Rénover le projet avec sincérité

Vincent Peillon
Intervention de Vincent Peillon, député européen, coanimateur du Nouveau Parti socialiste, lors du Conseil national du Parti socialiste du 17 septembre 2005.


 
Mes chers amis, mes chers camarades, l’objectif, il a été dit, redit : gagner en 2007. Non pas gagner pour gagner, parce que le pouvoir n’est pas en lui-même un projet, mais gagner parce que toutes les difficultés que nos concitoyens vivent, emploi, précarité, pouvoir d’achat, logement, transports, ne cessent, sous les coups de boutoir de la droite, mais depuis plus longtemps, et il faut dire cette vérité, souvent de s’aggraver.

C’est donc une affaire pour nous de responsabilité, et de responsabilité collective à l’égard de ceux qui nous font confiance ou qui voudraient pouvoir le faire.

Ce congrès du Mans, François le dit, doit être un congrès utile, et sans entrer dans des polémiques qui sembleraient ici pouvoir partir bien vite, il faut reconnaître que tous les congrès n’ont pas toujours été utiles.

Pour gagner contre la droite, la tâche ne sera pas aisée, et elle suppose un certain nombre de conditions. La première condition, c’est que nous soyons en capacité de proposer à ceux qui craignent comme à ceux qui espèrent, car il y a aussi de l’espérance dans le vote du 29 mai, un certain nombre de réponses.

Dès le congrès de Dijon, où nous avions d’ailleurs souhaité la synthèse, et l’histoire est amusante, elle nous a été refusée sur la VIe République, dès le congrès de Dijon, nous avons dit : nous voulons construire un instrument ouvert à tous les socialistes, le Nouveau Parti socialiste, capable de faire les propositions de fond qui nous mettent en mouvement et en ordre de bataille pour gagner contre la droite et reconquérir les couches populaires et moyennes que nous avons perdues les dernières années et qui sont allées se réfugier parfois dans l’abstention, parfois, beaucoup plus grave, dans les votes extrémistes. Et ne croyons pas que cette histoire soit aujourd’hui terminée si nous ne faisons pas ce que nous devons faire ensemble.

Dès le congrès de Dijon, nous avons dit : c’est sur le fond qu’il faut nous apprendre à entendre et à poser différemment les questions fondamentales qui sont dans la société. Je vous rappelle ces questions, et nous pouvons nous réjouir d’ailleurs derrière les conflits d’appareil, dans le fond, que ces idées sont devenues un peu des idées majoritaires dans le Parti.

Sur la mondialisation, oui, nous vivons dans un monde globalisé, oui, nous avons à comprendre que les régulations démocratiques et sociales dans ce monde n’existent pas, et que par contre, ce mot et la globalisation financière a déconstruit les régulations qui existaient dans le cadre national. Nous avons à nous battre en choisissant très clairement notre camp pour construire, dans le siècle qui vient, car ce sera la grande aventure et le grand combat du siècle qui vient, ces régulations démocratiques et sociales. Nous avons, dans ce combat-là, à nous engager, nous avons à choisir.

L’Europe : nous avons toujours considéré que l'Europe devait être notre instrument dans ce combat contre la mondialisation libérale, mais il était temps de s’apercevoir qu’à part dans nos discours, dans la réalité, elle ne l’était plus, et qu’un écart majeur s’était construit entre l’Europe idéale dont nous parlions sur les tréteaux et l’Europe telle qu’elle était vécue au quotidien.

Donc le choc du 29 mai était aisément prévisible, à entendre les nôtres, avec la seule nouveauté du 29 mai, la seule nouveauté qui mérite d’être encore entendu et compris, ce sont des gens favorables à l'Europe et pro-européens qui, cette fois-ci, ont dit durement : il faut réorienter le cours de la construction européenne.

Nous avons donc mis ces questions mondialisation/Europe dans le congrès de Dijon, elles n’ont pas été entendues. Nous avons dit : la gauche, celle de Pierre Mauroy, de Lionel Jospin, de Laurent Fabius, de Michel Rocard, a toujours eu des intentions généreuses. Le problème, c’est : comment construire les outils (et on parlait à l’instant du logement) pour mettre en œuvre et réussir ce que nous devons faire ensemble ? Il est très difficile de conduire des politiques de gauche avec des instruments de droite.

Et alors la question institutionnelle ? Et alors la question de la démocratie sociale ? Et alors la question de la démocratie territoriale ? Et alors la question de la réforme de l’État ? Et alors la question de la réforme fiscale ? Toutes ces questions se posent à nouveau et elles doivent se poser fortement.

On dit souvent, je le lisais ce matin, que, lorsqu’on disait ça, y compris quand on exerçait les responsabilités, on était un peu (et je salue mon ami Henri Emmanuelli) archaïques. J’ai lu aussi avec attention la motion, ou à ce stade la contribution, de François Hollande, celle de Laurent Fabius, celle de tous les amis qui sont ici. J’ai été étonné de voir que, sur les services publics, sur la fiscalité, sur l'Europe fédérale, sur la plupart des questions que nous avions au débat entre 1997 et 2002, dans le fond, tout le monde a rejoint aujourd’hui l’archaïque, peut-être nous précédait-il d’un pas.

Je crois que, par rapport au débat que nous devons avoir dans ce congrès, si nous voulons gagner contre la droite, nous devons rénover le projet avec sincérité. Nous devons, deuxièmement, rénover le Parti, les pratiques, notre façon de vivre ensemble, et nous voyons bien à quel point nous sommes allés jusqu’au bout aujourd’hui d’une vieille formule, et nous faisons prendre à notre idéal commun et à notre vie commune des risques dans les modes de vie qui sont les nôtres.

Troisièmement, nous rassembler. Je vous l’ai dit ce matin, car c’est notre préoccupation majeure, le vrai rassemblement, ce ne sera pas seulement, et nous avons respecté le vote des militants pour ce qui nous concerne, de dire : nous entendons le oui et le non, ce sera d’arrêter, et cela a été la grande erreur qui a été commise, au printemps, d’arrêter, y compris sur le respect du vote, parce que les Français ont voté.

Si vous voulez vraiment ne pas jeter du sel sur les blessures de la maison socialiste, alors oubliez cela, ne construisez pas le congrès contre une personne avec d’autres préoccupations présidentielles qui vous échapperont demain. Ne construisez pas le congrès sur ce faux clivage, construisez-le devant les Français, avec votre cœur de socialistes, un projet fort : la volonté du rassemblement, la rénovation, c’est ce que nous vous proposons.

J’ai souffert, dans ce parti, depuis près d’une quinzaine d’années qu’il y ait un clivage permanent entre les modernes, qui glissent très vite au social-libéralisme, et les archaïques qui gardent l’authenticité des valeurs. Nous vous proposons de réconcilier les deux. Notre rassemblement est un rassemblement ouvert à tous les socialistes.

Ne bunkerisez pas le oui, comme vous êtes en train de le faire, ne créez pas un clivage uniquement avec la préoccupation de la présidentielle et d’éliminer un candidat.

Entrez avec nous dans la volonté de mettre le Parti en ordre de bataille, de faire le rassemblement et la rénovation, sinon nous risquons, mais nous vous l’aurons dit, d’avoir ensemble une troisième crise dramatique pour notre mouvement.

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