Rassemblement
"Pour un nouveau Parti socialiste"
La Sorbonne- 26 octobre 2002



Les signataires de l'appel " Pour un nouveau Parti Socialiste " organisaient la première journée de débat et d'échanges.
Discours de Christian Paul, député de la Nièvre


 
Chers camarades,

Je vous accueille, avec Arnaud, Benoît, Julien et Vincent et je salue celles et ceux qui ont fait le choix de venir débattre ici, ensemble et avec nous.

J'adresse en votre nom une mention particulière et chaleureuse aux dizaines de camarades parisiens qui autour de David Assouline ont travaillé jusqu'à ce matin pour nous recevoir à la Sorbonne.

C'est la " journée des mille " et sans doute davantage plus d’un millier au moins à participer aux différents moments de cette journée, décidée il y a moins de deux semaines. Devant vous, je prends le pari que dans notre histoire commune, et celle de notre parti, il y aura " avant " et " après " le 26 octobre.

Pourquoi nous sommes ici ?

Notre première raison d'être ensemble, elle tient toute entière dans une date récente de l'histoire de la France, une date qui résonne comme un désaveu terrible pour notre engagement, qui est une cicatrice encore vive pour la gauche toute entière.

C'est le 21 avril, et le 21 avril n'est pas un accident.

N'en déplaise aux versions officielles, nous ne voyons pas dans ce moment seulement une erreur de parcours ou les maladresses d'une campagne.
Nous ne résumons pas cette défaite à la trajectoire d'un homme, Lionel Jospin qui à d'autres époques a su construire nos victoires.
Nous ne nous contentons pas d'explications arithmétiques, liant l'échec à la seule division de la gauche.
Surtout, nous sentons bien que si le diagnostic s'éteint, c'est que le réveil est douloureux.

Nous anticipons que si la lucidité faiblit, il en sera ainsi dans quelque temps des remèdes et des réponses à apporter.

Nous entendons dire qu'il faut, pour le Parti socialiste refaire ses forces - ce qui n'est certes pas inutile - plutôt que se remettre en cause - ce qui apparaît clairement indispensable.

Nous voyons ainsi pointer l'idée peu avouable, mais tellement confortable, que les erreurs de la droite faciliteront en 2007 la sortie du purgatoire. Or, nous récusons l'idée qu'il y aurait une fatalité de l'alternance.

La version officielle de la défaite n'est donc pas suffisante.

Bien sûr, nous observons que l'explication progresse, sous la pression de notre exigence, et que d'autres que nous-même reconnaissent depuis peu l'éloignement des catégories populaires ou l'effacement de notre identité.

Nous affirmons pour notre part que parmi les causes éminentes de la défaite, il y a la rupture progressive du lien politique avec notre peuple, ce lien sans lequel la gauche perd sa force et son crédit.

Ce lien s'est peu à peu rompu, un peu plus chaque fois que la résignation l'emportait sur la volonté, chaque fois que l'idée de l'impuissance politique marquait des points, chaque fois aussi que notre présence militante s'affaiblissait dans les quartiers et dans les villages.

Mais en évoquant cela, je réponds aussi à ceux qui il y a huit jours écartaient d'un revers de main le rôle joué par les institutions. Comme si n'avait pas sa part dans le jugement des français, la politique de la Vème République, avec ses règles et ses dérèglements qui réduisent comme peau de chagrin notre démocratie, avec ses calendriers inversés et ses cumuls si durs à extirper, avec ses cohabitations et le cortège des concessions qu'elles charrient.

Sans ce lien politique, ce pacte républicain qu'il faut reconstruire, rien ne nous prémunit contre une série faite de beaucoup d'autres 21 avril.

C’est notre première raison d’être ici.

Ensuite, nous sommes ici parce que nous sommes résolus à ne pas accepter les réponses toutes faites, les échanges rituels et les congrès simulacres.

Nous sommes ici pour créer les conditions d'un vrai débat au sein du Parti socialiste, et osons le dire, pour l'imposer quand beaucoup s'y dérobent.

Je ne vois rien dans ces dernières semaines qui ne confirme pas le scénario de la congélation du Parti socialiste, abrité derrière la mise en scène de la coalition (coalition orageuse ces derniers jours).

Dans la parole officielle, je ne décèle rien, ni d'ailleurs dans les actes qui expriment sincèrement et sérieusement la rénovation, la détermination ou l'ouverture.

Chacun sait pourtant comment depuis juin dernier, des pièges s'accumulent, qui menacent les socialistes. Le piège d'un parti qui se partagerait entre une coalition de candidats à l'élection présidentielle, et d'éternels minoritaires dont la radicalité, à l'usage du temps, paraîtra d'autant plus surfaite qu'elle ne déplacera pas d'un cheveu le centre de gravité du Parti socialiste.

Le piège, c'est la quête du leadership contre la confrontation des idées. Comme si la loi d'airain de la Vème République s'appliquait à nous broyer pour la seconde fois cette même année.

Depuis juin, avec Arnaud Montebourg et beaucoup d'entre vous, nous avons entrepris de dénoncer cet insoutenable assèchement des convictions.
Nous avons entrepris de poser les questions interdites. Et nous vous invitons à le faire à votre tour.
De ces questions refoulées, je n'en cite qu'une, l'Europe. C'est le grand projet de notre temps, et après des générations de socialistes, je suis européen et internationaliste.

