Pour un Nouveau
Parti socialiste
seconde partie


 Contribution générale présentée par le Nouveau Parti socialiste au congrès national de Dijon du Parti socialiste.
18 janvier 2003


III/ Fonder
la République nouvelle

 
Les socialistes savent depuis toujours que la démocratie est le seul instrument du progrès économique et social et la dernière arme contre la toute-puissance du marché. Une République vivante, profondément démocratique, qui s’appuierait sur la délibération collective et rejetterait les pratiques féodales ou oligarchiques, donnerait toute sa place aux citoyens, et permettrait à ceux-ci d’imprimer leur marque sur les choix politiques qui deviendraient les leurs.

Là où la démocratie est absente, dans l’économie capitaliste, dans l’Union européenne, au sein des instances internationales, c’est la concurrence des intérêts privés, la loi des marchés et de la maximisation du profit, le droit du plus fort qui l’emportent. C’est pourquoi la VIème République, qui installera le citoyen en son sein, est pour nous un projet global, à la fois politique, économique et social, culturel, européen et international.

14 millions d’abstentionnistes, 6 millions d’électeurs jetés dans les bras de l’extrême droite, moins de la moitié de la population en âge de se prononcer donnant sa confiance à un parti de Gouvernement, l’actuel Président de la République choisi par 1 français sur 10, des votes de plus en plus extrémistes et volatils, un jugement sévère sur les responsables politiques, la haine et la violence s’installant à leur égard, le sentiment d’une impuissance générale de l’action publique. Qui soutient encore ce régime, et qui croit encore dans ses capacités de représentation et d’action ?

Ce diagnostic est connu, mais le mal poursuit sa croissance scrutin après scrutin. Le 21 Avril, ce n’est pas seulement l’échec de Lionel Jospin, des socialistes et de la gauche : c’est une crise civique sans précédent, un affaissement irréversible de la confiance accordée à ce système politique auquel nous avons eu grand tort de nous accrocher. Il n’est pas notre œuvre, il a discrédité sans aucune exception tous ceux qui s’y sont logés en croyant y trouver leur confort. En se complaisant ainsi dans les institutions de la Vème République, la gauche a sacrifié une part considérable et précieuse de son identité.

Le temps n’est plus, pour nous, au constat éploré. Il est urgent de reconstruire la confiance perdue entre les citoyens et leurs représentants et de réconcilier les français avec la chose publique. Il faut repasser un vaste contrat entre tous les français sur l’exercice du pouvoir, de tous les pouvoirs, qu’ils soient national, européen ou décentralisé, parlementaire, gouvernemental ou présidentiel, administratif ou judiciaire.

Nous voulons un acte fondateur qui ouvrira l’horizon de la réforme, reformera l’espoir et la confiance dans l’esprit public et rassemblera par l’audace nombre de français autour d’un projet collectif et d’une juste ambition. Nous proposons une VIème République qui engagera la France dans la voie de la démocratie moderne : davantage de transparence et de contrôle, davantage de responsabilité et de pluralisme, davantage de délibération et de participation. La IVème République aura été celle des partis, la V ème celle des technocrates, la VIème République sera enfin celle des citoyens.

1- Une démocratie parlementaire

    L’élection du Président au suffrage universel et les pouvoirs exorbitants qui lui sont conférés sans contrôle ont déséquilibrés notre vie politique. La dernière élection a montré, une fois de plus, les limites et les dangers de cette institution : pauvreté du débat démocratique, personnalisation à l’extrême. Les français subissent aujourd’hui une politique qu’ils n’ont pas démocratiquement choisie et sont présidés par un quasi-délinquant bonimenteur. Ce qui est en question, ce n’est rien de moins qu’un esprit de responsabilité qui fait défaut à la plus haute charge de l’Etat. Nous proposons de transférer au chef de gouvernement, qui agit sous le contrôle permanent des autres pouvoirs, parlementaire et judiciaire, la totalité des pouvoirs actuellement entre les mains du Président de la République : la nomination aux emplois civils et militaires, le droit de dissolution ainsi que les prérogatives en matière de diplomatie, de défense, et d’impulsion en matière de politique générale. L’article 16 doit être abrogé. La France, dotée d’un régime parlementaire de nature primo ministérielle ressemblera ainsi à tous ses partenaires européens.

    Le Parlement a pour mission de faire la loi, d’autoriser l’impôt, la dépense, la guerre et de contrôler l’exécutif. Il ne fait rien de tout cela, ou si peu. Il faut lui redonner la plénitude de ses fonctions.

    Sans équivalent dans les grandes démocraties modernes, la tradition française du cumul des mandats doit être abandonnée. C’est un préalable. Les mandats nationaux doivent être des mandats uniques et les parlementaires se consacrer pleinement à la tâche pour laquelle ils sont élus. Cette réforme doit s’accompagner du maintien de l’élection dans le cadre d’une circonscription au scrutin majoritaire à deux tours, de l’instauration d’une dose de proportionnelle et d’un statut de l’élu. Enfin, pour assurer le renouvellement constant du personnel politique, les mandats, aussi bien locaux que nationaux, devront être limités dans le temps à la durée de trois mandats identiques consécutifs.

    Pour permettre au Parlement de faire la loi et qu’il ne soit pas une simple chambre d’enregistrement, il faut lui redonner l’initiative législative en lui conférant la maîtrise de son ordre du jour, ce qu’il a perdu depuis 1958. De nombreuses règles de fonctionnement du Parlement devront être transformées : augmentation du nombre de commissions parlementaires permanentes ; revalorisation du travail en commission, base de la discussion en séance publique ; limitation de l’usage du vote bloqué ; abrogation de la demande par le Gouvernement d’une nouvelle délibération ; concertation préalable obligatoire des organisations ou associations concernées par un futur texte législatif ; contrôle approfondi des ordonnances législatives ; création d’une commission permanente relative aux questions européennes chargé d’autoriser préalablement le Gouvernement à négocier dans le cadre de l’Union.

    Pour permettre au Parlement de contrôler l’exécutif, il faut placer la Cour des comptes sous son autorité comme en Angleterre, permettre la saisine des corps de contrôle de l’administration, instaurer un contrôle du Parlement sur les décrets d’application, autoriser l’engagement de la responsabilité individuelle des ministres, faciliter les créations des commissions d’enquête et en réserver de droit à l’opposition, donner la Présidence de la Commission des finances à l’opposition, et réformer plus avant la constitution financière de l’Etat. Afin d’instaurer la transparence, un contrôle du Parlement sur les nominations de fonctionnaires de premier rang doit être institué.

    Pour augmenter le contrôle des citoyens sur leurs représentants, il sera ouvert un droit de pétition des citoyens, sous condition de quorum, contraignant à l’ouverture d’un débat suivi d’un vote. Nous ne ferons que renouer ainsi avec la tradition des résolutions.

