinquennat.

Dans chaque champ de l'action gouvernementale, nous avons fait avancer les choses.

Les Français mesurent le travail accompli, même s'ils gardent toujours de la distance à l'égard du politique. Malgré le " coup de tabac " récent, il n'est pas fréquent en France qu'un gouvernement et une majorité soient, après trois ans, dans un rapport satisfaisant à l'opinion. Travaillons à préserver cet acquis.

Pour cela il faut essayer de bien saisir la période sans doute un peu nouvelle, différente dans laquelle nous sommes entrés.

D'abord, il y a une question de climat et aussi d'attitude.

Par la vigueur de l'expression de leur mécontentement sur la cherté du prix de l'essence, - même s'il était et reste difficile de résoudre ce problème au seul niveau de l'Etat - les Français vous ont fait savoir, et à moi en premier lieu, qu'ils nous voulaient plus attentifs à certains de leurs problèmes. Ils nous ont trouvé plus proches que nos prédécesseurs ; ils souhaitent que nous le restions. Ils ont raison.

Après plus de trois ans d'exercice du pouvoir, il est essentiel, tant au plan gouvernemental que de nos élus, que nous restions mobilisés, disponibles pour nos concitoyens et attentifs à leurs préoccupations. J'en tire certainement cette leçon pour moi-même.

Ensuite et tout autant, il nous faut essayer de bien comprendre la situation qui est celle de notre pays aujourd'hui. Elle s'est modifiée.

En 3 ans, par nos choix, nous avons permis le retour de la confiance. Avec la diminution du chômage, les bons résultats économiques, la forte reprise de la consommation, l'optimisme a commencé à renaître.

Les Français, habités par ce sentiment de confiance qui revient, ont le sentiment que, par leurs sacrifices passés et leur travail d'aujourd'hui, ils ont contribué à ce résultat. Ils veulent donc légitimement en retirer les fruits, pour eux-mêmes et pour leurs enfants.

Pour s'orienter dans cette nouvelle situation, plus complexe, ils veulent savoir quelles sont les contraintes, quelles sont les marges de manœuvre, quelles sont les possibilités. D'où ces risques de malentendu sur les supposées " cagnottes " - qui ne sont que des suppléments de recettes dues à la croissance et qui ont forcément un emploi - d’où ce débat d'aujourd'hui sur la répartition de la croissance.

Nous devons répondre à ces attentes nouvelles et montrer déjà en quoi le travail accompli et les premiers résultats obtenus ont préparé les réponses qui doivent être apportées dans la nouvelle période. Ainsi, par exemple, du pouvoir d'achat ou des salaires. Il est clair que la baisse du chômage, surtout si elle se poursuit, va créer sur le marché du travail un rapport de forces beaucoup plus favorable aux salariés de façon globale et aussi dans des secteurs où les besoins de main d’œuvre sont les plus forts. Lutter contre le chômage c'est agir pour le niveau des salaires.

Il faut aussi comprendre et indiquer que la période actuelle est double, ou, pour le dire autrement, que nous sommes dans une superposition de deux périodes.

 d’un côté, nous sommes en sortie de crise, de nombreux emplois ont été créés, des craintes se sont évanouies, un désir de consommation s'exprime, le souci de voir certaines contraintes être desserrées est là. D'ou les demandes portant sur l'allégement de l'impôt, la progression du pouvoir d'achat, les multiples demandes d'accroissement de revenus.

 en même temps, les stigmates de la longue crise que nous avons connue, les blessures sociales restent présentes et nombreuses. Il reste plus de 2 millions de chômeurs et de nombreux exclus. Notre priorité doit bien rester la lutte contre le chômage.

Il faut donc adapter notre politique aux nouvelles attentes mais aussi marquer pourquoi il faut garder le cap qui est le nôtre : muscler l'économie, faire reculer le chômage pour accomplir des progrès sociaux sur des bases sûres. Faire baisser le chômage - j'y reviendrai - c'est aussi rendre du pouvoir d'achat et redistribuer de la richesse.