Mais parce qu'on élargit l'Europe avant de la réformer, parce que l'Europe sociale est un slogan mais pas une réalité, parce que l'élargissement produira des gagnants et des perdants, je revendique pour les socialistes de parler au nom de ceux qui seront les perdants, et d'interpeller les dirigeants de notre pays sur les finalités de la construction européenne. Veut-on offrir une victoire sans combat aux promoteurs de l'Europe libérale ? Ou au contraire exiger, comme nous l'avons fait, par la pression d'un appel au référendum, des garanties préalables pour les peuples et pour l'Europe, puissance collective indispensable pour résister à la mondialisation libérale.

Les plus aimables de nos camarades nous qualifièrent de boutefeux, certains de boutiquiers irresponsables et Jacques Attali, expert de grand talent, affirma que nous préférions la Bourgogne plutôt que la Pologne. Mais plus grave, nous fûmes qualifiés de populistes. Pour ma part, je revendique le droit et le devoir pour les socialistes de porter la voix de ceux qui sont les perdants à cause des désordres du monde, au Sud, à l'Est et aussi en Bourgogne. Et j'affirme que le populisme prend justement sa racine dans l'écart grandissant entre les discours et la réalité que vivent les peuples, entre l'idéal et la réalité de la construction européenne. Et je suggère à ceux de nos camarades qui sur ces sujets préfèrent vivre le confort intellectuel d'une cohabitation prolongée d'en débattre publiquement avec nous.

Si nous sommes ici, et si nous pressons le pas, c'est aussi parce que nous ne voulons pas offrir à la droite le spectacle d'une interminable convalescence.

Sur ce point, pour ma part, je ne souhaite pas que nos débats internes prennent le pas sur les combats essentiels et nous détournent de notre devoir d'opposition.

La droite n'est pas avare d'occasions qui nous sont offertes grâce aux choix économiques et fiscaux du gouvernement, dont les décisions vont amplifier la récession qui est annoncée. En 1995, on reprochait avec raison à Chirac de ne pas respecter ses engagements. En 2002, nous pouvons lui reprocher de tenir - en partie - sa promesse de baisse d'impôts et de griller ainsi des moyens utiles pour relancer la croissance.

Pour autant, nous serons de meilleurs opposants si nous savons, par notre travail collectif, sortir de la jachère les questions les plus brûlantes, comme l'école, les retraites, la violence, le développement durable, ou les inégalités entre les territoires...

Chers amis,

Ceux qui aujourd'hui s'engagent pour refuser les certitudes paresseuses et pour expliquer lucidement notre échec, ceux qui préfèrent le choc des idées au confort des apparences, qui enragent de la faiblesse collective face à la droite tous ceux-là partagent l'envie de bâtir ensemble un nouveau Parti socialiste.

Qu'allons-nous faire ensemble?

Nous allons, à compter de ce jour, avec tous les militants qui le désirent, mettre notre travail et notre espoir en commun. Assumer nos différences plutôt que les couvrir du voile peu glorieux de l'opportunisme. Si vous le voulez, nous serons la fabrique du nouveau Parti socialiste.

Et si nous n'avons pas à l'égard des courants de pudeur ou de prudence excessives, quand ils défendent des idées et respectent les personnes, notre démarche, à ce jour, est bien plutôt celle d'une force politique de rénovation au cœur du parti socialiste.

Donnons-lui vite un sens, un cap, et au moins pour aujourd'hui, un point de départ. Oui, cette journée est un point de départ fondé sur un socle de valeurs communes, suffisamment fortes pour accepter nos différentes histoires au sein du Parti socialiste. Un point de départ fondé aussi sur l'âpreté des combats menés ces dernières années, pour l'honneur de la République et de la gauche, pour la modernisation de notre démocratie et de la justice, contre l'argent sale en Europe, pour un nouveau pacte social qui redonne espoir aux salariés.

A ceux qui nous objectent néanmoins nos différences, il serait trop facile d'opposer la sincérité de ce moment historique et le cynisme des coalitions qui s'annoncent.

Plus à gauche et plus moderne, ce peut être, à mes yeux, le point de départ de cette démarche collective.

Plus à gauche, sans nulle doute pour refuser les excès du capitalisme et de l'économie financière, pour résister quand il ne suffit plus de réguler. Plus à gauche aussi quand la question sociale aborde le partage des richesses produites et la place du travail.

Plus moderne pour refonder la République. Plus moderne quand l'égalité républicaine réclame l'efficacité retrouvée de nos services publics, et parmi eux au premier rang, de l'éducation.

Dans cette entreprise exigeante, quelle culture porter avec soi ?

A la recherche de la culture d'opposition que nous aurions perdue, je préfère la culture du militantisme retrouvé.

Aussi, cette fabrique doit être pour nous tous une coopérative, un échangeur, un réacteur. En un mot, nous y apportons nos énergies qui s'engagent et qui partagent.

Dès ce matin, nous vous proposons de participer à douze débats, dans des ateliers nationaux qui deviendront la semaine prochaine autant d'ateliers numériques sur l'Internet.

Dans cet espace public que nous créons, nous prenons l'engagement d'écrire collectivement avec vous le texte qui cheminera ensuite vers le congrès de Dijon.

Chers amis,

La légende de la Sorbonne nous rappelle qu'en 1968, il était inscrit sur ces murs une très belle invitation à l'utopie : " soyez raisonnable, demandez l'impossible ".

J'ai envie, pour cette journée au moins, de retourner cette formule et de vous dire :

Dans la période qui s'ouvre aujourd'hui, ne soyez pas trop raisonnables. Le socialisme raisonnable, d'autres s'en chargeront, c'est un socialisme bien tiède. Alors, demandons, et c'est possible si nous le voulons, demandons ensemble un Nouveau Parti socialiste.

Au travail !


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