2- La république appartient aux citoyens

    Il faut s’engager dans une renaissance démocratique qui fera de la participation des citoyens l’une des pierres fondatrices de la VIème République. Les citoyens pourront provoquer sous condition de quorum des consultations référendaires dans le cadre des compétences des collectivités territoriales. Ces référendums seront décisionnels. Leur caractère abrogatif est envisageable. Le droit de pétition des citoyens permettra l’inscription obligatoire d’une question aux ordres du jour. Les comptes rendus de mandat seront, dans les grandes collectivités territoriales, rendus obligatoires. La procédure du budget participatif, associant les citoyens à l’expression des priorités d’une ville ou d’une région préalablement au vote du budget sera instituée.

    Le droit de vote des étrangers, sous condition de résidence, aux élections locales sera institué.

    L’action publique locale est aujourd’hui illisible pour nos concitoyens, en raison de l‘enchevêtrement des compétences entre des collectivités locales multiples, toutes en mesure de lever l’impôt, et pour un grand nombre d’entre elles faiblement démocratiques. Elle est le lieu de la reconstitution du clientélisme et de féodalisme territorial, au détriment de la démocratie et du principe de bonne utilisation des fonds publics. Il faut clarifier, simplifier, et diminuer les coûts de gestion des administrations locales.

    Les élus de toutes les structures intercommunales devront relever d’une élection au suffrage universel direct. La séparation des exécutifs des assemblées délibérantes doit être organisée. On gagnera ainsi en coût, en efficacité démocratique et en lisibilité politique. L’objectif de fusion de plusieurs échelons territoriaux doit être posé et réglé dans le cadre de la nouvelle République.

    Lionel Jospin a eu raison de dire que le Sénat est une anomalie. Il est un facteur non de sagesse mais de blocage des réformes pour la société française. C’est pourquoi nous proposons de le transformer en Chambre des forces vives évoquée autrefois par Pierre Mendés France, où siégeraient, outre les représentants des collectivités locales élus au scrutin proportionnel intégral dans un cadre régional, les représentants des forces économiques et sociales de la nation.

3- N'oublions pas la Justice

    La nouvelle République doit s’engager dans la construction d’un pouvoir judiciaire indépendant et responsable.

    La gauche a échoué à réconcilier les citoyens avec l’institution judiciaire. La place que doit occuper cette institution dans la République sera donc repensée : la justice ne peut plus être dépendante du pouvoir exécutif et de ses intérêts mais elle doit pouvoir faire l’objet d’un droit de regard des citoyens, d’un contrôle de ses actes et doit accepter la mise en jeu de sa responsabilité.

    La naissance d’un pouvoir judiciaire repose sur la création d’une Cour constitutionnelle émanant dans sa composition des représentants de la Nation. Cette Cour, sera revêtue de la légitimité élective : les membres de la Cour constitutionnelle seront élus par vote consensuel aux trois quarts des voix des députés à l’Assemblée nationale sur proposition du Président de la République, pour une durée de neuf ans, avec renouvellement par tranches. Le Président de la Cour sera élu par ses pairs et non plus nommé, comme aujourd’hui. L’actuel Conseil constitutionnel, politisé et partisan, sera ainsi renforcé en disparaissant dans sa forme actuelle, dans sa légitimité et dans son impartialité.

    Cette Cour constitutionnelle sera chargée de contrôler le respect de la Constitution par l’ensemble des pouvoirs :
     le pouvoir législatif, sous la forme d'un contrôle de constitutionnalité des lois. Il sera enfin possible à tout citoyen de saisir la Cour à l'occasion d'un litige engagé devant les tribunaux.
     Le pouvoir exécutif, dont les décisions échappent aujourd'hui au contrôle de respect de la Constitution.
    Cette Cour sera placée à la tête de la hiérarchie judiciaire subordonnant à ses décisions le Conseil d’Etat et la Cour de cassation. Elle exercera les fonctions de l’actuel Conseil Supérieur de la Magistrature, et garantira l’indépendance de la magistrature du siège, l’impartialité du comportement de ses membres, et assumera le contrôle sur les nominations des juges.

    La séparation sera désormais consommée entre ces juges, chargés de juger en toute indépendance, et les Procureurs chargés de l’accusation publique au nom du Gouvernement et de la société. Ceux-là seront à la disposition du pouvoir exécutif ; mais ils seront placés sous le contrôle politique du Parlement et des parlementaires exerçant ce contrôle au nom des citoyens sur les actes des parquets, sur le terrain, sur place et sur pièces.

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IV/ Retrouver les outils de l'égalité

 
Cette inertie gestionnaire qui a tant nui à notre cause nous a amené à regarder, passifs, les dégâts de la globalisation libérale, à accepter une démocratie politique anesthésiée, à tolérer un désordre public social profond, des inégalités qui perdurent ou s’accroissent, une précarisation qui s’installe. Les socialistes doivent proposer un sursaut et un réformisme radical pour affirmer leur aspiration primordiale à la justice sociale, bousculer les conservatismes, remettre en cause les privilèges.

Lorsque trois fois plus d’ouvriers votent pour Jean-Marie Le Pen que pour notre candidat, c’est notre responsabilité historique de socialistes de mener une bataille idéologique et culturelle forte, sanctionnée par des choix et des actes, de telle sorte que l’égalité des chances et des possibles, celle aussi des conditions, soit un projet partagé par le plus grand nombre. Les difficultés que nous pouvons rencontrer face au consumérisme, à l’égoïsme individualiste ou corporatiste, à la défiance des classes populaires dans l’action publique sont directement liées aux échecs concrets que nous avons pu rencontrer dans la lutte contre les inégalités et au sentiment que nous avons pu donner de nous satisfaire du désordre social et de l’insécurité publique liée à l’économie libérale. La société française doit retrouver une ardeur et une fraternité qui lui fait défaut, et cela ne peut se faire que par un projet d’émancipation individuelle et collective construit sur des valeurs clairement assumées et défendues. Nous proposons de trancher des débats qui sont restés aujourd’hui confisqués, interdits ou ambigus. Nous proposons de reconquérir les instruments qui permettent de reprendre avec entêtement la lutte contre les inégalités, et de reconquérir ainsi notre identité, notre vocation et notre justification de socialistes.

1- Nos retrouvailles avec le service public

    Le service public est un des éléments fondamentaux de la cohésion nationale, sociale et territoriale. Il fixe le niveau de résistance qu’une Nation entend opposer à la marchandisation des biens et des services. Il incarne un projet collectif, un projet de société, qui place l’égalité en son cœur. Il nous appartient d’assurer aux citoyens un haut niveau de service public défini autour des principes d’égalité et de péréquation tarifaire, de continuité territoriale et d’égalité d’accès. Cela implique des positions claires. D’abord, pour assurer ces missions, mais aussi pour faire face à des investissements qui ne sont pas immédiatement rentables mais dont dépendent la sécurité des usagers, la continuité de l’approvisionnement ou le désenclavement des territoires isolés, il faut reconnaître que l’existence d’un secteur réservé au sein duquel le service public exerce son activité en monopole est nécessaire. Nous refusons donc l’extension de la concurrence en Europe dans ces secteurs, ainsi que l’ouverture du capital qui en découle. Les nombreuses entreprises publiques qui sont déjà soumises à concurrence devront faire l’objet d’un soutien ferme de la puissance publique pour financer les charges liées à leur mission d’intérêt général. Il s’agit clairement pour nous d’affronter les règles concurrentielles imposées par l’Europe et d’entrer avec force dans le débat qu’il convient de réouvrir sur un service universel devenu, à Bruxelles, un service minimum.

