Je demande à Laurent
de dire oui

Dominique Strauss-Kahn
Entretien avec Dominique Strauss-Kahn, député du Val-d'Oise, paru dans le quotidien Libération daté du 6 juillet 2004
Propos recueillis par Didier Hassoux


 

Les socialistes réclament les uns après les autres que Jacques Chirac s'exprime sur la Constitution européenne. Vous tenez donc tant que cela à ce qu'il reprenne la main ?
Lors de la campagne des élections européennes, il était de sa responsabilité de dire à la France quel était l'enjeu. A l'occasion du sommet européen de Bruxelles, le 18 juin, il était de son devoir de dire pourquoi il n'avait rien obtenu. C'est une première dans l'histoire de la France et des sommets. Et pourquoi a-t-il laissé les Belges se battre seuls pour l'intégration de la notion de service public dans le Traité ? Il nous dit que le « moment était historique ». Si cela l'était ­ je ne le crois pas ­ pourquoi n'en a-t-il pas informé les Français, et pourquoi ne leur a-t-il pas dit ce qu'il comptait faire du Traité ?

Laurent Fabius fait part publiquement de ses réticences au oui. Certains espèrent qu'il prenne la tête d'un « non de gauche ». Que lui demandez-vous ?
Depuis plusieurs mois, je plaide pour une Europe politique. C'est la prochaine étape, le futur grand chantier, celui pour lequel j'ai remis il y a quelques semaines un rapport à Romano Prodi. Le Traité constitutionnel n'est pas à la hauteur de cette ambition. Tout reste à accomplir en la matière. J'ai apprécié le tout récent pas salutaire et courageux de François Hollande vers le oui. Ainsi que celui de Bertrand Delanoë, Martine Aubry, Michel Rocard, Jacques Delors, Jean-Paul Huchon, Gérard Collomb ou Jack Lang. Personnellement, j'ai toujours plaidé pour l'unité de la majorité du PS, afin d'éviter notamment de tomber dans le piège de la controverse interne artificielle. Voilà pourquoi je crois souhaitable que Laurent rejoigne le camp du oui. Ses préventions légitimes ne peuvent pas résister aux conséquences historiques d'un non socialiste. Nous portons ensemble l'exigence d'une future Europe sociale et politique. Je lui demande donc très amicalement de reconsidérer sa position sur le Traité constitutionnel. Sans verser dans le grandiloquent, je souhaite que le sens de l'histoire finisse par l'emporter.

Fabius est présidentiable, vous aussi. Le clivage entre vous dépasse-t-il le caractère tactique ?
Vous avez remarqué que je ne me suis pas précipité après le sommet européen. Je ne souhaitais pas que le débat dans la majorité du PS tourne autour de ma position ou de celle de Laurent Fabius. Ceci me fut facile car j'avais déjà pris position depuis plusieurs mois. Ceci fut profitable car la plupart des dirigeants du PS ont pu se prononcer pour le oui sans contrainte. Le débat ne doit pas être tactique mais stratégique entre le oui et le non.

Vous avez tenté de débaucher Jean-Marc Ayrault, Martine Aubry et d'autres pour, qu'avec vous, ils signent un texte en faveur du oui. Seul Bertrand Delanoë vous a rejoint. Pourquoi ?
Vos informations ne sont pas tout à fait justes. Nous avons décidé une démarche collective, qui finalement a été bousculée pour des raisons de calendrier. Pour moi l'essentiel est qu'ils se soient prononcés pour le oui.

Le non semble faire un tabac chez les militants socialistes. Comment les convaincre ?
Les seules batailles que l'on ne gagne pas sont celles que l'on ne mène pas. Les militants partisans d'une Europe forte qui considèrent que ce texte ne va pas assez loin, je les comprends. Ceux qui, au contraire, ne croient pas en l'Europe, je les combats. Je demande à tous de réfléchir à deux arguments. Le premier : on ne peut condamner un pas en avant sous prétexte qu'on n'a pas obtenu la totalité de son choix. Le second : si, comme tout le monde le dit, ce Traité est meilleur que celui de Nice, pourquoi avoir approuvé ensemble le premier et se diviser maintenant sur celui qui l'améliore ?

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