Le PS n'est pas à reconstruire

Daniel Vaillant

Daniel Vaillant, député de la 19e circonscription de Paris, ancien ministre de l'Intérieur.


Entretien paru dans le quotidien Libération daté du vendredi 11 octobre 2002
Propos recueillis par Paul Quinio
 

Lionel Jospin à la retraite, François Hollande est-il à la hauteur du rôle de patron des socialistes ?
Bien sûr que Lionel Jospin nous manque. Mais la décision qu'il a prise est normale. Le PS n'a d'ailleurs pas besoin d'homme providentiel. Le PS est bien vivant. Il n'est pas à reconstruire. L'heure est à la novation, pas à la refondation. Sinon, cela voudrait dire que l'échec du 21 avril est essentiellement dû au bilan. Ce n'est pas mon analyse. Le seul à incarner une ligne de gauche, à la fois dans la fidélité à Lionel Jospin et dans la novation, c'est François Hollande. Il est le mieux placé aujourd'hui pour rassembler. Et sans rassemblement, il n'y aura pas de salut.

Comment pourrait-il y parvenir alors qu'il est de plus en plus isolé ?
François Hollande n'est pas seul. On le verra dans les mois qui viennent. Il a autour de lui une majorité de militants qui aspirent à une clarification et au rassemblement. Il doit maintenant animer le débat et donner le la politique.

Il y a urgence ?
Non. François Hollande a raison de laisser les militants débattre. Il n'a pas à bousculer les échéances. Nous devons échanger sur les vraies raisons de l'échec de Lionel Jospin. Nous avons besoin de temps. Ceux qui veulent bousculer les choses sont, en réalité, ceux qui veulent refuser le débat.

Comment rassembler une majorité quand le porte-parole du PS, Vincent Peillon, dénonce « l'apathie » du premier secrétaire ?
Je suis favorable à la liberté d'expression et j'accepte les critiques. Mais la tribune que Vincent Peillon a signée avec Julien Dray et Arnaud Montebourg, c'est aussi de l'autocritique. Tous ceux qui n'auraient comme inclination que la critique des autres ne seront pas crédibles. Personne ne peut s'exonérer de ses responsabilités, qu'elles aient été exercées au gouvernement, à l'Assemblée nationale ou dans le parti. Nous n'avons pas de leçons à nous donner. Nous avons tous des leçons à recevoir. Nous ne devons pas mener des débats nombrilistes, en se préoccupant de nos parcelles de popularité. Les militants savent que les divisions stériles sont destructrices. J'en appelle à la responsabilité des uns et des autres.

En souhaitant évincer François Hollande, Henri Emmanuelli et Jean-Luc Mélenchon sont donc irresponsables ?
A partir du moment où il s'agit d'exprimer des idées, des orientations, prendre des initiatives ne me choque pas. S'il s'agit en revanche de se lancer dans des querelles de personnes, elles sont stériles. Il est toujours alléchant en période de congrès d'être « plus à gauche ». Mais nous savons aussi à quel point ces stratégies peuvent nous empêcher de revenir aux responsabilités. Le salut est dans le PS, pas à l'extérieur. A nous de définir lors de ce que j'appellerai un « congrès de l'avenir » une ligne capable d'aimanter des groupes et des sous-groupes de gauche, qui peuvent a priori avoir des analyses différentes des nôtres mais qui doivent au final se retrouver avec nous. C'est à nous de faire cette synthèse.

L'ensemble de la direction du PS étant « mouillée » dans l'échec, n'est-il pas légitime, comme le disent Emmanuelli et Mélenchon, de faire « feu sur le quartier général » ?
Il y a des mots qu'il faut réserver à la droite. Et combattre la droite doit être notre priorité. D'habitude, Henri Emmanuelli émet des idées. S'il est dans une logique de destruction ou de revanche, il ne sera pas à la hauteur de ce qu'il représente. J'espère qu'il acceptera la logique d'une majorité de gauche, claire, la moins plurielle possible, autour du premier secrétaire. C'est à lui de savoir s'il veut être dans une majorité de gauche ou s'il opte pour une logique de marginalisation.

Mais Hollande est lui-même accusé d'avoir déjà noué une alliance avec les « sociaux-libéraux » Laurent Fabius et Dominique Strauss-Kahn ?
Il n'y a de salut ni dans le social-libéralisme ni dans le social-gauchisme. Personne ne doit être exclu. Jeter la vindicte sur tel ou tel ne sert à rien. Ce n'est pas ce que les militants attendent.

En revanche, ils réclament la parole, comme l'ont rappelé six patrons de grosses fédérations qui reprochent à ces manœuvres d'appareil de « confisquer le débat »...
Quand des responsables de fédération s'expriment sans trancher la question finale de l'orientation ou de la direction du parti, il faut les entendre. Ils expriment le ras-le-bol des militants par rapport aux anciens courants. Je comprends cette exaspération. Il ne faut tomber ni dans le basisme ni dans le «oui-ouisme» par rapport à la direction.

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