    Cette position offensive nous conduit à considérer que s’agissant des services publics marchands, il importe de clarifier ce que la Nation considère devoir relever aujourd’hui d’une mission de service public assurant l’égalité d’accès aux biens et services fondamentaux à ses citoyens. Le développement des missions de service public peut amener au contraire la puissance publique à la prise ou a la reprise du contrôle sur des entreprises exerçant des missions fondamentales d’intérêt collectif. La distribution de l’eau pourrait avantageusement repasser sous la gestion des de régies municipales, intercommunales ou régionales à l’occasion du renouvellement des concessions. Cette activité n’a pas à réinvestir ses profits dans la téléphonie ou des télévisions privées quand tant reste à faire pour qu’une eau de qualité soit accessible au prix le plus bas dans toute la France.

    Le service public doit aussi s’affirmer pleinement dans le domaine des médias. La télévision a acquis le pouvoir de tout se permettre à mesure que les exigences du profit s’aiguisent. Télé réalité, divertissement poubelle, politique spectacle, sensationnalisme de l’information, omniprésence de la publicité : la télé effraie, embrigade, fascine.

    Nous voulons relancer une grande politique audiovisuelle fondée sur le renforcement d’une télévision de service public forte et influente et le principe « télévision publique-financement public ». Cela implique la disparition de la publicité sur les chaînes publiques dont la programmation ne peut être dictée uniquement par l’audimat et s’aligner sur celle du secteur privé. De même nous proposons que la publicité soit supprimée durant les programmes réservés à la jeunesse sur l’ensemble des chaînes hertziennes. Enfin, pour limiter la concentration de pouvoirs exorbitants dans les mains de certains groupes, nous proposerons l’adoption d‘une loi anti-concentration qui limite le seuil de participation au capital des entreprises de communication. Cette loi devra interdire à un même groupe d’être actionnaire d’une entreprise de communication et d’entreprises dont l’essentiel du chiffre d’affaires relève de marchés publics.

    Dans d’autres secteurs, sans dimension de service public, la présence de l’Etat au sein de certaines entreprises peut se justifier par le contrôle d’activités stratégiques ou la mise en œuvre de politiques industrielles (défense, aéronautique, espace). La puissance publique doit pouvoir donner l’élan, amorcer, par l’investissement public, l’essor d’un secteur d’avenir et y développer des alliances européennes. La présence de l’Etat au capital de ces entreprises peut varier, et les privatisations ou prises de participation doivent être soumises au contrôle du Parlement en veillant à préserver sa valeur au patrimoine public.

    Pour les entreprises dont l’Etat est actionnaire de façon majoritaire, une commission permanente de l’Assemblée nationale doit être chargée d’une mission d’évaluation permanente des stratégies de développement et d’un rapport public devant donner lieu à un débat annuel.

    Redonner aux citoyens du pouvoir sur l’amélioration des services publics est fondamental. Des contrats, conclus avec les élus et les associations d’usagers à l’échelle des agglomérations, des pays et des régions, définiront la présence publique. Des " conseils du service public " indépendants évalueront leur application à l'échelle régionale, ainsi que l'usage de l'argent public.

2- Le big bang fiscal

    Pour nous, l’Etat doit d’abord préserver sa capacité à agir afin de préserver la démocratie. Il doit acquérir de plus grandes possibilités de manœuvre sur les terrains multipliés de son intervention.

    Il faut réhabiliter l’impôt, ce qui suppose de le rendre plus simple, plus efficace, plus juste. Le système français des prélèvements obligatoires est un des moins redistributifs. Tout compris, le taux moyen de prélèvement ne s’élève que dans des proportions réduites, de 45 % au niveau du SMIC à 56 % au niveau de 15 fois le SMIC (respectivement de 25 % à 40 %, cotisations sociales exclues).

    C’est pourquoi il faut réintroduire justice et progressivité. L’objectif doit être de fondre la CSG, l’IRPP et les impôts locaux dans un seul impôt à la fois universel, transparent et progressif. Doté d’une assiette large, il devra compenser le poids excessif des impôts indirects, impôts injustes qui diminueront à due proportion.

    Le total des impôts ainsi énumérés permettrait de passer d’un IR à 3 % du PIB à un IR à 8,5 % du PIB. Dans ce cadre, la prime pour l’emploi pourrait être supprimée et le grand IR se substituer ultérieurement à certaines cotisations sociales de manière à étendre l’assiette de financement de certaines dépenses sociales nécessaires. Il sera possible de faire disparaître le quotient familial et le quotient conjugal, ouvrant la voie à une imposition séparée. La retenue à la source sera facilitée par cette réforme. L’ensemble des revenus financiers qui représentent aujourd’hui 15 % du revenu disponible des ménages (contre 40 % pour les salaires nets) doivent être réintégrés dans l’assiette de l’IR.

    Les recettes de ce grand impôt alimenteraient à la fois les caisses de l’Etat, de la Sécurité sociale et des collectivités locales. Pour répondre aux exigences d’autonomie fiscale des collectivités locales, il devrait s’accompagner de la possibilité d’une modulation locale votée sous forme d’euros additionnels par les assemblées délibérantes.

    La répartition de la fortune apparaît très inégalitaire, encore plus que celle du revenu. Notre imposition sur le patrimoine privé est plus faible que celle des Etats-Unis, de la Grande Bretagne ou du Japon. C’est pourquoi nous proposons de définir, comme cela existe dans d’autres pays, un véritable impôt sur le capital et non pas un simple impôt sur les biens immobiliers comme l’est aujourd’hui l’ISF qui ne recouvre en l’état que 10 % du patrimoine des particuliers. Son produit ne représente lui-même que 10 % de l’imposition du capital contre 25 % pour les droits de mutation dont les seuils sont largement inférieurs, ce qui est à la fois injuste et anti-économique. Crée à des fins explicites de redistribution, l’ISF épargne aujourd’hui les formes de richesse les plus somptuaires ou les plus rentables, oeuvres d’art et biens professionnels.

    Il conviendrait d’élargir l’assiette à la propriété sous toutes ses formes, d’abaisser le seuil de taxation et de rendre le barème plus progressif. En contrepartie, les droits de mutation devront être fortement réduits. Une partie des gains fiscaux ainsi réalisés pourrait être affectée à la consolidation des régimes de retraite par répartition, via le Fonds de réserve des retraites.