II – Continuer à lutter contre le chômage
et mieux répartir les fruits de la croissance
relèvent pour nous d'une même exigence.

L'axe de notre politique doit rester la lutte contre le chômage.

Cette lutte est bien engagée, elle n'est pas encore gagnée. Nous ne sommes pas sur une pente naturelle de baisse de chômage où il suffirait de nous laisser glisser.

Nous ne pouvons nous satisfaire - comme les libéraux - d'un " chômage d'équilibre " ou " structurel " à 8 ou 9 %.

Nous ne considérons pas qu'il y a des " pénuries de mains d'œuvre ", alors que des centaines de milliers de chômeurs de longue durée ou de jeunes jugés non qualifiés ou indésirables seraient " inemployables ". Aux Etats Unis, où le niveau d'éducation et de formation n'est pas supérieur, en haute conjoncture, on embauche et on forme ; que nos employeurs acceptent de faire de même, nous les aiderons grâce au système éducatif et de formation professionnelle.

Nous voulons une société du travail et du travail pour tous. Aucune personne ne doit être vouée par destin à vivre hors de la communauté de travail. Il faut accentuer les politiques de retour à l'emploi. Martine Aubry a inspiré et conduit avec talent, avec tout le gouvernement, cette politique. Je vous voudrais la remercier avec force et chaleur. Nous allons continuer :

Pour poursuivre cette politique nous allons :

 pérenniser le plus grand nombre des emplois jeunes à l'issue des 5 ans d'aide de l'Etat.
Après avoir réussi le lancement puis l'essor de ces emplois, nous devrons en préparer la pérennisation. Naturellement les modalités de cette pérennisation et de l'accompagnement de l'Etat seront très différentes selon les domaines d'activité et selon qu'elle concerne des projets associatifs, des collectivités locales ou des services de l'Etat comme l'Education ou la police nationales. Le gouvernement est en train de travailler sur ce dossier et présentera bientôt ses propositions.

 poursuivre dans la voie de la réduction négociée du temps de travail.
Sur les 35 heures, nous avons tout entendu. Le MEDEF nous avait dit en 1997 que nous allions casser la reprise et détruire des emplois par milliers. Il prédisait la fuite des investissement étrangers. Il prétextait un refus des salariés qui préféreraient, selon lui, les heures supplémentaires à plus de temps libre.

Rien de tout cela ne s'est produit, la croissance s'est installée avec une vigueur entraînant des créations d'emplois sans précédent. Notre économie en plein dynamisme accueille comme jamais les investissement étrangers. Les 28 000 accords signés de réduction du temps de travail ont montré que les salariés (et les chefs d'entreprise) savaient trouver un équilibre satisfaisant entre le salaire et le temps libre, en favorisant l'embauche par une claire conscience de l'exigence de solidarité avec les sans emploi. La moitié des salariés du privé sont aujourd'hui à 35 heures, sans réduction de salaire.

Face aux tensions existantes sur le marché du travail, la réponse n'est pas dans un " moratoire " sur les 35 heures, comme le demande le MEDEF mais dans un effort accru de formation, de mobilisation des services publics, en particulier de l'ANPE.

 il nous faut mieux accompagner le retour à l'emploi.
Nous avons déjà pris des mesures dans ce sens. Nous avons dès 1998 engagé le programme " nouveau départ ". Fin août 2000, 1 700 000 demandeurs d'emploi en avaient déjà bénéficié. Grâce à cette action volontariste, le nombre des chômeurs de longue durée baisse aujourd'hui plus vite que ne baisse le chômage global.

 C'est pourquoi nous ne sommes pas hostiles aux objectifs de retour à l'emploi affichés par les gestionnaires de l'UNEDIC.
En juillet, nous avons pourtant refusé d'agréer la convention signée entre le MEDEF et deux organisations syndicales. Nous avons dit clairement pourquoi : regret d'une très faible amélioration de la couverture d'assurance chômage, refus d'un système " à double vitesse " pour l'aide aux chômeurs et du nouveau régime de sanction, exigence d'un équilibre financier de la convention, nécessité d'une clarification des relations avec l'Etat.

