A force, la parole de Jospin s'use



Entretien avec Arnaud Montebourg, député de la Saône-et-Loire, cofondateur du courant Nouveau Parti socialiste (NPS), paru dans le quotidien Le Parisien daté du 20 septembre 2004
Propos recueillis par Frédéric Gerschel


 

Laurent Fabius est désormais présenté comme le champion du non. Cela vous agace-t-il ?
Il n'y a pas que Fabius. Au NPS, nous avons livré notre analyse sur le projet Giscard il y a déjà neuf mois. Beaucoup d'autres ont adopté notre jugement. Que ce soient Henri Emmanuelli et ses amis ou bien d'anciens rocardiens, comme Manuel Valls et Jean-Pierre Masseret, président de la région Lorraine. Ou encore des personnalités connues pour leur proximité avec Dominique Strauss-Kahn, comme les responsables de la fédération du Pas-de-Calais. On rencontre dans toutes les sections des militants qui doutent, et s'interrogent.

François Hollande défend un « oui de combat »...
Alors c'est un combat aux côtés de Raffarin et de Berlusconi qui, eux, ont fait de leur victoire un horizon euphorique... Un socialiste ne peut se résoudre, à la limite, qu'à un « oui résigné » compte tenu du rapport de force actuellement favorable à la droite en Europe.

Pour quelles raisons ?
Cette Constitution est un piège antisocial. Ce texte organise l'impuissance politique en matière sociale et fiscale : il est conçu pour cela. Il institutionnalise la mondialisation, conduisant les salariés à une mise en compétition permanente. De surcroît le traité organise la paralysie de tout ce qui pourrait faire contrepoids à cette situation. Il donne un droit de veto à certains Etats, qui s'en serviront pour s'opposer à ceux qui veulent corriger les effets destructeurs du libéralisme. C'est le meilleur carburant pour les extrêmes droites européennes qui sont, hélas, en plein renouveau.

Les tenants du oui font remarquer que tous les partis socialistes européens approuvent le traité...
Je dis à ces partis : consultez vos militants comme nous le faisons en ce moment en France et nous reparlerons alors de ce prétendu isolement. D'ailleurs les choses commencent à bouger. Le leader du PS belge Elio di Rupo ne vient-il pas aussi d'exprimer le désir de demander à sa base ce qu'elle pense de la Constitution ? Il admet que le non peut l'emporter. Nous ne sommes pas si seuls ...

François Hollande estime qu'un non français déboucherait sur une crise majeure...
Quoiqu'il arrive, ratification ou non, la Constitution n'entrera pas en vigueur avant 2009. Nous aurons donc largement le temps de réécrire un traité plus acceptable. Le facteur de blocage c'est le oui car il fige pour longtemps l'immobilisme politique en Europe.

Pour Ségolène Royal, les socialistes perdront la présidentielle s'ils votent non...
Je n'ai jamais eu une très grande confiance dans les analyses prédictives de Ségolène Royal. Ne mélangeons pas les questions et les échéances. Les militants ont le droit de faire leur choix librement. Toute opération de chantage ne peut être que contre-productive.

Lionel Jospin doit parler cette semaine. Redoutez-vous son intervention dans le débat ?
Jospin fait partie de ces dirigeants qui nous ont expliqué depuis quinze ans que si nous n'avions pas obtenu de contreparties sociales aux concessions faites aux droites européennes cela viendrait la fois suivante. Ce fut le cas pour les traités de Maastricht, d'Amsterdam, de Nice. Et c'est sûrement ce qu'il s'apprête à dire s'agissant de la Constitution. A force, sa parole s'use et perd de son crédit.



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