3- La République scolaire

    L’école doit être replacée au cœur de notre contrat politique. Les valeurs d’émancipation et d’intégration autour desquelles elle s’est construite sont d’une pleine actualité. Les fondateurs de la IIIème République pensaient que l’émergence d’une citoyenneté démocratique n’était possible que si elle s’appuyait sur la raison et le savoir. L’ennemi de la République était alors l’ignorance, et c’était sur cette ignorance du peuple que l’aristocratie et les pouvoirs de l’ancien régime avaient fondé et maintenu leurs dominations séculaires. La place accordée à la formation aux valeurs, à la réflexion et au raisonnement, doit être améliorée.
    L’école républicaine a pour mission de former une personne libre, capable de raisonner, de se former son jugement, de se déterminer par elle-même, et de s’arracher ainsi aux différents déterminismes, culturels, religieux, socio-économiques. Elle a aussi pour mission de former un citoyen responsable, qui connaît ses droits et ses devoirs, a le sens de l’intérêt général, peut s’exprimer et agir dans l’espace public. Les valeurs civiques de la laïcité doivent être enseignées précocement et sérieusement. En proposant au pays un projet éducatif, ambitieux et progressiste, les socialistes peuvent contribuer à redonner un sens collectif et une ambition démocratique à la société française. Pour nous, ce projet éducatif ne relève pas de choix pédagogiques mais d’abord de choix politiques. C’est cette méthode qui nous a manqué et qui a donné le tournis au monde enseignant, aux parents, comme aux élèves. La gauche, c’est l’école. La gauche n’a pas le droit de douter de son école et doit au contraire en permanence définir des objectifs qui prolongent et renouvellent la grande ambition républicaine éducative.

    A cet égard, nous devons sortir du débat stérile qui divise la gauche entre les partisans de l'instruction et ceux de l'éducation. L'école doit à la fois transmettre des savoirs et des valeurs et en avoir les moyens. Mais c’est l'apprentissage de la citoyenneté qui doit être la première étape. Pour nous, l’école n’a pas pour vocation première de former des médecins, sportifs, avocats, mathématiciens, cuisiniers, etc., aussi compétents soient-ils. Elle doit avant tout se donner l’objectif de former de futurs adultes et citoyens, responsables, autonomes et épanouis, possédant des compétences et une culture qui leur permettent de prendre toute leur place dans la société, tant sur le plan professionnel que personnel. A partir de là, l’objectif doit être qu’aucun jeune ne sorte de l’école sans qualification. Ils sont encore 60 000 par an aujourd’hui. Cela suppose de valoriser les filières technologiques et professionnelles, d’organiser mieux l’orientation et de garantir des passerelles à différents moments du parcours scolaire, de telle sorte que la qualification obtenue permette une requalification permanente.

    Tous les moyens doivent être mobilisés pour permettre l’apprentissage des outils fondamentaux, tout particulièrement de la lecture et de l’écriture. Une attention particulière doit être portée aux premières années de l’école élémentaire et à l’articulation de celle-ci et du collège. De toutes parts, le collège craque. L’échec scolaire y est massif, la violence plus répandue qu’on veut bien le dire, les phénomènes de déscolarisation fréquents. Dans le collège “ unique ”, s’est mise en place une sélection perverse qui vise des enfants et des adolescents qui comprennent très vite que l’école fait une croix sur eux. Le rétablissement d’une orientation précoce en 5ème est-il la solution ? Assurément, non. Il n’y a d’ailleurs rien d’étonnant à ce que la droite en fasse son cheval de bataille, car prétendre résoudre les problèmes actuels en débarrassant les collèges des trublions, c’est entériner de fait un renoncement au projet égalitaire de l’école républicaine. D’abord défendre le “ collège unique ” contre ceux qui l’attaquent et veulent le liquider, tel est notre premier devoir. Notre second devoir est d’y permettre la réussite de tous en rompant avec une uniformité qui entraîne exclusion et découragement.

    Les premiers cycles universitaires devront être réformés afin qu’ils offrent à chacun une chance : aujourd’hui seulement 60 % finissent le premier cycle universitaire. Une meilleure orientation est à définir dans le cadre d’un suivi individualisé.

    Des systèmes de prise en charge précoce, permettant de redonner une réalité à la promotion au mérite, doivent être institués à nouveau. Ils devront permettre aussi d’orienter les jeunes qui en ont la capacité, à défaut d’en avoir les moyens, vers des filières aujourd’hui en difficulté de recrutement, comme les filières scientifiques.

    On connaît depuis longtemps l’influence de l’environnement social, familial, urbain, sur la réussite des enfants. Or, précisément à cause de la crise économique et sociale, cet environnement s’est détérioré pour beaucoup d’enfants. L’école n’arrive pas à pallier ces graves difficultés et le destin scolaire de ces enfants se dégrade. Il revient au service public de combler les inégalités péri-scolaires qui handicapent gravement les enfants. Pour remédier à ces problèmes, il est possible de généraliser l’expérience réussie des écoles ouvertes. Le soir, pendant les vacances, les jeunes sont encadrés par des adultes, formés pour les aider dans leur travail scolaire, les initier au sport, à la musique ou aux arts plastiques. L’internat d’excellence pédagogique peut être une solution efficace. Il offre des possibilités de prise en charge éducative soutenue pour éviter le décrochage d’enfants en proie à des difficultés sociales ou familiales lourdes.

    Les difficultés scolaires sont étroitement corrélées aux difficultés économiques et sociales. Aujourd’hui, des lycéennes et des lycées sont contraints de travailler pour financer leur scolarité. C’est encore plus le cas à l’université où 800 000 étudiants se trouvent dans l’obligation de subvenir au moins partiellement à leurs besoins. C’est pourquoi un contrat autonomie pour la jeunesse doit être mise en place qui permette, sous conditions de ressources et en échange d’un projet de formation, d’assurer une égalité des chances réelle et une promotion républicaine.

    L’ambition de réussir le double pari de l’excellence et de la démocratisation doit maintenant donner tout son sens au pari de la massification réussi ces vingt dernières années. Cette exigence ne concerne pas que l’école. Parce que l’école doit rester le creuset de la nation, elle concerne la nation toute entière.

4- Le fléau des discriminations

    L’Etat doit préparer l’avenir, mener la bataille culturelle pour les valeurs de la République et contre la violence.