La discussion qui s'est finalement engagée vendredi dernier entre partenaires sociaux pour revoir le texte n'a pas apporté, semble t-il, de réponses véritables à ces objections.

Je le redis : n'opposons pas le contrat à la loi, veillons à assurer aux chômeurs un dispositif qui représente un progrès, cherchons entre interlocuteurs de bonne foi des solutions.

 Pour mieux faire face aux difficultés de recrutement, il faut faire avancer la réforme de notre système de formation professionnelle.
Le gouvernement souhaite proposer des voies de progrès au Parlement l'année prochaine.

D'ores et déjà, les dispositions sur la validation des acquis de l'expérience professionnelle figurant dans le projet de loi de modernisation sociale constitueront une avance très importante, une sorte de petite " révolution ".

 La qualité de l'emploi doit être aussi pour nous une exigence. Là aussi la loi de modernisation sociale apportera des réponses, contre la précarité de l'emploi et certaines pratiques inacceptables en matière de licenciement économique.

 Enfin, il nous faut lutter contre ce qu'on appelle les " trappes à inactivité ". De premières mesures ont été prises dans la loi contre les exclusions (RMI, allocation logement) ; de nouvelles trouvent leur place dans les dispositions fiscales pour 2001, notamment la baisse de la CSG pour les salaires proches du SMIC.

 Nous devons veiller à la redistribution des fruits de la croissance
Notre bilan après trois ans est à cet égard positif.

 En donnant la priorité à la création massive d'emplois, nous avons changé le rythme de la croissance économique mais nous avons aussi changé sa nature et la répartition des fruits de cette croissance.

 En privilégiant la participation de tous à la création de richesse, nous avons profondément modifié la répartition de la progression du revenu des ménages entre revenus d'activité et revenus du capital.

De 1994 à 1996, revenu du travail et du capital progressaient faiblement (1,1 % par an) et cette augmentation se faisait à parts égales.

Entre 1998 et 2000 non seulement le revenu des ménages a cru de 2,8 % par an, mais le partage de cette richesse supplémentaire a bénéficié massivement aux revenus du travail - pour plus de 80 %. C'est donc un véritable renversement de logique que nous avons engagé. Logique économique puisque désormais la croissance - forte - est tirée par la consommation et par l'emploi. Logique sociale, puisque le partage de la richesse nationale se fait dorénavant en faveur des salariés. Logique politique car ce nouveau partage n'est pas sans conséquence sur le rapport de forces sur le marché du travail et, au delà, dans la société.

Quant au pouvoir d'achat des salaires individuels il est -contrairement aux affirmations d'un de nos opposants, le premier d'entre eux- en progression de 1 % en moyenne par an au lieu de 0,3 % précédemment. A cela s'ajoute bien sûr l'effet des

1 800 000 salaires nouveaux distribués grâce aux créations d'emplois.

A une croissance faible et mal distribuée a succédé une croissance plus forte et mieux partagée. Il nous faut poursuivre dans ce sens, sans opposer emploi et pouvoir d'achat, mais en visant à la fois la poursuite de la baisse du chômage et l'amélioration du pouvoir d'achat individuel.

C'est cette évolution que nos choix budgétaires et fiscaux pour 2001 veulent prolonger et amplifier.

Pourquoi la baisse des impôts ?

