Nous sommes à la fois
plus à gauche
et plus modernes



Entretien avec Arnaud Montebourg, député de la Saône-et-Loire, qui a appelé, avec MM. Peillon et Dray, à fonder un " nouveau Parti socialiste ".

Paru dans Le Monde daté du 11 octobre 2002
Propos recueillis par Constance Baudry


 

Que voulez-vous apporter au Parti socialiste en créant ce nouveau courant ?
Clarifier la doctrine, retrouver la crédibilité, traiter les problèmes que nous avons oubliés et que les citoyens, eux, n'oublient pas dans leur vie quotidienne.

Premièrement, la mondialisation. Nous voulons proposer une politique en fonction de notre analyse de la mondialisation. Notre objectif est de mettre dans le débat des sujets qui ont complètement disparu.

Deuxièmement, l'Europe pour quoi faire ? Dans une dilution que risque de matérialiser l'élargissement, nous avons le devoir de dire ce que l'on veut pour notre idéal européen. Ce n'est pas une position sceptique, c'est une position euro-fervente. A propos de l'élargissement, nous demandons qu'on nous présente un devis avant de payer la facture. C'est-à-dire avoir une démarche, une méthodologie avec les Français qui soit démocratique. Cette question de l'élargissement, personne ne veut l'aborder. Tout le monde - cette technocratie unie de droite et de gauche - nous culpabilise en disant qu'on ne peut pas refuser les pays de l'Est. Silence, taisez-vous : on ne peut pas reculer, l'élargissement est acquis. Or nous ne sommes pas d'accord.

Troisièmement, la démocratie dans notre pays. Quatorze millions d'abstentionnistes, 6 millions de votants jetés dans les bras de l'extrême droite, ce sont 20 millions de personnes qui ne soutiennent plus ce régime. La question du régime est maintenant posée. Le Parti socialiste doit faire de ce sujet un grand projet.

Quatrièmement, la question du pacte social : il y a eu trop de malentendus sur notre politique, sur les 35 heures, la rémunération du travail, sur nos systèmes de redistribution qui aujourd'hui n'emportent plus l'adhésion, y compris dans les couches qui sont censées être les bénéficiaires de ces dispositifs.

Quelles réponses concrètes à ces questions ?
Nous en sommes à poser des questions car la direction n'en pose aucune et ne s'en pose aucune. Elle donne l'impression d'être repartie comme avant. Nous avons quelques idées. Nous demandons, par exemple, de repasser un contrat entre tous les Français sur l'exercice de tous les pouvoirs. Nous appelons à une nouvelle Constitution et à une nouvelle République.

Comment vous situez-vous entre François Hollande et le courant du " Nouveau Monde " créé par Henri Emmanuelli et Jean-Luc Mélenchon ?
Les intéressés (de la direction et du " Nouveau Monde ") ont été dans toutes les combinaisons, depuis vingt ans, ensemble. Quelle est la crédibilité de ces affrontements ? Ils nous paraissent factices. Nous partons des angoisses et des souffrances de la population et tentons d'adopter une doctrine crédible pour convaincre à nouveau une majorité de Français de nous faire confiance. Si nous ne faisons pas cette démarche, nous risquons la situation à l'autrichienne, c'est-à-dire trois forces égales : droite, gauche, extrême droite. Parce que la gauche n'aura pas su se rebâtir et repartir de l'avant, la droite se sera naturellement affaissée en raison de l'impopularité à venir de sa politique et l'extrême droite tirera les marrons de ce mauvais feu.

Votre démarche est-elle une extension politique du mouvement que vous avez créé, la Convention pour une VIe République ?
La Convention pour une VIe République est en faveur d'une rupture institutionnelle et comprend presque tout le spectre politique de gauche et une partie même de droite, puisqu'il y a des hommes de l'UDF. Il est évident que je défends dans mon propre parti les propositions en faveur d'une nouvelle République.

Pourquoi vous être associé à Julien Dray (animateur de la Gauche socialiste) et Vincent Peillon (porte-parole du PS) ?
Nous reconstituons une doctrine avec des gens de toute trajectoire politique et nous recomposons ce parti en créant une force nouvelle à partir d'origines sociales, géographiques, intellectuelles et militantes différentes. Nous nous retrouvons sur des exigences de fond qui sont fortes.

Comment analysez-vous la crise du 21 avril ?
Nous l'expliquons d'abord par un système politique discrédité dans lequel la gauche s'est coulée silencieusement et a subi par contagion ce discrédit à son tour. Deuxièmement, ce sont les silences et les ambiguïtés - que nous brisons - qui ont fait beaucoup de mal à cette campagne, et qui ne font que refléter l'absence de clarté et de lisibilité des socialistes dans une société française qui a complètement changé.

Quand vous dites que le PS est ambigu, vous souhaiteriez le voir virer un peu plus à gauche ?
Non, car nous sommes à la fois de gauche et en même temps dans la réalité. Nous sommes une sorte d'objet non identifié, une chose nouvelle. Et comme toute chose nouvelle, nous sommes difficiles à caricaturer et à étiqueter. Nous sommes à la fois plus à gauche et plus modernes. Nous sommes les deux.

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