    En France, il vaut mieux s’appeler Paul, Jacques ou Jean plutôt que Nourredine pour trouver un emploi ou se loger. Les études le montrent, ce sont les français d’origine étrangère qui sont les premières victimes de la discrimination. Les difficultés à trouver un emploi ou un logement renvoient non à un problème de qualification ou d’expérience mais à un problème d’identité. Lorsque certains employeurs continuent de rédiger des petites annonces ouvertement racistes, lorsque des propriétaires de logement choisissent leur locataire en fonction de son origine, lorsque les jeunes diplômés français ayant un nom arabe ou africain se voient proposer systématiquement des emplois ne correspondant pas à leur qualification, les bornes de l’inacceptable sont passées. Ce qui crée, nourrit, conforte les discriminations c’est le silence. La tolérance aux discriminations est inversement proportionnelle à la connaissance que nous en avons, à l’intérêt que notre société décide collectivement de porter à cette réalité. Nous socialistes nous voulons que notre société s’oblige à parler, à lever le silence sur des événements, des situations qui ont pu être acceptées et subies pendant trop longtemps, parfois pendant des générations. Des situations que le retour en force d’un nouveau capitalisme conforte. C’est pourquoi nous voulons donner un sens concret à la lutte contre les discriminations en créant une haute autorité administrative dotée des pouvoirs nécessaires pour ester en justice et en ouvrant les emplois publics aux étrangers.

    Rien d’étonnant à ce que cette régression produise des violences, qu’elle entraîne un rejet de la mixité sociale, une montée du populisme et de la xénophobie. La précarité et le sentiment d’exclusion qui l’accompagne ne sont plus seulement économiques, ils sont sociaux, ils deviennent politiques. La société française conserve ses mythes : égalité, laïcité, solidarité, école et possibilité de réussir pour tous. Mais ce ne sont plus que des incantations nostalgiques dont le déni dans la réalité encourage l’abstention ou les votes extrêmes. C’est aussi cela le message du 21 avril. Notre responsabilité c’est d’assumer enfin clairement des pratiques qui redonnent de la chair à l’égalité, à la solidarité et à la laïcité. Nous devons arrêter d’être timides et frileux au nom des soit-disant évolutions de l’opinion.

    D’abord ouvrir très largement l’accès à la nationalité. Environ 150 000 étrangers deviennent français chaque année. Sur ce chiffre près de 25 % sont des naturalisations d’enfants mineurs et près de 20 % des acquisitions par mariage. C’est dire la force du lien qui unit la France et l’immigration. Pourtant aujourd’hui un étranger sur trois devient français ; aux États Unis ou au Canada ils sont deux sur trois. Le droit français de la nationalité théoriquement très ouvert conduit au terme de procédures administratives restrictives à octroyer cette nationalité au compte goutte. Il faut mettre en accord la lettre des textes et ces pratiques. Ceux qui résident en France doivent pouvoir devenir français s’ils le souhaitent. Il faut créer une Agence de la nationalité qui garantisse en toute indépendance le droit à devenir français. Cette acquisition de nationalité qui marque une vraie entrée dans la citoyenneté devra être rendue plus solennelle par une cérémonie républicaine marquant les droits et les devoirs que la société et l’individu se reconnaissent par cet acte.

    Il faut en finir enfin avec cette situation tragique qui conduit des sans papiers à n’être ni expulsables, ni régularisables. Une loi de régulation, ainsi que la mise en place d’une nouvelle politique d’immigration légale et maîtrisable devrait permettre de sortir des ambiguïtés, des drames et des confusions qui perdurent. La double peine devra être abolie.

5- Où sont les femmes ?

    Dans le monde, les femmes produisent 66 % du travail, reçoivent 10 % des richesses et en possèdent 1 %. En France, 2 millions de femmes sont victimes de violences conjugales. Leurs salaires sont en moyenne inférieurs de 25 % à ceux des hommes.

    Ces quelques chiffres sont une raison suffisante pour refonder l’idéal socialiste en affirmant sa dimension féministe. Il n’y a pas de pente naturelle vers l’égalité entre les sexes. Seul un volontarisme politique conscient de l’oppression spécifique des femmes peut emporter la bataille culturelle en faveur de l’égalité entre les sexes. Ce combat féministe nous concerne tous, hommes et femmes. Il est la traduction directe de l’idéal égalitaire qui porte les socialistes.

    Lionel Jospin a été le premier homme d’État à s’être défini féministe. Comme chef de gouvernement, il a consacré l’égalité dans les droits de la famille et des personnes et porté une loi fondatrice : la parité. Mais les fruits de ces révolutions se sont dilués, faute d’être relayés et portés par le Parti socialiste. La parité est devenue une politique de quotas, les circonscriptions femmes, le fonds de réserve des accords avec les partenaires, et le PS a préféré payer l’impôt femmes, comme les entreprises achètent le droit de polluer.

    Le changement majeur qu’a constitué depuis trente ans la progression du taux d’activité des femmes, qu’elles aient ou non des enfants, ne s’est pas accompagné d’une transformation de la société à la hauteur en terme de services publics, de droits de garde des enfants, de redéfinition des rôles entre les hommes et les femmes. Les femmes continuent à assurer plus de 80 % de la production domestique en plus de leur travail et de leurs autres activités. Une action publique multiforme est nécessaire pour assurer un équilibre dans les rôles remplis par les deux sexes, source d’égalité et d’épanouissement. Par une politique en faveur de l’égalité professionnelle qui se donne les moyens de réussir. Mais auusi par une politique familiale féministe et l’adaptation des services publics aux besoins nouveaux des parents.De réformes en réformes, la politique familiale n’a plus de sens collectif. Celle que nous proposons doit afficher son ambition : libérer les femmes de la double journée et de la double culpabilité qui freinent leur épanouissement et leur égal accès à l’emploi.

    Pour toutes, qu’elles vivent ou non seules, la prise en charge publique des modes de garde est la clef de voûte. Aujourd’hui, seulement 8 % des enfants sont gardés en crèche.
     La priorité doit aller aux modes d’accueil collectifs et obéir aux règles du service public, en particulier d’égalité d’accès des usagers et d’obligation de financement par les collectivités territoriales.

     Après la création du congé de naissance pour les pères, il faut avancer vers le congé parental et le congé d’éducation partagé. Notre optons pour l’extinction de l’APE qui n’est qu’un salaire maternel déguisé.

     L’imposition séparée est indispensable à la mise en œuvre d’une politique égalitaire d’accès au travail et aux revenus.
    Qu’elles soient célibataires ou en couple, au travail, au chômage ou au foyer, au minimum vieillesse ou à l’allocation de parent isolé, les femmes sont victimes de discriminations spécifiques et toujours sujettes à des humiliation inhérentes à leur sexe. La loi antisexiste tant attendue doit enfin être déposée, et faire l’objet d’une campagne de masse du Parti socialiste. Cette loi doit s’articuler avec les dispositifs prévus en matière de harcèlement moral et de discriminations au travail.

    La régression qu’expriment le jeunes filles les plus exposées au machisme, aux phénomènes de bande et à la violence est la partie émergée de la domination masculine. Sommées de choisir entre l’enfermement et l’humiliation, elles sont progressivement exclues de l’espace public, renvoyées à la préhistoire des femmes.

    C’est avant tout une bataille culturelle qu’il faut mener, et dans les quartiers populaires, il faut la conduire avec des moyens et les objectifs clairs : les politiques sociales, associatives et éducatives dans les quartiers doivent être prioritairement orientées vers les filles pour les soutenir. Les politiques de prévention doivent avoir comme première perspective d’enseigner aux garçons une autre image positive d’eux mêmes que celle de la violence machiste et du mépris. L’égalité entre les hommes et les femmes est une idée laïque, contraire à l’ensemble des religions qui doivent évoluer et la vigilance par rapport à la laïcité est une dimension indissociable du féminisme.

