Constitution européenne
Le PS doit, sans hésitation, voter non

Manuel Valls

Entretien avec Manuel Valls, député de l'Essonne, maire d'Évry, paru dans Le Parisien daté du 30 juin 2004.
Propos recueillis par Philippe Martinat
 

Confirmez-vous que vous appellerez à voter non s 'il y a un référendum sur la Constitution européenne ?
Depuis le mois d'octobre, je pense que le PS doit dire non au compromis de Bruxelles adopté par les 25, ce projet sans ambition et d'inspiration libérale.

Le PS, s'il vous suit, ne tournerait-il pas le dos à son héritage européen ?
Je suis profondément européen, par mes racines et mes convictions. C'est justement à cause de cela que je crois urgent de répondre à la crise que traverse l'Europe. Les signes en sont multiples : l'abstention massive des électeurs le 13 juin ; la crise de confiance qui s'aggrave entre les citoyens et les institutions européennes ; l'absence de volonté et d'imagination des chefs d'Etat et de gouvernement ; la persistance de la panne de croissance ; la décision prise de faire l'élargissement avant la réforme des institutions ; la demande très forte d'une Europe sociale. Nous devons donc refuser un projet qui n'offrira aucune réponse à ces problématiques majeures.

Certains vont penser à un « coup » politique...
Notre pays, comme les autres, traverse une crise civique et démocratique profonde. Le rejet des partis de gouvernement, le rejet de ceux qui aujourd'hui gouvernent, l'abstention qui progresse et, bien sûr, le 21 avril 2002 en ont été (ou en sont) des symptômes. Le PS est en train de retrouver sa crédibilité et la confiance des classes populaires à partir d'un message social - message de défense des services publics - et d'une volonté, celle de construire une autre Europe. Alors, si nous allions devant les Français en leur disant : « Le projet de Constitution est meilleur que celui de Nice », nous serions balayés par le peuple.

Que répondez-vous à ceux de vos camarades (DSK, Guigou, Huchon, Moscovici) qui vous pressent de ne pas dire non ?
Je comprends que l'idéal européen inscrit dans l'histoire du PS amène certains de mes amis à dire : « On ne peut pas faire autrement que de dire oui. » Mais j'insiste : si l'Europe continue sur cette lancée, eh bien, dans cinq ans, à l'occasion des prochaines élections européennes, on assistera au triomphe des populismes. Pour éviter cela, il faut donc un grand dessein, une démarche audacieuse et, sans doute, une avant-garde européenne avec un noyau de dix pays à même de conduire des réformes très profondes. Et cela vaut pour l'Europe comme pour notre pays qui, lui aussi, a besoin d'un changement radical des institutions de la Ve République. Dire oui à la Constitution européenne, ce serait, au fond, accepter de ne pas se donner les moyens d'un projet fort pour notre pays.

N'êtes-vous pas en train de nourrir l'euroscepticisme que vous prétendez combattre ?
C'est exactement l'inverse. Contre les populismes et le scepticisme. Il faut réagir, et changer de cap. Car l'Europe à 25, en l'état, ça ne marchera pas. Et puis le traité de Bruxelles « constitutionnalise », passez-moi le mot, les politiques libérales. Ne nous racontons pas d'histoires : à Bruxelles, ce sont les partisans cyniques d'une Europe de la stagnation, du renoncement face au modèle libéral et aux Etats-Unis qui ont gagné. Le choix du président de la Commission, M. Barroso, l'homme qui ne gêne personne et qui a soutenu l'intervention américaine en Irak, illustre parfaitement l'impasse d'institutions déjà en crise. La responsabilité de Jacques Chirac est pleinement engagée.

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