 Parce que les prélèvements obligatoires sont élevés.
 Parce que nous en avons pris l'engagement.
 Parce que les résultats de notre politique économique le permettent : c'est une manière de redistribuer les fruits de la croissance retrouvée.
 Parce que, face à l'impact du renchérissement des cours du pétrole, c'est une bonne mesure contracyclique et une bonne façon d'injecter des revenus dans le circuit économique.
 Parce que, bien ciblée, elle permet de servir l'emploi (baisse de la CSG, mesure IS sur les petites entreprises).
 Parce que dans le même temps nous maîtrisons nos dépenses publiques tout en respectant nos priorités : solidarité, justice, sécurité, éducation, environnement, logement (mesures Gayssot)

Cette baisse des impôts bénéficiera :

 d'abord aux ménages, avec un effort pour les salariés au niveau du SMIC avec l'allégement CSG

 aux entreprises, notamment les plus petites, qui sont les plus créatrices d'emploi

Il est vrai que dans ce mouvement de diminution de la pression fiscale, la flambée des prix du pétrole est apparue comme une menace qui a focalisé l'inquiétude des Français.

Je voudrais vous donner mon sentiment à cet égard.

Nous avons correctement géré les conflits catégoriels qui ont, pendant quelques jours, bloqué l'approvisionnement en carburant : marins pêcheurs, patrons routiers, agriculteurs, taxes, ambulanciers... Nous avons à la fois négocié, apporté les réponses aux revendications et appelé clairement à l'esprit de responsabilité vis à vis du pays et de son économie.

Nous avons eu raison d'indiquer que les budgets des Etats consommateurs – qui ne sont pas tous des pays riches - ne pourraient pas sans risques éponger les hausses du pétrole brut. Les pays producteurs, les compagnies pétrolières et les distributeurs devaient rechercher avec nous les voies d'une modération et d'une régulation des prix du pétrole.

Il n'y a aucune raison que l'Etat et les consommateurs subissent seuls les conséquences de la hausse des prix décidés par les pays producteurs. Les compagnies pétrolières et les distributeurs doivent également s'engager dans cet effort. J'ai demandé au Ministère des Finances d'y veiller personnellement. La profession doit comprendre que le gouvernement est déterminé et prendra, le cas échéant, ses responsabilités.

Mais sans doute avons-nous quelque peu sous-estimé l'intensité de la réactivité de nos compatriotes à la hausse du prix de l'essence à la pompe.

Certes les allégements d'impôts leur rendront en revenus nettement plus qu'ils n'auront perdu en pouvoir d'achat par la hausse du prix de l'essence. Mais leur attente portait sur ce point et ils ont trouvé que nous n'y étions pas assez attentifs.

C'est pourquoi nous avons décidé qu'au 1er octobre, les taxes sur l'essence seront stabilisées à leur niveau de janvier 2000. En outre, une baisse exceptionnelle s’ajoutera à cette mesure, de sorte qu’au total, la fiscalité sur les carburants diminuera de 20 centimes.

Dans ce contexte, et même s'il s'agit d'abord du statut et du cours de l'euro, je veux saluer l'intervention des banques centrales qui a permis de faire remonter le cours de la monnaie européenne. Techniquement bien conduite, cette intervention n'est pas sans lien avec l'action menée par notre ministre de l'Economie et des Finances dans le cadre de la présidence Française de l’Union européenne. Nos appels à la régulation et à la coopération financière internationale peuvent donc être entendus. Ce qui a été fait une fois peut naturellement se refaire.

Les demandes des Français ne concernent pas exclusivement l'économique et le social.

III - Plusieurs débats ou vote récents
montrent que sur un certain nombre de sujets politiques
ou d'organisation de la société,
ils sont dans l'attente et parfois troublés.

J'évoquerai à cet égard trois questions :

Tout d’abord, les leçons du référendum :

Notre réunion se tient en effet au lendemain du vote du référendum sur le quinquennat. Les leçons de ce scrutin sont ambivalentes.

Nous pouvons nous réjouir que la réforme, souhaitée par nous, ait été votée par une large majorité de ceux qui se sont exprimés. C'est ce qui restera.

Nous devons bien sûr regretter la massivité des absentions. A cet égard, il serait aussi inopportun de vouloir culpabiliser les Français que de transformer les abstentionnistes en nouveaux héros de la démocratie.

Au-delà de toutes les causes diverses qui ont été avancées, je crois que l'explication la plus simple à cette abstention massive réside dans le fait que la réforme était jugée acquise et le référendum sans enjeu.