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V/ Inventer
un Nouveau Parti socialiste

 
Le coup de tonnerre du 21 avril nous a sonné. Il faut maintenant nous donner les moyens d'un véritable sursaut. D'abord en retrouvant notre lucidité sans nous mentir à nous-mêmes à propos des causes de la défaite. Ensuite en renouant avec la tradition d'imagination et de débat des socialistes pour nous redoter d'un projet neuf, ancré dans la réalité et qui affiche fièrement nos valeurs. Enfin en travaillant concrètement à la mise sur pied d'une nouvelle stratégie de rassemblement de la gauche.

Cette ambitieuse feuille de route nécessite un outil militant capable de la mettre en musique : c'est un Nouveau Parti Socialiste. C'est un parti populaire, c'est un parti de masse, c'est un parti féminisé, rajeuni, offensif et qui évolue immergé dans la société, parce qu'il lui ressemble. C'est un parti de militants en campagne permanente, c'est un parti démocratique, au fonctionnement complètement réformé.

Pour transformer la société, il faut donc être capables de nous transformer nous-mêmes.

Car le constat est vite fait. La base sociale du parti est étroite et n'est pas à l'image de la société. Le PS s'est peu à peu éloignée de ce qu'elle compte de forces combatives et d'esprits rebelles, en particulier dans les secteurs associatif et syndical.

C'est que notre Parti souffre de beaucoup des maux qui sont ceux de la Vème République : un exécutif au pouvoir exorbitant, sourd aux revendications ou aux propositions de la base, une délibération anémiée, une information monopolisée, des dirigeants trop uniformes, un Parlement contourné.

Il n’est donc pas étonnant que la sociologie de notre direction, si peu diversifiée géographiquement, socio-professionnellement, et qui ne fait pas droit à la diversité des origines soit encore plus étroite que celle de sa base, qui elle n'aspire qu'à jeter ses forces dans la bataille contre la droite.

Et les formes de notre militantisme ne correspondent plus aux aspirations de nos militants, encore moins à celles de nos concitoyens et de notre jeunesse.

Ce jugement peut apparaître trop sévère. C'est pourtant ce qui disent maintenant tout haut des militants dont la fidélité, l’expérience, la générosité restent notre première richesse. Il n’y a là aucune fatalité. Seulement une certaine paresse, et peut-être certains intérêts qui nourrissent les conservatismes. Le moment est venu de proposer un autre fonctionnement et une autre organisation. Cela suppose que le Congrès de Dijon soit un Congrès de refondation. C’est la seule manière de traduire les paroles en acte et de faire que nos décisions soient immédiatement applicables. Il n'y a pas de temps à perdre.

1- Le parti des militants

    Le 21 Avril a été l’expression tumultueuse de notre décrochage d’avec les couches populaires, mais les chiffres de notre sociologie militante étaient déjà là pour nous alerter : 3 % d’ouvriers, 3 % de chômeurs et d’exclus. C’est bien parce que notre parti veut toujours représenter les aspirations de tous ceux qui ont intérêt à la transformation sociale pour vivre et pour créer, qui ne se satisfont pas de l’ordre libéral existant, que nous devons être un parti populaire, anti-thèse des partis populistes qui flattent tout ce qu’il y a de plus conservateur dans les valeurs et les structures du monde ancien. Mais un parti populaire n’est pas seulement un parti qui agit pour les couches populaires. C'est un parti qui agit avec elles.
    Notre parti est aussi vieillissant. Les chiffres parlent d'eux-mêmes : 70% de plus de 50 ans, 5% de moins de 30 ans.
    Par ailleurs, l’avancée en ce qui concerne la parité femmes-hommes dans les textes législatifs ne s’est pas traduite suffisamment dans notre vie commune : moins de femmes aux législatives en 2002 qu’aux législatives 1997 !
    Les camarades victimes des discriminations ou vivant dans les quartiers populaires restent trop marginalisés et trop peu visibles. Nous nous sommes éloignés progressivement du mouvement social, syndical et associatif, et nous avons fini par perdre leur confiance.

    Nous devons résolument changer cet état des faits et prendre ensemble un nouveau départ.

    Commençons par le commencement : l'acte d'adhésion. Il faut en finir avec le parcours du combattant qui décourage les plus décidés à nous rejoindre. Notre parti doit être ouvert et l'adhésion grandement facilitée. Elle devra faire l'objet d'un barème national de cotisation, avec un seuil minimal abaissé, de laquelle pourra être déduite les cotisations versées aux autres organisations du secteur syndical ou associatif. Que ce soit par la voie nationale, fédérale ou locale, on doit pouvoir adhérer rapidement sans rencontrer d'obstacle.

    Nous devons aussi nous doter d’une multitude d’organismes associés qui permettraient à des femmes et des hommes qui ne souhaitent pas, dans un premier temps, adhérer et préfèrent un militantisme thématique ou sectoriel, de militer avec nous pour des causes qui nous sont proches et relèvent de choix et d’engagements liés à nos valeurs. Rien n’explique que des causes comme celles de la lutte contre la pauvreté, pour l’alphabétisation ou le développement de l’économie solidaire, l’action dans les quartiers ne donne pas lieu à des structurations permettant aux militants et aux sympathisant socialistes de s’engager dans la vie de la cité autrement que par le seul engagement dans les campagnes électorales.

    De plus, le PS doit se doter d'un secteur " entreprises " efficace. Il doit avoir les moyens de travailler efficacement, d'organiser des passerelles concrètes avec les syndicats et de revitaliser le militantisme dans l'entreprise. C'est un des chemins les plus courts pour réancrer notre parti dans le monde du travail. Pour impulser cette dynamique et qu'elle ne soit pas artificielle, il nous faut pas à pas reconstruire des sections d'entreprises localement. Elles pourraient notamment s'implanter sur des zones d'activités industrielles et commerciales, communales ou d'agglomération, qui regrouperaient des secteurs d'activités divers.

    Il est temps aussi de se doter d'une charte éthique qui engagerait chaque candidat ou élu investi par notre parti. Par exemple, le changement de circonscription de nos candidats, quand ils ne correspondent pas à un vrai changement de résidence et de militantisme depuis au moins deux ans serait interdit. Pour tout élu condamné par la justice, le parti se saisirait automatiquement de la question et déciderait en toute indépendance s’il peut lui renouveler sa confiance et son investiture.

