Faire de Dijon
un congrès fondateur

Vincent Peillon
Entretien avec Vincent Peillon, porte-parole du Parti socialiste, publié sur le site Internet du Nouveau Parti socialiste
Propos recueillis par Alexis Bachelay
Novembre 2002
 

Tu as signé un Appel aux militants pour bâtir ensemble un nouveau Parti Socialiste avec Julien Dray, Benoit Hamon, Arnaud Montebourg et Christian Paul. Pourquoi cet appel ?
Après la défaite du 21 avril, il nous semble qu’un cycle politique, commencé en 1971, s’est achevé. Un nouveau cycle politique doit donc s’ouvrir. Cela suppose d’être en capacité de bousculer nos conforts intellectuels et nos pratiques militantes. Or le débat tel qu’il s’est engagé depuis l’été au sein du Parti ne répond pas à cette nécessité avec assez de force et assez d’enthousiasme. C’est pourquoi nous avons décidé de forcer un peu le destin de telle sorte que le 21 avril ne soit pas passé par pertes et profits et que l’ancien n’empêche pas une nouvelle fois le neuf, dont nous avons tellement besoin, d’émerger. C’est le sens de notre appel et de notre démarche collective.

Pour beaucoup, l’appel pour un nouveau PS, c’est l’acte de naissance d’un nouveau courant au sein du Parti socialiste.
Ce qui caractérise le PS depuis Rennes, c’est l’existence de courants qui se reconduisent de Congrès en Congrès, dans des alliances diverses et variées, sans soumettre leurs orientations au vote des militants. C’est un déni de notre démocratie qui entraîne à la fois une crise de confiance envers les dirigeants et un manque de clarification sur notre projet. Cela paralyse même le débat entre nous. C’est le signe d’un épuisement dont nous payons collectivement chèrement le prix. Dans ce contexte, ce que nous avons décidé, ce n’est pas de créer un courant au sens classique et dévoyé du terme, c’est-à-dire un rassemblement d’intérêts fédérés par la seule volonté de préserver des positions de pouvoir sans affronter la démocratie militante : c’est une motion, c’est-à-dire un ensemble de propositions construites collectivement et offertes dans la clarté au choix souverain des militants. Un outil pour faire bouger les choses et reconquérir l’espérance. Notre vocation étant d’être majoritaires, si nous réussissons nous n’aurons pas besoin de nous survivre à nous-mêmes sous forme de courant. Faisons ce pari là.

Une majorité de militants redoutent que le congrès de Dijon soit l’occasion d’une nouvelle guerre des chefs. Peut-on rénover les orientations politiques et le fonctionnement du Parti socialiste sans mettre en cause les personnes ?
Il me semble que nous l’avons montré le 26 à la Sorbonne. C’est la première fois depuis longtemps que des socialistes se réunissent entre eux et que la journée n’est pas dominée par des anathèmes, des petites phrases ou des arrières-pensées tactiques. Je crois même que la seule façon de rénover et les orientations et le fonctionnement est précisément de rompre dans les actes avec ces pratiques mesquines et désespérantes. Comme le dit Gérard Filoche, le seul quartier général sur lequel nous voulons faire feu, c’est celui de Raffarin et de Sarkozy. Pour le reste, chacun pourra observer ce triste paradoxe que les pires querelles de chefs, celles qui occupent les médias et nous affaiblissent collectivement, sont celles qui se déroulent entre chefs qui s’apprêtent à signer les mêmes textes. Le nouveau parti socialiste que nous souhaitons construire avec tous n’a que faire des querelles de chefs et récuse totalement toute conception clanique et patrimoniale de l’engagement militant.

Aujourd’hui, au sein du Parti socialiste, tout le monde se dit prêt à une rénovation de la doctrine et du fonctionnement. Comment s’y retrouver ? Y a t-il des vrais et des faux rénovateurs ?
Commençons d’abord par nous en réjouir. Puis jugeons aux actes. Il va y avoir matière dans les temps qui viennent. C’est vrai qu’après chaque défaite, tout le monde reprend la petite musique de la rénovation : mais cette fois-ci il va falloir joindre les paroles à la musique. Par ailleurs chaque militante et chaque militant est assez mature pour juger pour ce qu’elles valent certaines conversions subites. C’est tellement facile, lorsqu’on n’est plus aux responsabilités, de se refaire une virginité à gauche pour bien négocier un Congrès dont certains considèrent déjà qu’il n’est qu’un congrès d’attente avant le prochain, dans trois ans, qui tranchera des vraies questions, à commencer par celle de notre candidat ou de notre candidate à l’élection suprême ! Pour ce qui nous concerne, nous récusons totalement cette lecture et c’est pourquoi nous allons nous employer à faire de Dijon un congrès fondateur où chacun devra prendre ses responsabilités et assumer ses choix. Dijon ne sera ni un Congrès d’attente ni un Congrès d’esquive.

Julien Dray a exprimé le 26 octobre votre volonté commune de « brasser la cage ». Explique-nous comment les adhérents du PS peuvent s’impliquer dans cette dynamique pour un nouveau PS ?
Cette dynamique, à commencer par la journée du 26 Octobre, n’appartient qu’aux militants. D’ici Janvier, à travers des rencontres thématiques et les forums ouverts sur Internet, nous allons construire ensemble nos propositions. Cette démarche est ouverte à tous. Nous fonctionnons, à égalité de droits et de devoirs, sur le modèle d’une coopérative. Chacun amène sa force de travail, c’est-à-dire ses expériences, sa sincérité et ses convictions, nous mutualisons et nous tranchons ensemble. C’est aussi simple que cela, tellement simple d’ailleurs que cela a paru très neuf. Il faut continuer ainsi. Dans un Congrès, la voix de chaque militant vaut autant que celle de chaque dirigeant. Il appartient donc à chacun de prendre ses responsabilités.

Une conclusion ?
Nous sommes au début d’un processus. Je crois que nous avons réussi à faire lever pour beaucoup un espoir. Il nous appartient, collectivement, de ne pas le décevoir, mais au contraire de le faire grandir et accomplir ses promesses. Que ce soit en termes de projet ou de vie militante, les propositions à construire ne manquent pas. L’imagination, le courage, la volonté doivent être au rendez-vous. Si j’en juge par nos premiers pas, il y a dans le Parti des réserves puissantes d’énergie, d’intelligence et de générosité. De fraternité aussi. Alors au boulot !

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