Il n'existe pas en France de culture politique portant à la banalisation du référendum. Il serait sage d'en tirer la leçon pour l'avenir.

En tout cas, le quinquennat est désormais approuvé. C'est une réforme que nous voulions et c'est une bonne réforme.

J’évoquerai maintenant notre espoir pour la Corse :

Les propositions du gouvernement pour la Corse ont reçu un vote très largement positif de l'Assemblée territoriale. Nous n’avons pu en parler assez, ensemble, en raison de la sortie du texte au moment des vacances parlementaires.

Mais nous allons le faire maintenant pour l'élaboration du projet de loi auquel travaille le ministre de l'Intérieur et qui pourrait être examiné au premier semestre de l'année prochaine.

Le texte et la démarche adoptés par le gouvernement ont été gravement dénaturés et caricaturés. Mais vous avez les textes.

La démarche proposée est fondée sur un refus absolu de la violence, sur un dialogue mené dans la clarté avec des élus reconnus. Elle ne comporte aucun risque pour l'unité de la République, pas plus d'ailleurs qu'elle n'instaure l'enseignement obligatoire du Corse ni ne transfère à l'île le pouvoir législatif. La République est notre référence commune et non l'exclusivité de quelques uns. Vous n'avez, je n'ai, nul besoin d'un directeur de conscience républicain.

Le texte qui sera, le moment venu, proposé au Parlement et que nous élaborerons avec vous, permettra d'engager une démarche raisonnable dont le législateur sera juge. Le projet est et restera inscrit dans le cadre des lois actuelles qu’il s’agisse de la langue, de la fiscalité, des infrastructures, du pouvoir réglementaire accru, de la culture.

En ce qui concerne la relance de la décentralisation,

Je rappellerai d’abord que seule la gauche a agi depuis 20 ans en faveur de la décentralisation. Lorsque Gaston Defferre l'avait défendue devant le Parlement, la droite avait dénoncé, outre le transfert de l'exécutif au Président du Conseil général, " facteur de féodalisation de la France ", " la politisation du Conseil régional et de l'administration de la région " et, déjà, l'atteinte portée à la conception de la République une et indivisible.

Sous notre gouvernement, la loi sur l'intercommunalité a permis de franchir une nouvelle étape.

Pour aller plus loin - puisque, semble-t-il, même l'opposition désormais le réclame - j'ai pris l'initiative d'installer en novembre 1999 une Commission rassemblant autour de Pierre Mauroy des représentants des grandes associations d'élus et des personnalités qualifiées pour qu'elles fassent des propositions pour une nouvelle étape.

Pierre Mauroy me remettra prochainement le rapport de la Commission.

Nous nous en saisirons ensemble sans éluder aucune question :
 la clarification et l'accroissement des transferts de compétence,
 l'examen d'ensemble des moyens financiers accordés aux collectivités,
 la réorganisation des structures territoriales,
 le renforcement de la démocratie locale.

Les réformes qui pourraient en résulter devront être préparées en concertation avec les élus locaux, les syndicats de fonctionnaires et les représentants des usagers.

Nous devons avancer avec trois préoccupations :
 les progrès de la démocratie participative,
 la prise en compte de la diversité de nos territoires dans l'unité de la France,
 l'affirmation du rôle de l'Etat comme garant de la cohésion sociale et de l'équilibre territorial, un Etat qui sache lui-même se réformer pour mieux assumer ses missions

Sans attendre cette nouvelle conquête de la décentralisation, il est frappant de voir que cette rentrée parlementaire est placée sous le signe de la conquête de nouveaux droits.

IV - Nous allons ouvrir
de nouveaux droits
pour les Français

Tout d’abord, de nouveaux droits pour les salariés des entreprises, avec :

 le projet de loi sur l'épargne salariale (début octobre)

. le projet de loi de modernisation sociale (premier semestre 2001)
 la proposition de loi contre les discriminations au travail (octobre).