    Enfin, nous devons réhabiliter la nécessité de la formation politique. Pour beaucoup par le passé le parti socialiste fut un véritable mouvement d’éducation populaire permettant l’émergence d’élus et de cadres compétents issus de toutes les classes sociales. Chaque section, chaque fédération devrait activer des lieux de formation pour tous les adhérents.
    A cet effet, le Nouveau Parti socialiste se dotera d’un secteur formation renforcé. Quatre fois par an, dans chaque fédération, doit être organisée une demi-journée de formation sur une grande question ouverte à tous les militants. Animée par le secrétaire fédéral à la formation, cette demi-journée doit se construire sur la base de documents écrits réunis dans un dossier préparé par le national et permettant l’accès aux données factuelles ainsi qu’aux différents points de vue. Ce document doit être avalisé par le Comité économique et social. Aucune consultation nationale des militants ne peut être organisée sans qu’un cahier de ce type ne soit proposé aux militants. Autant que faire se peut, les thèmes de ces demi-journées doivent correspondre aux débats en cours au sein des commissions du Conseil national.

    Mais pour changer le visage du parti, il faut que le parti donne une autre image de lui. Il doit prouver son utilité concrète, au pouvoir, comme dans l'opposition. C'est par une action militante quotidienne qu'il parviendra à faire progresser nos idées et nos projets dans la société et ainsi redevenir attractif. L'envie d'adhérer au PS doit pouvoir venir à tout moment et pas simplement lorsque nous sommes au bord du gouffre... Pour cela, le Nouveau Parti socialiste ne doit pas se satisfaire d’être un parti de campagne électorale. Il doit conduire des campagnes politiques en dehors des échéances électorales, seul ou avec d’autres, sur des grands thèmes présents dans le débat public. Nous proposons d'organiser concrètement cette volonté en prévoyant quatre grandes campagnes nationales par an, avec le matériel afférant bien sûr, qui ne peut plus être " le tract à découper soi-même en dernière de couverture de l'hebdo " car chaque militant sait bien que pour diffuser des tracts, il en faut plus qu'un ! Nous devons discuter en CN d'un budget pour nos campagnes, dont le financement pourrait être partagé entre le national et les fédérations : élaborer un budget, c'est se contraindre à faire.

    De la même façon, le Nouveau Parti socialiste se dotera d’un vrai journal à parution hebdomadaire, à vocation externe et tout entier tourné vers la le travail de conviction. Il doit nous permettre d’aller au-devant de nos concitoyens, de nouer le dialogue avec eux de façon continue, de faire connaître nos positions et de faire vivre les sections autour d’action concrète de proximité. Il faut s'éviter d'entendre comme à chaque fois cette phrase terrible que nous connaissons tous : " on ne vous voit que pendant les élections ". L'actuel hebdo, qui a une vocation interne, pourrait être avantageusement remplacé par des circulaires destinées aux militants qui manquent souvent d'informations concrètes.

2- Débattons et votons

    Ces mutations ne peuvent aboutir que si, parallèlement, notre parti se démocratise en profondeur. C’est par des mesures concrètes permettant de placer le militant au cœur du parti, de l’élaboration de sa ligne politique, de son action, de sa politique volontariste de sélection des cadres et des élus, que l’on répondra réellement à l’aspiration des militants de base qui ne se sentent plus assez représentés par les dirigeants.

    En réalité il est démagogique d’opposer la représentation de la base à la représentation des courants. Nous devons, au contraire, comme nous le défendons dans le reste de la société, imaginer des réformes qui permettent à la démocratie participative de renforcer notre démocratie représentative. Ainsi, toute pétition signée par 5 000 militants, émanant d’au moins 20 départements, devrait permettre d’inscrire à l’ordre du jour du Conseil national, le Parlement du Parti, une question à débattre et trancher. Toute pétition militante d’au moins 15 000 signatures et d’au moins 30 départements peut ouvrir l’inscription d’une question au vote direct des militants. Localement aussi, ce droit de pétition doit pouvoir s'exercer. Il n'existe pas de vraie démocratie si elle ne trouve pas de déclinaison de proximité.

    Nous proposons donc de favoriser la discussion, le débat et la confrontation d'idées démocratiques dans le parti. A l'image de ce qu'a fait Lionel Jospin entre 1995 et 1997, deux conventions annuelles, avec vote des militants, devront être organisées. Ces conventions rassembleront des délégués élus dans les fédérations mais nous proposons aussi que tous les secrétaires de section puissent y participer.

    Le Conseil national doit retrouver la place centrale qui devait être la sienne comme Parlement du Parti. Il doit se réunir au moins quatre fois par an pour une journée entière et être organisé en commissions permanentes sous la responsabilité d’un secrétaire national. Tous les membres du Conseil national doivent appartenir à une Commission. Les Commissions doivent siéger en dehors des réunions du Conseil national et préparer ses débats et ses travaux. Le conseil national doit trancher par des votes les questions d’orientation. Toute orientation qui n’a pas donné lieu à un vote doit être considérée comme n’étant pas tranchée. Chaque réunion du Conseil national doit inscrire à son ordre du jour au moins une question d’orientation.

    A la demande des deux tiers du Conseil national, les questions à trancher peuvent être renvoyées à une consultation militante. Le Conseil national sera composé pour les deux tiers des membres élus au Congrès à la proportionnelle des motions et pour un tiers des premiers secrétaires fédéraux élus au scrutin direct des adhérents. Il doit être impérativement renouvelé d’un tiers de ses membres à chaque congrès. Les Commissions nationales seront ouvertes aux parlementaires qui en font la demande ainsi qu’aux secrétaires des unions régionales et à une représentation des secrétaires de section élus par leurs pairs sur la base d’un secrétaire par département. Sauf problème particulier, tout membre de commission permanente ou du conseil national cumulant plus de trois absences entre deux Congrès est automatiquement remplacé.

    Les débats du Conseil national, ainsi que ceux du bureau national et des commissions des résolutions des Conventions et des Congrès seront intégralement retranscris et communiqués aux adhérents, ainsi d’ailleurs que les rapports des commissions et les avis du Comité économique et social servant de base aux travaux.

    Le Parti socialiste n'est pas assez en phase avec le mouvement social et les syndicats. Un comité économique et social a été créé sous l'impulsion de Lionel Jospin. Composé pourtant de personnalités de qualité, celui-ci n'a pas vu ses travaux suffisamment pris en compte et a rarement été sollicité. Les commissions du Conseil national devront obligatoirement saisir le comité économique et social pour avis. Par ailleurs, ce dernier disposera d'un droit de saisine qui lui permettra d'inscrire à l'examen d'une commission une question lui semblant devoir être traitée. Composé pour un tiers de personnalités désignées par le secrétariat national, avec l'accord du bureau national, les deux tiers restants étant nommés par les associations et les syndicats, il disposera des moyens matériels et humains permettant d'assurer ses fonctions.

    Le Bureau national est issu du Conseil national. Il est composé à la proportionnelle des motions du Congrès. Le Bureau national et le Conseil national, pour les 2/3 élus à la proportionnelle, sont intégralement paritaires.

    Les secrétaires de section, les premiers secrétaires fédéraux, les secrétaires des unions régionales, les secrétaires nationaux ne peuvent cumuler plus de trois mandats consécutifs dans le temps.

