| François Hollande annonce pour la fin de l'année un référendum des socialistes sur l'Europe. Ce calendrier vous satisfait-il ?François Hollande est courageux. Si nous tardions trop, cette question européenne occulterait l'essentiel de l'élaboration de notre projet. Mais il nous faut aussi mener le travail de pédagogie qui s'impose sur une matière complexe qu'on s'est acharné, à droite comme à gauche, à caricaturer, voire à méconnaître.
Le débat sur la Constitution européenne serait-il selon vous entaché de mauvaise foi ?On a le droit de ne pas partager la même appréciation du traité de Bruxelles, mais on n'a pas le droit de lui faire dire ce qu'il ne dit pas ou d'ignorer ce qu'il dit. Personnellement, je suis attaché à la vérité des textes et je réclame, à l'image de ce que m'a enseigné mon premier maître en politique, Pierre Mendès France, une exigence de vérité et de rigueur intellectuelle. Or, nul ne peut contester que ce texte comporte des avancées, certes trop modestes mais néanmoins réelles. Qui plus est, ces avancées traduisent des demandes expresses des socialistes.
Lesquelles ?Le renforcement des pouvoirs du Parlement européen, l'augmentation des compétences internationales de l'Union européenne (politique étrangère, défense, sécurité), l'amélioration de l'efficacité des institutions par la généralisation du vote à la majorité qualifiée, la reconnaissance de droits sociaux...
Ceux qui, parmi vous, font campagne contre le texte avancent, à l'appui de leur choix, que sa modification ne pourra intervenir qu'à l'unanimité.C'est un argument important, mais l'unanimité est le droit commun de tous les traités internationaux. L'Europe a accompli des bonds en avant considérables dans le cadre de l'unanimité. Et, si demain le traité était repoussé, celui qu'on voudrait lui substituer devrait l'être à l'unanimité. C'est le serpent qui se mord la queue !
Pour vous, il n'y a aucun doute sur la valeur du traité de Bruxelles ?Le refuser, ce serait faire un pari sur l'incertitude. Je le répète, il n'y a aucun recul, il n'y a que des avancées. Je suis étonné que certains fassent la fine bouche aujourd'hui, alors même que les socialistes unanimes ont voté, en 1994, les nouveaux accords du Gatt qui ont consacré à la fois l'hégémonie américaine et un système de développement capitaliste destructeur des économies locales. J'ai été le seul, au Parlement européen, à voter contre cet accord ! Dans le même ordre d'idée, on ne peut que s'étonner du silence de la gauche, en juillet dernier, sur l'accord de Genève conclu dans le cadre de l'OMC qui va précipiter un peu plus la crise agricole de l'Afrique. Quand on est internationaliste, on devrait être interpellé par ce sujet, puisque le nombre d'hommes qui meurent de faim risque de passer de 2 à 4 milliards. C'est autrement plus grave que la Constitution européenne !
Pourtant, des membres de la direction du PS, comme Manuel Valls, ont pris parti pour le non, et Laurent Fabius hésite.Je respecte leur conviction. Cependant, si en définitive nous refusions ce traité, alors j'exige que nous nous livrions à un exercice de contrition collective. Les socialistes ont approuvé à l'unanimité, en 1997, le très mauvais traité d'Amsterdam que personnellement je récusais car je souhaitais un approfondissement de l'Europe avant de décider de son élargissement. Malheureusement, les socialistes ne se sont pas battus en ce sens. Ils se sont engagés d'une seule voix en faveur du traité de Nice, autrement plus médiocre que l'actuel traité de Bruxelles. Si aujourd'hui, les socialistes, en refusant ce traité, décident une révision déchirante de leur idéologie européenne, alors qu'ils accomplissent d'abord un acte de repentance vis-à-vis du peuple. Pour lui avoir demandé de soutenir des textes moins sociaux et moins avancés que le traité de Bruxelles. Car si ce traité n'est pas bon, les autres étaient détestables. Un peu de logique et de cohérence !
Que faites-vous de l'argument selon lequel dire oui à ce texte, c'est dire oui à Chirac ?Je peux le comprendre s'il apparaît que le référendum se réduit à une manœuvre purement politicienne du président. Les socialistes ont déjà beaucoup donné, en particulier lors de l' élection présidentielle de 2002, et à chaque fois ils ont été floués.
La composition de la Commission ne présage-t-elle pas d'un ancrage irréversible de l'Europe comme zone de libre-échange au détriment de l'Europe sociale pour laquelle le PS a fait campagne ?Ne confondons pas tout dans un salmigondis d'arguments fallacieux. La Commission est à droite parce qu'une majorité de pays d'Europe sont à droite. Le traité, abusivement appelé « Constitution », n'y est pour rien ! Si demain il y avait une volonté politique d'une majorité d'Etats, rien n'interdirait - et en tout cas pas ce texte - de construire une politique de la défense, une politique industrielle et, priorité des priorités, une politique de la recherche scientifique, clé de la prospérité et de l'indépendance de l'Europe. Ce qui manque à l'Europe n'est pas un traité mirifique, mais la volonté politique. Je suis pour une Europe de gauche, pour une Europe anti-impérialiste mais ce n'est pas un traité qui en décidera.
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