Ensuite, nous mettrons en place de nouvelles solidarités pour les plus exposés, avec :

 les mesures sur les licenciements abusifs, que complétera la proposition de loi de Robert Hue sur le contrôle des aides publiques aux entreprises
 la réforme de la prise en charge de la dépendance des personnes âgées
 la résorption de l'emploi précaire dans les fonctions publiques.

Nous poursuivrons également l’ouverture de nouveaux droits pour les femmes :

 En matière d'égalité professionnelle, la proposition de la loi socialiste votée à l'Assemblée nationale sera prochainement discutée au Sénat.
 Le droit à disposer de son corps est pour les femmes une des grandes avancées de ce siècle. La gauche a été de tous les combats en ce domaine.

Le gouvernement soutiendra la proposition de loi socialiste du 5 octobre prochain qui permettra la délivrance, y compris par les infirmières scolaires, de la pilule du lendemain

Il présentera le 4 octobre en Conseil des ministres un projet de loi sur la contraception et l'interruption volontaire de grossesse.

Ce texte prévoira notamment pour l'IVG l'allongement des délais de 10 à 12 semaines, un aménagement de l'autorisation parentale pour les mineures, ainsi que l’abandon du délit de propagande trop souvent utilisé par les adversaires de l’IVG pour bloquer toute information fournie par les centres de planning.

L'ensemble de ces projets et propositions sera examiné par le Parlement avant les élections municipales.

Après ces élections, nous aurons à faire des choix pour apporter des réponses à d'autres questions que se posent les Français dans leur vie quotidienne, leur environnement, leur lieu de travail, leur vie familiale.

Comment mieux garantir les sécurités ?

Comment améliorer l'information de chacun sur des sujets qui le concernent ?

Comment faire évoluer le droit sur les nouvelles questions posées par l'évolution de la société ou le progrès des techniques ?

Sur tous ces sujets, le gouvernement prépare des propositions : les droits des malades, la réforme du droit de la famille, la transparence nucléaire, la société de l'information, la révision des lois bioéthique, la réforme de la loi informatique et libertés...

V- Je veux évoquer pour finir la majorité plurielle

Dans quelques jours, vous retrouverez à l'Assemblée, au Sénat, au Parlement européen, nos alliés communistes, radicaux, verts, membres du MDC.

Ils forment avec nous la majorité plurielle.

Celle-ci s'est révélée être une heureuse construction politique. En son sein, chacun pèse et inspire.

Elle a convenu aux Français.

Politiquement, elle a servi à tous et profité à chacun.

Si chaque composante voulait jouer son jeu à part des autres, voire contre les autres, tout le monde en pâtirait.

C'est pourquoi je demande à la majorité, non pas de renoncer à sa diversité, mais de veiller sur son unité.

Cela suppose en retour :
 de bien faire vivre l'échange entre les formations politiques qui la composent. De ce point de vue, la rencontre qui est prévue entre les partis est positive.
 d'assurer un dialogue entre les groupes de la majorité plurielle
 de faire en sorte que le gouvernement informe et écoute sa majorité parlementaire. J'y veillerai plus encore au sein du gouvernement.

Dans cette majorité plurielle, votre groupe parlementaire a joué pendant ces trois ans un rôle absolument essentiel.

Non seulement il est le pivot de la majorité, non seulement il en est le corps stable et souvent la partie la plus dynamique, mais il est aussi précieux, vous êtes précieux, pour moi et pour le gouvernement par votre solidité, votre solidarité, votre inventivité et la chaleur de votre amitié.


Cher(e)s Camarades,

La vie d'un grand pays n'est jamais linéaire. La durée au pouvoir implique des secousses. Les impatiences parfois nous interpellent. Il faut savoir les entendre et y répondre. En adaptant ce qui doit l'être mais en gardant fermement le cap, parce qu’il est juste. C'est ce que nous allons faire.



Page précédente Haut de page
PSinfo.net : retourner à l'accueil

[Les documents] [Les élections] [Les dossiers] [Les entretiens] [Rechercher] [Contacter] [Liens]