    Dans le cadre du Congrès, les motions, intégralement paritaires, doivent être soumises au vote des militants en présentant de façon ordonnée les différents représentants qui seront les leurs dans les instances nationales, fédérales et de la section. Ainsi l'ensemble de nos dirigeants seraient élus au suffrage universel des militants et non plus par cooptation. De même les militants pourront s’assurer, sans mettre en place des quotas, que les différents critères de renouvellement et de diversité seront respectés.

    Le Premier secrétaire national devra se soumettre au vote des militants avec son secrétariat national, connu et présenté par avance. Les secrétaires nationaux doivent être issus du bureau national. Leur nombre ne peut excéder quinze. Ils doivent se réunir de façon hebdomadaire, avant le Bureau national, et en préparer les décisions et les communiqués. Il est du rôle du Bureau National de trancher les débats par des votes.

    Les échanges entre les sections et les fédérations doivent être facilitées pour mutualiser les actions et les idées. A cet effet, la Fnesr doit devenir un lieu de ressources, d'échange de savoirs et de savoirs faire. Il s'agit de constituer une véritable banque de données synthétiques des programmes et expérimentations sur le terrain des solidarités sociales, des associations, de l’urbanisme. La Fnesr doit aussi se mettre au service des militants.

    Internet doit devenir un véritable outil de transversalité, de transparence des débats, d'échanges entre les militants. Dans un délai de trois ans, chaque militant recevra en même temps que sa carte une adresse électronique lui permettant de recevoir en temps réel toutes les informations de sa section, de sa fédération et de la direction nationale, et de participer aux débats militants transversaux du parti.

3- Une coalition arc en ciel

    Cette stratégie ne peut être celle des accords d’appareils que nous avons trop connu lors des dernières années entre les partenaires de la gauche plurielle. Nos alliés sont affaiblis et ont besoin aussi de se redéfinir. Ce qui est attendu de nous, c’est un mouvement plus vaste et plus profond, qui excède largement le poids si faible des appareils et leurs intérêts trop particuliers, souvent déconnectés des attentes des citoyennes et des citoyens de gauche. Nous devons construire des convergences concrètes avec tous, c’est-à-dire avec nos partenaires politiques, mais aussi avec les associations, les syndicats, les citoyennes et les citoyens qui souhaitent s’impliquer dans la vie publique.

    L’union de la gauche et le dépassement de toutes les formations existantes ne peut se décréter. Ces convergences concrètes doivent se construire dans la mobilisation contre la droite, mais aussi dans les luttes et les batailles que nous devons mener pour transformer la société. Dans ce cadre, nous n’avons à craindre personne et personne ne doit être exclu. Des états généraux de la transformation sociale doivent être lancés immédiatement après notre Congrès avec tous ceux qui voudront s’y associer. Ils ne peuvent ni ne doivent être une initiative du seul Parti socialiste ou des seules formations politiques. Nous devons travailler à rendre cette initiative possible. Elle devra permettre des confrontations et des débats approfondis, déboucher sur des actions communes.

    A l’issue de ces états généraux qui pourront durer jusqu’à la fin de l’année 2003, une coalition arc en ciel devra être créée avec tous ceux qui partagent des objectifs communs. Dans cette coalition, le poids des associations et des syndicats devra être important. Dans le respect des identités de chacun et du poids des traditions, nous devons tenter ainsi de dépasser les impasses héritées de la Charte d’Amiens et du comportement malthusien de partis politiques refermés sur leurs objectifs électoraux. Le but doit être de rendre possible l’émergence d’une coalition arc en ciel dans laquelle toute la gauche, celle du mouvement syndical, des associations, des différentes sensibilités politiques puissent se reconnaître et construire ensemble une alternative à la société de marché.

4- Et les gauches européennes ?

    Le Parti des Socialistes Européens est l’outil dont les socialistes ont besoin pour mener à bien leur projet européen. Pour engager la reconquête démocratique de l’Union européenne et sa transformation sociale. Aujourd’hui le PSE reproduit en son sein les pires travers des institutions européennes : l’unanimité requise sur tous les sujets, qui finit dans l’alignement du parti européen sur les positions du moins européen et du moins socialiste des partis nationaux.

    Les débats essentiels et les différences d’approche au sein de la sociale-démocratie européenne traversent tous les partis et doivent être débattus sur des bases politiques et européennes et non plus nationales. Nous voulons faire du PSE un parti de débats transnationaux et de campagnes communes, avec de vrais congrès qui permettent aux militants de voter sur des motions européennes, par delà les frontières.

    Nous voulons un PSE de combats qui se tourne vers le mouvement social européen, les alter-mondialistes, la Confédération Européenne des Syndicats et tous ceux qui se sont mobilisé de Barcelone à Florence, de Nice à Laeken, et qui se retrouveront en 2003 à Evian contre le G8, puis à Paris et Saint Denis à l’automne pour le Forum Social Européen. Un PSE qui engage le débat avec la gauche européenne (PC, etc.) et les Verts pour proposer une politique alternative à la domination libérale sur l’Europe.

    Nous proposerons de créer des Assises européennes de la transformation sociale, ouvertes aux mouvements sociaux, préparant un programme commun de gouvernement de la gauche européenne et des Verts en vue des élections européennes de 2004.

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Conclusion

 
Avec la phase des contributions, le Parti socialiste commence aujourd’hui le débat dont il a besoin s’il veut retrouver de l’énergie pour l’opposition comme pour la proposition.

Pendant plusieurs mois, nous avons travaillé à mille mains pour que ce débat ne soit pas confisqué.

Nous voudrions qu’il tire véritablement les leçons, en actes et non en bonnes paroles, de nos graves échecs passés.

Nous voudrions un nouveau projet, capable d’enthousiasmer et de provoquer l’adhésion, capable de réconcilier les français avec la politique, en mesure de concrétiser dans la vie de nos concitoyens nos décisions et nos choix.

Nous voudrions un projet fidèle à nos valeurs, nourri de notre histoire, mais ancré dans le monde tel qu’il est et tourné vers le futur.

Nous voudrions aussi un grand parti engagé dans la société, un parti populaire, féministe, capable de rassembler toutes les gauches autour d’un projet concret de transformation sociale. Cela ne se fera pas par de simples déclarations d’intentions destinées à masquer les lassantes et rituelles manœuvres de pouvoir.

Nous avons décidé de faire des choix et de les assumer, d’avancer sans masque ni précautions inutiles, avec pour seule boussole, dans ces temps où l’histoire peut jeter un mauvais sort sur la gauche, nos convictions.

Nous proposons des ruptures, mais aussi des ambitions et des propositions concrètes. C’est le début d’un chemin. Poursuivons-le ensemble.

 I/ Combattre la mondialisation libérale
II/ Renouer avec l'éxigence sociale
III/ Fonder la République nouvelle
IV/ Retrouver les outils de l'égalité
V/ Inventer un Nouveau Parti socialiste

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